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Variabilité spatio-temporelle de l’acide nitrique

Dans le document Université Libre de Bruxelles (Page 31-36)

CHAPITRE 1 INTRODUCTION

1.2 L’acide nitrique dans l’atmosphère

1.2.3 Variabilité spatio-temporelle de l’acide nitrique

La compréhension de certains mécanismes réactionnels repris ci-dessus découle en partie des observations globales d’acide nitrique effectuées depuis les satellites. Plusieurs missions spatiales embarquées ont déjà permis d’effectuer de telles mesures dans la stratosphère et la haute troposphère. Ces mesures ont permis de mettre en évidence des variations spatiales, saisonnière et interannuelles de l’acide nitrique dans la stratosphère (Koike et al., 2000; Irie et al., 2002; 2006; Santee et al., 1999; 2004; 2005; 2007; Urban et al., 2005; Tsidu et al., 2005; Stiller et al., 2005; Wang et al., 2007; Fischer et al., 2008; Orsolini et al. 2008; von Clarmann et al., 2009). Ces analyses ont principalement été effectuées en relation avec la chimie dans les régions polaires (e.g. Santee, et al., 2004) . La série d’observation la plus longue et la plus complète a été enregistrée entre 1991 et 1998 par le sondeur MLS (Microwave Limb Sounder) a bord de la plate-forme UARS (Upper Atmosphere Research Satellite) (Santee et al., 1999). Ces observations effectuées sur une longue période ont par la suite été complétées dans la stratosphère par le sondeur Odin à bord de SMR (Sub-Millimetre Radiometer) depuis 2001, par le sondeur MLS à bord du satellite Aura depuis 2004 (Santee et al., 2004; 2007 and Urban et al., 2008), et plus récemment, par les sondeurs MIPAS (Michelson Interferometer for Passive Atmospheric Sounding) à bord d’Envisat (Tsidu et al., 2005; Stiller et al., 2005; Fischer et al., 2008; Wang et al., 2007) et ACE-FTS (Atmospheric Chemistry Experiment - Fourier Transform Spectrometer) (Bernath et al., 2005; Martin et al., 2007; Wolff et al., 2008).

La figure 1.7 présente depuis 1991 jusque 1997 les distributions latitudinales de HNO3 dans la stratosphère, observée depuis le sondeur MLS. Elles sont caractérisées par un cycle saisonnier particulièrement prononcé aux moyennes et hautes latitudes avec des maxima durant l’automne et l’hiver et des minima durant le printemps et l’été. Les maxima sont principalement associés à l’absence de photodissociation et également à l’hydrolyse hétérogène de N2O5 en HNO3 à la surface d’aérosol sulfatés (Austin et al., 1986). Une forte dénitrification de la basse stratosphère est observée durant l’hiver polaire en Antarctique à l’intérieur du vortex polaire suite à la formation de particules de PSC. Une forte variabilité interannuelle dans les hautes latitudes associée à l’étendue et la durée du vortex polaire et des PSC est également observée dans les deux hémisphères.

Fig. 1.7 - Série temporelle des distributions journalières de l’acide nitrique, mesurées par MLS, présentée en fonction de la latitude et à une température potentielle de 465K pour 6 cycles annuels dans l’hémisphère sud (à gauche) et dans l’hémisphère nord (à droite), et commençant au début de l’hiver de chaque année (Santee et al., 1999)

2- Dans la troposphère

Origine de HNO3 troposphérique

Comme nous l’avons évoqué précédemment, l’acide nitrique est un constituant secondaire résultant de réactions faisant intervenir le NO2. Sa présence dans la troposphère s’explique par les processus de production in situ accompagné du transport des masses d’air polluées depuis les régions sources des NOx, sa durée de vie étant suffisante particulièrement dans la haute troposphère.

Les principales régions sources des NOx sont très diverses. Comme évoqué ci-dessus, elles peuvent être d’origine naturelle (feux naturels de forêts, éclairs, émissions par les sols) ou anthropogénique (brûlage de biomasse, agriculture, combustibles fossiles,…). Nous allons ici les voir plus en détails. Notons que l’objectif de cette partie n’est pas d’effectuer un inventaire détaillé des émissions, mais de localiser les principales sources, afin de comprendre la distribution troposphérique de HNO3.

