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Les mouvements de masse comme risques majeurs aux hautes latitudes atlantiques européennes

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 106-113)

Figure 7.1 : Cartes de répartition des avalanches destructrices (dont slushes) en Norvège (A) et répartition des victimes d’avalanches, dans ou en dehors des habitations (B) (source : Kronholm et al., 2007, modifié).

zones habitées (Telemark, Buskerud, Oppland et Hedmark se distinguent particulièrement sur ce point). La tendance récente de localisation des victimes d’avalanches en Norvège se porte d’ailleurs bien davantage sur les accidents survenant hors des habitations, pendant les activités récréatives de pratique des sports d’hiver (fig. 7.2).

La géographie norvégienne implique une protection étendue des routes (Norwegian Public Roads Administration, 1994 ; Helgaas et al., 2012), des zones habitées et des lignes électriques, avec un imposant dispositif paravalanches, mettant en avant les principes de défense passive qui se traduisent par quantités d’ouvrages de déviation, de freinage et de retenue (Jóhannesson et al., 2009), de galeries, construits en fonction des modèles statistiques de distances de parcours développés dans les fjords norvégiens depuis les années quatre-vingt et appliqués efficacement à la partie occidentale de la Norvège (Lied et Bakkehøi, 1980). Une veille de l’état du manteau neigeux et une indication des niveaux de risque sont régulièrement consultables via Internet sur http://www.varsom.no.

Date Lieu Nombre de victimes

Février 1679 Møre og Romsdal 130 décès (plusieurs avalanches, 20 fermes touchées) a, c

1868 Gråura, Oppdal 32 décès a

1868 Stryn 32 décès (plusieurs avalanches en 20 jours) b, c

1868 Norvège 161 décés (plusieurs avalanches) 1873 Sogn og Fjordane 21 décès a

1880-81 Norvège 65 décès (divers sites) b

1956 Lofoten 21 décès a

1979 Norvège 109 bâtiments détruits 3 mars 1986 Vassdal 16 décès a

a Source : http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_avalanches; b Source : Nesje et al., 2007 ; c Hermanns et al., 2012

Tableau 7.1: Liste des avalanches les plus meurtrières ayant touché des habitations en Norvège.

Figure 7.2 : Localisation des victimes d’avalanches meurtrières en Norvège durant les quatre dernières décennies (source : Kronholm et al., 2007, modifié).

Le risque avalancheux au Svalbard : Longyearbyen en danger ? Malgré sa population de 2642 habitants (2012) et une densité de population dépassant

à peine 0,04 hab/km2, le risque avalancheux est présent au Svalbard, principalement au pied

des plateaux qui bordent la rive sud de l’Isfjorden où se trouve la majorité des habitants permanents et activités connexes, dans les communes de Longyearbyen et Barentsburg. Un des événements récents les plus dramatiques est l’avalanche de slush qui a touché l’hôpital de Longyearbyen en juin 1953, causant la mort de deux personnes et en blessant 12 autres (Jahn, 1976). Cet événement a commandé l’érection de digues permettant de canaliser le flux avalancheux, ainsi que de barrières à neige. Le même couloir est à nouveau emprunté par des coulées de slush en 1989 et janvier 2012, cette dernière occasionnant des dégâts matériels (Eckerstorfer, 2013). Depuis 2001, ce sont principalement des personnes circulant en moto- neige qui sont tuées par des avalanches (tab. 7.2).

La motoneige est un mode de transport particulièrement privilégié en hiver au Svalbard, notamment entre Longyearbyen et le village minier russe de Barentsburg. Ainsi, Eckertorfer et al. (2009) ont fait le compte du trafic des motoneiges durant le printemps 2009 dans la vallée de Fardalen, au sud de Longyearbyen, à l’aide d’un radar, sur un parcours extrêmement avalancheux (fig. 7.3A), totalisant 7311 passages, une moyenne de 118 motoneiges journa- lières, avec un pic journalier atteignant 326 motoneiges, principalement durant les week-ends (fig. 7.3B) ; ces chiffres seraient anodins, ne traduisant qu’une pratique locale, si un contrôle des conditions météorologiques mené par les auteurs ne soulignait la forte circulation durant les conditions de temps médiocres associées à une augmentation du potentiel avalancheux, qu’il s’agisse d’avalanches de plaques, d’avalanches à départ ponctuel, d’avalanches de slush et d’avalanches consécutives à l’effondrement de corniches neigeuses sommitales (Eckerstor- fer et Christiansen, 2011).

