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Vérification de l’adéquation des sites d’implantation choisis

5. De l’implant cochléaire à l’implant vestibulaire : les premiers pas

5.3. Détermination des sites de stimulation chez l’être humain

5.3.2. Vérification de l’adéquation des sites d’implantation choisis

Dans l’implant cochléaire, les électrodes sont placées de manière relativement proche des cellules ganglionnaires qui se trouvent dans le modiolus, au centre de la cochlée. La survie du processus périphérique allant des cellules ganglionnaires à l’organe sensoriel n’est pas essentielle au bon fonctionnement de l’implant. Les électrodes sont placées si proche des cellules ganglionnaires qu’elles les stimulent directement. Il en va autrement dans le système vestibulaire. Les corps cellulaires des neurones se situent dans le ganglion de Scarpa, qui se trouve dans le conduit auditif interne. En conséquence, si les électrodes sont placées dans les ampoules des canaux semi-circulaires, une activation nerveuse spécifique ne pourra se faire que si le processus périphérique des ces cellules, qui relie l'organe neurosensoriel aux corps cellulaires des neurones, subsiste. Si, au contraire, ce processus périphérique venait à dégénérer en même temps que l’organe sensoriel, il faudrait envisager d'implanter les électrodes dans le ganglion de Scarpa. Dans ce cas, la spécificité de la stimulation électrique serait moindre, car les fibres provenant des diverses structures sensorielles sont, à ce niveau, au contact les unes des autres. A notre connaissance, aucune donnée anatomique ou physiologique n'existe actuellement concernant la dégénérescence ou non des processus périphériques. Il fallait donc démontrer, dans un premier temps, que les sites d’implantation choisis permettaient de générer des mouvements oculaires par des stimulations électriques.

Dans un deuxième temps, il faudra vérifier que les réponses sont enregistrables dans les diverses pathologies conduisant à un déficit vestibulaire (maladie de Menière, ototoxicité,

S’agissant du nerf auditif, l’efficacité de la stimulation électrique peut être vérifiée au cours de la chirurgie d’implantation cochléaire par l’enregistrement de potentiels auditifs évoqués par stimulation électrique de l’oreille. Ces potentiels sont enregistrables sous narcose et sont comparables aux potentiels auditifs évoqués en réponse à la stimulation acoustique chez un sujet normo-entendant éveillé. Une technique similaire n’est pas applicable au système vestibulaire. La seule façon d’objectiver l’efficacité d’une stimulation sélective des différents canaux semi-circulaires est d’observer la réponse nystagmique correspondante, mais malheureusement cette réponse disparaît sous narcose. Donc, il était fondamental que la stimulation du vestibule puisse être faite sous anesthésie locale. Nous étions bien placés pour répondre à cette exigence puisque la majorité des chirurgies de l’oreille moyenne sont réalisées, dans notre service, par voie du conduit auditif externe, en anesthésie locale [Kos et coll, 2001 ; Zheng et coll, 1996].

Des stimulations électriques du nerf ampullaire postérieur ont été réalisées chez 3 patients souffrant de surdité profonde candidats à un implant cochléaire. Il s’agissait de deux surdités idiopathiques et d’une maladie de Menière bilatérale. Les stimulations ont été réalisées au début de la chirurgie d’implantation cochléaire.

La forme du signal de stimulation électrique est générée par ordinateur. Ce signal est ensuite conduit à une source de courant, construite par notre laboratoire, qui permet d’obtenir en sortie un signal de stimulation de courant constant. Pour la stimulation du nerf ampullaire postérieur, le gain de la source de courant était fixé de façon à produire sur l’électrode un courant maximal de 1 mA. Le signal de stimulation consistait en des pulses comprenant une phase négative de 200µs, suivie d’une phase neutre et ensuite d’une phase positive, toutes de même durée. La durée de la quatrième phase est systématiquement variée pour aboutir à des trains de pulses bi phasiques, ayant des rythmes de répétition allant de 25 à 400 pps (pulses par second).

