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Une agglomération littorale, une métropole régionale et un espace multipolarisé

trois ensembles que l’on peut simplement identifier comme Lille, Dunkerque et l’espace interstitiel, deux « bornes » d’urbanisation continue encadrant un territoire urbanisé de façon plus éparse. L’entrée par la démographie permet une première caractérisation de ces faits. La carte n° 7 p 76 ci-dessous expose l’état de cette densité en 1999.

Source : INSEE, SIGALE

Carte 7 : La densité de population du Nord Pas de Calais en 1999

Cinquième agglomération de la région comptabilisant 191.713 habitants, l’agglomération dunkerquoise est une bande littorale dont la ville-centre, Dunkerque, affiche un poids notable avec ses 70.850 habitants. Logiquement, l’industrialisation portuaire a joué sur la morphologie de la croissance de la ville qui a d’abord étendu son territoire à l’est et à l’Ouest en absorbant d’autres communes comme Malo, Mardyck, Rosendaël, aujourd’hui devenus des quartiers dunkerquois. Trois communes jouxtant directement Dunkerque en consolident la centralité : Grande-Synthe, Saint-Pol-sur-Mer et Coudekerque-Branche qui comportent chacune environ 20.000 habitants. Ainsi, Dunkerque et ce tiercé de villes totalisent plus de 130.000 habitants, soit les deux tiers du poids total de l’agglomération. L’ajout de Teteghem (7.237 habitants) et Cappelle-la-Grande (8.613 habitants), elles aussi directement limitrophes de Dunkerque, fait passer l’ensemble à hauteur des trois quarts du poids total de l’agglomération. Un autre noyau urbain situé à l’extrémité Est de l’agglomération se distingue de Dunkerque, le pôle de Gravelines (12.424 habitants) dont les deux voisines immédiates, Bourbourg et Loon-Plage dénombrent chacune plus de 6.000

habitants. L’on passe ensuite sous le seuil des 5.000 habitants (Leffrinckouke, Bray-Dunes) pour ensuite atteindre des extrêmes comme certains villages comportant encore moins de 500 habitants (Craywick, Saint-Georges sur l’Aa).

L’agglomération dunkerquoise constitue une entité délimitée de façon assez nette, latéralement par les frontières départementales et internationales et au Sud par le canal de la Colme. Par sa spécificité littorale et portuaire, Dunkerque polarise assez fortement son agglomération. L’usage parle parfois de « Dunkerquois » plus que de « pays Dunkerquois » même si finalement, le concept de pays peut prendre un sens géographique particulier avec le qualificatif d’avant-pays. Un port, en tant que centre industriel, constitue un avant-pays inséparable de son arrière-pays (ou hinterland) qui désigne, au sens réduit, « le bassin de main d’œuvre et la zone continentale liée au port » ou, de façon plus large, « la zone reliée au port par des réseaux de transport, voire de toute sa zone d’influence48 ». Cette zone d’influence constitue originellement le lieu d’écoulement des biens et services du port comme en témoigne la définition de A.Vigarié « l’arrière pays fondamental est l’aire de clientèle dans laquelle le port, solidement implanté, vend l’essentiel de ses services et les marges de concurrence (qui sont) des régions où il est en compétition commerciale avec ses voisins49 ». Liée aux possibilités de transport, la notion apparaît donc évolutive, le langage courant l’utilise d’ailleurs plus volontiers pour désigner des territoires à l’écart d’un centre urbain mais n’ayant aucun lien avec une quelconque façade maritime (arrière-pays lyonnais, poitevin, strasbourgeois ou encore bourguignon…).

Passé le canal de la Colme, en Flandre intérieure, on entre dans un secteur à l’urbanisation plus diffuse, caractérisé par un semis de petites villes dont aucune ne se détache. Jusqu’aux Monts de Flandre, on note même un relatif équilibre entre chacun de ces « bourgs-centres ». Ces communes comptent entre 2.000 habitants (Esquelbecq, Cassel) et 5.000 habitants (Wormhout) avec des intermédiaires à 3.000 habitants (Watten) et 4.000 habitants (Bergues, Hondschoote, Steenvoorde). Chefs-lieux de cantons pour la plupart, ces centres polarisent des petits bassins de vie justement de dimension cantonale. Dans une classification selon la taille démographique, le nombre de communes attirées et le volume de population, P.Bruyelle (1970) définissait ces villes comme des « centres locaux », les derniers

