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Soixante années de recul glaciaire : un retrait en trompe l’œil

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 32-34)

Comme les autres glaciers de la presqu’île de Brøgger, l’Austre Lovénbreen est en phase de retrait. Onze états successifs du glacier (Fig. 2.6) permettent d’observer cette dynamique, entre 1948 et aujourd’hui. Sur les documents retenus, le front a été manuellement délimité, et les différentes limites ont été reportées sur la figure 2.6B qui illustre les différentes étapes du recul glaciaire. Les limites de l’Austre Lovénbreen, dans sa partie haute, ne varient pas de façon significative pour la période 1948-2009. Les changements les plus importants du glacier en surface et en longueur sont visibles au niveau de la moraine, où l’on constate un retrait progressif du front. Il est possible de calculer le recul maximal au niveau de la ligne centrale d’écoulement du glacier. Au total, entre 1948 et 2009, on peut ainsi estimer ce retrait à 800 m, ce qui correspond à une moyenne de 13 m par an. Huit profils ont été pris en compte afin d’évaluer la variabilité moyenne du retrait glaciaire dans la moraine (Fig. 2.6C). Les résultats indiquent que la longueur moyenne du retrait, pour les 61 années considérées, est de 683 m.

Ces valeurs sont semblables à celles de -15 m par an calculées pour le glacier voisin du Midtre Lovénbreen (Hansen, 1999). Cependant, cette distance moyenne de retrait n’est pas uniforme et varie fortement en fonction de la période considérée : le record va au profil II où le front a reculé de 52 m par an entre 1962 et 1966, tandis que le recul moyen, tous axes confondus, pour cette période est de 21 m par an. De plus, on ne constate pas, ces dernières années, d’accélération du recul, qui pourrait être corrélée avec l’augmentation des tempé- ratures de l’air ou des précipitations. Si l’observation du retrait du front constitue probable- ment la conséquence la plus visible des évolutions contemporaines, compensé par l’avancée même minime du glacier, le recul au front présente une grande inertie. Il ne rend pas compte des changements de volume du glacier qui eux répondent directement aux fluctuations cli- matiques. La morphologie du bassin et du lit rocheux est extrêmement importante dans les à-coups de retrait. Notons également que l’interface linéaire glacier/moraine du front re- présentait 4,3 km en 1948, et n’est plus que de 1,8 km en 2009. Pour mieux comprendre la dynamique de récession glaciaire touchant l’Austre Lovénbreen, il faut veiller à bien prendre en compte à la fois l’évolution des surfaces et des volumes.

En 2009, l’Austre Lovénbreen représentait 72 % de ce qu’il était en 1948, passant d’une

surface de 6,26 km2 à moins de 4,6 km2. En d’autres termes, sa part dans le bassin versant

est passée de 60 % à 43 %. La figure 2.6D montre l’évolution de ce retrait en fonction du temps, ce qui permet de mesurer la réaction en surface à la fonte. La distribution tempo- relle des différentes surfaces indique une réduction progressive du glacier, dont la moyenne

annuelle est estimée à - 0,028 km2 pour la période 1948-2009. Cependant, cette diminution

n’est pas linéaire, et on observe une rupture à partir des années quatre-vingt-dix : on passe

d’une moyenne annuelle de - 0,034 km2 pour 1948-1990, à - 0,017 km2 pour 1990-2009. Cette

considérant les chroniques de températures à partir de 1998. Paradoxalement, les tempéra- tures augmentent de façon significative à partir de cette année, alors que le retrait du glacier ralentit. Toutefois, ce changement peut être en partie expliqué par la remontée du front du glacier, qui diminue de fait la surface de la langue exposée à la fonte. Le retrait s’accompagne également d’un repli de la langue glaciaire dans une partie de son bassin présentant un relief beaucoup plus encaissé. Alors que la partie terminale du glacier s’étendait plus ou moins librement dans une zone plane lorsque celui-ci était plus étendu, son recul le voit à nouveau contraint par des versants abrupts. Ainsi, la combinaison de ces facteurs peut expliquer pour partie la cassure constatée à partir de 1990.

La fluctuation de la surface et de la longueur du glacier, parce qu’elle combine de nom- breux processus (vitesse d’écoulement du glacier, température basale, rugosité du lit rocheux,

structures géologiques comme les pentes, failles, barres rocheuses, etc.), est un paramètre difficile à interpréter. Selon Ch. Vincent et al. (2000), il faut prendre en compte le fait que le front du glacier réagit avec une plus ou moins grande inertie aux changements qui l’affectent. Cela pourrait correspondre au fait que l’accélération de la fonte de la glace due à l’augmenta-

Figure 2.6 : Le retrait du front de l’Austre Lovénbreen. Il est possible de reconstituer l’évolution du retrait glaciaire de l’Austre Lovénbreen de 1948 à 2009. Le recul des 10 dernières années est remarquablement peu marqué et les fronts successifs sont reportés sur une image satellite de 2009. La figure 6D montre une rupture statistique nette à partir de 1990.

tion des températures est en partie compensée par l’écoulement du glacier (Bernard, 2011). Pour le glacier voisin Midtre Lovénbreen, G.W. Rees et N. S. Arnold (2007) ont estimé une vitesse d’écoulement de l’ordre de 0,01 à 0,02 m par jour (soit entre 3 et 7 m par an). Si on applique à l’Austre Lovénbreen des valeurs similaires, le retrait moyen observé resterait trois fois supérieur à la vitesse supposée de l’écoulement.

Les variations en volume : la réponse immédiate

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 32-34)

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