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Problèmes de positionnement des électrodes

4. Complications résultant de l’implantation

4.2. Description des diverses complications observées

4.2.4. Problèmes de positionnement des électrodes

Ce genre de panne résulte d’un mauvais positionnement des électrodes qui n’a pas pu être détecté et corrigé lors de l’implantation. Les électrodes mal positionnées n’accomplissent plus, ou qu’imparfaitement, la fonction à laquelle elles sont destinées.

Implantation hors cochlée

Nous avons observé un positionnement extra-cochléaire du faisceau d’électrodes implanté dans 2 cas. Il s’agissait de 2 adultes qui présentaient des ossifications, dans un cas (Figure 4.1), suite à une otite chronique à S. aureus et dans l’autre, suite à une méningite. Les deux patients avaient reçu un système Med-El. Dans le premier cas, le faisceau a été introduit, dans la trompe d’Eustache et dans le deuxième (Figure 4.2), dans le vestibule. Les patients ont été

réopérés une semaine après la chirurgie initiale pour corriger le positionnement du faisceau d’électrodes, sans remplacement de l’implant.

Figure 4.1 Figure 4.2

Figure 4.1: Tomographie d’un patient devenu sourd par otite chronique à S. aureus et opéré pour oblitération complète de l’oreille moyenne. Noter le relief de l’oreille moyenne et du promontoire ainsi que la fenêtre ronde qui sont effacés par la néo-ossification (Flèche rouge), mais la cochlée est normale.

Figure 4.2 : Scopie faite après de l’implantation d’une patiente devenue sourde par méningite avec ossification de la spire basale de la cochlée. Le faisceau d’électrodes est enroulé dans le vestibule de façon similaire à celle qu’on observe lors de l’implantation cochléaire normale (Flèche blanche).

Extrusion du faisceau d’électrodes

Nous avons observé un cas d’extrusion du faisceau d’électrodes. Il s’agissait d’une adulte ayant reçu un implant de marque Advanced Bionics (type Clarion C2) qui s’utilise avec un Electrode Positionning System (EPS). L’EPS est une pièce en silicone en forme de

«languette », que l’on insérait entre le faisceau d’électrodes et la paroi externe de la cochlée.

Elle sert à rapprocher les contacts de la paroi interne de la cochlée et donc des cellules excitables du modiolus [Fayad et coll, 2000].

Dès le premier mois d’utilisation, la patiente s’est plainte d’entendre occasionnellement des explosions, parfois douloureuses. Après examen, nous avons identifié un polype sur la membrane tympanique. Ce polype entourait la partie terminale de l’EPS qui ressortait de la cochlée, traversant la membrane tympanique. Avec le retrait de l’EPS et la réinsertion du faisceau dans la cochlée, tout est rentré dans l’ordre.

Nous avons observé une introduction trop profonde du faisceau d’électrodes dans la cochlée dans 3 cas. Dans 2 de ces cas, il s’agissait de systèmes Advanced Bionics utilisant l’EPS. Ces deux patients se sont plaints dès le début de percevoir des sons de tonalité « trop grave », ce qui pouvait être du à l’activation d’une région trop apicale de leur cochlée [Kos et coll., 2007]. Ces patients ont fait l’objet de recherches approfondies et nous avons pu démontrer que leur identification des sons du langage s’améliorait lorsque les électrodes les plus profondes étaient déconnectées. Nous étions face à une situation tout à fait inhabituelle, c.-à-d. face à une amélioration de la performance de perception lorsqu’on diminuait le nombre d’électrodes actives. Il était clair que l’activation des électrodes les plus profondes avait un effet négatif sur les performances. Les images radiographiques nous montraient que ces électrodes étaient situées bien au-delà de la profondeur moyenne (478°) obtenue normalement avec ce modèle de faisceau d’électrodes [Kos et coll, 2005]. Dans ces 2 cas, lors de la reprise chirurgicale effectuée sous anesthésie locale, le faisceau a été retiré d’environ 3 mm et l’EPS enlevé. L’angle d’insertion de l’électrode la plus apicale a baissé de 720° à 485°dans le premier cas, et de 675° à 433° dans l’autre (voir Figure 4.3). Après la correction chirurgicale, les patients ne se sont plus plaints de percevoir des sons trop graves et le score de l’un des patients au test d’identification des voyelles et des consonnes s’est significativement amélioré, passant de 51% à 66% de réponses correctes (p< 0.05). Malheureusement, nous n’avons pas pu tester l’autre patient car, pour des raisons médicales, il ne peut plus se concentrer lors des séances de tests.