48 BAUD P, BOURGEAT S et BRAS C. (1998) « Dictionnaire de géographie », Hatier, pp 312

49 A.Vigarié dans : colloque international franco japonais Villes et Ports, CNRS, Paris p 67 cité dans : MARCADON J. (1987) « L’avant-pays des ports français », Recherches en géographie, Masson, 1987, 208 p

de la hiérarchie après la métropole, les centres principaux, les centres secondaires et les petits centres50. Les autres communes gravitant autour de ces pôles sont de poids démographique extrêmement faible (d’un millier d’habitants à parfois moins de 200 habitants : Bissezeele, Zermezeele). Cet espace reste l’un des plus aérés du département du Nord.

Plus au Sud, la configuration des sites de villes diffère. La spécificité territoriale marquante tient surtout à la présence de deux points d’accroche urbains témoignant d’une sorte de bipolarité entre la ville principale, Hazebrouck (21.385 habitants) et sa suivante, Bailleul (14.146 habitants). Si Hazebrouck, ancien chef-lieu d’arrondissement, prend le qualificatif, historique, de capitale de la Flandre intérieure, Bailleul jouit d’une situation géographique privilégiée entre l’autoroute A 25 et la frontière belge qui contribue à son dynamisme. Nous reviendrons sur le fait que les deux communes sont traditionnellement de tendance politique opposée. La transition vers la plaine de la Lys s’opère par une densification plus prononcée. Un développement originel structuré le long de la Lys, ravivé par la périurbanisation, explique ces plus fortes densités. Merville suit Bailleul avec 8.903 habitants tandis que Nieppe (7.470 habitants) a fortement relayé le développement du pôle armentiérois. Estaires et la Gorgue dépassent les 5.000 habitants, Sailly sur la Lys, Lestrem ou encore Laventie atteignent les 4.000 habitants.

Armentières (25.269 habitants) est la commune qui symbolise l’entrée dans la Métropole par le Nord. Fonctionnellement et historiquement liée au développement de la Métropole, Armentières est considérée comme son quatrième pilier même s’il y a discontinuité du bâti avec la conurbation51. Ville relais, Armentières présente des fonctions banales et non des fonctions métropolitaines. Mais si la Métropole du Nord, la Métropole lilloise, se veut aujourd’hui forte d’un million d’habitants, son caractère polynucléaire reste tout à fait original. Même les trois noyaux de la conurbation peinent à atteindre la moitié de ce poids démographique total puisque Lille ne compte que 212.597 habitants, Roubaix et Tourcoing en totalisant presque 100.000 chacune. De manière générale, une plus forte densité est à souligner dans le quart Nord-Est de la métropole. Villeuneuve d’Ascq dépasse les 65.000 habitants alors que Wattrelos (42.753 habitants) fait office de liaison entre les pôles de Roubaix et Tourcoing. Marcq en Baroeul (37.169 habitants) et Lambersart (28.131 habitants)

50 BRUYELLE P (1970) « L’influence urbaine en milieu rural dans la région Nord. Commerces et services », CERES, numéro spécial, juillet 1970, 122 p

51 Voir sur ce point : GAVREL S. (1997) « La ville d’Armentières s’intègre-t-elle à la Métropole lilloise ? » Mémoire de DEA, UFR Géographie, USTL

sont les dernières à dépasser Armentières tandis que des communes comme la Madeleine, Croix, Hem, Wasquehal consolident cet ensemble avec chacune un poids d’environ 20.000 habitants. Les choses s’homogénéisent ailleurs et on retrouve plus facilement une diminution démographique logique au fur et à mesure que l’on s’éloigne des centres précités. A l’extrême inverse, au Sud et à l’Ouest, une vingtaine de communes de l’arrondissement n’atteignent même pas les 1.000 habitants.

Les entités naturelles étaient déjà nombreuses et variées sur ce territoire, la multipolarité urbaine n’a pas été de nature à clarifier une lecture en terme de pays. Pays et densité urbaine ne semblent pas rimer et si l’on parle encore aujourd’hui de la Pévèle, des Weppes et de la Lys, c’est que le fait urbain n’y est pas suffisant pour en modifier les identités. A l’inverse, on parle beaucoup moins du Mélantois et du Ferrain et l’on raisonne davantage en terme de territoire lillois, roubaisien ou tourquennois, l’appellation beaucoup plus anonyme du « versant Nord-Est » de la métropole ayant accompagné les étapes de sa délicate structuration.