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Les premières reconnaissance et systématisation cartographique des pays du Nord sont le fait du géologue lillois Jules Gosselet. La géomorphologie du Nord Pas de Calais demeure très lisible, la région se scindant en deux pays géologiques délimités approximativement par le tracé de la frontière départementale (les couleurs de la carte n° 1 p 34 font nettement apparaître cette distinction). Le Pas de Calais et le Sud du département du Nord, l’Avesnois correspondent à un « Haut Pays » qui offre des altitudes d’environ 200 mètres. Couvrant le reste du département du Nord, le « Bas Pays » s’élève de 20 à 50 mètres avec parfois des extrêmes en dessous du niveau de la mer (dépression des Moëres) et au delà des 150 mètres (chaîne des Monts de Flandre). Le modèle du « Bas Pays » est de type sablo-argileux tertiaire et on note un relief très compartimenté entre les différentes entités physiques se succédant de Dunkerque à Lille.

14 GAMBLIN A. (1973) « La région du Nord », Découvrir la France, Larousse, 120 p 15

Source : Conseil Régional

Carte 1 : Pays et relief en Nord Pas de Calais

La Plaine Maritime est la plus basse de ces entités (0-3 mètres). Cette partie de la région a été formée par les alluvions fluviatiles et marines provenant de l’Aa et des

transgressions récentes de la Mer du Nord. S’étendant jusqu’à une quinzaine de kilomètres au Sud de la côte, cette plaine sableuse gorgée d’eau (on parle de « sables pissards ») n’est protégée de la mer que par son cordon dunaire. En limite Sud Ouest, on note une dépression marécageuse à Saint-Omer (cuvette de 4.000 ha).

L’on pénètre ensuite en Flandre intérieure qui reste l’archétype paysager de cet espace Lille-Dunkerque. La Flandre intérieure occupe la partie méridionale de la plaine du Nord laquelle s’étend jusqu’à l’Oural. Son prolongement en Belgique se fait par le Meetjesland et le pays de Waes.

La spécificité majeure de la Flandre Intérieure tient à l’existence d’un alignement de collines qui témoignent de la persistance de couches géologiques plus résistantes de la fin du cénozoïque (argile, nommé « clyte » en Flandre) dans un milieu érodé (des argiles yprésiennes du tertiaire). Il s’agit de buttes de gravier et de sable qui amènent quelques variations topographiques restant somme toute dérisoires pour qui n’est pas du Nord, « des reliefs mineurs qui ailleurs passeraient inaperçus mais qui ici, prennent une valeur et ont des conséquences hors de proportion avec leurs quelques mètres de dénivellation16 ». Des collines donc, mais l’usage les a élevées au rang de « monts ». Le regard courant s’arrête surtout sur le Mont Cassel, le Mont des Cats ou encore le Mont Noir mais à bien y regarder, on pourrait facilement en compter une dizaine, d’Ouest en Est : le Mont de Watten (72 mètres) et le Mont Balemberg (70 mètres) qui sortent de l’Audomarois, le Mont Cassel (176 mètres) et son voisin boisé le Mont des Recollets (159 mètres), l’autoroute A 25 les sépare du Mont des Cats (164 mètres), du Mont de Boeschepe (129 mètres) et du Mont Kokereel (110 mètres), du Mont Noir (127 mètres) alors que la continuité se fait en Belgique avec le Mont Rouge (134 mètres), le (Mont) Scherpenberg (123 mètres) et le Mont Kemmel (151 mètres). Quelques reliefs moins prononcés sont également recensés du côté de Bailleul comme le Mont de Lille (43 mètres) ou le Ravensberg (70 mètres). Face à cette multitude relative, chacun y va de son qualificatif pour définir l’ensemble comme un chapelet, un moutonnement, une guirlande voire une chaîne ou encore même une cordillère des Monts de Flandre. Le comité départemental du tourisme du Nord en conclut « Plate, la Flandre ? Grimpez le Mont Cassel à vélo, ou même à pied… ».

