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2. Structuration de l’intercommunalité et territoire de pays

2.2. Deux pays Voynet : « Cœur de Flandre » et « Moulins de Flandre »

2.2.2. Cœur de Flandre

Avant le pays Cœur de Flandre, il y eut l’idée de bâtir un Parc Naturel Régional (en 1995). Issu de la Loi d’Orientation Foncière de 1967, la LOF, le PNR peut se définir comme « un territoire rural reconnu au niveau national pour sa forte valeur paysagère et qui s’organise autour d’un projet concerté de développement durable fondé sur la protection et la valorisation du patrimoine ». Venant en complément des Parcs Nationaux qui visent une

protection « dure » des richesses naturelles en prévenant de toute présence humaine, les PNR se veulent ouverts au public et à une mission pédagogique ainsi qu’au développement socio- économique, à l’aménagement et à la préservation du patrimoine naturel et culturel.

On trouve ici les composantes clés d’une politique d’aménagement d’ensemble, les notions d’acteurs et de partenaires, celles de projet global et de charte. L’association de préfiguration du PNR en collaboration avec le Conseil Régional et le Comité Régional du Tourisme ont mené études et diagnostics jusqu’en 1999. Les thématiques abordées allaient de la bonne intégration du bâti dans un décor bocager à la gestion de l’eau en passant par la sensibilisation à l’environnement, le tourisme raisonné ou encore la création d’emplois. Pour ce faire, les outils mis en avant étaient divers : développer l’intercommunalité, mettre en place des itinéraires thématiques (musées, gastronomie…), renforcer la signalétique touristique, développer les possibilités d’accueil et d’hébergement, favoriser les pratiques agricoles maintenant le paysage flamand, développer la vente directe à la ferme.

Le projet avorte en 1999 et les acteurs locaux s’engagent dans la voie du pays avec quelques regrets sur l’intitulé de ce qu’aurait pu devenir leur territoire. Le label PNR apparaissait noble, prestigieux, potentiellement plus fédérateur que ce novice méconnu. « On nous enlève l’idéal et on nous envoie dans le technique » : les propos de M.Declercq, maire de Steenwerck, résumaient bien la vision des déçus du PNR à cette époque.

Diverses interprétations à l’échec de cette option PNR peuvent être mises en avant. On peut tout d’abord en référer au succès général des PNR. Une quarantaine de PNR ont vu le jour en France depuis 1967 favorisant la création de richesses locales, l’éducation à l’environnement et l’échange culturel. La contrepartie tient en une surfréquentation des sites et une demande importante de labellisation en la matière avec toutefois la limite suivante : les PNR étant, par définition, des espaces remarquables, une multiplication abusive de leur effectif aurait pour conséquence une dévalorisation du label. Cette remarque est fondée dans un Nord Pas de Calais très urbanisé et, qui plus est, compte déjà trois PNR (voir carte n° 39 p 163) dont le doyen national, le parc Scarpe Escaut situé à moins d’une trentaine de kilomètres au Sud de Lille. Avec les plus récents PNR de l’Avesnois et Caps Audomarois, la région compte donc trois parcs dont les spécificités premières demeurent la proximité des grandes densités urbaines et la couverture de zones naturelles éclatées et peu vastes.

Un quatrième prétendant aurait donc peut-être été de trop. Il aurait été possible d’y lire une source de concurrence interne à la région qui aurait été recouverte d’un zonage PNR dans toute sa largeur, de la côte d’Opale à la frontière belge. Le Nord Pas de Calais serait par là même devenu la région de France comptabilisant le plus de PNR (aux côtés de la région Rhône-Alpes et la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur), ce qui n’aurait pas été sans poser un problème d’image, de pertinence du concept. Notre enquête de terrain (chapitre 9) a montré qu’avec quelques années de recul, les élus locaux partagent leur opinion sur l’échec de cette option entre un manque d’espaces naturels remarquables (l’espace reste fortement humanisé et soumis à la périurbanisation) et un périmètre trop petit, soumis à quelques tiraillements politiques internes (la carte n° 39 montre une grosse enclave de non-adhésion au niveau des deux cantons de Hazebrouck, lesquelles communes ne ressentant pas d’ailleurs forcément une quelconque identité des « Monts de Flandre » ni du « Val de Lys »). Les changements de majorité politique au niveau de la Région et du Département ont joué également.

