• Aucun résultat trouvé

L’absence de classification par nature des questions juridictionnelles dans la catégorie des contestations de la compétence du juge ou dans celle relative à la recevabilité de la requête entretient un certain flou et permet aux acteurs du procès d’en faire un usage peu discipliné. Si certains des effets escomptés sont similaires, il n’empêche que chacune de ces contestations revêt des atours qui lui sont propres, et qui peuvent amener celui qui introduit ladite contestation dans le débat à porter son choix sur l’une plutôt que sur l’autre, sans que cela se justifie eu égard au concept auquel il en appelle. Pour découvrir si la présentation de telles contestations de l’exercice du pouvoir juridictionnel substantiel s’effectue indifféremment de la qualité de son auteur -et de sa place dans le procès interétatique-, ou si leur usage s’inscrit dans des stratégies propres à chacun d’eux et destinés à atteindre des objectifs qu’il faudra identifier, il faut observer les perceptions et utilisations rencontrées dans la pratique contentieuse de la Cour internationale de Justice. Il convient pour ce faire de procéder à l’étude successive de l’attitude de chacun de ces acteurs du procès interétatique : les Etats parties à l’instance d’une part, le juge d’autre part. L’analyse des pièces de procédure produites par les Etats parties à une instance est instructive quant à la conception qu’ils se font de ces contestations et aux utilisations auxquelles elles peuvent donner lieu. Pour les Etats qui invoquent de telles contestations, l’objectif à atteindre est alors clair : aboutir au constat de l’impossibilité pour le juge d’exercer son pouvoir juridictionnel substantiel, ou au contraire le permettre -dans une certaine mesure tout au moins. Identifier ce qui détermine que le choix se porte alors sur la contestation de la compétence du juge plutôt que sur la recevabilité de la requête, et inversement dans d’autres hypothèses, s’avère plus délicat. La pratique révèle qu’ils agissent en fonction des intérêts qu’elles présentent pour eux, des avantages que chacune recouvre par rapport à l’autre justifiant de privilégier celle-ci plutôt que celle-là, ou inversement en fonction des espèces, quand bien même le choix de qualification retenu paraîtrait erroné. Les contestations de la compétence et de la recevabilité se font ainsi dans le cadre de stratégies déployées par chacun des Etats en fonction de ce que la défense de leurs causes nécessite. La pratique observée révèle ainsi en la matière un certain jeu des Etats parties : procéder à une invocation stratégique des obstacles juridictionnels (

Partie 1

). Le traitement par le juge des questions juridictionnelles apporte des enseignements autres. Cet acteur du procès a

38

une conception et une appréhension de ces contestations différentes de celles des Etats. Les choix de qualification qu’il effectue pour désigner les obstacles à l’exercice de son pouvoir juridictionnel, d’une part, et les techniques procédurales qu’il a peu à peu déployées pour appréhender ces questions, d’autre part, mettent en évidence une utilisation de ces obstacles par le juge qui répond à un objectif : garantir une bonne administration de la justice. S’il ne s’agit pas d’une stratégie personnelle similaire aux manœuvres que peuvent mettre en place les Etats, il s’agit bien pour lui « de combiner des opérations pour atteindre [cet] objectif »66. La pratique

témoigne ainsi d’un jeu du juge qui se caractérise par l’attitude qu’il adopte face aux questions relatives à sa compétence et à la recevabilité de la requête (

