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Quelques grandes déstabilisations rocheuses récentes et risque potentiel

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 113-118)

Une instabilité des parois rocheuses avérée dans les fjords norvégiens

Durant le dernier siècle, le risque lié aux phénomènes de glissements, qu’il s’agisse de la déstabilisation des parois rocheuses, des glissements sur argile ou des chutes de blocs, est apparu très clairement en de nombreuses occasions (fig. 7.8). Les phénomènes de glis- sements sur argile posent des problèmes locaux, touchant essentiellement les secteurs qui

Date Lieu Dommages

1185 Geitdalur í Skriðdal (E) 18 décès

1293 Fagridalur (NO) 12 décès

24 décembre 1613 Siglunes (N) 50 décès 1732 Seyðisfjörður, Brimnes (E) 9 décès 18 février 1885 Seyðisfjörður (E) 24 décès 18 février 1910 Hnífsdalur (NO) 20 décès, 12 blessés 12 avril 1919 Siglufjörður (N) 9 décès 20 décembre 1974 Neskaupstaður (E) 12 décès 16 janvier 1995 Súðavík (NO) 14 décès 26 octobre 1995 Flateyri (NO) 20 décès Source : compilées dans Decaulne, 2013 et www.vedur.is

étaient inondés par la mer durant la phase de déglaciation, voici dix mille ans, c’est-à-dire la région de Trondheim (Trøndelag) et d’Oslo (Østlandet) ; beaucoup de ces événements sont déclenchés par les activités anthropiques (rapports en ligne, Norwegian Geotechnical Institute ; Gregersen, 1981). La Norvège de l’ouest (Sogn og Fjordane et Møre og Romsdal) se démarque des autres régions, tant au nombre des événements enregistrés au cours de l’histoire qu’à celui des victimes (fig. 7.8 et fig. 7.9), qui sont très majoritairement touchées dans leurs habitations (fig. 7.9B). Il s’agit principalement de déstabilisation des hautes parois rocheuses, avec des phénomènes d’ampleur ou des chutes de blocs, pour autant non inof- fensives.

Parmi les événements récents les plus meurtriers, deux ont eu lieu successivement le 15 janvier 1905 et le 13 septembre 1936, lorsqu’un pan de la montagne Ramnefjellet s’effondre dans le lac Lovatnet, dans l’intérieur du Nordfjord, Sogn og Fjordane. La chute subverticale de près de 500 m (fig. 7.10), génère des vagues de hauteur variable selon la position sur le lac, qui atteint jusque 40,5 m sur la berge opposée en 1905 et 70 m en 1936 (Nesdal, 2003). Le premier

événement, libérant environ 350000 m3 de débris, cause la mort de 61 personnes ; le second

tue 74 personnes et représente un volume dépassant 1000000 m3 (Nesdal, 2003). Ces deux

épisodes ne sont pas anecdotiques, car une grande partie des rives des fjords norvégiens est concernée, comme le montre la figure 7.11 (Böhme et al., 2011), où non seulement des événe- ments plus ou moins catastrophiques ont déjà eu lieu, mais où des mouvements de parois font actuellement craindre des détachements de masses plus ou moins considérables, impliquant des volumes rocheux atteignant plusieurs centaines de milliers de m3 (Böhme et al., 2011, 2013). Par ailleurs, au moins 12000 lacs norvégiens sont susceptibles d’être frappés par des glisse- ments et effondrements de parois rocheuses qui causeraient des tsunamis, ceux-ci présen- tant d’autant plus de risque que le versant est raide, le lac profond et étroit, et les berges du lac peuplées ; c’est-à-dire principalement en Norvège occidentale (Romstad et Kelman, 2012) ; dans le cas d’effondrement rocheux, c’est souvent le tsunami qui en résulte qui cause le plus de dégâts dans la région concernée, qu’il s’agisse d’un environnement lacustre ou

