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Valence sémiotique du formalisme bipoint dans l’ingénie rie

QUESTIONS DE SÉMIOTICITÉ ET D’INSTRUMENTALITÉ DU CALCUL BIPOINT

4.2 Le formalisme bipoint en géométrie affine

4.2.1 Valence sémiotique du formalisme bipoint dans l’ingénie rie

La géométrie affine est celle du groupe des applications affines d’un espace affine E dans un espace affine F associés respectivement aux espaces vectoriels E et F . A une telle application u est associée une application linéaire f : E → F telle que, pour tout point M de E et pour tout vecteur−→v de E, on ait

u(M + −→v ) = u(M ) + f (−→v ).

Nous nous limiterons ici aux automorphismes affines du plan (resp. espace) affine associé à l’espace vectoriel R2(resp. R3), en les considérant comme composées de transformations linéaires et de translations, un changement dans l’ordre de compo- sition supposant un autre choix de translation.

Les invariants associés à ce groupe des automorphismes affines sont principale- ment le parallélisme, d’une part et, d’autre part, le rapport de section r d’un point P par rapport aux points A et B avec lesquels il est aligné et qui est défini par la relation r =

−→ AP −−→

P B. Il s’ensuit que la géométrie affine étudie des configurations

géométriques (ensembles de figures jouissant de même propriétés) caractérisées par des propriétés qui restent invariantes sous l’effet des transformations affines : prin- cipalement, la configuration “parallélogramme” et la configuration “Thalès” d’un faisceau de parallèles coupées par deux sécantes qui détermine des configurations équivalentes de trois points alignés (figure 4.3 et 4.4).

FIGURE4.3

FIGURE4.4

La deuxième configuration permet d’ailleurs de définir la première car un paral- lélogramme est un quadrilatère dont les diagonales AC et DB se coupent en leur milieu, le milieu M d’un segment étant défini par un cas particulier de la figure 4.4 (figure 4.5). Dans notre parcours, la construction du formalisme bipoint en géomé- trie 3D suit d’ailleurs ce cheminement.

FIGURE4.5

Pour ce qui est de la géométrie 2D, nous avons préféré étudier le parallélogramme et la configuration Thalès séparément, dans un premier temps, et ce, pour plusieurs raisons :

1. Il nous semblait plus opportun de repartir de la définition du parallélogramme connue des élèves concernés, soit un quadrilatère dont les côtés opposés sont parallèles.

2. Le parallélogramme nous conduira à définir le concept de vecteur à travers l’équipollence de couples et la configuration “Thalès” amènera le concept de vecteurs multiples. Il nous semblait donc plus naturel de procéder dans cet ordre.

3. La relation entre le parallélogramme et une configuration Thalès particulière pourra ensuite faire l’objet d’un premier énoncé “bipoint” :

B − A = C − D ⇔ A + C

2 =

B + D 2

que l’on soumettra à la sagacité des élèves tout en leur faisant découvrir le parallélogramme “aplati”. Or l’ordre suivi ici permet de mieux mettre en évidence la subordination d’une configuration à l’autre.

4.2.1.1 Deux tâches d’introduction dans le plan

Dans le plan, nous proposons donc aux élèves deux tâches distinctes qui leur sont proposées en deux versions chacune, d’abord en précisant les points par des coordonnées numériques puis par des coordonnées génériques :

Déterminer les coordonnées

1) du 4ème sommetD du parallélogramme ABCD à partir de celles des pointsA, B et C ;

2) d’un pointP situé sur une droite AB et deux fois plus éloigné de A que deB.

Nous reviendrons plus loin sur le choix des coordonnées numériques pour nous expliquer ici sur l’intérêt du travail générique. Rappelons en effet, comme détaillé à la section 3.6.2, que le formalisme à construire doit rendre compte des proprié- tés intrinsèques des vecteurs, c’est-à-dire, des propriétés invariantes sous l’effet de transformations affines ou, ce qui revient au même, lorsqu’on change de repère af- fin. Or, cet univers est inconnu des élèves et est absent des programmes scolaires. Le travail générique a donc pour fonction de montrer l’invariance des relations éta- blies entre coordonnées par rapport à la position relative des points envisagés et des éléments du repère (origine, axes...). Avant d’initier les élèves à l’idée qu’on puisse choisir le repère, on prend dans celui-ci des points aux coordonnées quelconques, ce qui revient au même.

