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Utilisation du cadre théorique du modèle de soins de Donabedian (1966; 1980;

Chapitre 6 : Conclusion par la discussion

2. La description des besoins des aînés atteints d’une maladie incurable et l’aide reçue :

2.1. Utilisation du cadre théorique du modèle de soins de Donabedian (1966; 1980;

concordance quant aux attentes des bénéficiaires

Donabedian (1966) précise qu’il n’est pas toujours possible de répondre à l’ensemble des besoins de la personne malade dans un contexte de prestation des soins. Il faut, comme professionnels de la santé, prioriser certains besoins dans le but de satisfaire les préférences à long terme des individus. D’ailleurs, l’objectif prioritaire de la prestation des soins palliatifs n’est pas la guérison ni le prolongement de la vie (Fisher et al., 2000), mais consiste à en

101 améliorer la qualité (Beck, 2004; Feuz, 2012; Trudel et al., 2012), à soulager la douleur et les souffrances tout en apportant un support à la personne et ses proches (Godefroy, 2010; MSSS, 2004). De plus, dans le processus de prestation des soins, la personne malade doit reconnaître qu’elle a un besoin, demander et consentir à l’aide pour le satisfaire (Donabedian, 1973). En ce sens, les besoins ressentis non répondus par les participants de cette étude le sont pour plusieurs raisons : ils n’ont effectué aucune demande d’aide en ce sens (e.g. étourdissement, anticipation des plaies, enflure aux pieds et méconnaissance de la médication); ils ne savaient pas à qui demander de l’aide (e.g. entretien ménager, besoins psychologiques et spirituels); ils avaient reçu l’aide, mais elle demeurait inefficace pour répondre à leurs besoins (e.g. entretien ménager, respirer convenablement, s’alimenter et douleur récurrente) ou ils demeuraient en attente de l’aide promise (e.g. prise de sang à domicile afin d’éviter les déplacements et l’attente en milieu hospitalier).

Ceci dit, le cadre théorique du modèle de soins de Donabedian (1980; 1986; 1992) servira maintenant à établir une concordance entre les services de soins palliatifs à domicile, la

Politique de soins palliatifs de fin de vie (MSSS, 2004) et les attentes des bénéficiaires de

soins. Ce modèle vise à vérifier si la structure de base du programme permet une optimisation des soins en matière d’objectifs, d’effectifs matériels, humains et financiers (Donabedian, 1980; 1986; 1992). L’analyse faite ici inclut aussi les autres structures du modèle de soins soit le processus et les résultats.

D’abord, les objectifs du programme de soins à domicile reposent sur trois principes directeurs découlant de la Politique de soins palliatifs de fin de vie (MSSS, 2004). Devant chacun des principes directeurs, il est possible de se prononcer sur certaines forces et les limites du programme en fonction de l’analyse de discours des participants, comme le présente le Tableau 3. De manière générale, les trois principes directeurs de la Politique de

soins palliatifs de fin de vie (MSSS, 2004) sont satisfaits. Ce n’est qu’en poussant la réflexion

plus loin qu’il est possible d’établir les éléments à améliorer de l’offre de soins à domicile. Ces éléments concernent principalement les connaissances et informations à donner sur les procédures administratives menant à l’entrée en service, les types de services et le rôle des divers professionnels, les précisions sur le terme soins palliatifs, de même que les milieux alternatifs d’hébergement de soins palliatifs. De plus, selon la Politique de soins palliatifs de

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fin de vie (MSSS, 2004), les proches doivent être considérés comme étant engagés dans le

service comme bénéficiaire. Or, les participants ont discuté que leurs proches n’étaient pas ou très peu impliqués dans les démarches du CSSS bien qu’ils puissent demander de l’aide à tout moment.

Tableau 3

Les principes directeurs de la Politique de soins palliatifs en fin de vie (MSSS, 2004) collationnés aux résultats de l'étude

Principes directeurs Résultats

Forces du programme Éléments à améliorer

Les besoins et les choix des bénéficiaires : au cœur de la planification, de l’organisation et de la prestation de services

Respect de l’intimité Respect des valeurs et croyances

Évite de multiplier le nombre d’intervenants d’une même discipline auprès du bénéficiaire

Les besoins sont évalués en début de services et au fil des rencontres

Soins misant sur la qualité de vie

Manque d’information quant au stade d’avancement de la maladie, des types de services offerts, des traitements curatifs, etc. (voir section 1)

Méconnaissance des procédures administrative entourant l’entrée en service

Certains besoins demeurent non- répondus

Le maintien des malades dans leur milieu de vie naturel : un choix à privilégier pour ceux qui le souhaitent.