Partie 2

). Si ces études permettent de découvrir les utilisations respectives par les acteurs du procès des contestations de la compétence du juge et de la recevabilité de la requête au cours de différentes affaires, elles révèlent parallèlement un certain embarras de leur part. Plusieurs obstacles sont appréhendés sous les couleurs de ces contestations sans que la qualification retenue convainque qu’elle est appropriée. La pratique contentieuse révèle ainsi l’existence d’obstacles empêchant effectivement le juge de résoudre judiciairement le fond du différend soumis, mais pour lesquels le couple qualificatif disponible s’avère inadapté. Il est alors nécessaire d’observer comment ces acteurs, ensemble, réagissent dans ces situations où les concepts de compétence et de recevabilité ne sont pas opératoires. De l’attitude adoptée par les Etats parties et par le juge à l’égard de ces obstacles, il ressort un constat : l’insuffisance de l’offre qualificative actuelle. C’est pour répondre à ce besoin de combler cette lacune conceptuelle que nous suggérons l’identification d’une nouvelle catégorie d’obstacles juridictionnels, permettant de rendre compte des questions relatives à la préservation de l’intégrité de la fonction juridictionnelle. Nous proposons ainsi aux acteurs du procès international de recourir à cette nouvelle catégorie d’obstacles juridictionnels, aux côtés de celles relatives à la compétence et à la recevabilité, afin de s’assurer de la possibilité pour le juge d’exercer son pouvoir juridictionnel substantiel. A partir de l’observation du jeu des Etats parties et du juge, il nous semble nécessaire de proposer une autre qualification d’obstacles juridictionnels, « l’empêchement à statuer » (

Partie 3

).

66 Voir « Stratégie » dans Le Littré. Si ce vocable n’a pas une signification juridique particulière, il est entendu et utilisé dans cette étude avec un sens plus neutre que celui qu’il peut avoir dans le sens commun. Il ne s’agit pas de prétendre que les Etats ou le juge développeraient un certain art dans la préparation de leurs plans de bataille s’apparentant à des manœuvres orchestrées habilement et par avance en vue d’une victoire. Nous désignons ainsi un ensemble d’actions coordonnées de la part de ces acteurs tendant à sauvegarder leurs intérêts ou ceux dont ils sont les gardiens (dans le cas du juge), sans qu’il y ait d’objectif de victoire sur un autre acteur. Si des manœuvres dans l’utilisation de ces contestations par les Etats peuvent être occasionnellement envisagées (dans la mesure où il s’agit d’un procès contre un autre Etat que chacun souhaite gagner), il n’y a pas de telle motivation lorsqu’il s’agit de leurs utilisations par le juge, le seul objectif étant la sauvegarde de l’intégrité de sa fonction judiciaire. Il serait d’autant plus inadapté d’entendre ce vocable avec une telle connotation pour une juridiction qui se compose de quinze membres, issus de divers systèmes juridiques.

39 Avant de procéder à cette étude de la pratique contentieuse, il est indispensable d’identifier les concepts qu’elle met en cause, afin de comprendre ce vers quoi tendent ces contestations. Si les définitions des concepts de pouvoir juridictionnel, de compétence du juge, et de recevabilité de la requête étaient clairement établies et reconnues, nous aurions pu les livrer dans la présente introduction. Tel est cependant loin d’être le cas. Le malaise dont la pratique atteste à l’égard des contestations dont il est question provient en grande partie de la confusion qui entoure leurs définitions, et empêche une simple présentation introductive. Pourtant, pour déterminer si l’utilisation par les acteurs du procès de ces contestations sont effectuées correctement, ou au contraire ne sont pas conformes à ce vers quoi de telles qualifications tendent, il est indispensable d’identifier les contours assignés à ces concepts. C’est pourquoi nous proposerons, en préalable à l’étude des jeux des acteurs du procès interétatique, une identification de ces concepts en présence (

Chapitre préliminaire

). Celle-ci est le fruit d’une analyse menée à partir de positions doctrinales internationales et internes, et d’observations relatives aux spécificités du procès interétatique. Les définitions ainsi proposées, personnelles et à ce titre discutables, seront celles retenues pour la suite de notre étude.

Première Partie – Le jeu des Etats parties : invocation stratégique des obstacles juridictionnels

Deuxième Partie – Le jeu du juge : attitude adoptée face aux questions relatives à la compétence du juge et à la recevabilité de la requête

Troisième Partie – Le jeu du juge et des Etats parties : pour une autre qualification d’obstacles juridictionnels, « l’empêchement à statuer » ?

