• Aucun résultat trouvé

Relier l’abondance des plantes aux facteurs de l’environnement

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 98-101)

Observations botaniques

Les observations botaniques nécessitent des missions sur le terrain longues, coûteuses et répétées. Au final et compte tenu des conditions climatiques, il faut compter plusieurs an- nées successives pour accumuler des données sur des espaces réduits. Aussi, étant donné la superficie de l’archipel, de telles observations ne peuvent pas couvrir l’ensemble du Svalbard. Cependant, de très nombreuses équipes de botanistes ont parcouru l’archipel depuis fort longtemps, accumulant une masse de données considérable. Ces données étant dispersées et le plus souvent non publiées, il a d’abord fallu les collecter. Au total, 350 sites ont été rete- nus qui échantillonnent convenablement la plupart des conditions écologiques du Svalbard, tant du point de vue de l’acidité des sols, de la température ou encore des précipitations. Des

observations normalisées concernant la fréquence sur des carrés de 0,5 km de côté dispo- sés au sein d’espaces homogènes ont été conduites par les botanistes de l’Université de Tromsø. En complément, une grande quantité de données concernant la présence/absence des plantes a été exhumée des herbiers et registres floristiques archivés dans les musées et universités norvégiens.

Seules les plantes les plus fréquemment rencontrées ont été retenues. Ensuite, dans la mesure où les méthodes d’observation et d’échantillonnage ne sont pas identiques, il a fallu normaliser l’information. Une échelle d’abondance de 1 à 5 a finalement été adoptée :

1 : une seule occurrence de un ou plusieurs individus dans une aire de 10 m² ou moins, 2 : rare (un ou plusieurs individus dans 2 à 4 aires de 10 m² réparties à l’intérieur d’un espace d’au moins 200 m de long),

3 : végétation dispersée (nombreuses occurrences dans 5 aires ou plus de 10 m² réparties à l’intérieur d’un espace d’au moins 200 m de long),

4 : espèce commune ou sub-dominante couvrant 20 à 50% dans au moins 5 aires dis- tinctes de 10 m² réparties à l’intérieur d’un espace d’au moins 200 m de long),

5 : espèce commune et dominante couvrant 50 à 100% dans au moins 5 aires distinctes de 10 m² réparties à l’intérieur d’un espace d’au moins 200 m de long).

Chacune des 85 espèces est regroupée en trois ensembles selon son exigence thermique. Ces ensembles précisent, spatialement les trois sous zones biogéographiques A, B et C (CAVM TEAM, 2003 ; chapitre précédent de Martha Raynolds). Les plantes qui appartiennent à la sous zone biogéographique A regroupent 45 espèces ; elles sont peu exigeantes puisqu’elles bouclent leur saison végétative dans des milieux où la température moyenne de juillet ne dépasse pas 3°C. Les plantes appartenant à la sous zone biogéographique B regroupent 29 es- pèces et exigent des températures légèrement plus élevées (3 à 5°C). Les plantes appartenant à la sous zone biogéographique C regroupent les 11 espèces qui exigent les conditions ther- miques les plus favorables (moyenne du mois le plus chaud, juillet, comprise entre 5 et 7°C). Facteurs qui expliquent la variabilité des plantes à l’échelle du Svalbard

Les facteurs de l’environnement qui jouent un rôle sur la variation spatiale des plantes sont nombreux et variés. Interviennent en premier lieu la température (en grande partie dé- pendante de l’altitude et des courants marins), et la nature des roches. D’autres variables ont elles aussi une influence sur la distribution spatiale des plantes : les caractères édaphiques des sols, notamment leur épaisseur, leur humidité, ou encore leur granulométrie, conditionnent fortement, à échelle fine, les cortèges floristiques (Walker, 2000). Or ce type d’information, déjà difficile à obtenir sur des espaces réduits, est hors d’atteinte sur l’ensemble du Svalbard. De manière analogue, beaucoup d’autres informations ne sont pas accessibles aujourd’hui avec les moyens dont nous disposons. Les variables que nous avons acquises peuvent être rangées en trois catégories : la topographie et l’occupation du sol, la chimie des sols et la température, synthèse de plusieurs variables environnementales.

