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Ancrage spatial : configuration géographique et reprise de l’existant

2. Structuration de l’intercommunalité et territoire de pays

2.1. La mise en place des communautés de communes

2.1.2. Ancrage spatial : configuration géographique et reprise de l’existant

Les formes spatiales que peuvent prendre les intercommunalités doivent tout d’abord à l’ancrage territorial du canton. Deux lectures de ce calquage, pas nécessairement exclusives l’une de l’autre coexistent. La première tient au fait que le canton a défini un type d’organisation spatiale spécifique basée sur la polarisation du chef-lieu, la seconde évoque plus simplement l’inertie envers un découpage stabilisé depuis longtemps, qui plus est, repris par les SIVU et les SIVOM.

Le regard sur l’organisation urbaine de l’espace considéré peut donc apporter un éclaircissement majeur sur ces découpages. Les communautés de communes des Géants, du pays de Cassel, de l’Yser, de la Colme, de Flandre et du canton de Bergues, correspondant à un large arrière-pays dunkerquois, reprennent, quasiment trait pour trait, le tracé du canton. Construite sur la base d’un fond représentant les cantons et d’un support représentant les intercommunalités sans surcharge des noms de communes, la carte n° 34 p 147 illustre ces similitudes de périmètres.

S’il y a donc ici une logique à s’être structuré en fonction de ces petits bassins de vie, quelques incohérences sont cependant à souligner. La carte n° 40 p 164 permet d’apprécier les éléments évoqués dans les paragraphes suivants.

Davantage une question de commune que de canton sur la communauté de communes de Flandre : Ghyvelde, la commune la plus septentrionale de cette structure possède une bande littorale de quelques centaines de mètres. Cette particularité communale n’a pas été rectifiée avec la création de la communauté de communes, l’avancée littorale constituant donc une enclave inutile, gênante pour la gestion territoriale ainsi partagée avec la communauté urbaine de Dunkerque. Rencontré en février 2004, le maire de Ghyvelde nous confiait justement qu’il regrettait la décision « unilatérale » qui l’avait joint à la communauté de communes de Flandre, le privant ainsi d’un rapprochement avec Dunkerque dont il nous disait ressentir davantage l’attraction que celle de Hondschoote.

La forme, très étirée, de la communauté de communes de l’Yser interpelle également. Comptant 11 communes, cette structure s’étend, d’Ouest en Est, de Nieurlet à Herzeele, de la frontière départementale jusqu’à quelques kilomètres de la Belgique. Cette forme horizontale ne peut être considérée comme pertinente d’autant que les axes de transports, routiers et autoroutiers, traversent ce territoire dans le sens vertical. Le rayonnement de Wormhout apparaît d’autant plus difficile à lire qu’une autre commune, Bollezeele (1.382 habitants) se détache comme un bourg-centre définissant un autre petit bassin de vie. Les diagnostics de territoire du pays Moulins de Flandre l’ont identifié comme tel, portant leur nombre à six, constatant ainsi l’existence de deux bassins de vie au sein de la même entité cantonale et intercommunale.

Le cas de la communauté de communes de la Colme est également intéressant. La structure apparaît faible en termes de centralité dans la mesure où son chef-lieu cantonal, Bourbourg, appartient à la communauté urbaine de Dunkerque et où le bourg-centre de référence, Watten, n’y appartient pas non plus (et n’appartient d’ailleurs à aucune intercommunalité).

Au Sud des Monts de Flandre, l’agencement bipolaire de l’espace n’admet pas ce type de parallèles entre périmètres cantonaux et périmètres intercommunaux. Se distinguant déjà par leur démographie à l’époque de la création des cantons, créant ainsi des fractionnements,

