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2. Aspects méthodologiques de l’implantation cochléaire

3.2. Résultats de l’implantation dans la surdité post-linguale

3.2.6. Discussion

La presque totalité des patients (96%) a bénéficié d’une amélioration de sa performance en identification des sons du langage avec l’implant cochléaire, quels que soient les types d’implant, la cause de la surdité ou l’âge à l’implantation. Tous nos patients utilisent régulièrement leur implant [Kos et coll, 2007] et les deux tiers d’entre eux parviennent à communiquer sans lecture labiale ainsi qu’à utiliser le téléphone [Guinand et coll, 2008].

Seuls 3 patients (4%) ont eu des performances moins bonnes que celles d’avant l’opération.

Malgré cela, tous les trois continuent d’utiliser quotidiennement leur implant en complément à leur appareil auditif conventionnel sur l’autre oreille, celle ayant la meilleure audition résiduelle. A ce propos, en cas de surdité asymétrique, bon nombre de centres décident d’implanter la meilleure oreille afin d’obtenir de meilleurs résultats. Il est vrai que le risque d’obtenir avec l’implant une performance décevante et inférieure à celle qu’obtenait le patient avec l’appareil conventionnel est faible. Mais si cela se produisait, nous savons par expérience que le patient le ressent d’autant plus lourdement qu’il s’agit de sa meilleure oreille. Pour cette raison nous implantons la moins bonne oreille, en nous fondant sur la notion que la stimulation électrique finalement « court-circuite » l’oreille interne et qu’elle peut être tout à fait efficace même en cas de réduction considérable du nombre de cellules ganglionnaires [Nadol et coll, 2001].

L’analyse selon le type d’implant utilisé peut, dans un premier temps, amener à conclure que la performance absolue obtenue par le groupe portant le prototype Ineraid n’était pas aussi bonne que celle obtenue avec des implants plus modernes. Si cette interprétation est certainement la première qui vienne à l’esprit, elle doit néanmoins être nuancée, car il est troublant de constater que le gain apporté par ce prototype est malgré tout aussi bon que celui apporté par les implants plus modernes. Un examen plus détaillé de la situation apporte certains éléments explicatifs. La majorité des ces patients souffraient de surdité progressive idiopathique. Ils avaient une audition normale à l’enfance, puis présentaient une perte progressive qui débutait à l’adolescence et devenait totale à l’âge adulte. Or, par le passé (le premier prototype a été utilisé à Genève il y a 25 ans et le dernier il y a 15 ans), l’absence de solution satisfaisante pour traiter ce mal obligeait le patient à s’adapter progressivement à la surdité. Ceci avait pour conséquence de retarder les demandes d’implant et de prolonger la durée de la surdité [Bodmer et coll, 2007]. En effet, tous les patients ayant reçu le prototype Ineraid étaient devenus totalement sourds (sauf un seul qui avait une performance auditive légèrement meilleure que la chance au test d’identification de voyelles et de consonnes). Avec le temps, le succès et la divulgation de l’implant cochléaire ont permis à cette situation d’évoluer, notamment en diminuant la tolérance à la surdité. Ceci a fait que les patients ont commencé à demander d’être implantés beaucoup plus tôt, avant que leur surdité ne devienne totale. Actuellement, nos candidats reçoivent un implant cochléaire alors même que selon les critères du passé l’appareil acoustique présenterait encore une certaine utilité, au moins pour aider à la lecture labiale et pour signaler l’occurrence de sons très forts. Or, il semble logique que la qualité de la discrimination auditive obtenue avec un implant soit d’autant meilleure qu’il reste suffisamment de fibres du nerf auditif excitables et cette préservation est inversement proportionnelle à la durée de la surdité et directement proportionnelle aux restes auditifs [Nadol et coll, 2006]. Nous pensons que l’extension des indications à l’implantation ainsi que la prise en charge plus précoce ont fait que l’on implante aujourd’hui des patients ayant une meilleure survie des fibres du nerf auditif. C’est à nos yeux une des raisons essentielles qui, parallèlement au progrès technique, font que les performances ont augmenté régulièrement au cours de ces trois dernières décennies.

Dans notre étude, nous ne trouvons pas de différences dans les performances des patients associées à l’étiologie de leur surdité. D’un côté, il est difficile dans bien des cas d’identifier le type exact de pathologie. Par exemple, la « surdité progressive idiopathique » dont

2008]. D’un autre côté, les dégâts causés par les différentes pathologies, s’attaquant à divers sous-composants du système auditif périphérique, ne sont pas à long terme très différents car ils induisent tous finalement une destruction des cellules ciliées, suivie d’une dégénérescence des cellules ganglionnaires du modiolus. L’implant cochléaire « court-circuite » la cochlée pour exciter directement les fibres restantes du nerf auditif et il n’est donc pas surprenant que les résultats avec l’implant cochléaire soient peu sensibles au type exact de pathologie.

Les résultats présentés dans ce chapitre sont basés sur des tests d’identification de voyelles et consonnes. Même s’il a été démontré que ces derniers corrélaient fortement avec d’autres tests de compréhension du langage oral [Rabinowitz et coll, 1992], il est difficile de comparer quantitativement nos résultats avec ceux d’autres centres d’étude car ces tests varient d’un centre à l’autre [Battmer et coll, 2009]. Toutefois, nombreuses sont les études qui confirment la nette amélioration dans la qualité de vie des personnes sourdes post-linguales implantées indépendamment de leur type de surdité ou modèle d’implant ou même de leur âge.

Les trois quarts de notre collectif sont constitués de personnes implantées à un âge avancé.

Ces personnes obtiennent avec l’implant une compréhension du langage oral significativement meilleure que celle qu’elles obtenaient avec leur appareil auditif conventionnel. Ceci est encourageant car, avec le vieillissement de la population, les patients plus âgés, souffrant de presbyacousie, vont représenter progressivement une proportion croissante de candidats à l’implant. Nous avons toutefois remarqué que ce gain est graduellement moins important, plus la personne n’est âgée. Cette observation est également rapportée dans de nombreuses études [Esraghi et coll, 2009 ; Francis et coll, 2002 ; Waltzman et coll, 1993]. Comment expliquer l’effet de l’âge sur la performance auditive obtenue avec un implant cochléaire ? Il sera probablement difficile de répondre à cette question et, notamment, d’établir si l’influence de l’âge résulte d’une dégénérescence périphérique progressive ou d’une diminution de l’habilité à déchiffrer le message auditif imparfait véhiculé par l’implant.

3.3. Résultats de l’implantation précoce