Figure 7.7 : Quelques structures de protection contre les avalanches, passives : dents freineuses et déflecteur à Bolungarvík (A) et Neskaupstaður (B), murs croisés paravalanches à Ísafjörður (C), et actives : structures de support du mlanteau neigeux au-dessus de Siglufjörður (clichés A. Decaulne).

d’un fjord. La roche ductile et cassante de l’ouest norvégien, comme la phyllite, les gneiss mafiques et felsiques, souvent altérée et plissée, associée à des structures critiques, comme des fissures ouvertes en amont des blocs instables, un pendage conforme à la pente, ou des plans de glissement sur roche fragile, est à l’origine de la majeure partie des instabilités de parois en Norvège occidentale (Saintot et al., 2011) ; les résultats de Böhme et al. (2011) dé- montrent que les parois présentant un profil apical convexe sont particulièrement sensibles à la rupture d’équilibre.

Les coulées de débris, qui représentent un type de mouvement de masse rapide, un écoulement en suspension mélangeant de la boue, des roches, de la matière organique à de l’eau, sont également très fréquentes en Norvège, et menacent sérieusement les bâtiments et infrastructures de transport (Meyer et al., 2012) ; les coulées de débris représentent 25% des dommages sur les routes causés par les mouvements de masse (Bjordal et Helle, 2011). A nouveau, la répartition spatiale du phénomène se superpose à la carte hypsométrique, la Norvège de l’ouest étant principalement exposée, ainsi que les fjords de Norvège du nord et les flancs des vallées de Norvège orientale (Meyer et al., 2012).

Une instabilité des parois rocheuses de plus en plus fréquente sur le territoire islandais

Le relief islandais ne présente pas de parois rocheuses équivalentes à celles qui bordent les profonds fjords et vallées norvégiens. Pourtant, les empilements basaltiques et intrusions rhyolitiques sont très largement fracturés et altérés, présentant de nombreuses zones de fra- gilité, les rendant instables et sensibles à des stimuli variés (cryoclastie, fonte nivale, pluies intenses, fonte du pergélisol, secousses sismiques, grimpeurs, etc.). Depuis le début du 20ième siècle, plusieurs cas de coulées de débris, chutes de blocs, d’éboulements et de glissements ont été recensés (fig. 7.12), dont certains ont causé des victimes (tab. 7.4). Une fois encore, les régions de fjords sont particulièrement sensibles aux mouvements de masse, quels qu’ils soient ; les secteurs littoraux du sud de l’île apparaissent également comme fréquemment touchés par les chutes de blocs et éboulements, en particulier les secteurs à falaises. Des événements d’ampleur, récents, font apparaître certains secteurs plus sensibles que d’autres, notamment les bordures glaciaires et les falaises. En effet, historiquement, trois éboule- ments majeurs, qui s’apparentent à des avalanches rocheuses, ont été repérés sur glaciers,

Figure 7.8 : Relation entre le nombre de déstabilisations de parois et les victimes associées en Norvège, mettant en évidence la dangerosité des comtés de l’ouest du pays (source : Böhme et al., 2011, modifié).

le premier couvre l’extrémité de la langue glaciaire du Steinsholtsjökull (Nord de l’Eyjafjal- lajökull) de 15 x 106 m3 de débris en janvier 1967 (Kjartansson 1967, 1968) ; le deuxième se déroule entre 1972 et 1973 sur la langue terminale du glacier de vallée Jökulsárgilsjökull, au

sud de la calotte du Mýrdalsjökull d’une masse imposante estimée à 1,5 x 107 m3 (Sigurðsson

et Williams, 1991) ; enfin, le troisième a couvert le cinquième du glacier Morsárjökull (Sud du Vatnajökull) en avril 2007 en impliquant 4,5 x 106 m3 de débris (Sæmundsson et al., 2011). En dehors de ces quelques exemples qui ont fait l’objet de publications, l’observation des photos aériennes des glaciers d’Islande méridionale révèle de nombreux autres cas de mouvements de masse, d’ampleur variable. La fréquentation de plus en plus importante de l’Islande, aussi bien en zone littorale que glaciaire, fait entrevoir une vulnérabilité croissante face aux mou- vements de masse.