Les relations qui rendent compte des configurations géométriques doivent donc être prouvées de manière générale. Par exemple, les sommets A(xA, yA), B(xB, yB),

C(xC, yC) et D(xD, yD) d’un parallélogramme vérifient les relations

(

xB− xA= xC− xD

yB− yA= yC − yD

Pour les raisons expliquées plus haut, le discours technologique qui valide ces relations est emprunté à la géométrie synthétique.

Le parallélogramme

Dans le cas du parallélogramme, on recourt à un cas d’isométrie de triangles et une propriété du parallélogramme. La définition initiale de ce quadrilatère est celle que proposent les manuels scolaires : un parallélogramme est un quadrilatère dont les côtés opposés sont parallèles. Il est donc a priori non croisé, les manuels faisant l’impasse sur les quadrilatères croisés ou, au mieux, en montrent un sans définir la convexité109. La preuve s’appuie sur une propriété connue des élèves : Deux côtés d’un parallélogramme ainsi défini sont parallèles et de même longueur. On en déduit que, sur la figure 4.6, les triangles ABE et DCF sont isométriques, moyennant l’égalité d’angles à côtés respectifs parallèles.

FIGURE4.6

Mais, pour arriver aux formules visées : (

xB− xA= xC− xD (a)

yB− yA= yC − yD (b)

109. Notons quelques exceptions dont COJEREM1995a(p. 78) qui précise qu’“quadrilatère est convexe si, lorsqu’on joint par un segment deux points quelconques M et N intérieurs au qua- drilatère, ce segment ne sort jamais du quadrilatère”. Mais les notions d’intérieur et d’extérieur sont précisées par un dessin et, juste après, les auteurs considèrent l’implicite habituel : “Dans l’ensemble de ce livre, nous ne considérerons que des quadrilatères convexes et nous omettrons même le quali- ficatif “convexe”, par commodité”.

Dans les manuels scolaires actuels, soit on définit le quadrilatère de façon descriptive, soit on ne le définit pas mais on n’a jamais parlé d’un quadrilatère croisé. Voici le détail :

Dans “Amplitude 1re secondaire” - Ed. Erasme 2017, un quadrilatère est un polygone a 4 côtés. Dans ce même manuel, le polygone est défini comme une figure géométrique plane, formée d’une suite de segments, chacun d’entre eux partageant une extrémité avec le précédent et le suivant, déli- mitant ainsi un contour fermé.

La collection “Déclic 6e” - Hachette Education 2009 définit le quadrilatère de la même manière mais ne définit pas le polygone. Celui-ci est dessiné et on précise le vocabulaire. Il en est de même dans la collection Triangle - Ed. Hatier 2009.

Dans RandoMaths 1re - Ed. Erasme 2009, le quadrilatère n’est pas défini, on précise le vocabu- laire (sommets et côtés) et on définit les côtés adjacents, côtés opposés, sommets consécutifs, ... Le polygone est ensuite défini comme une figure plane à plusieurs côtés.

il faut s’assurer que, pour des segments parallèles à un des axes, on peut définir une longueur par des différences de coordonnées de leurs extrémités dans un ordre précis, l’unité étant celle qui permet de graduer l’axe.

L’usage d’un cas d’isométrie de triangles peut étonner car il relève de la géomé- trie métrique subordonnée à la géométrie affine, ici en construction. Nous nous en expliquerons à la section 4.3.1.4.

Ce sont les relations (a) et (b) supra que l’on choisit de représenter par une rela- tion unique :

B − A = C − D (1),

laquelle jouit des propriétés algébriques standard puisqu’elle modélise deux égalités portant sur les nombres que sont les coordonnées.