Source : DIREN

Le pays « Cœur de Flandre » recouvre un territoire de 568 km² sur lequel vit une population de 116.197 habitants, la densité y étant donc de 205 habitants/km². Les communautés de communes Monts de Flandre Plaine de la Lys, rurale des Monts de Flandre, Flandre-Lys, des Géants et de l’Houtland regroupant 38 communes ainsi que 3 communes isolées (Hazebrouck, Wallon-Cappel et Blaringhem) composent ce territoire de 41 communes. En regard de la moyenne nationale, il s’agit d’un territoire qui n’est pas très étendu et qui ne comporte pas non plus un très grand nombre de communes. En revanche, le nombre d’habitants y est assez conséquent. Il est le seul pays interdépartemental de la région Nord Pas de Calais de par la communauté de communes Flandre-Lys.

Deux spécificités sont à relater quant à sa forme géographique. Il convient tout d’abord de signaler que la communauté de communes du pays de Cassel était partie intégrante du périmètre « Cœur de Flandre » tout en étant également impliquée dans la démarche du pays voisin des « Moulins de Flandre ». En tant que groupement de communes à la jonction de ces deux entités, ce double positionnement dans les phases d’étude était tout à fait légitime d’autant que la structure était membre du projet PNR (l’association de préfiguration du PNR était d’ailleurs basée à Cassel avant qu’elle ne se déplace à Steenwerck pour le pays). Finalement, cette intercommunalité a préféré rejoindre les rangs du pays « Moulins de Flandre ». On peut interpréter cette option comme le souhait de garder une cohérence avec le périmètre du SCOT Dunkerquois qui s’étend justement au Sud jusqu’à la communauté de communes du pays de Cassel mais aussi par le fait que les structures n’existaient pas encore en Cœur de Flandre, que tout restait à créer. La carte n° 41 p 166 montre justement que le territoire Cœur de Flandre reste l’un des derniers périmètres de la région sans schéma directeur (et, pour mémoire, sans contour d’arrondissement). Une des conséquences de ce choix peut se mesurer en termes d’image, de potentialité touristique puisque la chaîne des Monts de Flandre se trouve de ce fait scindée, le Mont Cassel étant dans le pays « Moulins de Flandres », les autres Mont des Cats et Mont Noir étant associés à « Cœur de Flandre ». Mais il est vrai que l’autoroute A 25 avait déjà affirmé cette distinction tout comme la frontière internationale avait aussi individualisé les entités des Monts Rouge et Kemmel.

Source : INSEE

Carte 41: Schémas Directeurs en Nord Pas de Calais au 1er janvier 2005

L’autre modification de périmètre, elle aussi constituant un retrait, concerne la communauté de communes de la Voie Romaine. Cette intercommunalité a décidé de se retirer du projet « Cœur de Flandre » en votant contre la charte de pays. L’hypothèse avancée dépasse finalement le fait de ne pas adhérer aux idées du pays pour rejoindre le vrai problème qu’est la structuration du pôle Hazebrouckois en communauté d’agglomération. La conséquence se mesure là aussi en terme de cohérence territoriale (une enclave apparaît désormais) et touristique puisque le pays se voit privé de la commune de Morbecque qui abrite la forêt de Nieppe dont on a signalé qu’elle était le seul massif forestier restant en Flandre française et également le second point d’attraction du territoire du pays après le secteur des Monts de Flandre.

Le pays « Cœur de Flandre » s’est progressivement constitué en trois années, tant sur le fond que sur la forme. Trois instances complémentaires ont vu le jour. Outre l’organe technique, administratif et financier que représente l’association de préfiguration, le pays s’est doté en juillet 2001 d’un comité de pilotage constituant la deuxième instance à caractère

décisionnel. L’organe de consultation, le conseil de développement réunissant des membres de la société civile et professionnelle a émergé, quant à lui, en novembre 2002. La demande de reconnaissance du périmètre d’étude a été déposée en février 2002, le diagnostic de pays ayant suivi en juillet 2002. Pour développer la médiatisation du pays, des assises ont été organisées en octobre 2002 au cours desquelles des ateliers thématiques ont recensé les objectifs prioritaires du pays pour tenter d’en dresser le visage à l’horizon 2018. L’année 2003 a vu la rédaction de la pré-charte (mars) puis de la charte (juillet). Le contrat de pays a été signé en juin 2004 et, en septembre 2005, le pays a organisé sa première fête que nous évoquerons ensuite. Trois salariés sont employés : un animateur de pays, une assistante ainsi qu’un chargé de mission spécialisé dans le développement économique.