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Chapitre III : Interactions olfacto-alimentaires et problématique de la thèse

Partie 2 : Méthodes expérimentales

7. Electrophysiologie chez la souris éveillée

7.1. Implantation des électrodes d’enregistrement à demeure

Afin d’étudier la plasticité de la représentation temporelle chez les souris obèses, nous avons décidé d’utiliser le protocole comportemental de discrimination olfactive régulièrement utilisé au laboratoire et ayant fait l’objet de nombreuses publications. L’étude et l’enregistrement de l’activité neuronale nécessite l’implantation chronique d’électrodes d’enregistrement du LFP dans le BO. Une des étapes cruciales au bon déroulement de cette expérience est l’utilisation d’un anesthésique adéquat. Romain Chery, ayant réalisé sa thèse au laboratoire IMNC avant moi, a conduit de nombreux essais pharmacologiques afin de déterminer le mélange le plus adapté au maintien de l’anesthésie et au réveil des animaux (Chery et al., 2014). Le mélange suivant, que j’ai utilisé au début de mes expériences, lui a permis d’obtenir de très bons résultats : Injection intraperitonéale (i.p) d’un volume de 0.1 mL / 10g d’une solution de kétamine (75mg/kg) et de médétomidine (0,425 mg/kg). La solution mère a été préparée à partir de 1.5mL de kétamine (Imalgène 500 ®, Merial, France) et de 0.54mL de médétomidine (Domitor®, Pfizer, France) ajustée à un volume total de 10 mL avec du sérum physiologique NaCl 0.9 %, conservé à +4°C. A la fin de l’implantation, une injection i.p d’atipémazole (Antisedan®, Janssen, France), un antagoniste des récepteurs adrénergiques, permettait de réveiller aisément les animaux, même après une anesthésie de plusieurs heures. Si ce mélange était parfaitement adapté aux animaux témoins, chez lesquels je n’ai obtenu aucune perte, il a malheureusement induit un très fort taux de mortalité chez les animaux obèses.

J’ai donc adapté mon dispositif expérimental pour maintenir les animaux anesthésiés pendant toute la durée de la chirurgie en utilisant un anesthésique gazeux, l’isoflurane. Je reviendrais par la suite sur les raisons de ce choix. Le cadre stéréotaxique s’est vu adjoindre un masque sur mesure permettant de maintenir le museau de l’animal tout en diffusant le gaz anesthésique directement dans ses narines. Un compresseur de dioxygène branché sur un vaporisateur d’isoflurane permettait de diffuser un flux constant d’anesthésique dans le tuyau d’arrivée du masque, et un tuyau de sortie était relié à un dispositif permettant de capter les vapeurs d’isoflurane excédentaires. Les dosages utilisés lors de mes chirurgies correspondaient à ceux recommandés par la littérature (Gargiulo et al., 2012) et étaient les suivants : 4.5% d’isoflurane pour un débit d’O2 de 1L/min pendant l’induction de la

sédation et 2.5% d’isoflurane pour un débit d’O2 de 1L/min pendant le maintien de la sédation. La profondeur de l’anesthésie a été mesurée en testant les réflexes de l’animal, notamment le pincement de la patte, le réflexe pupillaire et la stimulation des vibrisses. Au début de l’expérience, l’animal est placé sur une couverture chauffante thermostatée, et sa température est maintenue à 37°C pendant tout la durée de la chirurgie grâce à un thermomètre rectal. A la fin de l’expérience, l’animal est retiré du cadre stéréotaxique mais son museau reste maintenu dans le masque à oxygène : la quantité d’isoflurane est diminuée progressivement mais le flux d’O2 délivré reste constant pour éviter tout risque d’hypoventilation. Le réveil intervient après quelques minutes et l’animal est replacé dans sa cage avec un peu de nourriture et d’eau, dans une pièce chauffée à 28 °C.

La mise en place de cette technique a permis d’augmenter de façon très significative la survie des animaux obèses, tout en étant également très bien tolérée par les témoins.

L’électrode (diamètre 125 µm, acier inoxydable, Plastic One) a été positionnée dans le BO avec les coordonnées stéréotaxiques suivants : 4.5 mm antérieur au Bregma, 1 mm en latéral. L’électrode est ensuite descendue au niveau de la couche granulaire (environ 0.8 à 1.1 mm de profondeur) en utilisant en temps réel les caractéristiques électrophysiologiques du signal, comme une puissante activité de la bande gamma (60-130 Hz) ainsi qu’une modulation respiratoire prononcée. L’électrode de référence était reliée à une vis crânienne localisée au-dessus de la portion postérieure de l’hémisphère cérébral contralatéral au site d’implantation. Le connecteur de l’électrode implantée a été fixé sur la tête de la souris à l’aide de ciment dentaire. Une période de deux semaines été laissée aux animaux pour récupérer de l’intervention chirurgicale avant de débuter les protocoles de comportement.

