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Certains moyens invoqués par le défendeur contre la compétence du tribunal, et qualifiés comme tels par lui, visent indiscutablement ce que nous avons caractérisé comme étant le concept de compétence. Divers motifs sont présentés au soutien de cet obstacle élevé contre l’exercice du pouvoir juridictionnel substantiel. Ils peuvent être regroupés en plusieurs catégories visant toutes ce même objectif. Il s’agit ici d’observer, parmi ce qui est présenté par les Etats comme des obstacles à la compétence du juge, ceux qui, selon nous, sont qualifiés ainsi à raison. Pour présenter ces arguments, nous avons retenu un classement thématique, ordonné de façon telle qu’il révèle une intrusion du juge de plus en plus forte dans les questions de fond. La première catégorie d’arguments, visant la contestation de l’existence d’un lien juridictionnel opératoire, n’implique aucun exercice du pouvoir juridictionnel substantiel (

A

). Les autres catégories impliquent successivement davantage d’incursion du juge dans les éléments du fond du différend pour lui permettre de répondre aux obstacles présentement soulevés contre sa compétence. Cette nécessité est moindre lorsqu’il s’agit de vérifier si le juge a été saisi conformément aux conditions fixées dans l’instrument reconnaissant la compétence (

B

) ; elle apparaît davantage lorsqu’il s’agit de vérifier si le différend est bien visé par l’instrument invoqué pour fonder sa compétence (

C

) ; enfin, le juge est nécessairement conduit à exercer son pouvoir juridictionnel à l’égard d’éléments du fond du différend soumis lorsque l’obstacle soulevé a trait à l’existence de limites inscrites dans l’instrument de compétence s’appliquant au différend soumis (

D

). L’étude de l’ensemble de ces moyens d’incompétence permettra de traiter de la distinction compétence-recevabilité, parfois confuse à l’égard d’un même obstacle, ainsi que de sa relativité.

A. Absence d’un instrument fondant valablement la compétence du juge saisi

L’un des moyens les plus souvent invoqués pour soutenir l’incompétence du juge saisi est l’absence de titre valable de compétence. Il s’agit alors pour l’Etat qui soulève un tel obstacle de montrer qu’aucune base de compétence ne permet au demandeur de saisir valablement ce juge

153 contre l’Etat désigné par la saisine comme étant le défendeur. Nous avons vu qu’en absence d’un titre valable marquant l’acceptation des deux parties à ce que le juge saisi connaisse d’un différend les opposant, il ne peut connaître d’aucun élément de celui-ci. C’est pourquoi les Etats, souvent le défendeur, contestent prioritairement l’existence d’un tel lien juridictionnel les unissant au juge saisi. Si cette absence est reconnue, cela permet ainsi de s’assurer, puisque tel est l’objectif du contestataire, que le juge ne connaîtra d’aucun élément de fond du différend. Pour statuer sur un tel obstacle, le juge n’a en effet pas besoin de se pencher sur le différend soumis. Il doit uniquement vérifier l’existence d’un titre valable de compétence. La démarche du contradicteur peut être de nier qu’il existe un lien juridictionnel entre les parties et le juge saisi (

1

), ou alors de prétendre que si un tel instrument existe bien, il est expiré et, de ce fait, ne peut constituer une base valable de compétence (

2

).

1. Inexistence d’un lien juridictionnel

Nier l’existence d’un instrument reconnaissant la compétence du tribunal saisi envers les parties au litige est le moyen le plus sûr, s’il est exact, d’éviter tout regard du juge sur le différend soumis. Il ne s’agit pas ici de prétendre que le titre invoqué ne serait pas valide – faute par exemple de signature par les parties –, mais bien qu’il n’existe pas. Cet argument est souvent utilisé. Cette absence de titre de compétence repose sur diverses causes, en fonction des circonstances de l’espèce.

a) Le défendeur a excipé plusieurs fois de ce chef d’incompétence lorsque la saisine du tribunal ne s’appuyait, selon lui, sur aucun titre. Il en est ainsi dans des affaires où aucun titre de

compétence n’est expressément visé dans la requête introductive d’instance454. Le défendeur

argue alors de l’absence de titre de compétence fondant la saisine pour contester que le juge connaisse de l’affaire soumise, et ce, quand bien même le demandeur avancerait ultérieurement un instrument à cet effet, comme a pu le faire l’Inde dans son Contre-mémoire en l’affaire de l’Incident aérien, où elle relève que « [t]he Memorial of Pakistan signally fails to indicate any basis of consent to the jurisdiction of the Court in accordance with Article 36 of the Statute [… et en conclut que] there is no basis for jurisdiction »455.