41

C

HAPITRE PRELIMINAIRE

–C

ONCEPTS EN PRESENCE

Vérifier que le juge peut exercer son pouvoir juridictionnel à l’égard d’un différend substantiel implique un examen de différentes questions, permettant de s’assurer que les conditions sont réunies pour ce faire. Il est nécessaire d’identifier correctement ce qui est en jeu pour étudier, par la suite, comment les acteurs du procès exploitent ces questions pour favoriser, ou au contraire empêcher, la réalisation de l’exercice du pouvoir juridictionnel, aboutissant à la résolution judiciaire du différend soumis. L’objet de notre étude étant d’observer les positions des Etats et du juge quant aux protestations relatives à la compétence du juge, à la recevabilité de la requête, et de façon plus générale, à l’exercice du pouvoir juridictionnel, il est indispensable d’identifier, au préalable, la teneur de ces concepts. Les difficultés relatives à leur utilisation, dont nous ferons état ultérieurement, résultent en grande partie de la confusion qui entoure la définition des mots qui les désignent. Alors qu’ils sont déterminants pour l’aboutissement de l’instance vers une résolution judiciaire du différend, leurs contours sont peu ou mal définis. Il est donc indispensable de procéder à l’identification de chacun de ces concepts, celui de pouvoir juridictionnel (

Section 1

), de compétence du juge (

Section 2

), et de recevabilité de la requête (

Section 3

), tels que nous nous les représentons.

SECTION 1.CONCEPT DE POUVOIR JURIDICTIONNEL

L’étude des utilisations et contestations, par les acteurs du procès, de l’exercice du pouvoir juridictionnel à l’égard d’un différend substantiel nécessite une mise au point sur ce dont il s’agit précisément. Le pouvoir de trancher les litiges conformément au droit appartient au juge. Cette puissance de juger suscite parfois des craintes, systématisées sous le spectre du « gouvernement des juges »67. S’il est injustifié à l’égard des systèmes judiciaires de la plupart des

Etats, compte tenu des garanties qui entourent l’office du juge, il est encore plus infondé à

67 Ce thème a fait l’objet de nombreux écrits. Voir par exemple MireilleDELMAS MARTY, Les forces imaginantes du droit

III : La refondation des pouvoirs, Editions du Seuil, Paris, 2007, 299 p. ; Antoine GARAPON, « La question du juge », in Les juges, Pouvoirs n°74, Seuil, Paris, 1995, pp. 13-26 ; Carlo GUARNIERI, PatriziaPEDERZOLI, La puissance de juger. Pouvoir judiciaire et démocratie, Editions Michalon, Paris, 1996, 208 p. ; Francis KERNALEGUEN, « L’excès de pouvoir du juge », Justices. Revue générale de droit processuel, Justice et pouvoirs, 1996-3 janv-juin, Dalloz, Paris, 1996, 455 p., pp. 151- 159 ; HjalteRASMUSSEN, « Le juge international en évitant de statuer obéit-il à un devoir judiciaire fondamental ? », in S. F. D. I., La juridiction internationale permanente, Colloque de Lyon (29, 30 et 31 mai 1986), Pedone, Paris, 1987, 439 p., pp. 383-407 ; ThierryRENOUX, « Les incidences éventuelles d’une responsabilité sur l’organisation constitutionnelle des pouvoirs publics », in Les juges : de l’irresponsabilité à la responsabilité ? Actes du colloque de l’Institut de Sciences Pénales et de Criminologie d’Aix en Provence 5-6 mai 2000, P. U. A. M., 2000, 244 p., pp. 211-225.

42

l’échelle internationale. Si le juge international dispose effectivement de prérogatives conséquentes à l’égard des Etats-sujets de l’ordre juridique international, c’est parce que cela est indispensable à la réalisation de sa mission, qui est d’apporter une solution judiciaire aux litiges opposant des parties entre elles. Pour comprendre ce qu’est le pouvoir juridictionnel d’un juge international, il faut étudier son fondement, la nécessité de le voir apparaître pour assumer une certaine mission au sein de la collectivité des Etats (

§ 1

), avant d’observer quels sont les attributs de ce pouvoir (

§ 2

), et sur quel objet il s’exerce (

§ 3

).