Pour autant, on s’assure ici du sens géométrique que pourraient avoir des trans- formations algébriques. En particulier, on explique que la relation (1) exclut le pa- rallélogramme croisé alors que l’équivalence algébrique

B − A = C − D ⇔ A + C

2 =

B + D 2

ne peut s’interpréter dans l’univers des parallélogrammes définis par l’une ou l’autre de ces relations équivalentes que si l’on y intègre le parallélogramme aplati.

Ce travail trouve son aboutissement lorsqu’on s’appuie sur la relation (1) pour dé- finir l’équipollence de couples de points ou bipoints et le concept de vecteur comme ensemble de couples équipollents, le mot “ensemble” suppléant l’absence des no- tions de relation d’équivalence et de classe d’équivalence dans les programmes. Cette approche amène d’office les composantes d’un vecteur, dans un repère, entre lesquelles on a les relations (a) et (b).

Mais le focus portera préalablement sur l’importance de l’ordre dans lequel on considère les points non seulement à propos du parallélogramme mais aussi par rapport à la configuration “Thalès” dans un faisceau de droites parallèles.

La configuration “Thalès”

La deuxième tâche dévolue aux élèves est la recherche d’un point P situé sur une droite AB et deux fois plus éloigné de A que de B. L’usage de l’article indé- fini “UN” est délibéré : il existe en effet deux tels points et seule la considération de l’ordre des points sur une droite permet de le comprendre. La projection des points sur les axes et l’usage du théorème de Thalès, connu des élèves en géométrie synthétique, débouchent sur deux relations du type

(

xP − xA= k(xB− xA) (c)

yP − yA= k(yB− yA) (d)

est alors ouverte sur la caractérisation d’une droite à partir de deux de ses points que résument les relations (c) et (d) ou leur version “compacte” de type bipoint :

P − A = k(B − A) (2) pour un réel k correspondant à chaque point P .

On y traite en même temps de la notion de configurations équivalentes de trois points alignés. On s’appuie enfin sur (2) pour introduire la notion de vecteurs mul- tiples à partir de leurs composantes.

4.2.1.2 Des tâches à caractère fondamental

Au terme de ce travail, les résultats justifiés sur base de la géométrie synthétique sont, en gros :

1) ABCD est un parallélogramme non croisé (éventuellement aplati) si et seulement si B − A = C − D (1).

2) P appartient à la droite AB si et seulement s’il existe un réel k tel que P = A + k(B − A) (2).

3) De plus, sur la figure 4.7, les points A, B et P , d’une part, et C, D et Q, d’autre part, vérifient les relations respectives

P = A + k(B − A); Q = C + k(D − C) pour une même valeur de k.

FIGURE4.7

Les relations (1) et (2) sont à mettre en lien avec les deux invariants majeurs de la géométrie affine répertoriés plus haut : d’une part, le parallélisme de droites et donc, en particulier, les configurations “parallélogramme" emblématiques de cette géométrie et, d’autre part, ce qu’on appelle le rapport de section r d’un point P par rapport aux points A et B avec lesquels il est aligné : on peut le définir comme une fonction du paramètre k de la relation (2), soit r(k) = k/(1 − k). Ce qui revient à définir r = P −AB−P avec B 6= P .

La valeur de k dans l’égalité P = A + k(B − A) nous renseigne sur la position de P par rapport aux points A et B. Ainsi k = 0 conduit à P = A et k = 1 à P = B. En outre, k > 1 si P est “à droite" de B, k < 0 si P est “à gauche" de A et 0 < k < 1 si P est entre A et B.

FIGURE4.8

En somme, cette relation définit une “métrique” sur une droite AB quelconque en lui étant intrinsèque : cette droite est en effet ainsi graduée avec A comme origine et B comme point d’abscisse unitaire.