Topographie et occupation du sol

L’information topographique provient du modèle numérique de terrain (MNT) fourni par le Norks PolarInstitutt au pas de 100 m. Par diverses procédures de calcul fondées sur l’algèbre cartographique et sur la trigonométrie, sont dérivées l’altitude et deux autres va- riables : l’ampleur des crêtes et profondeur des vallées (Joly et Brossard, 2007 ; Joly et al., 2012). L’occupation du sol captée par le satellite SPOT fournit matière à calculer une troisième donnée : un indice de biomasse (NDVI.)

Chimie des sols

Le PH mesure l’acidité des sols. La végétation varie également en fonction du type de roche, acide ou basique (Cooper, 1986). On a supposé, parce qu’il n’y avait pas moyen de procéder autrement, qu’un substratum acide devait produire un sol acide ; et inversement pour les roches basiques. Or, même si, dans l’ensemble, c’est bien ce qui se passe, il n’y a pas absolue équivalence entre roche et sol. Le cas des moraines, transportées sur plusieurs dizaines de kilomètres et déposées au gré de l’avancement des glaciers, est démonstratif à cet égard. On pourrait également ajouter le cas des terrasses marines qui sont construites avec des matériaux apportés par les courants marins et redistribués localement par la dynamique de la mer. Une source d’erreur dans les résultats des modélisations pourra provenir de ce décalage entre roche sous-jacente et formations superficielles.

La couche d’information correspondant au PH a été acquise à partir de la carte géologique du Svalbard. L’image a été classée de manière à refléter l’acidité des roches selon quatre ca- tégories. La capacité des roches à fournir des anions CO3- et HCO3- ainsi que leur résistance à la désagrégation chimique ont été prises en compte.

Somme estivale des températures

La température est le facteur clé de la distribution des plantes. Certaines d’entre elles admettent des conditions froides pour croître, d’autres, au contraire, nécessitent des tempé- ratures plus élevées, sur des durées parfois assez longues, pour achever leur cycle végétatif. Cette donnée sera perçue sous la forme d’une somme estivale de températures (SET) calcu- lée en deux étapes. La première permet d’estimer SET selon trois facteurs locaux : l’altitude, la distance au fjord le plus proche et l’orientation des versants (Joly et al, 2010 ; Nilsen et al., 2013). Ce modèle est ensuite amélioré par la prise en compte de trois paramètres ré- gionaux captés par télédétection : la température de surface de la mer, la température à la surface du sol et le nombre de jours sans neige.

Interpolation de l’abondance des plantes

La méthode de traitement des données qui a été mise en œuvre vise à un double objec- tif. Il s’agit d’abord d’identifier, parmi les quatre variables explicatives qui ont été archivées, celles qui ont le plus d’influence sur la distribution des plantes. Pour ce faire, chacune des 85 espèces de plantes (variable expliquée) est tour à tour corrélée aux quatre facteurs de l’environnement (variables explicatives). Les variables identifiées comme étant significatives (au seuil de 5%) sont sélectionnées puis combinées linéairement dans le cadre d’une régres- sion multiple. Les résidus (écart local entre la valeur observée et la valeur d’estimation) qui sont calculés pour chacun des 350 sites d’observation par validation croisée (Fielding et Bell, 1997), sont krigés afin de tenir compte des variations locales du champ de la distribution des plantes (Matheron, 1963).

A la fin de la procédure, les paramètres de la régression et du krigeage, considérés comme des opérateurs cartographiques, sont appliqués en chaque pixel de l’aire d’étude, puis les ré- sultats sont additionnés de manière à calculer une estimation d’abondance. Ce processus de modélisation est répété, pixel par pixel, jusqu’à ce que l’abondance soit calculée pour toute la zone d’étude à une résolution de 100 x 100 m. On répète l’ensemble de cette procédure pour chacune des espèces sélectionnées de sorte que, au final, nous obtenons les modèles cartographiques de l’abondance des 85 espèces.

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 98-101)

Documents relatifs