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LE FORMALISME BIPOINT COMME “PASSEUR" DES CONFIGURATIONS GÉOMÉTRIQUES À LEUR

MODÉLISATION VECTORIELLE

Le MER construit ici l’a été à la lumière de l’histoire des mathématiques et de celle de leur enseignement que nous avons étudiées au deux premiers chapitres. Le concept de MER et son rôle “phénoménotechnique” sont détaillés dans la section 3.1. Dans la section 3.2, nous expliquons l’intérêt de construire ce MER à un niveau élevé de l’échelle de co-détermination didactique. Ensuite, nous situons le MER à un niveau curriculaire entre l’étude de l’algèbre élémentaire et l’étude de la géo- métrie. Dans les deux sections 3.4 et 3.5, nous expliquons quelques éléments théo- riques au fondement de notre MER : le concept de praxéologie, la distinction entre praxéologie “modélisation” et praxéologie “déduction” et le discours heuristique, ce qui nous permet de préciser davantage les tenants et aboutissants de notre MER. L’intention de celui-ci est de construire un formaliste permettant des démonstrations “calculatoires” de nouvelles propriétés de figures géométriques. Ce formalisme est supposé évoluer, le maillon central qui sert de jonction entre le géométrique et le vectoriel étant un calcul analytique “compact” qui porte sur des “bipoints”. La sec- tion 3.6 situe les apports de ce formalisme par rapport à la géométrie vectorielle. Nous expliquons ensuite dans la section 3.7 pourquoi notre point de départ n’est pas vectoriel. Enfin, la section 3.8 explique l’évolution du mode de validation dans notre MER entre le processus de “modélisation” et le processus de “déduction”.

3.1

Le concept de MER

Comme expliqué par Schneider (2013), il convient de construire un MER en res- pectant certaines conditions si l’on veut qu’il ait un rôle “phénoménotechnique".

Avant de distinguer entre un usage phénoménotechnique du concept de MER et un qui ne l’est pas, nous considérons d’abord l’utilisation du mot “phénoménotech- nique"pour décrire l’ingénierie didactique.

Dans son cours à l’Ecole d’Eté d’Orléans en 1982, Chevallard posait effecti- vement ainsi la question des rapports entre la recherche en didactique et l’action subséquente sur le système d’enseignement : non pas en termes d’innovation ou de recherche-action mais en termes de mise à l’épreuve de constructions théoriques élaborées par les chercheurs dans les réalisations didactiques qui constituent sur- tout, en tant que méthodologies de recherche “le lieu de cette étape cruciale de l’activité scientifique à laquelle Bachelard a donné le nom parodique de phénomé- notechnique".

Le néologisme “phénoménotechnique" de Bachelard (1949) est enraciné dans un constructivisme épistémologique qui fait des “phénomènes" non pas des obser- vables que donnerait à voir une réalité supposée indépendante ou “ontologique" mais des construits humains le plus souvent collectifs. Plus précisément, ces phé- nomènes émergent d’une pensée dialectique entre objets et concepts à la manière du rationalisme appliqué tel que l’entend Bachelard (1949), qui suppose de “passer par le positivisme afin de le dépasser.Nous en donnons pour exemple des situations contrefactuelles suggérées par une hypothèse théorique pour en accroître la crédi- bilité, par exemple, des expériences de pensée, en l’occurrence ce qu’on appelle le “bateau de Galiléé"concernant la relativité des référentiels.

Pour nous, les théories didactiques sont potentiellement “phénoménotechniques" en ce sens qu’elles peuvent faire voir et rendre intelligibles des phénomènes didac- tiques en particulier par des expériences qui permettent aux chercheurs d’invalider certaines de leurs hypothèses

Il s’agit bien sûr d’une portée potentielle a priori plus ou moins effective dans les usages qu’en font les chercheurs.

Plusieurs recherches, à l’heure actuelle, font usage du MER, mais un tel usage n’est pas en soi phénoménotechnique au sens où nous l’avons entendu plus haut. Dans une Conférence tenue au 4ème Colloque de la TAD à Toulouse (2013), Schnei- der analyse les conditions sous lesquelles la construction d’un tel modèle peut être phénoménotechnique. Elle contraste pour cela deux études de cas : le premier sur le théorème de Lagrange à l’Université, le second sur l’algèbre élémentaire.