16 FLATRES P. (1980) « Portrait de la France moderne – Atlas et géographie du Nord et de la Picardie », Editions Famot, 423 p

Les Monts ont leurs caractères propres. Point culminant de la chaîne, véritable belvédère, le Mont Cassel offre un point de vue extraordinaire qui permet, par beau temps, d’apercevoir jusqu’à la côte dunkerquoise. On dit que son sommet guide les marins. Le dicton énonce même que l’on peut y voir cinq royaumes : la France, la Belgique, l’Angleterre, la Hollande et au-dessus, le royaume de Dieu. Chargée d’histoire, l’ancienne capitale des Ménapiens a été le siège de nombreux combats, détruite et reconstruite quatre fois. Le Mont des Cats est davantage connu pour son abbaye trappiste et le fromage que l’on y fabrique même si on l’identifie plutôt par l’antenne de télévision qui culmine à 200 mètres. Le cas le plus cocasse reste certainement celui du Mont Noir notamment au travers de la relation qu’il entretient avec la frontière belge (voir photo n° 1 p 36 et photo n° 2 p 37). La partie française respire l’héritage de l’écrivain Marguerite Yourcenar ; un parc départemental, ancienne propriété des parents de l’académicienne, devenu aujourd’hui « Villa Mont Noir » accueille des écrivains européens pendant plusieurs mois. Côté belge, les échoppes foisonnent, qu’il s’agisse de restaurants, cafés, snacks, salles de jeux et autres pépinières. Il y a même un télésiège. Si le mont est noir avant de devenir rouge (du fait de la couleur de la terre), il reste surtout noir de monde le week-end, une véritable attraction, le Las Vegas des Monts de Flandre. Les Français viennent s’y ravitailler, à moindre coût, en alcool, tabac et chocolat.

Auteur : B.Leroux

Auteur : B.Leroux

Photo 2 : Côté belge, les commerces

La transition vers les pays lillois s’amorce par la plaine de la Lys et le pays des Weppes qui sont d’origine tectonique et d’altitude variant entre 16 et 20 mètres. Les plaines y sont peu vallonnées (30 à 50 mètres dans les Weppes où les pentes peuvent atteindre parfois jusqu’à 15 %). La plaine de la Lys est une large dépression comblée par des alluvions fluviatiles humides, sableuses ou argileuses. Quelques variations topographiques subviennent tout de même dans les Weppes. On parle d’un plateau des Weppes, d’une terrasse des Weppes et certains noms attestent de ces vallonnements : le Mont Pindo, le Mont de Presmeques, le point culminant étant le fort d’Englos (49 mètres). Terre à blé, le pays de Weppes est couvert de limon supérieur. L’argile tertiaire réapparaît dans le Ferrain où culmine le Mont d’Halluin (51 mètres). Arrivent enfin les collines du Mélantois Pévèle : en limite Sud, ces talus bordiers sont dominés par la butte de Mons (107 mètres). Argile imperméable et absence de limon caractérisent la Pévèle alors que le sous-sol crayeux du Mélantois est recouvert de limon fertile.

La terminologie « Haut Pays » et « Bas Pays » n’a pas d’usage courant mais les très faibles variations topographiques du « Bas Pays » ne peuvent-elles pas être rapprochées de

l’étymologie du mot « Flandre » ? Sous sa forme néerlandaise, le terme Flandre, « Vlaanderen » découle de « vlakte, vlak : plaine, plan » et « wanderen, wandelen : errer ». On retrouve l’image du « plat pays », « mijn vlakke land » comme le chantait Jacques Brel en 1962. Cette origine étymologique liée au relief ne semble pourtant pas faire l’unanimité puisque le mot pourrait également provenir, selon l’historien Pirenne, du verbe « Vlieden » qui désignait, en frison, la « fuite ». La Flandre était le « pays des réfugiés qui purent se maintenir sur des éminences naturelles ou artificielles17 ». R.Blanchard (1906) ne voyait pas de justification géographique au pluriel de « Flandres » ou « De Vlaandere » qui pourrait soit provenir du latin « flandriae » qui désignait donc les terres plates de la région, soit du fait qu’il fut à la fois le nom du pays et celui de ses habitants en désignant la terre des fugitifs. Quoiqu’il en soit, ce sens géographique y dépasse les contours nationaux puisque la Flandre est, à ce titre, partagée entre la France, la Belgique et les Pays-Bas. Un pluriel, des Flandres, des sous-ensembles donc. Une Flandre zélandaise aux Pays-Bas (Terneuzen), une Flandre orientale (Gand) et une Flandre occidentale (Bruges) en Belgique et une Flandre française.