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Chapitre II : Métabolisme énergétique, prise alimentaire et obésité

3. L’obésité

3.1 Les modèles de l’obésité chez les rongeurs

3.1.1 Les modèles monogéniques

Je décrirai principalement les modèles monogéniques de rongeurs majoritairement dépendant de la leptine (à l’exception des MCR4-KO que je décris en fin de chapitre), d’une part puisque ce sont les mieux décrits dans la littérature, et d’autre part puisque j’ai moi-même utilisé de façon extensive le modèle ob/ob. Ce sont des modèles dans lesquels un seul gène est absent ou déficient puisque les animaux avec un défaut de la signalisation leptinergique dans l’hypothalamus développent rapidement un phénotype obèse morbide.

Souris ob/ob

Comme indiqué plus tôt dans le chapitre, une mutation spontanée est à l’origine du phénotype obèse marqué des souris ob/ob, identifié par Coleman (1978). Ce n’est que lorsque le produit du gène muté, la leptine, a été identifié par Zhang et al. (1994) que les travaux sur les origines génétiques de l’obésité ont débuté. Phénotypiquement, l’absence de leptine conduit à une obésité marquée et précoce caractérisée par une hyperphagie, une dépense énergétique réduite et une hypothermie, ainsi que d’autres effets secondaires incluant l’hypercorticosteronémie, une résistance à l’insuline associée à de l’hyperglycémie et de l’hyperinsulinémie, un hypothyroidisme et un déficit d’hormone de croissance. Ces souris sont également stériles. L’obésité des souris ob/ob est une des rares formes d’obésité à pouvoir être traitée par une administration exogène de leptine, qui, par injection répétée, rétablit tous les défauts phénotypiques constatés. La déficience en leptine a été observée dans de rares cas d’obésité humaine (O’Rahilly, 2009)

Souris db/db

Les souris db/db ont un phénotype similaire aux ob/ob : elles sont hyperphagiques, ont une dépense énergétique réduite conduisant à une obésité marquée et précoce, sont hypothermiques et ont également une déficience en hormone de croissance. Cependant, certaines d’entre elles présentent une hyperglycémie encore plus marquées que les ob/ob, et bien qu’elles soient capables de sécréter de la leptine, elles ne possèdent toutefois pas de récepteur Ob-R fonctionnel. Ces souris sont insulino- résistantes et développent un phénotype partiel de diabète de type II, ce qui leur a valu d’être fréquemment utilisées pour l’étude des syndromes similaires à cette maladie. Comme pour les ob/ob, cette mutation du récepteur à la leptine peut être trouvée chez l’Homme, mais elle est extrêmement rare.

Rats Zucker, ZDF et Koletsky.

De façon analogue aux souris db/db, plusieurs modèles de rats leptino-résistants ont une mutation sur le gène du récepteur Ob-R. Les rats obèses Zucker (fa/fa ou « fatty ») et les rats Koletsky portent des formes mutées du domaine extra-cellulaire du récepteur à la leptine. Ils développent un phénotype similaire d’hyperphagie et de dépense énergétique réduite, conduisant à une obésité morbide. Ces rats ont une tolérance réduite au glucose, un déficit de croissance potentiellement lié à l’activité de l’axe gonadotrope (GH/IGF-1), un hypothyroidisme ainsi qu’une fertilité réduite.

Les rats Koletsky ont une mutation qui abolit l’expression de l’ARNm du récepteur à la leptine (Friedman, 1998). A l’opposé, la mutation fa/fa des rats Zucker est associée à un défaut de transport du récepteur à la leptine : l’hormone est bien produite mais est retenue dans le compartiment intracellulaire. Les cellules des rats Zucker expriment bien le récepteur à leur surface mais leur nombre est très réduit et diminue de fait la détection de leptine et la transduction du signal. Par rapport au rats Zucker, les rats Koletsky présentent une hypertension artérielle et un phénotype plus sévère d’insulino-résistance.

Les rats ZDF (Zucker Diabetic Fatty) sont dérivés d’une souche de rats Zucker présentant une dérégulation précoce du métabolisme du glucose. Les rats ZDF développent rapidement des diabètes lorsqu’ils reçoivent un régime gras (High-fat Diet, HFD), et une partie de leur propension à développer des diabètes précoces serait liée à une expression altérée du transporteur de glucose dans le muscle squelettique (Zierath et al., 1998).

Souris MC4R-KO

La voie dépendante de la leptine, n’est pas directement impactée dans ce modèle, mais il reste malgré tout très utilisé dans différentes études. L’α-MSH et l’AgRP influencent l’homéostasie énergétique à travers leur action sur les récepteurs MC. En particulier, le sous-type MC4 est impliqué dans le contrôle de la prise alimentaire. Une inactivation spécifique de MC4 par une souris transgénique déficiente en MC4R induit une hyperphagie et une obésité morbide (Huszar et al., 1997). Les souris MC4R-KO sont également hyperinsulinémiques, hyperglycémiques et hyperleptinémiques. Par contraste avec d’autres modèles d’obésité, ces souris n’ont pas de taux de corticosterone circulants très élevés. Les souris MC4R-KO sont insensibles à la leptine, à l’α-MSH et à l’AgRP. Des mutations similaires des récepteurs MC4 chez l’Homme sont souvent citées comme étant la cause d’obésité d’origine génétique la plus fréquente.

Un modèle de rat MC4R-KO a également été décrit par Mul et al. (2012) : même s’il possède beaucoup de caractéristiques en commun avec son homologue murin, il existe des différences, notamment dans l’hypothalamus, où chez la souris MC4R-KO, il existe une expression augmentée de NPY mais pas de POMC, alors qu’à l’inverse, le rat MC4R-KO exprime plus de POMC, alors que le niveau d’expression du NPY reste inchangé.

3.1.2 Les modèles DIO (Diet-Induced Obesity)

Les modèles DIO reflètent bien la majorité des cas d’obésité observés chez l’Homme (c'est-à- dire d’origine non génétique, mais induite par l’alimentation) par rapport aux modèles génétiquement modifiés et constituent de fait une cible privilégiée pour différents essais thérapeutiques. Ils constituent également des modèles d’obésité qui ne sont pas purement dépendant du système leptinergique mais d’origine plurifactorielle. Différentes souches de souris répondent différemment aux régimes gras HFD proposés. Les souris C57BL6/J, que j’ai utilisées pendant ma thèse, sont très prisées pour les études DIO puisqu’elles développent un phénotype similaire au syndrome métabolique humain lorsqu’elles sont nourries avec un régime HFD (obésité, hyperinsulinémie, insuline-résistance) (Collins et al., 2004). De façon intéressante, au sein de la famille C57, certaines souches peuvent se montrer très résistantes au HFD et ne développer que peu ou pas de phénotype malade, comme la souche C57BL/Ksj. Chez le rat, les souches Sprague Dawley ou Long Evans sont fréquemment utilisées pour ce type d’études. La manipulation des différents éléments constitutifs du régime peut restaurer en partie un phénotype obèse chez ces modèles, même en cas de poursuite du régime HFD.