Dans le 3ème cas, il s’agissait d’un enfant implanté avec un modèle Cochlear (de type CI24R).

Dans ce modèle, le faisceau d’électrodes est préformé pour, une fois positionné dans la cochlée, s’enrouler fortement autour du modiolus. Pour faciliter l’implantation, il est maintenu droit par un stylet qui doit être retiré simultanément à son introduction dans la cochlée. Une radioscopie de contrôle faite après l’opération a démontré que le faisceau avait été introduit trop profondément, jusqu’à l’apex de la cochlée, au-delà de ce qui est préconisé par le fabricant (voir Figure 4.4). Une semaine après l’implantation, le faisceau a été retiré de la cochlée d’environ 3 mm au cours d’une reprise chirurgicale effectuée sous anesthésie générale. La prise en charge de cette implantation a ensuite suivi le cours normal.

1a)

2a)

1b)

2b)

Figure 4.3. Introduction trop profonde du faisceau d’électrodes chez 2 adultes ayant reçu l’implant Clarion C1 avec l’EPS. Le mauvais positionnement du faisceau d’électrodes (1a et 2a) a été corrigé par ablation de l’EPS et désinsertion du faisceau (1b et 2b).

Figure 4.4. Introduction trop profonde du faisceau d’électrodes chez un enfant ayant reçu un implant cochléaire Nucleus C124R. Le mauvais positionnement (a) a été corrigé par la

4.3. Performance après révision chirurgicale

Vingt-deux patients ont présenté une complication nécessitant une révision chirurgicale.

Quatorze des 22 cas ont effectué des tests d’identifications des voyelles et des consonnes avant et après la panne. Pour les 8 autres, nous ne disposons pas des tests soit avant soit après la révision. Parmi eux, 5 étaient des adultes qui ont nécessité la révision chirurgicale avant d’avoir participé à des séances de test, mais qui obtiennent aujourd’hui des performances d’identification qui se trouvent autour de la moyenne (65,4% correct) obtenue par les 93 sourds post-linguaux de cette étude (voir chapitre 3.2.2). Deux étaient des enfants trop jeunes pour effectuer des tests avant la révision chirurgicale. Dans ces 2 cas, même sans l’appui de résultats de tests, les appréciations des parents et thérapeutes après la réimplantation étaient positives et indiquaient une préservation, voire une amélioration de leur performance auditive.

Finalement, 1 était un adulte qui n’a pas participé à des séances de test après la révision chirurgicale pour des raisons médicales.

La Figure 4.5 présente les scores des 14 patients ayant participé à des séances de test avant et après la révision chirurgicale. Après implantation, 8 patients améliorent leurs scores (d’au moins 5%, mais certains très significativement), 3 voient leurs performances inchangées et 3 patients subissent une baisse de leur performance. Dans ces 3 cas, la réimplantation a provoqué une réduction du nombre d’électrodes disponibles, parce que le nouveau faisceau d’électrodes n’a pas pu être réintroduit de façon identique à la première chirurgie. Dans deux cas, les patients avaient reçu des implants Advanced Bionics (avec électrode Hélix) et une importante fibrose intra-cochléaire avait empêché l’introduction complète du nouveau faisceau. Dans le troisième cas, il s’agissait d’une patiente avec une ossification cochléaire et ayant une introduction incomplète du faisceau Ineraid déjà lors de la première chirurgie.

Figure 4.5: Scores de 14 patients aux tests d’identification des voyelles et des consonnes avant et après la révision chirurgicale de l’implant.