Hazebrouck et Bailleul ont connu des croissances significatives renforçant leur poids dans l’organisation de cet espace, modifiant aussi leurs relations avec les communes voisines. Comme nous l’évoquions dans le tableau n° 6 p 139, Bailleul est passée de 9.222 habitants en 1801 à 14.146 habitants en 2001 alors que Hazebrouck a vu sa population tripler, passant de 7.354 habitants en 1801 à 21.385 habitants en 2001. Bailleul a vu son canton Nord-Est évoluer en une communauté de communes Monts de Flandre Plaine de la Lys (avec des cas de non-contiguïté que la loi de 1992 autorisait) tandis que la partie Sud-Ouest s’était érigée, en réaction, en communauté de communes des communes rurales des Monts de Flandre avec les « restes » de la première. En fait, ces deux intercommunalités ont émergé du CDR « Monts de Flandre Plaine de la Lys » lui-même faisant suite à une charte intercommunale de 1992. A l’initiative de la communauté de communes « Monts de Flandre Plaine de la Lys », le projet de CDR, lancé en 1996, proposait une action visant la maîtrise des flux liés à la logique périurbanisante de cet espace, le développement des activités et services sur place (la définition d’un bassin de vie en somme) et le renforcement de la complémentarité touristique entre ces deux axes que sont la chaîne des Monts de Flandre et la Plaine de la Lys. Dans la pratique et suite à la loi de 1992, le Conseil Général avait donné son accord si l’autre intercommunalité venait s’adjoindre, proposant ainsi une entité territoriale d’un seul tenant. Finalement signé à l’hiver 1998, ce CDR n’aura pas vécu longtemps, les compétences de deux intercommunalités étant trop différentes, les vues de leurs représentants trop divergentes. Après avoir usé trois générations d’animateurs, le contrat prit fin en 2000 sans que la configuration de ces intercommunalités n’ait évolué. Détaillant la situation régionale, la carte n° 35 p 150 montre ce CDR des Monts de Flandre Plaine de la Lys ainsi que celui de Flandre Occidentale que nous évoquerons ensuite.

Source : INSEE

Carte 35 : Les contrats de développement ruraux en Nord Pas de Calais

Concernant Hazebrouck, la situation est encore plus complexe dans la mesure où la ville n’est pas en intercommunalité. En cela, elle est la commune la plus importante du département du Nord n’étant pas membre d’un groupement intercommunal (voir tableau n° 7 p 151). Seules seize communes du Nord (alors que l’on en dénombre aucune dans le Pas de Calais) demeurent dans cette situation mais les quinze suivant Hazebrouck sont nettement moins peuplées, n’affichant surtout un quelconque rôle dans l’organisation urbaine de la région (de Escaupont et ses 4.202 habitants dans le Valenciennois à Saint-Bénin et ses 389 habitants dans le Cambrésis). Hazebrouck aurait pourtant l’envergure d’un centre de communauté d’agglomération (elle dépasse les 15.000 habitants requis et concentre de nombreuses activités sur ce territoire de Flandre intérieure). Nous reviendrons sur cette question aujourd’hui encore ouverte, ce qui n’a pas empêché les communes voisines de Hazebrouck de se structurer en deux intercommunalités. A l’exception des communes de Blaringhem et de Wallon-Cappel, le canton de Hazebrouck-Nord s’est mué en une communauté de communes du Houtland à l’allure très allongée, le long de la D 161. Le maire de Blaringhem, rencontré également en février 2004, affirmait préférer choisir sa fiscalité, sa

commune ayant les moyens de faire sans intercommunalité. Amputé des communes de Borre, Pradelles et Strazeele qui ont rejoint l’intercommunalité bailleuloise, le canton de Hazebrouck-Sud s’est lui constitué en une petite communauté de communes dite de la Voie Romaine (seulement 4 communes).

Commune Population Hazebrouck 21 396 Escautpont 4 202 Avesnes-les-Aubert 3 592 Iwuy 3 306 Watten 2 925 Masnières 2 525 La Longueville 2 196 Villers-Outreaux 2 184 Pont-à-Marcq 2 115 Blaringhem 1 791 Spycker 1 314 Saint-Vaast-en-Cambrésis 863 Wallon-Cappel 831 Saint-Waast 649 Briastre 619 Saint-Benin 389 Source : http://splaf.free.fr/

Tableau 6 : Communes du Nord n'appartenant à aucun groupement intercommunal

Enfin, la dernière intercommunalité de cet espace, la communauté de communes Flandre-Lys affiche, quant à elle, la particularité d’être interdépartementale et même d’avoir été la première intercommunalité interdépartementale de la région Nord Pas de Calais (la communauté de communes Monts de Flandre Plaine de la Lys l’a rejoint du fait de l’adhésion récente de Sailly sur la Lys). Reprenant les communes du canton de Merville (moins Le Doulieu), cette structure a intégré les communes de Fleurbaix, Laventie et Lestrem. L’épisode de la constitution de cette intercommunalité est relaté dans la thèse de A-S.Forbras (2000)88. C’est suite à un projet de liaison routière entre Merville et Béthune qui avait pour but de désenclaver le secteur et de promouvoir l’aérodrome de Merville-Calonne comme point d’intérêt économique et touristique que la communauté de communes s’est créée. Rattachée à