Le soutien à domicile est envisagé comme première option

Respect du désir de demeurer à domicile

Service desservit sans délai, au moment opportun et selon les besoins

Intensité des soins en fonction du stade d’avancement de la maladie

Manque d’information sur les autres milieux de soins palliatifs et la possibilité de décéder à domicile

Le soutien aux proches : un élément fondamental de la planification, de l’organisation et de la prestation des services

Les proches ont la possibilité de demander de l’aide au CSSS en tout temps et connaissent les coordonnées de l’établissement

Ils sont très peu impliqués dans les démarches avec le CSSS

Ils n’ont pas accès à l’information sur la condition de la personne malade et n’ont pas reçu de formation pour prodiguer les soins Les proches n’ont aucun soutien socioémotif de la part du CSSS

Dans le même ordre d’idée, d’autres caractéristiques de la structure du modèle de soins de Donabedian (1979; 1980; 1986) servent à vérifier les ressources humaines, matérielles et financières, ainsi que leur impact sur le processus de soins et les résultats. D’abord, les

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ressources humaines, donc le nombre d’intervenants stables œuvrant auprès de la personne

et ses qualifications, sont le premier reflet d’une possible concordance entre les besoins des bénéficiaires et l’aide reçue. Paradoxalement, les participants de l’étude, bien qu’ils aient nommé différents malaises ou incapacités, ont dit ressentir très peu de besoins à cet égard. Or, puisqu’ils reçoivent des services de soins palliatifs à domicile de la part nombreux professionnels9 et d’un médecin régulier (médecin à domicile ou médecin de famille), ceux- ci se retrouvent proportionnellement moins nombreux à présenter des besoins non comblés (Turcotte, 2014). De la même manière, selon l’étude de Turcotte (2014), les personnes âgées ayant reçu plus d’heures de service de la part des professionnels de la santé se retrouvaient avec moins de besoins non comblés que ceux n’ayant reçu aucun ou peu de service. Pourtant dans le cadre du présent mémoire de recherche, il est possible d’estimer que la majorité des participants recevaient moins de 4 heures de soins par semaine de la part des professionnels du CSSS, puisque ceux-ci ont décrit recevoir la visite à domicile d’au moins deux professionnels10, à raison de 1 à 4 visites par semaine (i.e. estimation du temps des visites à 1 heure) ce qui les placeraient parmi la proportion de personnes n’ayant pas reçue toute l’aide nécessaire à la satisfaction de leur besoin selon Turcotte (2014), alors que leur discours est très différent. D’ailleurs, les participants ont noté qu’une évaluation des besoins et du bien- être général est faite à chacune des rencontres professionnelles, ce qu’ils qualifient de rassurant quant à la satisfaction de leur besoin quotidien.

De la même manière, les participants sont satisfaits des services qu’ils reçoivent de la part des professionnels du CSSS, principalement en lien avec le respect des valeurs, des croyances et du mode de vie, de la présence d’une équipe interdisciplinaire et professionnelle, du relai des informations inter établissements tels est qui est prôné en contexte de soins palliatifs (MSSS, 2004). Les participants ont ajouté que leur appréciation venait aussi du fait que le service est utile, sécurisant pour eux et leurs proches de même que le caractère plus personnel des différents intervenants perçu comme étant ouvert, réconfortant, disponible, souriant, stable et apportant un soutien médical et affectif, nommé comme un besoin vu leur condition.

9L’offre de services se compose d’une équipe interdisciplinaire composée d’infirmiers, travailleur social, agent spirituel, nutritionniste,

ergothérapeute, physiothérapeute, pharmacien et psychologue (MSSS, 2004). Cependant, ces deux derniers ne sont pas connus des participants de cette recherche.

10Parmi lesquels on retrouve le médecin à domicile, l’infirmier, l’ASF, l’ergothérapeute, le physiothérapeute, le travailleur social,

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Tous ces éléments d’appréciation du service ont également été soulignés comme étant des points forts de l’offre de services à domicile dans l’étude de Martin et Bader (2006).

De surcroît, les ressources matérielles utilisées, soit les aides physiques, sont utilisées chez la majorité des participants et contribuent à satisfaire les besoins. Ces aides instaurées, le plus souvent à la suite d’une évaluation de l’ergothérapeute en fonction des besoins, facilitent les déplacements et transferts, préservent l’autonomie (Niva & Skär, 2006) et permettent la satisfaction d’AVD/AVQ de manière sécuritaire et diminue les risques de chutes qui ont tendance à augmenter avec l’avancement de l’âge (Fortin, 2012). De ce fait, l’évaluation des besoins d’aides physiques ainsi que l’installation des équipements est l’une des premières interventions posées auprès des personnes malades. Cependant, aucun suivi n’a été fait de la part de l’ergothérapeute afin d’évaluer si les aides convenaient aux besoins, au fil du temps, ou si d’autres adaptations seraient nécessaires. D’ailleurs, malgré la présence d’aides techniques au domicile plusieurs demeurent non utilisées puisqu’elles sont encombrantes ou que l’aide humaine est plus efficace. De la même manière, les proches, qui ne sont pas ou très peu impliqués dans les démarches du CSSS, pourraient aussi donner leur appréciation des aides techniques utilisées puisqu’elles leur servent à accomplir plus efficacement, donc plus rapidement et à moindre effort, les soins auprès du malade (Mann, 2001) de même que réduire le stress associé (Demers, Fuhrer, Jutai, Lenker, Depa & De Ruyter, 2009).