454 Voir par exemple les affaires Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), r. g. n°119, Compétence de la Cour, arrêt du 21 juin 2000, Recueil C. I. J. 2000, p. 12 ; Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), r. g. n°121 ; Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), r. g. n°97, Ordonnance du 22 septembre 1995, Recueil C. I. J. 1995, p. 288 ; Sentence arbitrale du 31 juillet 1989 (Guinée-Bissau c. Sénégal), r. g. n°82.

455Preliminary objections to the jurisdiction of the Court-Counter memorial of the Government of India, dans l’affaire de l’Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), 28 février 2000, spé. par. 5. Pour un commentaire de cette affaire, voir PhilippeWECKEL, « CIJ, Arrêt du 21 juin 2000 (compétence), Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan/Inde) », R.

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b) Par ce moyen, plusieurs Etats ont ainsi contesté la compétence du juge arguant du fait que l’un des litigants n’était pas partie à l’instrument juridique invoqué comme base de compétence456. Il

arrive même que ce soit le demandeur qui évoque lui-même un tel obstacle, afin de réduire à néant toute éventuelle protestation du défendeur à ce sujet. Tel est le cas de la Géorgie dans la récente affaire l’opposant à la Russie457. Mais dans la plupart des cas, comme pour les affaires

introduites contre la Serbie, l’argument est tiré du fait que l’Etat qui soulève cet obstacle nie être lié par le traité au titre de la succession d’Etats458. Pour vérifier ce point, le juge n’a pas besoin de

connaître d’éléments du différend. Il ne doit connaître que de ce qui a trait à l’instrument invoqué : adhésions, ratifications, etc.. C’est pourquoi ces motifs d’incompétence sont fréquemment soulevés par les défendeurs. Ils permettent, en cas de succès, de mettre fin rapidement à l’instance et sans aucun regard du juge quant au différend d’espèce.

c) L’absence d’instrument juridictionnel peut être mis en évidence par le refus du défendeur de consentir à la juridiction du tribunal pour le cas d’espèce. Lorsque le demandeur appuie sa requête

sur cette seule base, et que le défendeur refuse d’y accéder, alors ce dernier peut invoquer l’absence de lien juridictionnel l’unissant au demandeur devant le juge saisi. Cette hypothèse s’est notamment rencontrée dans l’affaire des Procès de prisonniers de guerre pakistanais459. L’argument étant

incontestable, celle-ci s’est soldée par un désistement, le demandeur préférant cette issue à la poursuite défavorable de l’instance. L’examen que le juge doit mener pour statuer sur l’obstacle ainsi soulevé est alors succinct et permet, en cas de succès, de s’assurer de l’absence de regard de celui-ci sur le différend soumis, objectif premier d’une contestation de compétence du tribunal. G. D. I. P. 2000-3, pp. 796-799. Voir également Contre-mémoire de la Belgique, dans l’affaire du Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), 28 septembre 2001, 195 p.. Lorsque tel est le cas, la Cour ne tient généralement pas compte de la réaffirmation de cet argument et accepte que le demandeur produise un titre de compétence, même tardivement, l’article 38 § 2 du Règlement exigeant simplement la mention, « autant que possible », du titre de compétence dès le dépôt de la requête.

456 Voir en ce sens les affaires Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), r. g. n°45 ; Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), r. g. n°91 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie), r. g. n°118, Exceptions préliminaires, arrêt du 18 novembre 2008, Recueil C. I. J. 2008, p. 412 ; les affaires relatives à la Licéité de l'emploi de la force ; Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), r. g. n°140, Demande en indication de mesures conservatoires, Ordonnance du 15 octobre 2008, Recueil C. I. J. 2008, p. 353.

457Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de

Russie), r. g. n°140, Demande en indication de mesures conservatoires, Ordonnance du 15 octobre 2008, Recueil C. I. J. 2008, p. 353, spé. p. 378, par. 87. Elle place la question sur le terrain de la compétence ratione personae de la Cour.

458 Ces affaires seront approfondies lors de l’étude de la condition relative à l’accès au tribunal, très similaire sur le fond de ce présent obstacle, mais plus intéressant à traiter sous cet autre aspect. Voir infra p. 179 et s..

