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Chapitre II : Métabolisme énergétique, prise alimentaire et obésité

1. Régulation centrale de la prise alimentaire

1.1. L’hypothalamus

L’hypothalamus, situé juste en dessous du thalamus, est entre autres le centre régulateur de l’appétit et de l’homéostasie énergétique, comme l’ont montré les travaux de Hetherington et Ranson dès 1942, complétés par ceux d’Anand et Brobeck en 1951. Provoquant des lésions de l’hypothalamus ventromédian, ces auteurs ont constaté que ces dernières induisaient une hyperphagie et une obésité. A

contrario, des lésions de l’hypothalamus latéral se caractérisaient par une anorexie et une perte de

poids. Cette représentation dichotomique a évolué, et différents noyaux aux rôles spécifiques ont été identifiés au sein de l’hypothalamus : le noyau arqué (ARC), le noyau paraventriculaire (PVN), l’aire hypothalamique latérale (LHA), le noyau ventromédial (VMN), et le noyau dorsomédial (DMN). L’ARC est adjacent à l’éminence médiane dont la barrière hémato-encéphalique est incomplète, et

permet aux hormones et aux nutriments d’atteindre la structure facilement. Par ailleurs, l’ARC entoure le 3ème ventricule cérébral, et les hormones et nutriments présents dans le liquide céphalo-rachidien diffusent à travers l’épendyme du ventricule vers les compartiments extracellulaires de l’ARC (Peruzzo et al., 2000).

A cause de ces spécificités anatomiques, l’ARC est considéré comme une sentinelle métabolique, étant la première zone hypothalamique et cérébrale à détecter des signaux périphériques. Ce noyau contient deux populations neuronales distinctes, aux effets antagonistes : des neurones exprimant des neuropeptides orexigènes, parmi lesquels le neuropeptide Y (NPY) ou encore l’agouti- related peptide (AgRP), co-exprimés dans ces neurones avec le GABA, et fortement inhibés par la leptine ou l’insuline (Chee and Colmers, 2008) ; et des neurones exprimant des neuropeptides anorexigènes, dont la propiomélanocortine (POMC) et le Cocaine-and-Amphetamine-Regulated- Transcript (CART)(Yu and Kim, 2012). Ces deux populations de neurones sont de premier ordre et réagissent directement aux signaux périphériques du métabolisme énergétique, signaux que je détaillerai plus loin. POMC est également le précurseur de l’α-melanocyte-stimulating hormone (α- MSH), un neuropeptide anorexigène puissant appartenant à la famille des mélanocortines agissant sur les récepteurs des mélanocortines 3 et 4 (MC3R et MC4R) présents sur des neurones de second ordre du PVN, du VMN et de la LHA. Ce faisant, l’α-MSH réduit la prise alimentaire et augmente la dépense énergétique. Chez la souris, la délétion de MC4R induit une hyperphagie, une dépense énergétique réduite et un phénotype obèse (Huszar et al., 1997). Il est à noter que chez l’Homme, les mutations de MC4R sont impliquées dans 6% des cas d’obésité précoce sévère, ce qui représente la forme d’obésité monogénique la plus commune et confirme le rôle important du système de la mélanocortine centrale dans l’homéostasie énergétique (Tao, 2005). L’AgRP est un antagoniste de l’ α-MSH et se fixe sur les récepteurs MC3R et MC4R (Ollmann et al., 1998). De plus, les neurones NPY/AGRP inhibent les neurones POMC/CART en libérant du NPY et du GABA au niveau de leurs corps cellulaires (Cowley et al., 2001), et l’inactivation des neurones NPY/AgRP chez des jeunes souris induit une baisse significative de la masse corporelle ainsi que de la prise alimentaire (Bewick et al., 2005), suggérant que ces neurones ont une action antagoniste à celle des neurones POMC/CART et ont une influence cruciale sur la stimulation de la prise alimentaire et la prévention de la perte de poids.

Enfin, l’ARC, grâce à un transfert d’information vers le noyau paraventriculaire, joue un rôle de première importance dans le passage de la détection à la réponse motrice de la prise alimentaire.