4.4. Discussion

Pannes électroniques

La cause principale de révision chirurgicale dans 11 des 16 réimplantions (68%) a été un défaut dans l’étanchéité du boîtier contenant le stimulateur implanté. Dans 10 de ces 11 cas, il s’agit de systèmes de la marque Advanced Bionics (6 du modèle Clarion® C1 et 4 du modèle Clarion® N90K/LX). Touts ces défauts d’étanchéité ont été confirmés par le fabricant. Ceci représente un taux de 11% de pannes sur les 90 appareils de cette marque que nous avons implantés. Battmer et coll [2009], sur une très grande série de 866 implants de la même marque, retrouve une incidence similaire (10.6%) de défauts d’étanchéité dans les mêmes modèles utilisés au cours des mêmes périodes. Cet auteur observe aussi que ce type de panne a été plus fréquent lorsque les stimulateurs étaient enfermés dans des boîtiers en céramique.

Notre série est trop petite pour pouvoir confirmer cela statistiquement, mais on notera que le seul implant Med-El, ainsi que 6 des 10 implants Advanced Bionics réimplantés avaient des

Fractures de l’implant

Des fractures du boîtier du stimulateur implanté ont été observées dans 4 cas. Dans 3 des 4 cas (2 enfants et 1 adulte) les implants étaient des modèles Combi 40+ de la marque Med-El®. Ces modèles ont un boîtier en céramique fin et plat, peu résistant aux chocs directs. Dans le cas restant, il s’agissait d’un prototype Ineraid® qui utilise une prise percutanée pour relier les électrodes implantées au processeur externe. Cette prise percutanée, vissée dans l’écaille temporale, est faite à dessein en carbone, matière relativement fragile, pour servir de fusible en cas de choc violent. C’est exactement ce qui s’est produit avec cette patiente, qui a subi un lourd traumatisme crânien en étant renversée par une voiture alors qu’elle tentait de traverser une route.

La fragilité potentielle des boîtiers en céramique fait que certains auteurs ont recommandé de ne pas les utiliser pour l’implantation des enfants, ces derniers étant naturellement plus à risque que les adultes [Gosepath et coll, 2009]. Dans notre petite série, contrairement à de nombreux auteurs [Brown et coll, 2009 ; Cullen et coll, 2008 ; Sorrentino et coll, 2008 ; Gosepath et coll, 2009 ; Ovesen et coll, 2008], nous observons un taux global de complications chez l’enfant qui est inférieur à celui de l’adulte. Ceci peut être dû à une statistique insuffisante, mais peut-être aussi à l’adoption d’une attitude ferme de prévention des accidents : nous conseillons d’éviter systématiquement les sports à haut risque ainsi que le port du casque pour l’utilisation du vélo et lors du ski.

Infections

Les complications médicales de l’implantation cochléaire les plus fréquemment rapportées sont liées à des infections qui provoquent une nécrose ou déhiscence de la plaie opératoire et la réjection de l’implant [Harada et coll, 2003 ; Cunningham et coll, 2004]. Ce type de complication, que nous n’avons jusqu’à présent jamais observé, est relativement rare et normalement bien résolu par un traitement aux antibiotiques et une chirurgie réparatrice [Yu et coll, 2001].

Le seul cas d’infection auquel nous avons été confrontés est assez particulier. Il s’agit d’une infection par biofilme bactérien résistante à tout traitement et qui a rendu nécessaire l’ablation du stimulateur implanté. L’infection par biofilme bactérien comme cause de rejet de l’implant a certainement été sous-estimée jusqu’à présent car, elle n’était pas systématiquement recherchée [Antonelli et coll, 2004]. Dans la littérature, seuls deux autres cas d’infection persistante par S aureus ont été clairement associés à des biofilmes. Dans ces deux cas, il

s’agissait aussi de stimulateurs implantés ayant des poches à aimant amovible dans lesquelles une plus grande concentration de biofilme a été trouvée [Loeffler et coll, 2007].