459 C’est ainsi que, par une lettre, « le Gouvernement indien a refusé de consentir à la compétence de la Cour en l’affaire, et a soutenu qu’à défaut d’un tel consentement la Cour ne saurait être valablement saisie de l’affaire et ne saurait lui donner suite, et qu’il n’existe aucun fondement juridique à la compétence de la Cour en l’espèce », Procès de prisonniers de guerre pakistanais (Pakistan c. Inde), r. g. n°60, Demande en indication de mesures conservatoires, Ordonnance du 13 juillet 1973, Recueil C. I. J. 1973, p. 328, spé. p. 329, par. 7.

155 Lorsqu’un Etat partie ne peut contredire le fait qu’un instrument l’unissant à l’autre partie existe bel et bien, il peut cependant contester sa validité.

2. Absence de validité du titre invoqué

Lorsque l’existence d’un instrument juridictionnel unissant les deux parties ne peut être niée, reste néanmoins à l’Etat qui veut empêcher tout regard du juge sur le différend soumis la possibilité d’en contester la validité. Plusieurs affaires ont vu l’argument de l’absence de validité du titre de compétence invoqué soulevé par l’une des parties460. Il ne faut pas confondre ce

moyen avec celui tenant à la compétence ratione temporis du juge461. Il s’agit ici, pour le

contradicteur, de démontrer que l’instrument juridictionnel invoqué n’est pas ou plus valable, et de ce fait, ne peut constituer un titre de compétence unissant valablement les deux parties. Les raisons avancées à l’appui d’un tel argument sont de quatre ordres.

a) Le défendeur peut prétendre que l’instrument juridictionnel invoqué n’est jamais entré en vigueur, faute de mesure prise par le demandeur pour ce faire. Tel est l’épineux cas de la

déclaration d’acceptation de juridiction obligatoire du Nicaragua dans l’affaire des Activités militaires462. Le juge doit alors prendre connaissance des éléments à sa disposition pour résoudre

cette question, sans pour autant que cela implique un regard sur le différend soumis.

Autre motif de non-validité du titre parfois invoqué : sa nullité résultant du fait que certaines de ses dispositions sont contraires au Statut du tribunal saisi. Certaines clauses insérées dans la déclaration

460 Voir en ce sens les affaires Anglo-iranian oil Co. (Royaume-Uni c. Iran), r. g. n°16, Exception préliminaire, arrêt du 22 juillet 1952, Recueil C. I. J. 1952, p. 93 ; Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), r. g. n°18 ; Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), r. g. n°32, Exceptions préliminaires, arrêt du 26 novembre 1957, Recueil C. I. J. 1957, p. 125 ; Incident aérien du 27 juillet 1955 (Israël c. Bulgarie), r. g. n°35 ; Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Belgique c. Espagne), r. g. n°41 ; Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), r. g. n°45 ; Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited (Nouvelle requête : 1962) (Belgique c. Espagne), r. g. n°50 ; Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), r. g. n°54, arrêt du 18 août 1972, Recueil C. I. J. 1972, p. 46 ; Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), r. g. n°55 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), r. g. n°70 ; Incident aérien du 10 août 1999 (Pakistan c. Inde), r. g. n°119, Compétence de la Cour, arrêt du 21 juin 2000, Recueil C. I. J. 2000, p. 12 ; Incident aérien du 3 juillet 1988 (République islamique d’Iran c. Etats Unis d’Amérique), r. g. n°79.

461 L’incompétence ratione temporis résulte de la présence d’une limite temporelle au consentement qui trouve à s’appliquer dans le litige soumis. Voir infra p. 168 et s..

462Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), r. g. n°70. Pour des commentaires des arrêts rendus dans cette affaire, voir notamment Pierre MichelEISEMANN, « L’arrêt de la C.I.J. du 26 novembre 1984 (compétence et recevabilité) dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci », A. F. D. I. 1984, pp. 372- 390 ; Keith HIGHET, « Litigation Implications of the U.S. Withdrawal from the Nicaragua Case », A. J. I. L. 1985, n°4, pp. 992-1005; Davis R.ROBINSON, « Observations on the ICJ’s November 26, 1984 Judgment on Jurisdiction and Admissibility in the Case of Nicaragua v. United States of America », A. J. I. L. 1985, n°2, pp. 423-430 et pour le fond, Pierre Michel EISEMANN, « L’arrêt de la C.I.J. du 27 juin 1986 (Fond) dans l’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci », A. F. D. I. 1986, pp. 153-191 ; Harold C.MAIER, « Appraisals of the I.C.J.’s Decision : Nicaragua v. United States (Merits) », A. J. I. L. 1987, n°1, pp. 77-183; JoeVERHOEVEN, « Le droit, le juge et la violence – Les arrêts Nicaragua c. Etats-Unis », R. G. D. I. P. 1987, n°4, pp. 1159-1239.

