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Chapitre III : Interactions olfacto-alimentaires et problématique de la thèse

Partie 2 : Méthodes expérimentales

4. Conditions expérimentales de l’imagerie MEMRI

4.1. Injection de manganèse, stimulation olfactive et enregistrement IRM

Le principe général de la technique est d’effectuer le marquage de l’activation par manganèse chez l’animal vigile avant de passer l’animal en IRM. L’IRM de pondération T1 révèle, par enregistrement de l’animal à l’état anesthésié, l’accumulation de manganèse qui a eu lieu dans le BO pendant la période vigile, avant de passer dans l’aimant. De fait, avant de débuter l’acquisition IRM, les animaux reçoivent à 10 min d’intervalle deux injections de 10 µl de chlorure de manganèse (solution isotonique de 10mM) dans chaque narine via une seringue Hamilton de 10 µl. Cette injection alternative permet à la souris de respirer sans difficulté. Après 20 minutes, soit le temps minimal nécessaire pour que le manganèse soit chargé dans les neurones olfactifs (Gobbo et al., 2012), les animaux ont été placés dans une boite perforée de nombreux trous pour l’aération et l’évacuation des pulses d’odeur. Les pulses sont délivrés à la main en poussant doucement une seringue de 60 ml connectée à chaque filtre pour filtration d’échantillon (Sterile syringe filter VWR, pore de 0.2 µm) pendant 30 secondes. La stimulation a lieu pendant 10 min par des pulses alternatifs de 30 secondes d’air et d’odeur (Amande 5% ou Pentylacétate 1 et 5%, dilution dans l’huile minérale, à pression de vapeur saturante) poussées dans une petite boîte plastique (L : 12 cm ; H : 10 cm ; l :8 cm). Ce type de stimulation permet d’éviter l’habituation et est inspirée d’une étude précédente de l’équipe en 2DG (Martin et al., 2012) et en MEMRI (Gobbo et al., 2012). Pour estimer l’activité spontanée dans le BO, les souris ont reçu uniquement des pulses d’air.

La technique de MEMRI chez la souris a été mise au point sur la plateforme d’IRM du laboratoire d’Imagerie par Résonance Magnétique Médicale et Multi-Modalités d’Imagerie (IR4M, CNRS UMR8081) par l’ingénieure de la plateforme, Catherine Sébrié et Caroline Sezille, une étudiante en M2 qui a précédé mon arrivée à IMNC. J’ai retravaillé ce protocole avec Catherine Sébrié notamment pour déterminer le temps optimum d’estimation du signal MEMRI après l’injection de manganèse. La vitesse de transport antérograde du manganèse étant comprise entre 3.6 et 18 mm/h, on peut considérer que le manganèse atteint les glomérules olfactifs du BO après 90 min (Roy et al., 2005; Gobbo et al., 2012). Avant d’être placés dans l’aimant, les animaux ont été anesthésiés sous isoflurane (induction à 2%, maintien à 1.5% dans un mélange de 30% O2, 70% air, à un débit de 1L/min). La température corporelle de l’animale était maintenue à 37°C tout au long de l’acquisition grâce à une couverture chauffante (circulation d’eau chaude). Les images ont étés acquises toutes les 30 min, entre 90 et 210 min après l’injection de manganèse, dans un aimant horizontal (Oxford, UK) d’un champ magnétique d’intensité 7 T (Tesla), piloté par le logiciel Paravision (Bruker), équipé d’un canon de gradient de 300 mT/m (diamètre interne [ID]= 90 mm, Bruker). La tête des animaux était placée dans une bobine « bird-cage » 1-H (ID=22mm). La tête a été positionnée en utilisant des images de gradient-écho dans les 3 directions orthogonales. Après le processus de recalage, 4 séquences MEMRI ont été acquises [TR/TE = 15/4.5 ms, 2 moyennes, Temps de répétition du Segment/ Durée= 6000/360ms, 8 segments, FOV=20x20x3.2 mm, et taille des voxels = 78x78x80μm3]. Après traitement des images et observation de l’accumulation du manganèse dans le BO, nous avons choisi de traiter les images acquises 150 min après injection, cette durée nous assurant la présence de manganèse dans l’ensemble du BO tout en évitant une accumulation trop importante.

4.3. Analyse manuelle des images MEMRI

Pendant la première moitié de ma thèse, j’ai analysé les images acquises en MEMRI manuellement. Nous avons pour cela utilisé le logiciel ImageJ. Après avoir converti les images au bon format, nous nous sommes assuré que l’intensité maximale de l’image, induite par le manganèse, était localisée au niveau du BO. Dans le cas contraire, nous avons considéré l’expérience comme un échec. Nous avons ensuite défini une région d’intérêt (ROI) de 10 x 10 = 100 pixels d’intensité uniforme sur tout l’axe rostro-caudal dans la joue de chaque animal. Constante d’un animal à l’autre et d’intensité assez faible, cette ROI a été utilisée en tant que zone de référence pour évaluer l’augmentation de l’intensité relative à l’injection du manganèse et l’activité glomérulaire au sein du BO.