Quant aux ressources financières, la gratuité des services de soins palliatifs à domicile est un autre élément facilitant le maintien à domicile des aînés gravement malade. Cependant, d’un point de vue sociétal, les coûts liés aux maladies chroniques, dont le cancer, sont reconnus comme étant excessifs (ASPC, 2002; ICIS, 2011) et l’efficience des différents programmes serait remises en question (Doucet, 2002). Bien qu’aucun élément de la présente recherche ne puisse évaluer cette affirmation, il est cependant possible d’apporter une réflexion sur le capital investi par l’État quant aux programmes sociaux et l’impact direct sur les bénéficiaires de service. Il faut se rappeler que le virage québécois vers le domicile (1980-1995) ainsi que le projet de loi 67 sur l’assurance autonomie déposé en décembre 2013 par le ministre Hébert de même que la Politique en soins palliatifs de fin de vie (MSSS, 2004) ont été les hôtes d’un partenariat entre l’État, la famille et les ressources de la communauté (Lavoie & Guberman, 2010). Ces mesures s’inscrivent dans un modèle libéral qui renvoie à la personne malade et

105 ses proches la charge de sa dépendance par la diminution de l’accessibilité des milieux et l’obligation d’assumer les coûts des médicaments et du matériel de soins (Bellemare et al., 2014). La prise en charge financière pour l’offre de services du secteur privé et d’économie sociale, par les participants de l’étude, ne semblait pas compromettre la demande d’aide. Cependant, une réflexion s’impose quant aux clientèles plus vulnérables, seules ou à faible revenu, celles-ci ne faisant pas partie de l’échantillon rencontré.

Actuellement, le parti libéral du Québec et le parti conservateur du Canada enclenchent d’importantes mesures d’austérités ayant un impact direct sur les soins et services de santé. Au Québec, le projet de la Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la

santé et des services sociaux notamment par l’abolition des agences régionales (P.L. 10) et

le projet de la Loi édictant la Loi favorisant l’accès aux services de médecine de famille et

de médecine spécialisée et modifiant diverses dispositions législatives en matière de procréation assistée (P.L. 20) annoncé par le ministre Dr Gaétan Barrette (2014 a, b), de

même que les nombreuses coupures dans les emplois de la fonction publique et l’octroi de subvention aux organismes communautaires transformeront le système actuel de soins. Dans un premier temps, le projet de loi 10 qui visent essentiellement à améliorer la performance du système de santé par une fusion dite « horizontale » créant des établissements suprarégionaux, n’aurait pas, selon certains, les effets escomptés tant sur l’efficience (Contandriopoulos, Perroux, Brousselle & Breton, 2014), la coordination des soins et la qualité des services (Mutter, Romano & Wong, 2011). Dans un deuxième temps, le projet de loi 20 vise à son tour à modifier les rémunérations des médecins et leur imposer davantage d’effectifs. Cependant, la lourdeur des suivis telle est le cas en soins palliatifs, conjugués au mode de rémunération actuel, résultent d’une importante difficulté dans l’embauche de médecin qualifié dans le domaine (MSSS, 2004). Finalement, puisque le vieillissement de la population est connu, et qu’il est possible d’envisager une croissance des maladies chroniques ainsi que les impacts de la prise en charge (Blein et al., 2009; Leon, 2011; Villalon, 2011), il serait plus avantageux d’investir dans la prévention ainsi que sur l’amélioration du diagnostic et la prise en charge afin d’obtenir de meilleurs rendements du point de vue économique et sanitaire (ACSP, 2014).

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En résumé, l’apport du cadre théorique du modèle de soins de Donabedian (1966; 1980; 1993) a permis d’établir une concordance claire entre les services et les attentes des bénéficiaires. Les principes directeurs de la Politique de soins palliatifs de fin de vie (MSSS, 2004) collationnée aux résultats de l’étude exposent des forces (e.g. approche individualisée dans le respect de l’intimité ainsi que des valeurs, croyances et désirs) et éléments à améliorer dans l’offre de services (CSSS) tels que les connaissances et informations à donner aux bénéficiaires ainsi que l’importance d’impliquer les proches en leur offrant services et support, le cas échéant. Plus précisément, une concordance se dessine entre les services offerts et les attentes des bénéficiaires portant sur le nombre d’heures de soins suffisant, l’appréciation unanime du service, les interventions posées qui répondent aux attentes souhaitées et la gratuité, donc l’universalité des services. Cependant, les mesures d’austérité entreprises actuellement par l’État modifieront les structures et inévitablement la continuité des soins. Bien que différents auteurs y anticipent un échec, il faudra attendre les résultats futurs afin d’en mesurer les impacts réels.