§ 1. Fondement

Toute société qui prétend être régie par le droit a besoin de voir les différends, opposant ses membres entre eux, réglés précisément par application de ce droit. Cela vaut pour la société civile autant que pour la société interétatique. C’est ainsi que la fonction de juger est indispensable à toute collectivité, y compris à l’échelle internationale (

A

). La spécificité de l’ordre juridique international implique que cette puissance de juger des Etats souverains soit reconnue conventionnellement à un tiers, par ceux qui le souhaitent (

B

).

A. Origine

Le besoin d’une société de voir les litiges, opposant ses membres entre eux, être réglés par application du droit ne s’est pas toujours fait ressentir. L’apparition de ce besoin s’est fait à la suite du passage de l’état de nature à une société civilisée, symbolisé par le Contrat social. Bien

qu’elle ne puisse être totalement transposée pour la société interétatique, l’œuvre de Rousseau permet de comprendre la nécessité du règlement judiciaire des différends dans toute société.

A l’état de nature, chacun œuvre pour sa propre survie, par ses propres moyens. Règne alors la loi du plus fort, aussi avantageuse pour ceux disposant d’atouts naturellement, que cruelle pour ceux démunis des qualités adéquates. La solution est alors d’unir les forces individuelles au profit d’une société qui assure la défense de chacun de ses membres. Il s’agit alors de

« trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant » 68.

Chaque membre concède ses forces et biens, en attendant de la société qu’elle assure en échange protection contre toute atteinte qu’il serait susceptible de subir. Seule la volonté générale dicte la

68 Jean-JacquesROUSSEAU, Du Contrat Social, (éd. originale 1762) Librairie Générale Française, Paris, 1996, 224 p., Livre I, Chapitre VI Du pacte social, spé. p. 53.

43 conduite que chacun doit adopter. Si quiconque refuse d’obéir à cette volonté, il y est alors contraint par tout le corps, ou exclu69. Alors qu’à l’état de nature, chacun ne doit rien à l’autre (à

qui il n’a rien promis), dans l’état civil, il faut des lois « pour unir les droits aux devoirs et ramener la justice à son objet » 70, pour que chacun soit l’égal de l’autre dans cette société. La règle de droit

a en effet pour objet de gommer les inégalités naturelles qui existent entre les membres. C’est ainsi que naît l’Etat de droit en lieu et place de l’état de nature. A la suite de ce point de départ, il apparaît alors nécessaire que toute atteinte portée par un des membres aux droits de l’autre71, soit

sanctionnée et corrigée. Il serait vain, en effet, d’attribuer des droits et devoirs aux membres d’une communauté si, lorsqu’une violation est commise, aucune mesure n’était engagée à l’encontre de son auteur. Alors que le seul moyen d’une « victime », dans l’état de nature, est le recours à la vengeance privée72 (avec toutes les conséquences attachées à l’inégalité naturelle entre

les membres), l’Etat de droit doit permettre la sanction d’une violation des droits et devoirs de tous envers les autres, à défaut de quoi, ses membres se détourneraient de la société. Pour pacifier les relations entre les membres, et assurer la pérennité de l’Etat de droit, il existe ainsi un réel besoin de régler les litiges qui peuvent survenir entre deux membres de la société, par application précisément des règles de droit qui l’organise. Dans l’ordre interne, c’est l’Etat – entité supérieure – qui assume une telle fonction, qui détient la puissance de juger ses citoyens pour les violations des règles de droit73. C’est pour cela qu’à notre sens, le Contrat social justifie le recours au

règlement des litiges par application du droit.

69 Sur ce point, voir Jean-JacquesROUSSEAU, Du Contrat Social, op. cit., Livre I, Chapitre VII Du souverain, spé. p. 55. 70 Jean-JacquesROUSSEAU, Du Contrat Social, op. cit., Livre II, Chapitre VI De la loi, spé. p. 70.