La position au sein de l’aimant et les coordonnées des structures cérébrales étant de ce fait différentes d’un animal à l’autre, nous avons dû définir un point anatomique de référence avec peu de

variabilité inter-individuelle. J’ai choisi de me baser sur la partie rostrale du BO principal, sur l’image où apparait pour la première fois le BO Accessoire (AOB) : aisément identifiable d’un animal à l’autre sur les images, l’AOB est situé à l’arrière et au-dessus du BO principal, et les fibres afférents, provenant notamment de l’organe voméronasal, y sont organisées de façon bien plus groupée et dense que celles du BO principal, constituant ainsi une limite anatomique distincte. La partie la plus caudale du BO n’étant a priori peu ou pas activée par les odeurs que j’ai utilisées, et l’analyse manuelle étant très lourde, j’ai uniquement analysé un axe de 7 coupes de 400µm en amont de l’AOB pour l’analyse brute manuelle. La technique décrite en 4.4 a permis par la suite d’analyser l’ensemble du BO de façon automatisée.

Pour déterminer les pixels correspondant à une forte absorption du manganèse et donc à une forte activité physiologique en réponse aux stimulations, j’ai évalué la distribution des pixels dont l’intensité était comprise entre la valeur d’intensité maximale de l’image (intmax) et 95% de cette intensité maximale (0.95 intmax < intpixels activés < intmax). Cette valeur est prise comme seuillage usuel dans beaucoup d’études où la distribution des pixels de l’image n’est pas gaussienne (thèse de doctorat de Chrystelle Po à l’IR4M (http://www.theses.fr/2009EVRY0002)): dans mon cas elle a permis de n’isoler que les pixels en surbrillance en ajustant le contraste de l’image avec les valeurs adaptées. La somme de l’intensité des pixels activés et leur position ont été relevées et comparées entre chaque groupe. Dans la partie ‘Résultats’ je montre en quoi cette étude manuelle était limitée et pourquoi nous avons préféré mettre au point une méthode statistique d’analyse d’image indépendante de l’utilisateur.

4.4. Analyse des signaux MEMRI par Statistical Parametric Mapping (SPM)

Après un jury de mi-thèse animé et positif où j’ai pu interagir pleinement avec Emmanuel Brouillet et Benoist Schaal, M. Brouillet nous a conseillé de chercher avec l’aide d’Albertine Dubois, IR spécialisée dans le traitement du signal à IMNC, une autre méthode plus objective pour analyser le signal MEMRI. Une réunion avec la cellule informatique d’IMNC a été organisée et Albertine Dubois nous a proposé d'utiliser une méthode d'analyse voxel à voxel par comparaison statistique de groupes, méthode qu’elle avait préalablement utilisée pour l'analyse de signaux radioisotopiques (Dubois et al., 2010).

Cette méthode d'analyse voxel à voxel est entièrement automatique et permet l'identification de zones de modifications fonctionnelles significatives entre deux groupes d'images de manière exploratoire et sans a priori (analyse simultanée de l'ensemble des voxels de l'image). Cependant, étant donné que la morphologie du cerveau de chaque animal peut être différente, l'utilisation de cette

méthode d'analyse nécessite d'appliquer aux images à analyser un certain nombre d'étapes de pré- traitement, suivi d'une normalisation spatiale et d'un lissage.

Les images volumétriques en 3D acquises par MEMRI ont été pré-traitées à l'aide du logiciel Anatomist/BrainVisa (http://brainvisa.info) selon les étapes suivantes : 1) Un recalage rigide en 3D a été appliqué entre chaque image MEMRI de cerveau de souris et l'image MEMRI du cerveau d'une souris choisie comme référence (d’après le placement de l'animal dans l'IRM ainsi que le positionnement de la bobine). Les 6 paramètres décrivant la transformation rigide à appliquer entre chaque image et l’image choisie comme référence ont été calculés par maximisation de l’information mutuelle, critère de similarité classiquement utilisé en recalage d'images (Wells et al., 1996; Maes et al., 1997) ; 2) Chaque image MEMRI a ensuite été rééchantillonnée à partir des paramètres de transformation préalablement obtenus. Ces deux étapes de pré-traitement nous ont permis d'ajuster spatialement chaque image MEMRI de sorte que le cerveau de chaque souris soit toujours dans la même position, facilitant par là même l'étape de normalisation spatiale suivante.

