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Chapitre III : Interactions olfacto-alimentaires et problématique de la thèse

Partie 2 : Méthodes expérimentales

3. Odeur alimentaire et odeur neutre utilisées pour le MEMRI

3.1. Fabrication de l’odeur alimentaire et choix de l’odeur neutre

Pour les expériences d’imagerie MEMRI, le choix des odeurs utilisées ne pouvait être basé uniquement sur des critères chimiques. En premier lieu, les animaux devaient apprendre à associer l’une des odeurs présentée à un aliment pour pouvoir ensuite comparer celle-ci à une odeur à valence neutre (qui n’a jamais été rencontrée au préalable par les animaux). Ensuite, cette odeur devait induire un signal fonctionnel enregistrable dans le BO. Ce n’était malheureusement pas le cas du régime A04 délivré habituellement aux souris, comme a pu le constater notre équipe et avant nous celle de Nadine Ravel à Lyon (Chabaud et al., 2000). Lors de la thèse de Mounir Bendahmane au laboratoire sur la plasticité olfactive chez des rongeurs à jeun, il avait été montré une association efficace et durable entre une odeur d’arôme d’amande (Vahiné, solution commerciale pour la cuisine) et une pâte à base de farine et très légèrement sucrée. Nous avons pu répliquer la création de cette odeur alimentaire avec succès chez nos souris en fabriquant la pâte suivante : 100g de farine, 5.3g de sucre, 100 ml d’eau, 1 ml d’arôme d’amande, et chauffée au four à micro-ondes pendant quelques secondes. Les animaux ont reçu une boulette de 0.5g de cette préparation un jour sur deux pendant plusieurs semaines, suite à quoi ils ont développé une nette attirance pour ces nourriture, qu’ils ont consommé avidement même en étant nourris ad libitum avec la nourriture Safe standard.

L’odeur à valence neutre que nous avons utilisée est le pentylacétate. Bien qu’étant aversive à forte concentration, elle fait partie d’une famille de molécules odorantes classiquement utilisée dans les études olfactives chez le rongeur, notamment d’IRM fonctionnelle de type Blood Oxygen Level dependent dans le BO de rat (Yang et al., 1998, Martin et al. 2007) ou précédemment utilisée dans le cadre d’une étude par MEMRI du BO par notre équipe (Gobbo et al., 2012). Cette odeur est connue pour induire une activité globale dans toutes les régions du BO.

3.2. Tests comportementaux d’exploration olfactive spontanées (non opérants)

Tous les tests ont lieu le matin entre 9h et midi. Les souris sont identifiées par un marquage à l’oreille et passent dans un ordre aléatoire, c’est-à-dire que ce ne sont pas les mêmes souris qui ont fait le test à 9h à chaque fois. Ils ont été effectués par Laurène Abjan (stagiaire M1 encadrée par H. Gurden) et Hirac Gurden.

Exploration de la pâte odorisée versus la pâte non odorisée

Comme il avait été démontré que les souris ob/ob étaient plus rapides à détecter une nourriture très palatable cachée sous la sciure (cookie à base de beurre de cacahuète, (Getchell et al., 2006)), nous avons voulu effectuer deux tests complémentaires de ce test de détection en utilisant notre propre cookie odorisé. Nous avons d’abord étudié chez des souris nourries l’effet de l’odeur d’amande par rapport à des indices visuels, ou par rapport à « une odeur de type sucré » qui pourrait être contenue dans la pâte puisqu’elle est composée partiellement de sucre, en comparant le temps d’exploration de la pâte odorisée versus la pâte non odorisée. Chacune des pâtes est placée dans un cône de pipette automatique de 1 ml dont l’embouchure est coupée et élargie. Les deux cônes sont placées sur la grille de la cage test (cage ventilée Allentown L :40 cm , l :25 cm, H :18 cm contenant de la sciure) à 10 cm l’un de l’autre. Les souris sont habituées à la cage test, contenant deux cônes vides à 10 cm d’écart (ce sont ces mêmes cônes qui seront remplis de pâte le jour test), une heure tous les jours pendant quatre jour avant le test qui a lieu le cinquième jour. La pâte est assez enfoncée dans le cône pour que la souris ne puisse pas la goûter avec sa langue. L’emplacement du cône cible entre souris se fait suivant un ordre aléatoire.