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d’acceptation du demandeur sont prétendues contraires au Statut par le défendeur, ce qui constitue, selon lui, une cause entraînant la non-validité du titre invoqué. Telle est l’attitude de l’Inde dans l’affaire du Droit de passage au sujet d’une limite introduite dans la déclaration

portugaise. Selon elle,

« the third condition of the Portuguese Declaration […] is incompatible with the provisions of the Optional Clause of the Statute of the Court, with the result that the said Declaration is totally invalid as a recognition of the compulsory jurisdiction of the Court under that clause ; […] That, in consequence, the Court is without jurisdiction to entertain the said Application »463.

Elle considère pour cette raison que la Cour doit se déclarer incompétente car l’instrument invoqué est nul. L’Inde ne pouvant prétendre que ce titre n’existe pas, elle argue de sa nullité, conséquence de la présence d’une telle clause464.

Les contestataires de l’exercice du pouvoir juridictionnel substantiel invoquent parfois la nullité ab initio du titre invoqué, nullité qui résulterait d’une contrainte subie par eux au moment de

l’élaboration de ce titre. Tel est le cas de l’Iran dans l’affaire de l’Anglo-iranian oil, et de l’Islande

dans les affaires des Pêcheries465. Au motif que le consentement dont il est question « est intervenu

dans des circonstances extrêmement difficiles, à un moment où la flotte [de l’Etat demandeur] employait la force [contre lui] »466, alors il s’agit, selon eux, d’une cause d’incompétence de la Cour

pour connaître des différends soumis, faute de disposer d’un titre valide.

463Preliminary objection of the Government of India, dans l’affaire du Droit de passage (Portugal c. Inde), Part. I, avril 1957,

Cour internationale de Justice, Mémoires, Plaidoiries et documents, pp. 97-188, spé. p. 112, par. 34 (soulignés par nous). Cette clause prévoit la possibilité d’exclure à tout moment un type de différend et ce, prenant effet à la date choisie par le Portugal lui-même : « Le Gouvernement portugais se réserve le droit d’exclure du champ d’application de la présente déclaration, à tout moment au cours de sa validité, une ou plusieurs catégories déterminées de différends, en adressant au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies une notification qui prendra effet à la date où elle aura été donnée. », Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), r. g. n°32, Exceptions préliminaires, arrêt du 26 novembre 1957, Recueil C. I. J. 1957, spé. p. 141.

464 Dans cette affaire, la Cour ne suivra pas l’argumentation de l’Inde et considérera que le titre invoqué lui donne compétence. Voir Droit de passage…, r. g. n°32, Exceptions préliminaires, op. cit., spé. p. 125.

465 Voir respectivementObservations préliminaires de l’Iran, dans l’affaire de l’Anglo-iranian oil (Royaume-Uni c. Iran), 2 février 1952, Cour internationale de Justice, Mémoires, Plaidoiries et documents, pp. 281-308, spé. p. 306 etThe Minister for foreign affairs of Iceland to the Registrar, 29 may 1972, dans l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries (Royaume- Uni c. Islande), Correspondance 14 avril 1972-6 août 1974 (United Kingdom v. Iceland ; Federal Republic of Germany v. Iceland), pp. 371-486, pp. 374-376.

466Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), r. g. n°55, Compétence de la Cour, Arrêt du 2 février 1973,