Le repère d'espace standard commun nécessaire à la normalisation spatiale de toutes les images MEMRI a été défini en créant un « template » (patron ou modèle) du BO de souris, spécifique à notre étude. Pour cela, nous avons tout d'abord sélectionné un cerveau de référence parmi les animaux non stimulés avec une odeur, que nous avons lissé à l’aide d’un filtre gaussien (FWHM = 3 fois les dimensions des voxels). Une transformation affine suivie d’une normalisation non linéaire a ensuite été appliquée à chaque image MEMRI, déformant ainsi le cerveau de chaque souris de sorte à ce qu'il ressemble le plus possible au cerveau de référence lissé (Friston et al., 1995; Ashburner and Friston, 2000). L'image du cerveau de référence et les images normalisées des autres cerveaux ont ensuite été regroupées afin de créer une image moyenne. Cette image moyenne a été lissée par le même filtre gaussien que précédemment, créant ainsi le « template » final du BO de souris. Chaque image MEMRI obtenue après pré-traitement a été normalisée spatialement sur le « template final » lissé puis, individuellement lissée. La création du « template » spécifique et la normalisation spatiale ont été réalisées à l'aide du logiciel SPM8 (Wellcome Department of Imaging Neuroscience, London, UK; http://www.fil.ion.ucl.ac.uk/spm/) muni de la boite à outils SPMMouse toolbox (http://spmmouse.org).

L’accumulation de manganèse durant une stimulation olfactive entraine une augmentation du signal sur les images pondérées T1 dans les régions actives du BO. Pour valider notre approche MEMRI/SPM de l’enregistrement de l’activité olfactive, nous avons réalisé toute une série de comparaison : en premier lieu, nous avons comparé l’activité spontanée à l’activité en réponse à une odeur alimentaire dans les groupes témoins et ob/ob (comparaison intragroupe). Nous avons ensuite effectué des comparaisons inter-groupes pour les mêmes conditions, et dans le cadre de la présentation

d’une odeur neutre. Enfin, nous avons étudié l’impact de la leptine sur l’activité spontanée et induite par une odeur alimentaire chez les animaux ob/ob. Toutes ces comparaisons ont été réalisées à l’aide du logiciel SPM8. Pour chaque comparaison, deux "contrastes" ont été simultanément définis puis estimés, rendant possible la création de deux cartes statistiques paramétriques : une carte indiquant les voxels présentant une activité significativement plus forte dans l’un des groupes par rapport à l’autre (indiquant une plus forte accumulation de manganèse), et une carte indiquant les voxels présentant une activité significativement plus faible dans l’un des groupes par rapport à l’autre (indiquant une plus faible accumulation de manganèse). Nous avons limité chaque analyse statistique à l’ensemble des régions du BO, soit l’équivalent de 40 tranches. Ces régions ont été délimitées manuellement sur l’image de référence, qui avait été au préalable normalisée spatialement. Pour caractériser les voxels dont les valeurs, entre deux groupes d'images, sont significativement différentes, on doit appliquer sur chaque image paramétrique correspondante un seuil de significativité. Suivant la convention statistique usuelle, la valeur de ce seuil de significativité a été fixée dans cette étude à P<0.05 (non corrigée pour les comparaisons multiples). Nous n’avons pas fixé de seuil sur le nombre minimum de voxels contigus pour qu'un agrégat ("cluster" en anglais) soit considéré comme significatif. Les voxels contenus dans les images paramétriques dont les valeurs (correspondant aux valeurs des tests statistiques réalisés pour chaque voxel) sont supérieures au seuil de significativité ont alors été représentés suivant une échelle de couleurs en 2D. Les images ainsi obtenues fournissent une représentation quantitative des motifs d’activité odeur-dépendante et visualisables grâce au MEMRI au sein du BO. Enfin, les différences d’intensité moyenne ont également été calculées pour chaque groupe de voxels contigus (agrégat) considéré comme significatif lors de l'analyse par SPM. Les intensités étaient exprimées en valeur brute et en unité arbitraire (u.a.) comme expliquées dans la partie résultats.

4.5. Marquage anatomofonctionnel complémentaire du signal MEMRI

Nous avons comparé le signal MEMRI à des coupes du BO marquées suivant trois techniques, deux anatomiques (coloration par cresyl violet du cytoplasme et marquage DAPI, une molécule fluorescente qui s’insère dans l’ADN) et l’autre fonctionnel (2DG) qui ont été obtenu par stimulation avec le benzaldéhyde (molécule à la base de l’odeur d’amande) dans le BO. Cette molécule simple avait été étudié précédemment par l’équipe en utilisant une technique d’imagerie autoradiographique révélant l’accumulation de [14C]-2DeoxyGlucose dans les neurones activés que je ne détaillerai pas ici mais qui est pleinement décrite dans (Martin et al., 2012).