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Évangélisation et christianisation des terres sâmes

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 170-172)

Tentatives d’évangélisation sâme

Même si les Sâmes eurent très tôt des contacts avec la société scandinave, il est cepen-

dant possible de dire que, jusqu’au XVIieme siècle, ces rapports furent assez faibles quoique

constants. Comme l’explique Christian Mériot (2002 : 166), « la première phase de leur évan- gélisation fut l’œuvre de pionniers envoyés par les divers chefs d’État à des fins autant com- merciales et politiques que religieuses ». Il est à noter que l’évangélisation des Sâmes alla de pair avec la diffusion du christianisme en Scandinavie qu’il est possible de faire remonter à Olav Tryggvason (Olav 1er)8, petit-fils d’Harald à la-belle-chevelure, qui entreprit des expé-

ditions dans le Nord à but missionnaire. Cependant c’est Christian IV9 qui fut à la source du

premier élan missionnaire sérieux. En effet, à la suite d’un séjour dans la presqu’île de Kola, il fut surpris par les relations qu’entretenaient certains hommes appelés noai’di avec des élé- ments de la nature, des esprits et des dieux grâce à des « pouvoirs magiques et surnaturels » (Turi, 1974). Dès lors, il décida de faire condamner à la peine capitale celles et ceux qui ne renonceraient pas à cette sorcellerie. Il entreprit également la construction de chapelles et envoya des pasteurs itinérants pour y faire entendre la parole de Dieu. La conversion fut, à certains moments, très sanglante car non seulement on brûla les tambours des noai’di mais également les noai’di eux-mêmes. Puis, au XIVieme siècle, une femme sâme appelé Margareta souhaita convertir ses semblables au catholicisme. Pour autant, « ces tentatives de conversion officielles de la période catholique semblent n’avoir eu que peu de résultats ; plus significatifs furent sans nul doute les contacts commerciaux et culturels séculaires. Dans cette influence réciproque, le monde des croyances sâmes assimila cependant de nombreux éléments et symboles chrétiens » (Pentikäinen, 1995 : 236).

La conversion des Sâmes au christianisme ne débute réellement qu’après la Réforme et les pressions politiques et économiques qui s’y associent. Rappelons que l’Union de Kalmar a réuni les trois royaumes scandinaves du Danemark, de la Norvège et de la Suède sous un seul monarque, tout en maintenant leur indépendance de 1397 à 1523. Le mécontentement suédois envers la centralisation du pouvoir du Danemark fut la cause du conflit qui mit fin à

l’Union de Kalmar avec l’élection de Gustave 1er Vasa, roi de Suède, le 6 juin 1523 (Nordiska

Museet, Stockholm, Suède). Dans le royaume de Suède-Finlande, la Réforme voit le jour au

milieu du XVIieme siècle lorsque Gustave Vasa (ou Gustave 1er Vasa) impose le luthéranisme,

développe l’économie du pays et réorganise le royaume (administration, justice, fiscalité, reli- gion). Il renforce, dans les années qui suivent son élection, son pouvoir politique au détriment des grands féodaux et réorganise l’Église10. L’Église romaine catholique, ayant soutenu Chris- tian II du Danemark11, est privée de tout pouvoir et, en 1527, Gustave Vasa, lui confisque tous ses biens. Il fait exploiter les mines d’argent et de cuivre et lance un plan de colonisation et d’évangélisation des terres de Suède.

8 Olaf Trygvason, né vers 963/964 dans le Sud de la Norvège et mort en septembre 1000, est Roi de Norvège de 995 à 1000. Il est le fils posthume de Tryggve Olafsson, Roi de Viken (Vingulmark et Ramrike) et petit-fils d’Harald à la belle chevelure, 1er Roi de Norvège.

9 Né en 1577 et mort en 1648, Christian IV du Danemark est le fils de Frédéric II et de Sophie de Mecklembourg –Güs- trow. Il succède au trône du Royaume du Danemark et de la Norvège au décès de son père le 4 avril 1588. Christian IV du Danemark appartient à la première branche de la Maison d’Oldenbourg (issue du Comté d’Oldenbourg, au nord-ouest du Saint-Empire romain germanique) qui est une grande dynastie régnante européenne.

10 Afin de comprendre l’implication du luthéranisme au sein de la société suédoise de nos jours, il est recommandé de lire l’article de Dominique Fernandez intitulé Géopolitique de la Suède et du luthéranisme au XXième siècle (La Revue géopoli-

tique, 3 février 2010).

