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Chapitre III : Interactions olfacto-alimentaires et problématique de la thèse

Partie 3 : Résultats

1. Phénotype et physiologie des souris obèses

1.1. Souris déficientes en leptine depuis la naissance, souris ob/ob

Souris témoins pour les ob/ob

Dans la littérature, ce sont classiquement les ob/+ qui sont utilisées même si nous n’avons pas relevé d’études fonctionnelles strictes indiquant une différence de fonction cérébrale entre hétérozygotes ob/+ et homozygotes sauvages +/+. Nous nous sommes également confrontés au fait que la société Janvier ne fournit les ob/+ qu’après génotypage puisque les commandes d’hétérozygotes sont un mélange de +/+ et de +/-, et que les ob/ob de la même portée sont sélectionnées uniquement visuellement puisqu’elles sont déjà plus lourdes à 5 semaines. Il faut donc être vigilant sur ce point quand on commande ces souris hétérozygotes chez les fournisseurs classiques. Les souris témoins que nous avons utilisées sont toutes des C57BL/6J mâles qui sont le fond génétique des ob/ob. Nous les avons achetés indépendamment des portées de souris obèses ob/ob pour ne pas tomber dans le problème d’une hétérogénéité de nos contrôles qui auraient été un mélange de +/- et de +/+.

Poids, glycémie et prise alimentaire

Classiquement, l’utilisation d’un modèle animal obèse implique le suivi régulier, au cours du temps, de la masse pondérale et de plusieurs paramètres métaboliques circulants. Toutefois, nous avons décidé de limiter au maximum la prise de poids des animaux ob/ob afin d’empêcher le développement d’une obésité morbide par hyperphagie, celle-ci pouvant entraver le déplacement des animaux pendant les expériences de comportement et gêner la mise en place des animaux au cours de l’imagerie dans l’aimant. Si les souris ob/ob sont laissées ad lib, elles mangent beaucoup plus (5.3 ± 0.2 g/jour, n=13) que leur témoins (3.7 ± 0.1g/jour, n=7), ce qui provoque une prise de poids très

rapide. Nous avons décidé de donner aux ob/ob un peu plus que le poids moyen de nourriture des témoins, environ 4g de nourriture par souris obèse par jour. Nous avons de plus maintenu le délai le plus court possible entre la fin de la période d’acclimatation en animalerie et la réalisation des expériences d’imagerie. De façon similaire, la restriction hydrique des animaux au cours de la tâche de discrimination olfactive a permis de maintenir un poids constant et similaire dans tous les groupes d’animaux réalisés.

Nous avons dans un premier temps vérifié que les différents paramètres physiologiques étaient en accord avec ceux décrits dans la littérature depuis les années 1960. Les souris ob/ob étant génétiquement déficientes en leptine, et de fait dès la naissance, le phénotype obèse apparait très rapidement, et nous avons pu constater une différence de poids importante entre ces animaux (46g ± 3g) et leurs homologues témoins (24.6g ± 1,5g), pour des animaux âgés de 8 à 10 semaines.

Nous avons limité nos mesures de la glycémie, ce protocole étant stressant pour les animaux, notamment au cours des expériences de comportement. La glycémie est la quantité circulante de glucose. Dans des conditions physiologiques, lorsqu’un mammifère est à jeun, cette glycémie diminue de façon importante par rapport à l’état nourri où elle est très élevée et elle est considérée comme normale lorsqu’elle est comprise entre 0.7 et 1.2 mg/ml. Mesurée en début de matinée, la glycémie chez les souris nourries s’élevait à 2.5 ± 0.7 mg/ml (n=5) chez les ob/ob contre 1.9 ± 0.4 mg/ml (n=7) chez les témoins. A jeun, nous avons observé que les souris ob/ob ont une glycémie qui a baissé et qui atteint 1.2 ± 0.1 mg/ml (n=5) contre 1.1 ± 0.2 (n=7) aux témoins. Les comparaisons intragroupe pour les ob/ob et les témoins indiquent respectivement une différence significative dans les deux groupes nourris (test t de Student apparié, t=4.24, p=0,01 pour les ob/ob, t=4.71, p=0,003 pour les témoins) et la comparaison statistique intergroupe par test de t de Student non apparié à jeun n’indique pas de différence intergroupe (t=1.66, p=0.13). Ces données montrent que i) toutes les souris maintenues ad libitum ont une glycémie très élevée, ce qui remet en cause la pertinence de ce type de régime pour l’hébergement en animalerie ii) la glycémie chute de moitié chez toutes les souris à jeun pendant 17 heures iii) à jeun, dans nos conditions, avec des ob/ob d’âge jeune (8 semaines) auxquelles on délivre une nourriture en quantité légèrement supérieure aux témoins, nous n’observons pas d’hyperglycémie : celle-ci devient élevée chez des animaux plus âgés, comme observé dans la littérature (Wang et al., 2014). Les mêmes souris ob/ob d’âge jeune où la glycémie a été mesurée, ont été utilisées pour les tests comportementaux olfactifs spontanés (paragraphe 4).