La ville de Longyearbyen elle-même compte une partie non négligeable de ces résidences exposées aux avalanches, tout au long de la vallée Longyeardalen dans laquelle la commu- nauté s’étend, et plus spécifiquement le site de Nybyen, au pied du versant de la montagne Gruvefjellet (Vogel et al., 2012), qui est régulièrement le théâtre d’avalanches faisant suite à la chute de corniches, d’avalanches de plaques ou d’avalanches à départ ponctuel.

Les fjords islandais face au risque avalancheux

Les fjords de l’ouest, le nord et l’est de l’Islande sont les principales régions rencon- trant des avalanches (fig. 7.4) fréquentes entre octobre et avril (Decaulne, 2013) ; c’est dans Sælingsdalur, juste à la racine de la région des fjords de l’ouest, qu’est recensée la toute pre- mière avalanche mortelle, qui emporta 5 personnes en 1118 (Jónsson, 1957).

Tableau 7.2: Liste des avalanches mortelles ou occasionnant des dégâts au Spitsberg

Date Lieu Dommages

Juin 1953 Longyearbyen (Vannledningsdalen) 3 décès, 12 blessés, hôpital détruit a

11 juin 1992 Lifdefjorden (NO Spits-bergen) 1 décès b

4 février 2001 Fardalen (S Longyearbyen) 2 décès en motoneige c

Mars 2004 Malardalen (NE Longyear-byen) 2 décès en motoneige b

15 mars 2009 Hiortfjellet (N Longyear-byen) 1 décès en motoneige b

Mars 2009 Gruvefjellet (S Longyear-byen) Destruction d’une infrastructure minière historique b

20 janvier 2012 Longyearbyen (Vannled- ningsdalen)

un pont piétons détruit b a Source : Jahn, 1976; b Source : Eckerstorfer, 2013; c Source : Instanes et al., 2004

Les dégâts corporels et matériels sont les plus nombreux dans ces régions de fjords (fig. 7.5). Cependant, le risque avalancheux dans ces secteurs est récent, puisque les fjords

ne sont véritablement habités tout au long de l’année qu’à partir de la fin du 19ième siècle

et connaissent un essor démographique consécutif au développement et à l’industrialisa- tion de l’économie de la pêche. L’occupation pérenne de l’espace des secteurs de fjords est

Figure 7.3 : Répartition des avalanches au sud de Longyearbyen lors de l’hivers 2008-2009 (A) et circulation des motoneiges entre le 11 mars et le 14 mai 2009 (source : Eckerstorfer et al., 2009, modifié).

d’ailleurs mise en valeur sur la figure 7.6 : entre 1801 et 2001, 351 personnes ont été tuées lors d’avalanches en Islande (Jóhannesson et Arnalds, 2001), presque à part égale entre les victimes tuées dans les zones urbaines et celles qui ont été emportées en dehors des villes et villages parsemant les fjords et les vallées ; jusque dans les années 1875, les accidents survenaient principalement lors des déplacements nécessaires entre les fermes dispersées au sein d’une ou plusieurs vallées, ou lors de déplacements de plus longue durée, à une époque où l’élevage de moutons dominait l’économie locale ; à partir de 1875, l’habitat le long de la côte des fjords devient sédentaire, et ce sont ces villages ou leur immédiate proxi- mité qui sont touchés de temps à autre, alors que les progrès des transports facilitent les dé- placements hivernaux à travers ou autour des massifs montagneux ; entre 1950 et 2000, les pertes de vies dues aux avalanches dans les villes et villages sont plus de trois fois supérieures à celles des zones non peuplées, traduisant nettement la localisation dangereuse des secteurs d’habitat récent, dans les fjords et vallées d’Islande septentrionale et orientale.