Par conséquent, notre analyse explique le caractère fondamental des deux tâches proposées aux élèves, dans le contexte de la géométrie affine. Le qualificatif “fon- damental” est celui que Brousseau (1998) utilise pour désigner des questions, pro- blèmes ou tâches qui impliquent le savoir visé comme réponse ou résolution op- timale si ce n’est exclusive. Le caractère fondamental ne suffit pas pour permettre la dévolution de ces questions, problèmes ou tâches aux élèves. L’existence d’un milieu et d’un contrat lié est tout aussi indispensable. Nous y reviendrons au cha- pitre 5. Contentons-nous de dire ici que tout contrat local s’inscrit dans le contrat global spécifié dès le début du parcours : remplacer les preuves de la géométrie synthétique par des preuves calculatoires. La propriété des diagonales d’un paral- lélogramme, qui ne requiert pas la mention initiale du caractère non croisé est ici prouvée de deux manières pour s’expliquer avec les élèves sur le contrat global. Elle peut à terme devenir la définition d’un parallélogramme ABCD caractérisé alors par la relation bipoint

A + C

2 =

B + D 2 . moyennant tout ce qui est dit plus haut.

C’est un élément majeur d’une future construction déductive.

4.2.1.3 Les mêmes configurations en 3D, dans un autre ordre...

Pour ce qui est de la géométrie 3D, nous avons choisi de commencer par la confi- guration “Thalès”, nous appuyant sur le fait qu’on peut exploiter, dans un plan de l’espace usuel, tout théorème de géométrie plane. Ici il s’agit de la configuration du faisceau de droites parallèles coupées par deux sécantes que l’on utilise après s’être assuré qu’on est bien dans un plan.

ration “Thalès”, le parallélogramme ABCD (éventuellement aplati) étant défini à partir de la relation A+B2 = C+D2 . Cependant, la section 7.1.3 du projet déve- loppe une autre approche du parallélogramme indépendante ne s’appuyant pas sur la configuration “Thalès”.

Dans tous les cas, on exploite des théorèmes supposés déjà démontrés en géomé- trie 3D, par la méthode synthétique, et on prouve ainsi les caractérisations bipoint “Thalès” et “parallélogramme”, comme conditions à la fois nécessaires et suffi- santes.

Un élément important de ces preuves est la bijection, dans un repère donné, entre les points de l’espace usuel et les triplets de réels que sont leur coordonnées dans ce repère. Cette bijection fait également l’objet d’une preuve au départ de théorèmes supposés validés par la méthode synthétique.

En gros, comme pour le formalisme bipoint 2D, le mode de validation repose ici sur la géométrie euclidienne élémentaire, conformément à ce qui a été annoncé dans la construction de notre praxéologie “modélisation”.

4.2.1.4 ...la coplanarité en plus

Évidemment, en géométrie 3D, il faut, de plus, caractériser la coplanarité. C’est ce qui est fait dans le projet à partir de la caractérisation d’une droite et de la confi- guration “parallélogramme”. On justifie en effet, à la section 7.2 du projet, que, trois points A, B et C non alignés étant donnés, on peut leur “raccorder” tout point P de l’espace au moyen d’un parallélogramme dont deux côtés consécutifs sont sur les droites AB et AC. On utilise ensuite l’expression de l’alignement pour caractériser tout point P du plan ABC par l’écriture

P = A + k(B − A) + k0(C − A),

k et k0 étant des réels associés à P , qui s’exprime ensuite de manière vectorielle par −→

AP = k−→AB + k0−→AC,

la combinaison linéaire de deux vecteurs étant définie par les trois relations entre leurs composantes :      xP = xA+ k(xB− xA) + k0(xC − xA) (1) yP = xA+ k(yB− yA) + k0(yC − yA) (2) zP = zA+ k(zB− zA) + k0(zC − zA) (3).

Cette filiation de la coplanarité à la configuration “parallélogramme” correspond parfaitement à la perspective décrite par BKOUCHE1982: on commence par l’étude de figures planes et de solides, soit de la géométrie dans l’espace, pour construire

progressivement la géométrie de l’espace ou l’étude “d’objets simples” que sont le point, la droite et le plan. Ici on va du parallélogramme au plan. On répond de la sorte au questionnement légitime de certains élèves qui demandent des comptes sur la relation entre coplanarité et combinaisons linéaires de vecteurs, comme nous l’avons expliqué à la section 3.7.

4.2.2

Valence instrumentale du formalisme bipoint en géométrie