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Variation à grande échelle des communautés végétales

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 89-91)

Le biome arctique, comme beaucoup d’autres, comporte des communautés végétales carac- téristiques qui se développent dans des contextes particuliers, tels que les crêtes, les parties aval des congères de neige, les pentes et le long des rivières (fig. 5.6). Dans le bioclimat de la sous-zone E, ces communautés sont bien différenciées. Par exemple, la végétation zonale du versant nord de l’Alaska, commune partout en Béringie, associe les touffes de carex à l’ar- buste nain (Walker et al., 1994). Elle est caractérisée par des cypéracées (carex, linaigrettes) qui, conservant leurs feuilles mortes année après année, forment des touffes de tourbe d’un diamètre généralement compris entre 0,5 et 0,8 m et d’environ 0,5 m de hauteur (Eriophorum vaginatum, Sphagno-Eriophoretum vaginati). La forme de croissance en touffe exhausse les roseaux au-dessus du sol froid et saturé en eau où ils trouvent de bonnes conditions ther- miques, notamment au début de l’été. Les touffes procurent également aux plantes une expo- sition plus favorable à la lumière rasante du soleil polaire. Saules, bouleaux nains et éricacées (myrtilles, rhododendrons, bruyères) poussent aussi sur les buttes. La hauteur des arbustes qui poussent sur les touffes dépend des températures estivales, du drainage et de l’épaisseur de la neige accumulée au cours de l’hiver. Sur les versants orientés au sud et les mieux drai- nés, les arbustes dépassent les touffes. Entre les touffes, le terrain, à l’ombre, est principale- ment couvert de mousse, avec des sols froids qui dégèlent superficiellement en été. Ce type de végétation est très difficile à traverser et nécessite que l’on doive choisir de marcher soit entre les buttes ou sur leurs sommets instables. Cependant, contrairement à l’homme, les caribous se déplacent avec facilité au travers de ces paysages tourmentés.

Dans les communautés bioclimatiques appartenant à la sous-zone E, les petits arbrisseaux sont communs le long des thalwegs drainés griffant les pentes des collines, tandis que des ar- bustes de petite à grande taille se développent plutôt sur les terrasses fluviales. Les commu- nautés riveraines des saules sont contrôlées par la combinaison des conditions édaphiques et par le « régime de perturbation1 » (Schickhoff, 2002). Les saules denses de 1 à 2 m de haut (principalement Salix alaxensis, Epilobio-Salicetum alaxensis) succèdent aux communautés herbacées dicotylédones pionnières sur les bancs de gravier et les plaines inondables. Sur les terrasses fluviatiles plus élevées et plus stables, une épaisse couche de mousse se développe qui isole le sol en le maintenant saturé. Les sols les plus froids et les plus humides limitent la croissance des arbustes, favorisant les petits saules (Salix richardsonii et Salix glauca, Anemo- no-Salicetum richardsonii).

Dans les parties les plus chaudes de l’Arctique, les congères de neige sont caractérisées par des arbustes rampants et par des plantes herbacées qui tolèrent de très courtes saisons vé- gétatives. Différentes communautés se forment sur les portions des congères qui fondent en premier : on y trouve Cassiope tetragona ainsi que d’autres arbustes nains à feuilles persis- tantes et les lichens. Les parties des congères déneigées tard dans la saison estivale ont des sols saturés en eau tout au long de la saison végétative et présentent une flore beaucoup plus limitée, dominée par les saules rampants (Salix rotundifolia) (Walker et al., 1994).

Les communautés rencontrées sur les crêtes et les aires alpines varient en fonction de la pente et de l’orientation des versants et aussi selon le type de roche, acide ou basique (Cooper, 1986). Les zones à substrat rocheux acide sont caractérisées par des arbustes nains rampants tandis que la végétation est généralement plus clairsemée là où les roches sont basiques. Ces dernières se dissolvant plus facilement, elles ne forment pas un sol bien développé, laissant souvent affleurer le substrat rocheux. Les plantes herbacées en coussins colorés et d’autres plantes relativement rares se rencontrent dans ces zones de substrat basique.

1 En écologie, un « régime de perturbation » s’applique à la description sommaire d’un type de perturbations répétées et affectant un paysage pendant une période de temps donnée. Les « régimes de perturbation » sont généralement décrits à l’aide de données empiriques et de résumés statistiques.

Dans la sous-zone bioclimatique D du versant nord de l’Alaska, la végétation zonale est com- posée de carex et d’arbustes (Dryado integrifoliae-Caricetum bigelowii (Walker et al., 1994)), souvent structurés sous la forme de petits cercles cryoturbés. La végétation entre les cercles est généralement constituée d’une vaste couverture de mousses (par exemple Hycolomium splendens) (Kade et al., 2005). Le centre des cercles cryoturbés est souvent nu tandis que les lichens et les mousses poussent sur les bords. Lorsqu’elle existe, la végétation croissant entre les cercles présente une communauté floristique dominée par Dryas integrifolia-Carex rupes- tris (Vonlanthen et al., 2008). Les types de végétation sont similaires à ceux de la sous-zone D, avec une végétation moins continue entre des cercles moins végétalisés (Raynolds et al., 2008 ; 2006).

Dans les sous-zones bioclimatiques B et A, il existe peu de variation dans les communautés végétales, en partie parce qu’il y a très peu d’espèces qui peuvent tolérer les conditions clima- tiques extrêmes (table 5.1). La végétation zonale de la sous-zone A est une communauté do- minée par Puccinellia angustata-Papaver radicatum avec quelques rares plantes vasculaires dispersées (Vonlanthen et al., 2008). Une communauté composée de plantes non vasculaires plus denses est commune dans les petites fissures (Saxifraga-Parmelia omphalodes ssp. gla- cialis (Vonlanthen et al., 2008)). Les zones les plus densément végétalisées se situent le long des bas-fonds bien drainés et en dessous des plaques de neige où l’humidité permanente autorise le développement de tapis de mousse parfois étonnamment épais (> 30 cm).

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 89-91)

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