71 Ou à la société, ce qui dans l’esprit de Rousseau est similaire étant donné que chacun est une partie de l’ensemble. 72 Il faut parler de vengeance et non de justice, car la personne lésée et son groupe cherchent bien souvent moins à obtenir réparation et punition du coupable qu’à lui infliger un mal le plus souvent supérieur, sans recherche de proportionnalité. Voir sur ce point Michèle-LaureRASSAT, Institutions judiciaires, P. U. F., Paris, 2ème éd., 1996, 308 p., p. 5.

73 De tous temps, celui qui assume la puissance de juger règne sur la société. Nous en trouvons des traces dès les premières sources juridiques connues. En effet, la stèle révélant le code d’Hammurabi montrait le dieu soleil Shamash, « grand juge des cieux et de la terre », tenant dans sa main droite les insignes du pouvoir royal dont le sceptre qu’il transmet à Hammurabi, celui-ci l’écoutant lui dicter la loi. (Pour une description plus rigoureuse, il faut observer directement la stèle, exposée au Musée du Louvre. Des épaules du dieu Shamash jaillissent deux faisceaux de rayons car il est un dieu de lumière. Ces rayons dévoilent les ombres qu’ils effacent, d’où son association avec la justice. Pour une étude très complète de la société babylonienne, voir JeanGAUDEMET, Les institutions de l’Antiquité, Montchrestien, Coll. Précis Domat, Paris, 1982, 546 p., p. 26 et s. ; pour une analyse moins approfondie, voir Pierre- ClémentTIMBAL, AndréCASTALDO, Histoire des institutions et des faits sociaux, Dalloz, Coll. Précis, Paris, 1985, 723 p., p. 106 et s.). C’est alors une loi d’origine divine qui se manifeste et que le roi sera chargé de communiquer et d’appliquer envers son peuple. L’image du Roi justicier est ensuite caractéristique des monarchies (voir l’intéressant article de Francesco DI DONATO, « La puissance cachée de la robe. L’idéologie du jurisconsulte moderne et le problème du rapport entre pouvoir judiciaire et pouvoir politique », in CAYLA Olivier, RENOUX-ZAGAME Marie-France, L’office du juge : part de souveraineté ou puissance nulle ?, L. G. D. J., Paris, 2001, 239 p., pp. 89-116). Il est celui qui est à la tête de la société et qui a en charge d’assurer la paix parmi ses sujets. Que la loi soit d’origine divine ou terrestre, il doit veiller à son respect et intervenir en cas d’injustices subies par l’un de ses sujets. Un proverbe affirmait ainsi que le Roi est « fontaine de justice ». Cette symbolique est incarnée par la main de la justice, premier attribut délivré au Roi lors de son sacre, avant même le glaive. L’image d’Epinal qui illustre le mieux cela est celle du chêne de Vincennes, où le Roi Saint Louis venait s’adosser afin d’entendre les litiges de ses sujets, sans aucune formalité, et s’occupait de les régler.

44

Lorsque la société en question est interétatique, les choses sont nécessairement différentes,

mais la logique est similaire. Il n’est pas concevable, dans la sphère internationale, d’imaginer une entité supérieure aux membres de la communauté, qui détiendrait une puissance de juger, de régler les litiges par application du droit. Dans l’ordre interne, l’Etat assume une telle fonction juridictionnelle, qui lui permet de juger ses sujets, au travers de l’un de ses organes, le juge. La transposition ne peut être possible dans l’ordre international, car les sujets sont des Etats souverains. Aucune entité ne peut leur être supérieure. Un Etat peut détenir la puissance de juger ses citoyens, mais en aucun cas il ne détient le pouvoir de se juger lui-même, ni de juger les autres Etats. Il n’y a donc rien qu’il pourrait confier à une entité supérieure pour lui permettre de régler les litiges. Pourtant, une logique inspirée de celle proposée par Rousseau nous semble pertinente en la matière. Même si les membres de la communauté internationale sont particuliers74, ils

forment une société au sens du Contrat social, régie par le droit, et n’évoluent plus dans un état de

nature. Pour les mêmes raisons que dans l’ordre interne, dès lors que la société internationale s’organise autour de règles de droit, il est nécessaire que leur violation par l’un des membres soit