7.2. Dispositif d’électrophysiologie

Durant tous nos enregistrements, les souris étaient connectées au dispositif d’enregistrement via une attache branchée sur le connecteur implanté. L’activité monopolaire a été acquise via un script personnalisé DasyLab (IOTECH, U.S.A) pilotant un amplificateur XCellAmp 64 (Dipsi, France) couplé à un système USB DaqBoard 3000 (IOTECH, U.S.A). Le signal a été échantillonné a 2000 Hz, amplifié (x2500) et des filtres numériques (0.1-300 Hz) ont été appliqués. Les odeurs ont été délivrées via un olfactomètre automatisé (système Valvebank II, AutoMate Scientific, U.S.A). La stimulation olfactive est effectuée en plaçant un rectangle de papier-filtre imbibé de 50µl de solution odorante dans des tubes en verre. Le dispositif est relié à un compresseur qui produit le flux d’air et dont la pression de sortie est réglée par un manomètre à 1 psi (6894 Pa ou 70.3 g/cm2). Les expériences ont pris place dans une cage de Faraday.

7.3. Analyse des signaux LFP

Le caractère transitoire de ces signaux, de par la rapidité des changements de fréquence et de puissance des oscillations, requiert une analyse adaptée. Le calcul d’une moyenne de ces valeurs sur une durée importante (plusieurs secondes) ne permet pas de suivre ces transitions et n’offre qu’une vision édulcorée du signal brut. Notre méthode de traitement du signal, basée sur une décomposition des oscillations du LFP en temps et en fréquence par une analyse en ondelettes, nous a permis de suivre de manière précise les variations transitoires du signal (Roux et al., 2007). Grâce à cette analyse nous avons obtenu sans a priori (pas de filtrage spécifique dans une bande de fréquence donnée) la fréquence et la puissance instantanée pour chaque oscillation significative. Ce type de traitement nous permet de suivre de manière fine les activités et leur éventuel changement de bande de fréquence dans les différentes conditions.

Les signaux bruts enregistrés sont stockées dans une base de données MySql et visualisés et traités grâce au logiciel OpenElectrophy (http://neuralensemble.org/trac/OpenElectrophy) développé par Samuel Garcia au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CNRS-UMR-5292, INSERM U1028) (Garcia and Fourcaud-Trocmé, 2009). Ils sont dans un premier temps triés visuellement, tout signal comportant un artéfact est éliminé.

Nous avons concentré notre analyse sur les réponses oscillatoires obtenues en présence d’odeur. Le potentiel de champ local tel que nous l’enregistrons dans le BO est un signal complexe composé d’oscillations à différentes fréquences et qui apparaissent de façon transitoire. L’analyse temps-fréquence avec les ondelettes de Morlet (Tallon-Baudry and Bertrand, 1999) est particulièrement adaptée et a été validée pour le LFP dans le BO (Ravel et al., 2003). Elle permet de dissocier de façon précise les composantes fréquentielles et temporelles. Afin de déterminer les bandes de fréquence d’intérêt, nous avons utilisé des représentations temps-fréquence du signal (voir partie 4.9.3) qui permettent de visualiser les caractéristiques des oscillations sans a priori. En utilisant OpenElectrophy et Python, nous avons représenté les cartes temps-fréquence pour chaque essai et les cartes temps-fréquence moyenne par séquence (avec une fréquence f/rf = 1,5, une résolution temporelle de 3 ms (300 Hz) et une résolution de fréquence de 1 Hz). Ces cartes permettent de visualiser au cours du temps la puissance des oscillations sur tout le spectre de fréquence d’intérêt.

Afin de pouvoir comparer les réponses aux odeurs et leur variation dans nos différents protocoles, nous calculons grâce à un script écrit sous Python la puissance moyenne des oscillations (moyenne ± 2 SEM) dans des pavés temps-fréquences parfaitement définis. Après visualisation des données, nous avons choisi pour l’analyse les bandes de fréquences suivantes : 15-40 Hz (bêta) et 60- 100 Hz (gamma). Nous avons donc comparé les deux bandes différentes avant et pendant odeur chez chaque animal. Nous calculons la puissance de chacune de ces bandes pendant la seconde que dure la stimulation odorante et nous comparons ces résultats à la puissance des oscillations pendant une durée de une seconde allant de la seconde -2 à la seconde -1 avant la stimulation.