Problèmes de positionnement des électrodes

Les problèmes de positionnement des électrodes intra cochléaires sont la deuxième cause la plus fréquente des complications observées dans notre étude. Dans les 6 cas rapportés, une révision a permis de corriger le positionnement du faisceau sans qu’une nouvelle implantation soit nécessaire. Ceci a pu être fait par voie du conduit auditif externe dans 5 des 6 cas mentionnés et, quand il s’agissait d’adultes, en anesthésie locale. L’avantage de la technique d’opération par voie transméatale mérite, encore une fois, d’être mentionnée. Ce geste, qui n’est pas trop pénible pour le patient, a permis de réajuster le positionnement des électrodes sans perte de l’implant.

Malgré l’accumulation d’expérience chirurgicale, l’implantation hors cochlée est une complication fréquemment observée [Migirov, 2007]. Elle est presque toujours associée à la présence d’une ossification cochléaire [Sorrentino et coll, 2008 ; Cullen et coll, 2008 ; Venail et coll, 2008 ; Lassig et coll, 2005]. Ce fut aussi le cas dans notre série, car dans les 2 cas observés les patients avaient des ossifications importantes. Ils avaient reçu un implant Med-El dont le faisceau est spécialement conçu pour permettre une introduction atraumatique. Sa malléabilité, qui est bienvenue dans la plupart des cas, peut aussi donner au chirurgien une sensation tactile trompeuse. Lorsque ce faisceau ne pénètre pas la cochlée, il ne se comporte pas comme le font les autres faisceaux préformés en donnant une sensation tactile de

« ressort », mais il semble s’accommoder quelle que soit la surface [Arnold et coll, 1997]. En outre, dans 1 de ces cas, la radioscopie per opératoire de contrôle nous a induits en erreur en montrant le faisceau enroulé dans le vestibule de façon similaire à ce qu’on observe lors d’une implantation normale (Figure 4.2). Une erreur d’évaluation identique est rapportée par Sorrentino et coll. [2008].

Dans le seul cas d’extrusion du faisceau d’électrodes que nous avons observé, un système supplémentaire atypique - l’EPS - était impliqué. Nous supposons que l’extrusion du faisceau peut résulter d’un excès de tension du à l’élasticité de la spire cochléaire. Migirov et coll.

[2007] observent un cas d’extrusion à la suite de plusieurs épisodes d’otite aiguë. Green et coll. [2004], dans une série de 240 cas, observent une extrusion du faisceau d’électrodes dans 3 cas, mais sans préciser la technique opératoire adoptée. Connell et coll [2008] considèrent qu’il s’agit d’une complication peu fréquente, mais qui représente néanmoins la deuxième

en accommodant l’excès de câble dans la mastoidotomie, cette dernière étant la technique que nous adoptons. Selon notre expérience, ceci semble être suffisant pour retenir le faisceau dans la cochlée.

Les 3 cas d’implantation trop profonde du faisceau d’électrodes sont associés à l’utilisation de dispositifs conçus pour placer les électrodes proches du modiolus. Dans 2 cas, les patients avaient fait l’objet de recherches approfondies et nous avions pu démontrer, avant cette reprise chirurgicale, que leur identification des sons du langage s’améliorait lorsque les électrodes les plus profondes étaient déconnectées [Kos et coll, 2007]. En outre, il était impossible de simplement inactiver les électrodes les plus profondes, car alors il ne restait plus assez de canaux de stimulation pour permettre une performance optimale. Certaines électrodes trop profondes conduisent donc à des interactions qui sont nuisibles à la performance [Gani et coll, 2007]. Quelle en est la raison? Briaire et coll. [2006], sur la base d’un modèle numérique, montrent qu’en cas de dégénérescence du processus périphérique des cellules ganglionnaires, on stimule alors directement le corps des cellules dans le ganglion spiral. Ceci a pour effet de favoriser le risque de stimulation croisée, particulièrement par des électrodes situées vers l’apex de la cochlée, à cause de la distribution anatomique des cellules à cet endroit.