Nous avons alors répliqué ces expériences chez des souris à jeun de 17 heures avant le test. Pour ne pas induire d’interférence avec le test à l’état nourri, nous avons espacé les tests d’au moins quinze jours et nous avons systématiquement inversé la position des cônes contenant la pâte odorisée versus non odorisée. Il est à noter que les tests ont toujours été faits dans le sens « 1er essai nourri, 2ème essai à jeun ». Nous aurions voulu obtenir des données chez les souris ob/ob à jeun mais elles deviennent totalement immobiles après une période sans nourriture de 17h. Comme nous l’avons décrit en introduction, une mise à jeun induit un changement drastique de la balance énergétique avec, pour les hormones synthétisées en périphérie, une baisse aigüe et provisoire de leptine et d’insuline et une augmentation de ghréline. Il est donc probable que ces changements affectent le métabolisme et/ou la motivation des souris déficientes en leptine. Cependant, nous avons indiqué les résultats obtenus à jeun chez les témoins ob/ob, les DIO et leurs témoins pour montrer que leur sensibilité olfactive était accrue dans ces conditions.

Pour permettre l’enregistrement des déplacements de l’animal dans la cage et autour des cônes, une caméra est fixée pour prendre une vue de face et une autre en biais sur le côté permet de prendre une vue complémentaire si la vue de face n’est pas bonne comme sur les photos ci-dessous où on voit l’exploration d’un cône par une souris ob/ob.

Figure 2.4. Prise de vue des deux caméras, l’une de face à gauche et l’autre de biais à droite, de l’activité d’exploration spontanée. A) et B) souris ob/ob explorant un cône contenant la pâte odorisée à l’amande (prise

de vue de face et de côté). Notez l’utilité des deux vues. C) Souris DIO explorant un cône contenant un papier filtre imbibé de l’odeur alimentaire (50µl de l’arôme d’amande à 5%, vue de côté). D) Souris témoin dans la même situation qu’en C. E) Souris témoin DIO explorant le cône contenant du papier filtre imbibé de l’odeur neutre (50µl de pentyl acétate à 5%, vue de face).

Seuls sont comptés les temps en seconde que chaque souris passe clairement à explorer le cône au contact ou très proche de celui-ci en position de flairage. Le temps d’exploration est fixé à 3 minutes. La mesure du temps d’exploration a été faite en aveugle par deux personnes (Laurène Abjan, stagiaire de M1 au laboratoire et Hirac Gurden) sous le logiciel libre Kinovea qui permet de faire des ralentis de la vidéo.

Exploration de l’odeur d’amande, de l’odeur d’orange et de l’odeur de pentylacétate

Ce test permet de tester l’attractivité de l’odeur alimentaire en mesurant le temps que passe chaque animal à explorer un cône contenant l’odeur alimentaire, puis des cônes contenant des odeurs neutres. Il a été effectué et analysé par les deux personnes précédemment citées. Avec le même protocole et dispositif expérimental, nous avons mesuré le temps d’exploration de l’odeur d’amande diluée à 5% (la concentration utilisée pour la stimulation odorante dans les expériences de MEMRI) dont 50 µl ont été placées sur un papier filtre qui a été glissé dans un cône de pipette de 1 ml. Un autre cône contenant un papier filtre imbibé de 50 µl d’huile minérale a été placé à 10 cm du cône cible.

L’arôme d’orange est fabriquée également par Vahiné et disponible dans le commerce. 50 µl d’une solution à 5% sont disposés tous les jours dans une boule à thé remplie de sciure et déposée dans la cage d’accueil de toutes les souris. L’habituation à l’odeur dure pendant deux semaines avant le jour test qui a lieu comme précédemment décrit. Cette odeur est connue par les souris mais non associée à une nourriture. Enfin, nous avons utilisé le pentyl d’acétate comme odeur neutre, jamais rencontrée par les souris avant le jour test. Comme il a été reporté que l’odeur de pentylacétate à forte concentration pouvait être aversive, nous avons utilisé cette odeur à une concentration non aversive de 5%, équivalente à celle de l’odeur d’amande. Cette molécule odorante simple qui rappelle l’odeur de

banane a été utilisée dans de nombreuses études comportementales (Prud’homme et al., 2009) et d’imagerie (Martin et al., 2007).

3.3. Analyse statistique pour le comportement olfactif spontané

Dans ces tests comportementaux non opérants, nous avons un groupe de souris réduit en nombre et surtout un nombre de passage en test qui est unique pour ne pas habituer l’animal à l’odeur testée. Les résultats sont exprimés par la moyenne ± erreur type de la moyenne (Standard Error of the Mean, S.E.M). Dans ce cadre nous avons opté pour un test non paramétrique de Mann-Whitney pour tester des différences entre les groupes, en utilisant le logiciel Statview. Le seuil de rejet de l’hypothèse nulle pour l’ensemble des analyses est de 5 %.