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Excès troposphériques

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CHAPITRE 7 MESURES INDIRECTES DE LA DISTRIBUTION DE HNO 3 DANS

7.3 Excès troposphériques

Nous présentons dans cette section les colonnes troposphériques de HNO3 déduites des mesures des colonnes totale HNO3 IASI par la méthode de l’excès troposphérique (TEM, Tropospheric Excess Method) développée par Richter et Burrows (2002) et Martin et al. (2002) pour la restitution de colonnes troposphériques NO2 GOME dans la région intertropicale. La méthode consiste à soustraire des colonnes totales inversées NO2 GOME, une colonne supposée « stratosphérique » de NO2, considérée comme la colonne totale mesurée au-dessus des régions caractérisées par une faible colonne troposphérique, soit les régions les moins touchées par les sources d’émission et le transport de NOx. Cette colonne supposée longitudinalement invariante est soustraite des colonnes totales mesurées à la même latitude. Martin et al. (2002) utilise des simulations standards d’un modèle atmosphérique (GEOS-CHEM) pour l’identification des régions non-polluées ainsi que pour corriger la méthode avec la prise en compte des colonnes troposphériques non-nulles au-dessus de ces régions. Ces colonnes « stratosphériques » sont généralement évaluées au-dessus du Pacifique. La précision des colonnes troposphériques de NO2 est limitée avec des erreurs de

l’ordre de 1.0×1015-3.3×1015 molécules/cm2 pour des colonnes variant entre 1×1015 et 6×1015 molécules/cm2. Néanmoins, elle permet clairement d’identifier les régions sources de NOx.

L’appréciation de la méthode à HNO3 se limite, comme la méthode résiduelle, à la région intertropicale dans la mesure où la colonne stratosphérique aux latitudes moyennes et polaires présente d’importantes variations longitudinales.

Fig. 7.7 - Distributions mensuelles de l’excès troposphérique IASI mesuré pour les mois de juin à octobre dans la région intertropicale (molécules/cm2). Les colonnes « stratosphériques » sont évaluées au-dessus du Pacifique entre -180° et -160° de longitude. Les données sont moyennées sur une grille de 1° latitude × 1° longitude.

La figure 7.7 présente les distributions de l’excès troposphérique pour les mois de juin à octobre. Les colonnes « stratosphériques » soustraites sont évaluées au-dessus de l’océan pacifique (entre -180° et -160° de longitude). Excepté au-dessus des régions désertiques, les valeurs d’excès troposphérique varient en moyenne entre -2×1015 et 4×1015. Les valeurs négatives observées principalement entre -20° et -30° au-dessus de l’Atlantique indiquent une surévaluation des colonnes « stratosphériques » pour cette région. Quant aux régions correspondant aux valeurs les plus élevées, elles sont similaires à celles mises en évidence par la méthode du résidu. Ceci permet de vérifier la cohérence des maxima observés dans les distributions troposphériques dérivées.

Deux périodes caractérisées par de fortes valeurs d’excès troposphérique en juin et juillet sont présentées à la figure 7.8 où sont également superposées les observations des feux de biomasse (MODIS/Aqua,Terra) et d’éclairs (LIS/TRMM).

Fig. 7.8 - Distributions spatiales de l’excès troposphérique IASI mesuré pour la période du 15-27 juin et du 12-20 juillet 2008 (moléculés/cm2). Les données sont moyennées sur une grille de 1° latitude × 1° longitude. Les feux de biomasse et les éclairs détectés par MODIS/Aqua,Terra et LIS/TRMM sont respectivement représentés en noir et en rose.

L’analyse de la figure 7.8 montre que les maxima d’excès troposphériques observés au-dessus du centre de l’Afrique sont co-localisés aux feux détectés au cours de ces périodes. Un panache de HNO3 probablement transporté depuis cette région source est également observé au-dessus de l’océan atlantique, principalement pour la seconde période. Un large panache s’étendant dans l’Atlantique entre le golfe du Mexique et la Côte ouest nord africaine est également observé. Il est fortement éloigné des sources de feux et semble donc associé plutôt à la production des NOx par les éclairs qui sont importants dans cette zone et cette période. Notons que dans la région du sud de l’Asie caractérisée par de nombreux éclairs, aucun maxima ne peut clairement être mis en évidence, probablement en raison de la présence de nombreux nuages dans ces régions et du faible échantillonnage qui en résulte.

Afin de préciser la pertinence des observations IASI, nous donnons ci-dessous un aperçu des prédictions des distributions de HNO3 dans la troposphère, modélisé par GeosChem, un modèle adapté à la chimie et à la dynamique troposphérique (Bey et al., 2001a ; Martin et al., 2002).

La figure 7.9 en haut présente les colonnes troposphériques de HNO3 simulées pour la période du 15-27 juin 2008, en comparaison à la figure 7.8 des observations IASI. Les concentrations les plus élevées sont observées au-dessus de l’Afrique et du transport depuis cette région est mis en évidence. Une production intense dessus de l’Amérique du nord et du transport au-dessus de l’océan atlantique sont également simulés. Ces structures semblent en bon accord avec les observations IASI.