88 FORBRAS A-S. (2000) « Recomposition des territoires : le pays minier centre-ouest du Nord Pas de Calais », Thèse de doctorat, 605 p, dir : P BRUYELLE

l’origine à un SIVOM avec le Béthunois, la commune de Merville, en opposition avec ce projet, a été priée de se retirer du groupement, se lançant ainsi dans la coopération intercommunale avec ces quelques communes riveraines de la Lys. Il est donc possible de lire ici les choses en terme d’effet d’aubaine ou de solution de repli, même si les élus de ces communes du Pas de Calais s’avouent fiers d’avoir transgressé la barrière départementale malgré les foudres de nombre de leurs semblables. D’un autre côté, le resserrement administratif extrême à cette latitude de la région appelait à passer au delà de la limite départementale puisque moins de dix kilomètres séparent la commune de Fleurbaix de la frontière franco-belge. Ne peut-on pas lire également, à travers ce regard vers le Nord, une certaine fuite du pays Béthunois et de l’image minière qu’on lui associe encore ? La Lys et son image bucolique seraient-elles plus fédératrices ?

Si le canton n’a pas de rôle en termes de gestion des territoires, les intercommunalités se sont inspirées de son contour surtout parce que les syndicats intercommunaux de type SIVU et SIVOM l’avaient fait préalablement. Leurs finalités les rapprochent de nos intercommunalités modernes même si leur assise spatiale repose sur des bases démographiques et politiques aujourd’hui dépassées. Dans notre espace d’étude, c’est une bonne vingtaine de SIVU et SIVOM qui a influencé les pratiques de gestion territoriale, à la fois sur la base de l’échelon cantonal mais aussi sur l’échelon plus large pouvant s’apparenter au pays.

C’est essentiellement la question de l’électrification en milieu rural qui a motivé les premiers regroupements intercommunaux de type SIVU dans les années 1920. L’échelon cantonal était de référence puisque ces associations visant à la création de réseau d’énergie comportaient généralement une dizaine de communes (syndicat d’électrification de Steenvoorde en 1922, de Hondschoote en 1925, de Bergues en 1927, de Bourbourg en 1928, etc.). Mais si la construction des lignes électriques s’est faite sur la base de l’échelle du canton, la gestion de ce service a été, depuis 1966, pensée à l’échelon de l’arrondissement de Dunkerque (communauté urbaine exclue) se rapprochant ainsi de la dimension des deux pays (syndicat intercommunal d’énergie des communes de Flandre).

Le thème du traitement des ordures ménagères a également été géré à l’échelon pays puisque se sont érigés, en 1970, le SMICTOM des Flandres (syndicat intercommunal de collecte et de traitements des ordures ménagères) organisé autour de Hazebrouck et, en 1972,

le SIROM des Flandres Nord (syndicat intercommunal de ramassage des ordures ménagères) autour de Hondschoote. C’est par exemple lors de la transformation de ces entités en syndicats mixtes en 2002 que les limites de certains découpages intercommunaux sont apparues puisque des procédures de représentation-substitution ont été nécessaires pour pallier la non-contiguïté des communautés de communes du Bailleulois (communauté de communes Monts de Flandre Plaine de la Lys et communauté de communes des communes rurales des Monts de Flandre).

Les deux volets liés à l’eau, assainissement et distribution d’eau potable, ont aussi fait l’objet d’une gestion à l’échelon pays. Aucun cas de non-contiguïté n’est ici à souligner, ce qui apparaît logique étant donné la nature physique de l’objet à gérer. Le syndicat intercommunal des eaux de la région des Flandres a eu en charge le projet d’alimentation en eau potable du secteur à partir de 1944. Ce sont 59 communes qui y adhéraient. Aujourd’hui, assainissement et distribution d’eau potable sont gérés par les deux grosses structures que sont le SIAN (syndicat intercommunal d’assainissement du Nord) et le SIDEN (syndicat intercommunal de distribution des eaux du Nord).

Les variations dans les dates de constitution des intercommunalités peuvent également s’interpréter en liaison avec les SIVOM préexistants : des communes adhérant à un SIVOM ancien dont le fonctionnement s’avérait satisfaisant, ne voyaient pas forcément la plus-value que pouvait apporter un nouveau regroupement en intercommunalité. Les SIVOM de Flandre Sud (1967 – correspond au canton de Merville) de la Voie Romaine (1974) ou encore de Steenvoorde (1982) avaient de l’expérience, ils étaient d’ailleurs dirigés par les mêmes élus qui deviendront les futurs présidents de communautés de communes.

D’autres structures, plus spécialisées existent sur ce territoire mais les caractéristiques de ces principaux syndicats permettent de mieux comprendre l’actuel agencement de l’intercommunalité. L’héritage cantonal est présent mais la territorialisation à l’échelon pays est également de rigueur nous permettant de lire à la fois la séparation avec le territoire de la communauté urbaine de Dunkerque mais également une distinction interne de cette zone centrale qui dessine les tracés des deux pays « Cœur de Flandre » et « Moulins de Flandres ».