11 Christian II (1481-1559) est roi du Danemark, de Norvège (1513-1523) et de Suède (1520-1521) sous l’Union de Kalmar. Fils du roi Jean Ier (Kong Hans) et de Christine de Saxe, il succède à son père comme Roi du Danemark et de la Norvège. Son successeur est son oncle, Frédéric Ier dit le Pacifique (1471-1533), frère du père de Christian II.

La mission piétiste du XVIIIieme siècle

Dans le Royaume du Danemark, dont la Norvège actuelle faisait partie, une loi de 1609 déclare que tous les Sâmes qui pratiquent le paganisme et refusent de renoncer à leurs croyances traditionnelles seront condamnés à mort. Ce décret amène les Sâmes adeptes de leurs croyances à se cacher des autorités ; de ce fait, il semble que de nombreux tambours aient été cachés dans des grottes, dans des lacs et dans des montagnes. Dans les années 1682-1683, les persécutions sur les terres sâmes suédoises font également partie d’un pro- gramme politique visant à exterminer les croyances traditionnelles et à ancrer les fondements d’un luthéranisme orthodoxe :

« La théologie basée sur un luthéranisme orthodoxe sert de base au travail de conversion, motivé politiquement au XVIIieme siècle, reflète bien la situation : Lassi Niilanpoika (Lars Nilsson) est condamné à mort à Tornio pour avoir refusé d’abandonner son tambour de sorcier, jugement confirmé par la cour royale de Suède. Un pasteur de la paroisse doit le préparer à la mort, ce qu’il fait avec suc- cès ; à la fin, Lassi Niilanpoika « sait lire correctement cinq chapitres principaux, récite gracieusement les fondements de sa béatitude, se repent et reconnaît ses péchés » et, de l’avis du tribunal, il meurt en bienheureux » (Pentikäinen, 1995 : 239).

Après la Grande Guerre du Nord12 au XVIIIième siècle, il est question de christianiser les Sâmes sur de nouvelles bases ; ainsi, les missionnaires semblent proposer à chacun de se convertir librement. Les pasteurs ont l’espoir de réussir à convertir plus de Sâmes en em- ployant des méthodes plus souples et donc moins drastiques. Cette façon de se convertir librement est guidée par les fidèles piétistes. Étymologiquement, le terme piétisme est déri- vé du mot piétiste, traduction de l’allemand pietist qualifiant de manière péjorative les par- ticipants des Collegia pietatis du pasteur luthérien Philipp Jacob Spener (1635-1705) ; les membres du mouvement avaient choisi le mot latin pietas (-atis) pour désigner leur prin- cipal exercice spirituel. En latin, le mot pietas désigne « le sentiment qui fait reconnaître et accomplir tous les devoirs envers les dieux, les parents, la patrie » (Gaffiot, 2000).

Les premiers groupes de fidèles piétistes organisaient des groupes de prières autour de leur pasteur ; le fait nouveau et important est que chacun pouvait y prendre la parole ; le fait, scandaleux et dérangeant pour l’époque, était que les laïcs et les païens pouvaient également participer à ces rencontres et essayer d’analyser les Écritures. Ce fonctionnement collégial les avaient très rapidement amenés à constater qu’il y avait trop de formalisme dans la pra- tique religieuse et que l’on accordait plus d’importance au savoir et à la connaissance qu’à la pratique individuelle de la prière et donc de la spiritualité. En ce sens, ces fidèles se posaient donc en parfait continuateur de Martin Luther.

En 1723, un décret norvégien ordonne la création de nouvelles églises, l’établissement d’une école en langue sâme au sein de chacune des paroisses et la diffusion de livres en langue sâme. De surcroît, chaque pasteur qui est nommé en Laponie doit maîtriser les lan- gues autochtones. Un des représentants majeurs de l’activité missionnaire sur les terres sâmes dans les années 1740 est Pehr Högström (1714-1784) qui agit alors dans « un esprit de luthéranisme éclairé » (Pentikäinen, 1995 : 240). Mais l’apogée du travail de mission dans

les zones septentrionales d’Europe se situe au XVIIIième siècle avec Thomas Von Westen (1682-

1727), surnommé « l’apôtre des Lapons ». L’emprise piétiste est alors dominante dans le

12 La Grande Guerre du Nord est un conflit qui opposa une coalition menée par la Russie à la Suède entre 1700 et 1721 et qui se déroula dans le Nord de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est.

Finnmark norvégien mais elle est bien moins efficace en Suède-Finlande.

Dans le document L'Arctique en mutation (Page 170-172)

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