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Chapitre II : Métabolisme énergétique, prise alimentaire et obésité

2. Signaux périphériques de régulation de la prise alimentaire

2.4. Signalisation par les molécules anorexigènes

Les systèmes de ‘coupe-faim’ cérébraux sont nombreux, redondants et puissants comme s’il existait un danger réel à surconsommer de la nourriture et que le SNC était pourvu de plusieurs signaux ‘stop’.

2.4.1. La leptine

Le souris ob/ob ont été découvertes en 1949 dans une colonie d’animaux consanguins dans le laboratoire Roscoe B. Jackson Memorial, et a été transféré à la souche de souris C57BL6. Les souris Ob/ob, que je décrirai plus en détail dans la deuxième grande partie de ce chapitre, sont obèses, hyperphagiques, et, avec le temps, deviennent hyperinsulinémiques et hyperglycémiques. Des

expériences de parabioses des années 1970, qui consiste à greffer 2 organismes l’un sur l’autre et à étudier l’influence réciproque de cette greffe, ont montré en utilisant des combinaisons de souris normales et ob/ob que ces dernières étaient incapables de produire un facteur circulant responsable de la satiété, mais qu’elles étaient très sensibles à ce même facteur produit par des souris normales. Il aura fallu attendre deux décennies supplémentaires pour qu’une étude de clonage révèle que le gène ob encode une hormone, la leptine, exprimée et sécrétée par le tissu adipeux (Zhang et al., 1994). L’année suivante, les injections de leptine recombinante ont démontré que le produit du gène ob permettait de réduire efficacement la masse corporelle. Simultanément, le produit du gène db, codant pour le récepteur de la leptine a été caractérisé et localisé au niveau cérébral. La découverte de la leptine a ainsi ouvert la voie a tout un champ d’étude sur la prise alimentaire, sur la régulation du métabolisme énergétique, et sur l’obésité (Lindström, 2007).

La leptine est une protéine de 16 kDa codée par le gène ob (Zhang et al., 1994) et synthétisée principalement par l’adipocyte. La quantité de tissu adipeux présent dans un organisme est un déterminant essentiel de la quantité de leptine produite (Ahima & Osei, 2004 ; Banks, 2004). D’autres lieux de synthèse existent dans l’organisme, l’épithélium gastrique et intestinal, le muscle squelettique strié et le placenta (Ahima & Osei., 2004) mais aussi, et de façon très intéressante, la MO (Baly et al., 2007). Ce peptide anorexigène peut franchir la barrière hémoencéphalique et agir sur les structures centrales (Ahima & Osei, 2004; Banks, 2004; Schwartz et al., 2000) qui expriment deux isoformes majeures du récepteur à la leptine : i) la forme courte ObRa est dépourvue d’une partie de la région intracytoplasmique et induit l’activation partielle des voies de signalisation. Elle semble également impliquée dans le transport de la leptine à travers la barrière hémoencéphalique. ii) la forme longue et active, notée ObRb. La liaison ObRb-leptine active principalement la voie des JAK/STAT. D’autres voies peuvent être aussi activées ou régulées par la leptine, par exemple la voie de signalisation de l’insuline IRS-1 (Insuline Receptor substrate 1), la voie des MAP kinases, AMP-kinase et IP3-kinase (Ahima and Osei, 2004). Ces voies mènent à des modifications de transcription génique, responsables notamment de la baisse de l’expression du NPY dans l’hypothalamus (Zac-Varghese, 2011). Différentes études montrent que certaines actions de la leptine, comme la modulation de l’excitabilité des neurones, sont trop rapides pour être attribuées à des activations de gènes (Ahima and Osei, 2004). Dans l’hypothalamus, la leptine hyperpolarise les neurones de l’aire hypothalamique latérale (Shiraishi et al., 1999) en activant des canaux potassiques KATP ATP-dépendants (Spanswick et al., 1997). Cette activation des canaux KATP a été révélée aussi dans d’autres types cellulaires en culture, comme la lignée de cellules CRI-G1 sécrétrices d’insuline (Harvey et al., 2000; Harvey et al., 1997). La leptine est aussi capable de dépolariser les neurones du noyau hypothalamique ventromédian (Shiraishi et al., 1999) ainsi que les cellules du noyau paraventriculaire (Powis et al., 1998) et induire ainsi une action anorexigène puissante. Elle est également impliquée dans des fonctions somatotropes

en lien avec l’axe hypophysaire et participe ainsi à la mise en place de divers tissus (hématopoïèse, angiogenèse…) pendant le développement (revue de (Harrold, 2004)). En particulier, la leptine est liée aux mécanismes de la puberté. Cette hormone exerce de plus une action neurotrope incluant la modulation du guidage axonal ou de la plasticité synaptique. Je reviendrai sur les modèles d’obésité dépendant de la leptine et sur la régulation leptinergique des fonctions olfactives dans la 2ème partie de ce chapitre.