Le premier usage du concept de MER semble être, après analyse approfondie, peu voire pas du tout phénoménotechnique. Il s’agit d’un MER autour du théorème de Lagrange pour étudier des enseignements universitaires dans une filière mathéma- tique et une filière économique (Xhonneux, 2001 ; Xhonneux et Henry, 2011). On pourrait trouver une version détaillée de cette analyse (Schneider, 2013) à l’URL suivante :

http ://hdl.handle.net/2268/190488.

Bosch et Gascon (2002)86 qui permet un regard théoriquement construit sur les pratiques empiristes et permettrait de les dénaturaliser et de favoriser la découverte d’un phénomène didactique. À l’inverse, le MER construit par Gascon au sujet de l’algèbre élémentaire illustre ce que nous entendons par là.

L’autre exemple de MER analysé par Schneider est un retour aux sources du concept de MER à l’origine duquel se trouve la posture de dénaturalisation typique de la TAD. Le point de départ de ce MER (Gascon, 1993) est un analyse épistémolo- gique de l’algèbre, non pas basée comme ce qui se fait d’habitude, sur la genèse de l’algèbre dans l’école d’Alexandrie où des “valeurs indéterminées" sont représen- tées pas des lettres à la place des nombres, mais sur la “nouvelle algèbre" de Viète ainsi que sur la “méthode" de Descartes qui permettent de rendre “analytique" le patron d’Analyse-Synthèse. Après avoir illustré l’efficacité de la langue algébrique en arithmétique, Gascon illustre que le fait de représenter les données également par des lettres, que l’on appelle paramètres, permet de s’intéresser à la structure des problèmes, au-delà de la seule obtention de l’inconnue, et de produire de nou- velles connaissances sur le système modélisé, relatives par exemple aux conditions d’existence des solutions, à leur interprétation dans le contexte y compris dans des cas particuliers de l’énoncé...

En effet, ce MER joue ici le rôle d’une technique phénoménologique en rendant moins transparent et donc en dénaturalisant le modèle implicite qui prévaut dans l’enseignement de l’algèbre, modèle que Chevallard et Gascon ont appelé “arithmé- tique généralisée". Ce modèle met l’accent sur le “symbolisme algébrique" et l’op- pose à un supposé “langage arithmétique" que le premier est censé élargir et géné- raliser. Il conduit, d’une part, à la “désarticulation" du corpus de problèmes en ré- solutions d’équations ou d’inéquations, de manipulation d’identités et de fonctions élémentaires, d’application de formules et de résolution de problèmes concrets et, d’autre part, à l’interprétation des difficultés d’acquisition du langage algébrique trop exclusivement référée au cadre arithmétique, comme la modification du sens des signes +, =, d’un langage à l’autre.

Comme l’illustre Gascon à propos de l’algèbre élémentaire, ce modèle agit comme un système de conditions et de contraintes sur les pratiques en “permettant l’exis- tence de certaines d’entre elles et en empêchant que d’autres puissent apparaître". En effet, “On peut considérer qu’il existe, dans toute institution didactique où l’on enseigne des mathématiques, des modèles implicites des différents domaines du sa- voir mathématique enseigné, d’où émerge par extension un modèle implicite de la nature même du savoir mathématique"(Gascon, 1993).

Le modèle théorique alternatif est ensuite construit à partir d’une question portant sur un domaine mathématique afin de clarifier les modèles empiriques implicites. Ce modèle implicite se doit d’être dénaturalisé et pris comme “objet d’étude, c’est-à- dire comme faisant partie des faits didactiques qui constituent la base “empirique" de la recherche"en insistant sur la nécessité pour le chercheur d’avoir à sa disposi-

tion “un “modèle alternatif" qui sert précisément de référence pour interpréter le modèle dominant dans l’institution qu’il étudie"(Gascon, 1993).

3.2

Un MER à construire à un niveau élevé de l’échelle