Deux des tous premiers cas avalancheux de grande ampleur sont recensés en février 1910 (tab. 7.3), avec l’événement dévastateur de Hnífsdalur, dans les fjords de l’ouest, accident qui impliqua quarante personnes, coûta la vie à vingt personnes et en blessa 10 (Starfsmenn snjóflóðavarna Veðurstofu Íslands, 2003c), et en avril 1919 dans le village de Siglufjörður, en Islande du nord, où 9 vies ont été perdues. C’est toutefois la fin du 20ième siècle qui attire l’attention sur le phénomène avalancheux, avec notamment l’année noire 1995 (24 décès dans deux avalanches en janvier et octobre, touchant en pleine nuit deux localités, Suðavík et Flateyri ; Haraldsdóttir, 1998, Starfsmenn snjóflóðavarna Veðurstofu Íslands, 2003b), qui fait suite à d’autres accidents mortels majeurs intervenus durant les décennies antérieures :

- 5 puis 7 morts dans deux avalanches à Neskaupstaður en décembre 1974 (Haraldsdóttir, 1998) ;

- 31 personnes impliquées, 4 morts, 6 blessés à Patreksfjörður en janvier 1983 (Starfsmenn snjóflóðavarna Veðurstofu Íslands, 2003a) ;

- 4 personnes impliquées, 1 mort, 1 blessé à Tungudalur en avril 1994 (Starfsmenn snjóflóðavarna Veðurstofu Íslands, 2003c).

Figure 7.4 : Répartition des avalanches connues en Islande depuis 1118, et localisation des lieux cités dans le texte (Source : Decaulne, 2004, modifié).

Figure 7.6 : Localisation des victimes d’avalanches meurtrières en Islande durant les deux derniers siècles : les secteurs habités demeurent menacés (source : Jóhannesson and Arnalds, 2001, modifié).

Figure 7.5 : Répartition annuelle des avalanches ayant causé des victimes et des dommages matériels depuis la seconde moitié du 20ème siècle, selon les différentes régions avalancheuses islandaises (source : Nawri, 2013, modifié)

Après avoir subi les conséquences néfastes des avalanches à plusieurs reprises durant la deuxième moitié du 20ème siècle, les récents villages et villes islandais disséminés le long des fjords du nord-ouest, du nord et de l’est font l’objet d’un suivi hivernal particulier afin de prévenir le risque, d’évacuer les habitants (Decaulne, 2007) ; plusieurs des sites urbains les plus menacés sont maintenant abrités derrière des structures de défense passives (murs déflecteurs à Flateyri, Bolungarvík, Ísafjörður, Neskaupstaður, Siglufjörður ; rachat d’habita- tions à Hnífsdalur ; relocalisation à Suðavík) ou actives (Ólafsvík, Siglufjörður et Neskaups- taður : structures de support du manteau neigeux dans la zone de départ (Fig. 7.7) dont les paramètres ont été calculés grâce aux modèles norvégiens, suisses et français (Jóhannesson, 1998); par ailleurs, tous les sites habités menacés par le risque avalancheux, mais non équi- pés de structures de défense, ont fait l’objet d’une étude fine sur chacun des couloirs ava- lancheux, répertoriant leur historique et la longueur de parcours maximale des avalanches connues, et proposant un zonage du risque sur le territoire habité. Les routes des fjords ne sont bien sûr pas épargnées non plus, et des contrôles d’accès avec barrières permettent de minimiser les risques en cas d’alerte avalancheuse. Cette étude factuelle du potentiel avalan- cheux a été étendue aux principales stations de ski de l’île, et un site web est accessible en permanence à l’échelle régionale, indiquant les conditions météorologiques et la probabilité de déclenchement des avalanches (http://www.vedur.is/ofanflod/snjoflodaspa#region). Du- rant la dernière décennie, aucun décès lié aux avalanches n’est à déplorer, que ce soit dans les zones habitées ou en dehors ; cependant, le risque est toujours présent, car plusieurs dizaines d’avalanches sont répertoriées chaque année ; depuis l’hiver 2006-2007, au moins 45 personnes ont été impliquées dans des avalanches, hors des secteurs d’habitation ; pour l’essentiel, il s’agissait de skieurs ou de personnes pratiquant la motoneige (compilation de données annuelles présentées par Karlsson, 2009, 2011 ; Karlsson et al., 2011, 2012a, 2012b).

Quelques grandes déstabilisations rocheuses récentes

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 106-113)

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