Combustion fossile

Les principales régions industrialisées : Europe, USA, Est de la Chine, Inde, Japon et Afrique du sud sont caractérisées par un maximum saisonnier d’émission de NOx en hiver (Décembre-Février dans l’hémisphère nord et Juin-Août dans l’hémisphère sud). Cette forte pollution urbaine et industrielle est associée à la forte densité de population dans ces régions (utilisation de combustible fossile comme source d’énergie, transport, secteur ménager,…).

Les colonnes de NO2 au-dessus des régions industrielles sont les plus faibles en été suite à la conversion rapide en HNO3 par réaction avec OH (Velders et al., 2001). Des inventaires d’émission réalisés à partir de données de localisation des sources et de facteurs d’émission permettent d’estimer les différentes sources de pollution. L’inventaire EDGAR (Emission Database for Global Atmospheric Research) (Olivier and Berdowski, 2001) permet d’estimer les émissions anthropogéniques des NOx à un total d’environ 28 Tg N/an.

Combustion de la biomasse

Les feux de biomasse sont généralement les sources d’émission les plus importantes de NOx

dans les régions tropicales. Les feux de biomasse en Afrique sont responsables d’environ un tiers des émissions globales de NOx provenant des feux de biomasse, qu’ils soient naturels ou déclenchés par l’homme. Les feux de biomasse se produisent durant la saison sèche (en hiver et début du printemps). Des augmentations saisonnières de feux de biomasse sont habituellement observées dans le nord de l’Afrique durant Décembre-Février, en Inde de Mars à mai, et en Afrique centrale et en Amérique du sud de Juin à Octobre. La variabilité relative des feux de biomasse d’une année à l’autre est très importante et les émissions dépendent fortement du type de surface brûlée. Les inventaires d’émission sont par conséquent particulièrement difficiles à établir. Les incertitudes relatives à cette source sont importantes avec des émissions de l’ordre de 3-13Tg N/an (Sauvage et al., 2007).

Les observations des feux depuis des satellites constituent un outil efficace de détection des feux. Ces mesures satellite permettent d’améliorer les inventaires d’émission associés au brûlage de feux de forêt en fonction du nombre de feux observés (Duncan et al., 2003 ; Generoso et al., 2003). Il est cependant difficile de relier directement les émissions de précurseurs aux feux comptés car les composés émis et l’intensité des émissions liées aux feux de biomasse dépendent fortement de la nature de la surface brûlée.

Production par les éclairs

La contribution des éclairs à l’émission troposphérique des NO2 est la contribution la plus importante aux tropiques avec une moyenne saisonnière maximale de 1.0x1015 molecules/cm2 (Edwards et al., 2003). Ces quantités sont néanmoins plus faibles que les colonnes de NO2

observées au-dessus des régions industrialisées. La production de NO2 dans les éclairs a principalement lieu dans les nuages de hautes altitudes (au-dessus de 500 hPa). Le NO2

produit est ensuite rapidement transporté aux altitudes plus élevées par les processus de convection rapide. Boersma et al. (2005) et Martin et al. (2007) ont démontré que les satellites sont capables de détecter le NO2 émis par les éclairs au-dessus des scènes nuageuses. Néanmoins, la quantification de ces sources est très incertaine avec des estimations variant d’environ 1-13Tg N/an (Price et al., 1997 ; Nesbitt et al., 2000 ; Sauvage et al., 2007).

Emission par les sols / agriculture

La contribution des émissions par les sols aux sources des NOx est relativement importante et représente en moyenne environ 10% des sources. Les émissions par les sols dépendent de nombreux facteurs tels que le type de couverture végétale, la température, l’humidité, le taux de nitrification,… Cette source n’est pas entièrement naturelle car la pratique de fertilisation des sols participe fortement aux émissions de NOx (Yienger et Levy, 1995). Les inventaires d’émission de NOx relatives à cette source sont également sujets à certaines incertitudes. Les émissions naturelles, augmentées par les fertilisants contribuent pour environ 4-21 Tg N/an (Holland et al., 1999 ; Sauvage et al., 2007).Martin et al., (2003) montrent par ailleurs que cette source de NOx est généralement sous-estimée.

Ces émissions sont principalement observées en Australie, en Afrique du Nord, en Asie centrale, de l’ouest de la Chine jusqu’en Sibérie, en Europe et dans l’ouest des USA. Dans les régions industrialisées, elles sont principalement associées aux pratiques agricoles intensives. En été, ces émissions sont plus importantes et s’expliquent par à une température de surface plus élevée (van der A et al., 2008).