2.4.2 L’insuline

C’est un peptide dont l’implication dans la prise alimentaire est connue depuis les années 1950 (Le Magnen, 1956, 1999a, 1999b, 2001; Le Magnen & Julien, 1999a, 1999b). Depuis, un nombre impressionnant de résultats, d’implications dans différents systèmes centraux et périphériques ont été publiés (pour revue Gerozissis, 2008). L’insuline est secrétée par les cellules bêta des îlots de Langerhans pancréatiques et est impliquée notamment dans la régulation métabolique périphérique et la régulation de la prise alimentaire ; de manière très intéressante, elle est également exprimée au niveau de la MO (Lacroix et al., 2008). Elle est en premier lieu synthétisée sous une forme immature, en tant que prépro-insuline, puis transformée en pro–insuline suite à la formation de ponts disulfures pour finalement circuler sous sa forme finale après un clivage par protéases. Bien que le glucose soit le principal facteur responsable de la sécrétion d’insuline (Le Magnen & Julien, 1999a; Suzuki et al., 2010), les acides gras, les corps cétoniques et les acides aminés peuvent également stimuler sa sécrétion de façon directe ou indirecte, en modifiant les quantités circulantes d’hormones, de peptides régulateurs ou encore de neurotransmetteurs (Gerozissis, 2008). Des réactions complexes mais fonctionnelles dès les premiers instants de la vie permettent de dépolariser les cellules bêta en présence d’un fort taux d’ATP lié à un fort taux de glucose via des canaux potassiques sensibles à l’ATP : cette dépolarisation cause la libération de l’insuline dans le sang (Szollosi et al., 2007 pour revue Drews et al., 2010). Elle traverse la barrière hématoencéphalique de manière saturable (Suzuki et al., 2010) suggérant qu’elle le fait par la voie de transporteurs. Ce peptide a deux types de récepteurs aux affinités différentes, IR.A dans le système nerveux et IR.B dans les organes périphériques (Whittaker et al., 2002), ces 2 formes étant étonnamment exprimées dans le système olfactif (Lacroix et al., 2008). L’insuline ainsi libérée agit, en périphérie, principalement sur le foie et les muscles et favorise le stockage du glucose sous forme de glycogène dans le muscle, le foie et le tissu adipeux en stimulant la lipogenèse. Ses taux varient principalement en fonction des repas, ce qui lui conférerait à la fois une action oréxigène puis anorexigène : elle est libérée de façon faible mais continue dans l’organisme avec un pic préprandial d’une dizaine de minutes juste avant les repas (Powley & Berthoud, 1985 ; Le Magnen, 2001) qui servirait de signal orexigène. ainsi l’administration

d’insuline chez des rats à jeun augmente leur sensation de faim et leur consommation alimentaire (Le Magnen & Julien,1999a ; Powley & Berthoud, 1985). Après les repas, on observe la présence d’un pic plus long (environ une heure) qui correspond à un effet anorexigène de l’insuline semblable à l’action de la leptine (Woods and D’Alessio, 2008). Il a été montré que l’insuline abaisse la réponse des neurones olfactifs à un signal odorant (Lacroix et al., 2008 ; Savigner et al., 2009) mais je reviendrai sur ces effets plus longuement dans le chapitre III de cette introduction.

2.4.3. La cholécystokinine

La CCK est l’exemple prototypique des hormones de satiété sécrétées par le tractus gastro- intestinal. Elle est sécrétée lorsque de la nourriture riche en lipides et en protéines atteint le duodénum et le jejunum (Lin and Chey, 2003). Elle est alors libérée dans le sang et influence la motilité du tractus gastro- intestinal, la sécrétion d’enzymes de digestion et la sécrétion d’acide gastrique. La CCK diffuse localement pour stimuler les récepteurs CCKA et CCKB situés sur les terminaisons vagales qui innervent le tronc cérébral. Elle peut également traverser la barrière hématoencéphalique pour agir au niveau de récepteurs centraux localisés dans le tronc cérébral et l’hypothalamus et induire une diminution de la prise alimentaire (Woods and D’Alessio, 2008). Le taux de cholecystokinine augmente à la fin des repas et reste élevé pendant plusieurs heures. L’administration d’un antagoniste des récepteurs CCKA conduit à une durée d’ingestion plus longue et une prise de calories plus importante. La CCK est donc un facteur de satiété : son administration exogène contribue à diminuer la taille d’un repas une fois qu’il a été initié (Gutzwiller et al., 2004).