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La nature du milieu physique et son exploitation par l’homme ont joué un rôle net dans l’implantation de son habitat originel. Cet habitat représente une part du paysage rural, le reste étant constitué de terres, labours, prés, vignes, boisements…Sur cet aspect, notre espace d’étude ne présente pas de différenciations internes du gabarit du pays mais plutôt une unité d’ensemble qui le distingue des territoires situés plus au Sud.

La coupure traditionnelle des civilisations agraires individualise l’espace Lille- Dunkerque comme celui de l’habitat rural dispersé tandis qu’au Sud, celui-ci présente un caractère aggloméré. Cette unité paysagère est à souligner puisqu’elle permet

l’individualisation de notre espace d’étude sur la base d’une échelle nettement plus grande que les auteurs ont identifiée comme européenne. La localisation éparse des fermes se retrouve en Angleterre, en Irlande et même au Canada tandis que le groupement caractérise l’Europe centrale et orientale, jusqu’à la côte Pacifique.

D’après P.Flatrès (1980), la dispersion spatiale de l’habitat en Flandre française est caractéristique du modèle dit « des pays de la Mer du Nord » correspondant à des influences flamandes et germaniques que l’on peut opposer à la civilisation du groupement dite des « champagnes médio-européennes » d’inspiration latine.

La lecture d’une carte topographique au 1/100.000 permet d’illustrer cette composante. Nous surlignons les unités d’habitations par des ellipses vertes. Au Sud de Lille, l’habitat est groupé à l’image de la périphérie de l’agglomération douaisienne par exemple (carte n° 3 ci-dessous). Au Nord, les unités d’habitations sont éparpillées comme le montre la carte n° 4 p 48, aux alentours de Wormhout.

Source : IGN, TOP 100 série bleue, échelle : 1/100.000, soit 1 cm = 1 km

Source : IGN, TOP 100 série bleue, échelle : 1/100.000, soit 1 cm = 1 km

Carte 4 : L'habitat dispersé en Flandre Intérieure

Ainsi cette civilisation de l’habitat groupé cumule jardins clos et parcelles cultivées ouvertes. Les villages-bourgs y sont donc agglomérés, distants de 3 ou 4 kilomètres, commandant un finage de 600 à 700 ha et l’on ne note quasiment aucune implantation humaine entre eux. La taille de ces villages est intermédiaire, entre le gros village méditerranéen et le micro-village de l’Ouest. La ferme type est la cense, que les Belges nomment « cense wallone » dont les bâtiments sont jointifs et la cour fermée. Des murs extérieurs aveugles ceinturent une cour carrée pavée accessible par une grande porte cochère. D’époque médiévale, la cense s’apparente à une vraie ferme-forteresse.

A l’inverse, la civilisation de la dispersion présente des structures parcellaires combinant herbages enclos et champs ouverts. La hofstède (parfois avec la précision de hofstède flamande) est une ferme à cour ouverte située au milieu d’un pré ceinturé par une haie et autrefois par un fossé plein d’eau. Trois bâtiments entourant de trois côtés une cour carrée lui donnent cette forme en « U ». L’habitation occupe le bâtiment central, les étables et

les hangars étant sur les côtés. La hofstède est peinte au crépi blanc et recouverte de tuiles rouges brillantes, les pannes flamandes. Les centres villages sont là caractérisés par des fonctions résidentielles et tertiaires mais l’on n’y trouve pas d’agriculteurs. Le type d’agriculture pratiquée se distingue suivant ces marqueurs : les terres sèches favorisent la grande culture et l’agglomération de l’habitat, les terres humides sont propices à l’élevage et à la dispersion. Les photos n° 5 et n° 6 p ci-dessous représentent cense et hofstède.

Auteur : S.Dhote

Photo 5 : La cense

Auteur : S.Dhote

Des types d’habitats transitionnels existent dans la zone de contact et sont surtout le fait de reconstructions dues aux dégâts causés par la Première Guerre Mondiale. En cela des variantes de cense et de hofstède peuvent se rencontrer aux abords de la métropole lilloise.

Les justifications à cette sorte de saupoudrage originel de l’habitat en Flandre tiennent à différents facteurs mais il a surtout fallu s’adapter le plus finement possible à son environnement. L’orientation de la bâtisse privilégiait un passage optimal du soleil alors que la situation même de l’habitation était conditionnée par les renflements de terrain, peu abondants dans le secteur et la présence de rideaux d’arbres pour se protéger du vent et de la pluie. Cette lutte contre les intempéries explique que l’habitation est plaquée au sol, s’étirant en longueur sans jamais s’élever. La présence de l’eau, son côté stagnant et la nature argileuse du sol entraînaient la formation de vastes bourbiers difficilement franchissables. La dispersion est donc à mettre en relation avec « la difficulté de travailler les terres si on n’habite pas à proximité et la volonté d’éviter les longs déplacements avec de lourds chariots sur des chemins détrempés21 ». R.Dion avait déjà noté ce point au sujet de la Flandre : l’exemple du transport de charrettes sur le limon argileux des Flandres le poussait à penser que, « sur sol humide, les agriculteurs ont dû restreindre leur rayon de déplacement et donc à organiser des finages plus petits, moins étoffés22 ». Le paysan voulait également garder une échelle raisonnable à son domaine pour pouvoir le surveiller attentivement.

La disparition de l’assolement triennal peut également être invoquée. Dès le XVème siècle, la jachère disparaît progressivement dans cet espace au profit d’une culture plus intensive et plus diversifiée. Avec la fin des contraintes communautaires liées à l’assolement triennal, les fermiers se sont installés au milieu de leur exploitation afin de la rentabiliser au mieux. L’accès facile aux nombreuses nappes aquifères pour l’alimentation en eau favorisera aussi cette dispersion de l’habitat.

Sous un aspect plus juridique, la question de la transmission des biens constitue une dernière justification à cette dispersion de l’habitat. Le fermier s’efforçait de transmettre aux héritiers des parts égales et il n’était pas rare de voir des fermes passer de père à fille, de grand-mère à petit-fils. Les enfants du fermier s’établissaient très souvent sur le pays natal et

21 Dans « Evolution récente de l’agriculture dans les zones périurbaines : l’exemple de l’ouest de l’agglomération lilloise », DEMEULENAERE Fernand, thèse de doctorat, dir : Bonneau Michel, 1980, USTL

22 Roger DION « Essai sur la formation du paysage rural français », préface de Pierre Flatrès. Géographes. Flammarion. 1981

comme il n’y avait pas de règles quant à la dimension des fermes, on les a vu se subdiviser encore et encore, expliquant ainsi ce morcellement dans le paysage. Qui plus est, le développement de l’urbanisation y contribuera également. Déjà en 1921, P.Vidal de la Blache remarquait que « l’on voit actuellement dans les pays de population disséminée, Flandre, vallée de la Loire, les maisons s’aligner docilement à l’appel des routes, former des rues et donner un aspect semi-urbain à certaines campagnes23 ».