La chirurgie débute en anesthésie locale. Après anesthésie du conduit auditif externe, un spéculum est placé dans le méat de l’oreille externe et un lambeau tympanoméatal soulevé. Le surplomb osseux de la niche de la fenêtre ronde et le subiculum sont fraisés de façon à mettre en évidence la membrane de la fenêtre sur toute sa surface. Puis la capsule otique est forée sous la membrane, dans sa partie rostrale. Nous avons utilisé une approche très progressive pour éviter que l’ouverture du canal de Morgagni n’entraîne une lésion du nerf. Durant le forage, des essais successifs de stimulation électrique sont effectués jusqu’au moment où des

terminées, les patients sont endormis et la chirurgie d’implantation cochléaire réalisée selon les modalités habituelles.

Chez les 3 patients, le nerf ampullaire postérieur était accessible, sans ouverture de l’ampoule du canal semi-circulaire. Des réponses nystagmiques verticales ont été obtenues, modulables par modulation de l’intensité du courant, variant de 400 µA à 1000 µA, et par modulation de la fréquence de stimulation, variant de 50 à 200 pps [Wall et coll, 2007] (Figure 5.3).

Cette expérience a démontré que des réponses nystagmiques pouvaient être obtenues par stimulation électrique, dans le plan du canal stimulé, comme cela avait été démontré chez l’animal [Suzuki et Cohen, 1964].

Figure 5.3. Nystagmus provoqué par la stimulation électrique du nerf ampullaire postérieur chez un des trois patients. Le nystagmus est enregistré sur 4 canaux, vertical droit (VR) et gauche (VL) et horizontal droit (HR) et gauche (HL). La stimulation provoque des mouvements verticaux battant vers le haut et vers la droite. La ligne inférieure montre l’enveloppe du stimulus [Wall et coll, 2007].

Des stimulations électriques des nerfs ampullaires latéral et supérieur ont été réalisées chez 3 patients candidats à une labyrinthectomie en raison d’une maladie de Menière invalidante, évoluant depuis plus de 4 ans.

L’intervention chirurgicale débutait en anesthésie locale. Après infiltration du conduit auditif externe par xylocaïne et adrénaline, un lambeau tympanoméatal était soulevé, comme dans l’expérience précédente. L’enclume et la tête du marteau étaient enlevées, permettant l’ouverture de l’attique à la fraise. Puis le labyrinthe osseux était fraisé au dessus de la portion horizontale du nerf facial, dans le coude du ganglion géniculé [Feigl et coll, 2009].

Pour la stimulation des nerfs ampullaires latéral et supérieur, le même équipement a été utilisé, mais les paramètres de stimulation étaient un peu différents de ceux utilisés pour la stimulation du nerf ampullaire postérieur. En effet, la durée de phase des pulses bi phasiques était de 400 µs et le rythme de répétitions des pulses de 200 pps. De plus, pour faciliter l’analyse des réponses, ces trains d’impulsions étaient modulés en périodes « on-off » de 7 secondes.

Chez les 3 patients il a été possible d’obtenir des mouvements nystagmiques en réponse aux stimulations électriques sans stimulation du nerf facial, à des intensités comprises entre 240 et 400 µA pour le premier patient, 120 et 240 µA pour le deuxième et 800 et 1000 µA pour le troisième (Figure 5.4). A des intensités supérieures, des mouvements du nerf facial apparaissaient.

La réponse nystagmique était purement horizontale chez un patient ; chez les deux autres, il y avait une composante verticale. Ceci s’explique par la proximité des deux nerfs émergeant des ampoules des canaux semi-circulaires latéral et supérieur. Malgré cette composante verticale, le site choisi nous semble adéquat pour coder des mouvements horizontaux. En effet, on peut s’attendre à ce que la plasticité du système nerveux central « efface » la composante verticale.

Ceci a été démontré chez l’animal : une électrode reliée à un accéléromètre sensible aux mouvements dans le plan horizontal a été placée dans un canal vertical. En quelques jours l’animal s’est adapté et les mouvements oculaires compensateurs des mouvements de la tête se faisaient bel et bien dans le plan horizontal [Lewis et coll, 2002].

Figure 5.4. Nystagmus provoqué par la stimulation électrique du nerf ampullaire latéral et supérieur chez un des trois patients. Le nystagmus est enregistré sur 4 canaux, vertical droit (VR) et gauche (VL), horizontal droit (HR) et gauche (HL). Pendant les périodes de stimulation, on observe des secousses nystagmiques horizontales prononcées dans les deux yeux, alors qu’elles sont faibles ou absentes sur l’axe vertical. La ligne inférieure montre l’enveloppe du stimulus.

5.4. Une prochaine étape vers l’implant vestibulaire :