1.2. Physiologie des souris rendues obèses par alimentation hyperacalorique -

hyperlipidique (Diet-Induced Obesity)

Souris témoins pour les obèses DIO

Pour les souris rendues obèses par alimentation hypercalorique, les témoins sont des animaux mâles de même souche (C57BL/6j) de même âge, et issues du même lot. Ces souris témoins sont dans des conditions de nutrition ad lib par nourriture standard et placées dans des cages distinctes par rapport aux souris sous régime hypercalorique.

Poids et glycémie

L’obésité des animaux DIO est induite par un changement dans l’alimentation. Malgré la richesse en glucides, en lipides et en protéines de cette dernière, 3 mois sont nécessaires en moyenne à l’obtention d’un phénotype similaire à celui des ob/ob (figure 3.1.). Les souris DIO ne consomment pas plus en quantité absolue (HFD+nourriture standard = 3.1 g/souris/jour; n=6 ; 2.2 g de nourriture hypercalorique pour 0.9 g de nourriture standard) que leur témoin (nourriture standard = 3.5 g/souris/jour, n=6) mais étant donnée les teneurs très élevées en lipides et glucides de la nourriture hypercalorique, elles prennent du poids. L’évolution du poids et de la consommation alimentaire ainsi que de la glycémie ont été suivis régulièrement pour s’assurer de la réussite du régime. Notre premier lot de souris nourri avec le régime 235 HF de SAFE diets n’a pas pris plus de poids par rapport aux animaux témoins, et ceci même après une tentative d’odorisation avec une odeur appétitive (Spray d’amande 5%). Nous avons ensuite utilisé le produit 230HF de SAFE diets qui s’est révélé efficace pour induire une obésité à long terme.

Après 14 semaines (figure 3.1.), les DIO pèsent en moyenne 44 ± 1g (n= 12) contre 29 ± 1.15g (n= 4) pour les animaux témoins. La figure 3.1 indique la prise de poids de notre second lot de souris DIO nourries au 230HF, mais la progression de poids a été similaire pour tous les groupes ultérieurs. Il est intéressant de noter que la prise de poids des DIO continue même après 14 semaines, alors que celle des animaux témoins semble se stabiliser en 10 semaines (conformément aux données indiquées par le fournisseur Janvier), même avec un accès ad libitum à la nourriture standard.

Figure 3.1 : Comparatif de l’évolution du poids de souris C57BL6 maintenues sous régime standard ‘témoins’, n= 4) et de souris C57BL6 ayant reçues un régime 230HF (DIO, n= 12) pendant 14 semaines. Chaque point indique la moyenne du poids +/- SEM .

Pour la glycémie, les DIO nourries présentent une glycémie de 1.64 ± 0.15 mg/ml (n=6) contre 1.49 ± 0.10 mg/ml (n=5) pour les témoins. A jeun, elle est de 1.17 ± 0.10 mg/ml pour les DIO contre 0.74 ± 0.04 mg/ml aux témoins. Les statistiques intragroupes indiquent une baisse de glycémie pour les DIO (t apparié=5.52 ; p=0.003) et les souris témoins (t apparié=5.81 ; p=0.004) et avec une différence de glycémie intergroupe à jeun (t non apparié=3.28 ; p=0.01). Même si la glycémie baisse chez les DIO à jeun, elles n’est pas aussi basse que chez les témoins, ce qui témoigne du fait qu’à trois mois de régime hypercalorique suivant notre protocole, les souris DIO ont des difficultés à réguler leur glycémie avec une disparité entre les souris testées, certaines étant à 0.8 mg/ml et d’autres à 1.24 mg/ml à jeun. Ces données sont similaires dans la littérature : par exemple Thiebaud et al. (2014) trouvent que le régime hypercalorique induit une glycémie à jeun de 1.3 mg/ml chez les DIO nourries pendant 6 mois. Nous sommes conscients que des tests métaboliques plus poussés auraient été nécessaires sur nos groupes de souris tel que le test de tolérance au glucose (GTT) pour détecter une éventuelle résistance à l’insuline et éventuellement déterminer un stage prédiabétique ou diabétique de nos souris DIO. De même, des tests sériques de leptine et d’insuline auraient été très utiles sur ces DIO. Cependant, par manque de temps (j’ai étudié les DIO en toute fin de thèse), nous n’avons pas pu effectuer ces tests et nous nous sommes plutôt basé sur la littérature pour ces aspects métaboliques. Ces souris ont été utilisées pour les tests de comportement spontané décrit dans le paragraphe 4.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 Poids (g) Semaines DIO témoins