Distributions spatio-temporelles

Les satellites ne permettent actuellement pas de fournir une vision précise de la distribution globale d’acide nitrique dans la troposphère. Dans cette couche, la plupart des observations proviennent de campagnes de mesures aéroportées. Elle mettent en évidence la distribution verticale d’HNO3 sur des échelles locales et régionales (Emmons, et al., 2000 ; Miyazaki et al., 2003; Hudman et al., 2004), avec la présence de fortes concentrations à proximité des régions source de NOx. Ces observations suggèrent le rôle efficace de HNO3

pour le transport de la pollution avec régénération possible de NO2 loin des sources d’émissions (Chatfield et al., 1994 ; Lary et al., 1997 ; Hauglustaine et al., 1998). Ces mesures ne donnent cependant pas accès à sa variabilité saisonnière. Des mesures locales d’absorption solaire effectuées depuis le sol sont couramment réalisées. Ces mesures n’offrent cependant qu’une résolution verticale limitée et une décorrélation difficile entre les concentrations dans troposphère et la stratosphère (e.g. Vigouroux et al., 2007).

De ce fait, seuls les modèles de chimie et de transport troposphériques permettent actuellement de représenter les variations spatiales et temporelles des concentrations de HNO3 dans la troposphère.

A titre d’exemple, la figure 1.8 présente pour chaque mois la distribution globale de HNO3

dans la troposphère (colonne 0-10 km) issue du modèle de chimie et transport LMDz-INCA (Hauglustaine et al., 2004). Les distributions troposphériques présentent les caractéristiques suivantes :

- Les plus faibles concentrations sont observées aux moyennes et hautes latitudes dans

l’hémisphère sud.

- De faibles valeurs sont également observées aux tropiques (principalement au-dessus

de l’océan pacifique) résultant de la destruction photochimique plus importante.

- Les colonnes les plus importantes sont observées aux moyennes et hautes latitudes de

l’hémisphère nord. Ces fortes colonnes résultent des émissions importantes des NOx en surface. Ces émissions sont plus importantes dans l’hémisphère nord que dans l’hémisphère sud en raison de la prédominance des sources anthropiques (industrialisation et agriculture intensives). Des valeurs particulièrement élevées se détachent au-dessus de l’Asie et de l’Amérique du Nord, ainsi qu’au-dessus de l’Europe, les régions caractérisées par les plus fortes émissions. Les concentrations sont les plus élevées en été, résultant de l’oxydation de NO2 par OH, des émissions par les sols mais aussi de la production par les éclairs.

- Les cartes mettent également en évidence des panaches qui résultent du transport des

masses d’air polluées provenant de l’Asie, de l’Amérique du Nord et de l’Europe. - Dans les régions intertropicales, des maxima liés aux émissions des NOx par les feux

de végétation se détachent principalement en Afrique et en Amérique du Sud, ces feux ayant principalement lieu en hiver durant la saison sèche, soit de Juin à octobre au sud de l’équateur et de décembre à avril au nord de l’équateur. Dans ces régions, les concentrations sont également associées à la production de NOx par les éclairs particulièrement fréquents dans la zone de convergence inter-tropicale (Martin et al., 2007).

Il est par ailleurs important de noter que la colonne troposphérique de l’acide nitrique représente en moyenne environ 10% de la colonne totale aux Pôles. Dans les régions intertropicales, elle varie environ entre 20 et 70% de la colonne totale avec les plus fortes contributions à proximité des régions source des NOx.

Indiquons également que les modèles reposent sur des schémas réactionnels et des paramétrisations limitées. Les différentes sources d’émission sont de plus caractérisées par d’importantes incertitudes. Des intercomparaisons entre modèles et observations ont en effet montré de forts désaccords ; les concentrations de HNO3 issues de modèles sont généralement surestimées dans la troposphère libre (Hauglustaine, et al., 1998; Thakur, et al., 1999; Staudt, et al., 2003).

De manière générale, la communauté scientifique souligne le manque d’observations troposphériques, requises notamment pour une étude détaillée de la distribution des NOy et une meilleure compréhension de la chimie de l’ozone (Emmons et al., 2000; Li, et al., 2004). Une meilleure estimation de la distribution troposphérique de HNO3 nécessiterait donc l’obtention de distributions globales par des mesures spatiales.

Fig. 1.8 - Distributions globales d’une colonne troposphérique de HNO3 (0-10km) calculées à partir des profils LMDz-INCA pour le 15 de chaque mois de l’année 2003.

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