Figure 7.9 : Cartes de répartition des glissements destructeurs (écroulements rocheux, coulées de débris, chutes de blocs, glissements sous-marins) en Norvège (A) et répartition des victimes de glissement, dans ou en dehors des habitations (B) (source : Kronholm et al., 2007, modifié).

Date Lieu Victimes / dégâts Type de mouvement de masse

12 juin 1902 Botn í Súgandafjörður 1 décès Chute de blocs

29 juin 1905 Dyrhólaey 1 décès Chute de blocs

Juin 1906 Hornbjarg 1 décès Chute de blocs

Été 1907 Askja Plusieurs décès Chutes de blocs

Printemps 1910 Hornbjarg 1 décès Chute de blocs

16 juin 1914 Hælavíkurbjarg 1 décès Chute de blocs

23 juillet 1917 Eskifjörður 1 décès Chute de blocs

Printemps 1918 Hælavikurbjarg 1 blessé Chute de blocs

20 juillet 1918 Látrabjarg 1décès Chute de blocs

5 juin 1923 Drangey 1 blessé Chute de blocs

4 avril 1927 Grimsey 1 décès Chute de blocs

12 octobre 1941 Hornafjörður 1 décès Glissement / coulée de débris

19 août 1950 Seyðisfjörður 5 décès, 1 blessé Glissement / coulée de débris

8 juillet 1951 Óshlíð 2 décès Chutes de blocs

7 août 1951 Óshlíð Plusieurs blessés Chutes de blocs et coulée de débris

28 mai 1954 Hornbjarg 1 décès Chute de blocs / éboulement

18 avril 1955 Kjós 1 décès Coulée de débris

29 octobre 1972 Óshlíð 1 décès Coulée de débris / Chute de blocs

13 décembre 1975 Patreksfjörður 2 blessés Eboulement

9 août 1984 Herdubreið 2 blessés Eboulement

23 septembre 1984 Óshlíð 1 décès Eboulement

3 mars 1995 Hvalnesskríður 1 accident de voiture Chute de blocs

29 mars 1995 Hvalfjörður 1 accident de voiture Chute de blocs

Mai 1995 Súgandafjörður Plusieurs blessés Chutes de blocs

31 mai 1995 Hvalfjörður 1 accident de voiture Chutes de blocs

23 juillet 1995 Kaldbakshorn 1 blessé Coulée de débris / chutes de blocs

11 décembre 1995 Fáskrúðsfjörður 1 accident de voiture Chute de blocs

Septembre 1997 Eldgjá 2 blessés Eboulement

21 mars 1998 Hvalfjörður 1 accident de voiture Chute de blocs

12 novembre 1998 Óshlíð 1 accident de voiture Chutes de blocs

19 février 1999 Fagridalur 1 accident de voiture Chutes de blocs

6 mai 1999 Óshlíð 1 accident de voiture Chutes de blocs

19 septembre 1999 Óshlíð 1 accident de voiture Chutes de blocs

6 novembre 1999 Hvalfjörður 1 accident de voiture Chutes de blocs

22 mars 2000 Fáskrúðsfjörður 1 accident de voiture Chute de blocs

27 août 2000 Óshlíð 1 blessé Chute de blocs

11 juillet 2001 Fáskrúðsfjörður 1 accident de voiture Chute de blocs a

5 novembre 2008 Óshlíð 1 blessé Chute de blocs a

20 mars 2010 Eskifjörður 1 blessé Chute de blocs a

25 mai 2012 Dyrhólaey 2 blessés Glissement / Eboulement a

16 janvier 2013 Patreksfjörður 1 accident de voiture Chute de blocs a

Source : Pétursson (1991, 1992ab, 1995, 1996), Pétursson et Jónsdóttir (2000ab), Pétursson et Jónsson (2001) ; a Source : Morgunblaðið.

Tableau 7.4 : Victimes de chutes de blocs, éboulements, glissements de terrain, coulées de débris majeurs en Islande depuis 1900

Une fréquentation croissante des sites

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