La figure 7.9 en bas présente les colonnes troposphériques du modèle lissées par les fonctions de lissage IASI pour un cas typique afin de tenir compte du système d’observation IASI (cf section 6.4). Suite au lissage, les concentrations de HNO3 au-dessus des régions intenses d’émission sont plus faibles. Nous observons aussi que le poids relatif du panache relié aux fortes valeurs continentales dues aux feux de biomasse en Afrique diminue fortement par rapport au panache associé aux éclairs. Ceci est cohérent avec la sensibilité plus importante de la mesure à la haute troposphère.

Il résulte également du lissage, des concentrations équivalentes issues de ces deux sources d’émission (supérieures à 6×1015 molécules/cm2), comme le montrent les colonnes dérivées (Fig. 7.8) qui présentent néanmoins de plus faibles concentrations (~3×1015 molécules/cm2). Il est aussi intéressant d’indiquer que les concentrations simulées sont du même ordre de grandeur que celles issues de la méthode du résidu (Fig. 7.6).

Pour clore ce chapitre notons finalement qu’afin d’effectuer une analyse quantitative de l’excès troposphérique, la contribution troposphérique de la colonne « stratosphérique » soustraite doit être évaluée, par exemple, à partir de sorties de modèles. Pour la période analysée du 15-27 juin 2008, cette contribution est évaluée à environ 4×1015 molécules/cm2. Les maxima associés à l’excès troposphérique atteindraient alors des valeurs de 7×1015 molécules/cm2, ce qui est cohérent avec la simulation des colonnes troposphériques lissées (Fig. 7.9 en bas).

Les colonnes troposphériques devraient donc dans le futur tenir compte de cette correction, ainsi que des autres sources d’erreurs. Celles-ci peuvent être évaluées comme la somme quadratique de (1) l’erreur d’inversion associée à la colonne totale, (2) l’erreur d’inversion associée à la colonne « non-troposphérique » soustraite, (3) l’erreur due au facteur correctif associé à HNO3 troposphérique au-dessus du Pacifique et (4) la variabilité zonale de HNO3 dans la stratosphère.

Fig. 7.9 - En haut : Simulation GeosChem des colonnes troposphériques de HNO3 pour la période du 15-27 juin 2008. En bas : Simulation GeosChem des colonnes troposphériques de HNO3 lissées par les fonctions de lissage IASI pour la même période (Bousserez, communication privée)

7.4 Conclusions et perspectives

Au cours de ce chapitre, nous avons présenté les résultats préliminaires obtenus pour les colonnes troposphériques IASI dérivées.

Une analyse quantitative des colonnes troposphériques détectables par IASI sur base de simulations directes du transfert radiatif a été effectuée. Les résultats obtenus démontrent la capacité de IASI à mesurer les colonnes de HNO3 troposphériques principalement dans les régions polluées ou touchées par le transport de pollution.

Deux méthodes différentes ont été utilisées pour dériver des concentrations troposphériques : la méthode du résidu et la méthode de l’excès troposphérique. L’analyse des colonnes résiduelles a été réalisée via l’assimilation des données de HNO3 stratosphériques MLS dans le modèle de chimie stratosphérique BASCOE. La soustraction des colonnes assimilées aux colonnes totales IASI nous a permis de restituer des structures d’origine troposphérique, dans la région intertropicale. Des structures similaires sont également identifiées par la méthode de l’excès troposphérique. Elles consistent en de nettes augmentations principalement au-dessus du continent africain (en juin-juillet) et au-dessus de l’océan atlantique entre 15° et 30° de latitude (en juin). Ces augmentations sont probablement associées aux émissions de NOx dans les feux de biomasse et aux éclairs observés au sud de l’Amérique du nord. La localisation des feux de biomasse (MODIS/Aqua,Terra) et d’éclairs (LIS/TRMM) pour deux périodes spécifiques suggèrent effectivement l’origine de ces émissions. Ces conclusions sont

supportées par une comparaison préliminaire des mesures IASI avec des simulations issues d’un modèle de chimie et transport atmosphérique (GeosChem).

Les résultats prometteurs décrits dans ce chapitre doivent encore être affinés notamment en termes d’erreur. Par ailleurs, des développements significatifs s’avèrent nécessaires si l’on veut notamment appliquer la méthode résiduelle aux moyennes et hautes latitudes.

Ces résultats s’inscrivent dans le cadre d’études relativement récentes qui ont démontré la possibilité de réduire les incertitudes associées aux distributions d’espèces atmosphériques par l’utilisation couplée de mesures de gaz traces atmosphériques et de modèle de dynamique et de chimie atmosphérique grâce à l’utilisation de techniques de modélisation inverse (Martin et al., 2003). Les observations spatiales servent de contrainte au modèle atmosphérique en vue d’une meilleure optimisation des paramètres en entrée du modèle (par exemple les émissions de NOx dans les éclairs). L’acide nitrique étant jusqu’à présent une espèce relativement mal quantifiée de manière globale dans la troposphère, les colonnes troposphériques IASI dérivées pourraient servir de contraintes supplémentaires pour une meilleure estimation de sa production et de sa capacité à être transporté sur des distances plus ou moins longues. De plus, l’acide nitrique étant indirectement impliqué dans les processus de production d’ozone troposphérique, il pourrait également être utilisé pour améliorer les paramétrisations relatives à ce composé.

Une analyse quantitative de l’excès troposphérique sur des périodes plus longues devrait également nous permettre d’évaluer les rapports HNO3/O3 dans la troposphère, en comparaison aux résultats observés dans la stratosphère.

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