Les neurones du PVN sécrètent des neuropeptides à l’action catabolique, ce qui inclut la Corticotrophin releasing hormone (CRH), la thyrotropin-releasing hormone (TRH), la somatostatine, la vasopressine et l’oxytocine. Le PVN agit ainsi sur le foie et les tissus adipeux en augmentant

l’oxydation des acides gras et la lipolyse (Foster et al., 2010) et participe au contrôle de la balance énergétique et à la thermogenèse, notamment par le contrôle de la fonction thyroïdienne qui module à la fois la dépense énergétique et la prise alimentaire (Simpson et al., 2009). C’est une voie de sortie de l’hypothalamus. Il constitue un centre d’interaction avec le tronc cérébral et le système nerveux autonome, plus particulièrement le NTS. Il possède également des liaisons intra-hypothalamiques car il communique étroitement avec l’ARC (Zac-Varghese et al., 2010). La destruction ou encore l’haplo- insuffisance de Sim1 (un facteur de transcription critique pour le développement du PVN) causent une hyperphagie et un phénotype obèse, impliquant qu’il joue également un rôle dans l’inhibition de la prise alimentaire et le gain de poids.

Le VMN est un noyau exprimant notamment le Brain-derived Neurotrophic Factor (BDNF), un neuropeptide anorexigène, et reçoit des projections POMC et NPY/AgRP de l’ARC, et projette sur l’ARC, le DMN et la LHA, ainsi que sur des régions du tronc cérébral. Il contient des neurones senseurs du glucose et de la leptine, et est considéré comme un centre effecteur de la satiété et du maintien de l’homéostasie du glucose (Gonzàlez et al., 2009). Sa destruction induit hyperphagie, hyperglycémie et obésité.

Le rôle du DMN est assez peu documenté (Yu & Kim 2012; Simpson et al., 2009), Il reçoit de très nombreuses projections POMC et NPY de l’ARC et sa destruction induit une hyperphagie et l’obésité.

La LHA a un rôle opposé à celui du PVN, VMN et DMN : sa destruction induit une hypophagie et une perte de poids, et il est de ce fait considéré comme un centre inducteur de l’appétit. Cette structure est composée de neurones exprimant deux neuropeptides orexigènes, la MCH (Melanin Concentrating Hormone) et les orexines. La LHA reçoit les projections NPY/AgRP et α-MSH de l’ARC (Simpson et al., 2009). Les neurones de la LHA produisant des orexines et du MCH sont sensibles au glucose : la libération des orexines est inhibée par le glucose (Burdakov et al., 2006) qui inhibe l’activité des cellules de l’hypothalamus latéral produisant ainsi une diminution de la prise alimentaire (Fehm et al., 2006).

L’injection centrale de MCH (Chung et al., 2011; Kishi & Elmquist, 2005; Simpson et al., 2009) et d’orexine (Date et al., 1999; Kishi and Elmquist, 2005; Simpson et al., 2009) augmentent la prise alimentaire. La MCH possède des récepteurs MCHR1 et 2, seulement le premier est exprimé chez le rat (Simpson et al., 2009). Les récepteurs MCHR1 sont exprimés dans le cortex, l’amygdale, l’hippocampe et le noyau accumbens (Chung et al., 2011). L’administration d’antagonistes des MCHR1 chez la souris diminuent fortement la prise alimentaire (Chung et al., 2011) et les taux de MCH augmente notamment avec la baisse des taux circulants de leptine.

Il existe deux types d’orexine, A et B (appelées également hypocrétines) qui activent leur récepteur OX1R et OX2R distribués largement dans le système nerveux central notamment dans le cortex et l’amygdale (Kishi & Elmquist, 2005) mais également dans le BO (Hardy et al., 2005 ; Prud’Homme et al., 2009).

Figure 1.9 Interactions entre les noyaux et les systèmes neuropeptidergiques dans l’hypothalamus. A.

coupe histologique de l’hypothalamus. PVN : noyau paraventriculaire, VMH : hypothalamus ventromédian, ARC : noyau arqué, ME : éminence médiane, 3V : 3ème ventricule. B. Représentation schématique des noyaux hypothalamiques exprimant des récepteurs aux signaux périphériques (leptine, insuline, ghréline) et des neuropeptides qu’ils expriment. L’ARC est constitué de deux populations de neurones (NPY/AgRP et POMC/CART). Il projette sur le PVN dont les neurones synthétisent la TRH et la CRH, sur le LHA dont les neurones synthétisent de la MCH et des orexines et sur le VMN dont les neurones synthétisent du BDNF. C. Schéma d’action de la leptine sur les différentes populations neuronales hypothalamiques de premier ordre (NPY vs POMC) du noyau arqué et les conséquences sur les neurones de deuxième ordre dans le PVN et le LHA A. Figure adaptée de (Majdič, 2009). B. Adaptée de (Suzuki et al., 2010). C. Adaptée de Schwartz et al., 2000. Toutes les abréviations des neuropeptides sont explicitées dans le texte précédant cette figure.