Recueil C. I. J. 1973, p. 3, spé. p. 14, par. 24. Pour un commentaire de cet arrêt, voir Louis FAVOREU, « L’arrêt de la Cour internationale de Justice dans l’affaire de la compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c./Islande et Allemagne fédérale c./Islande) », A. F. D. I. 1973, pp. 272-289. L’Islande prétend ainsi que « The 1961 Exchange of Notes took place under extremely difficult circumstances, when the British Royal Navy had been using force to oppose the 12-mile fishery limit established by the Icelandic Government in 1958. It constituted the settlement of that dispute, but the agreement it recorded was not of a permanent nature. », The Minister for foreign affairs of Iceland to the Registrar, 29 may 1972, dans l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries (Royaume-Uni c. Islande), Correspondance 14 avril 1972-6 août 1974 (United Kingdom v. Iceland ; Federal Republic of Germany v. Iceland), pp. 371-486, pp. 374-376, spé. p. 375. Dans l’affaire de l’Anglo-iranian oil, l’argument est semblable. L’Iran affirme ainsi que, bien qu’il ne souhaite pas « insister sur ces considérations qui s’éloignent du but propre de ce document relatif à l’incompétence de la Cour [,…] il nous est impossible de ne pas rappeler que la concession de 1933 a été obtenue à l’origine dans des conditions qui entraineraient sa nullité initiale,si sa caducité ultérieure ne suffisait à notre argumentation. Elle n’a été signée qu’à contre-coeur par des négociateurs navrés d’obéir à des instructions à eux dictées par des gouvernants qui n’étaient pas en réalité les représentants de la

157 b) Dans plusieurs exemples rencontrés, le défendeur allègue l’expiration du titre de

compétence invoqué. Ne pouvant nier l’existence d’un tel instrument l’unissant au demandeur, il conteste cependant sa validité au moment du dépôt de la requête, pour contester au juge l’exercice de son pouvoir juridictionnel envers le différend dont il est question467. C’est ainsi, par

exemple, que le Guatemala prétend que, en raison du fait que sa déclaration d’acceptation de la juridiction obligatoire a été établie pour une durée de cinq années, cette dernière ne peut plus être valablement invoquée, passé ce délai. Il en conclut que,

« the effect of its declaration of January 27th, 1947, expired with the last hour of January 26th, 1952, and that from this moment the International Court of Justice has no jurisdiction to treat, elucidate or decide cases which would affect Guatemala, except if Guatemala prolongs the duration of its declaration »468.

Là encore, l’examen auquel doit procéder le juge ne vise que le titre invoqué, sa naissance et éventuellement sa disparition, mais en aucun cas il n’implique la connaissance d’éléments du différend d’espèce.

c) Il convient de relever le cas particulier où l’expiration du titre de compétence est avancée du fait de la disparition de la Cour permanente de Justice internationale. Nombre d’instruments

juridictionnels ont été établis alors que l’organe de règlement des différends internationaux habituellement visé était la Cour permanente. Après sa disparition et la naissance de la Cour actuelle, les Etats consentants n’ont pas renouvelé leurs consentements à l’égard de cette dernière puisque l’article 37 de son Statut assure la continuité des engagements. Cependant, certains Etats ont invoqué la disparition de la Cour permanente comme cause de caducité de leur engagement, entraînant selon eux l’incompétence de la Cour actuelle, faute de titre valide. Forts du succès d’une telle argumentation dans l’affaire de l’Incident aérien de 1955, d’autres Etats ont tenté une

approche similaire, sans connaître cependant le même aboutissement, les circonstances favorables

nation, mais les représentants d’un pouvoir personnel lui-même dépourvu d’une véritable indépendance. », Observations préliminaires de l’Iran, dans l’affaire de l’Anglo-iranian oil (Royaume-Uni c. Iran), 2 février 1952, Cour internationale de Justice, Mémoires, Plaidoiries et documents, pp. 281-308, spé. p. 306 (en italiques dans le texte).

467 Voir en ce sens les affaires Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), r. g. n°18 et Compétence en matière de pêcheries

(Royaume-Uni c. Islande), r. g. n°55. Voir également Appel concernant la compétence du Conseil de l’OACI (Inde c. Pakistan), r. g. n°54, où le défendeur prétend que les traités qui supportent les clauses auraient cessé d’être en vigueur (arrêt du 18 août 1972, Recueil C. I. J. 1972, p. 46, spé. p. 53, par. 15).

468 Letter from the Minister of foreign affairs of Guatemala to the president of the International Court of Justice, dans l’affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala), 9 septembre 1952, Cour internationale de Justice, Mémoires, Plaidoiries et documents, pp. 162-169, spé. p. 165, par. 11 d) (soulignés par nous). L’argument est assez similaire dans l’affaire des Pêcheries. Le défendeur est absent de l’instance, mais il indique par une simple lettre que le titre de compétence invoqué ne serait pas valide. Selon lui, l’accord de 1961 « n’avait pas un caractère permanent », car « on ne saurait considérer comme permanent un engagement de se soumettre au règlement judiciaire. Rien dans cette situation ni