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Chapitre 6 : Conclusion par la discussion

1. Une trajectoire de soins commune et contestée

L’étude a fait ressortir que la majorité des participants ont connu une même trajectoire de soins débutant par l’annonce du diagnostic; les traitements curatifs (pour ceux ayant accepté de recevoir ce type de traitement); et finalement l’entrée en service de soins palliatifs à domicile. Parallèlement, c’est souvent lorsque les soins curatifs ont été cessés par le participant ou par le médecin, de même que lors de la prise de conscience de l’aggravation de la maladie que l’entrée en service s’est avérée nécessaire. Ceci vient confirmer le fait que les soins palliatifs viennent compléter et éventuellement remplacer les soins curatifs (CNDR,

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2012). Cependant, l’identification plus précoce de personnes pouvant bénéficier de soins palliatifs, dans la trajectoire de soins, présente de nombreux avantages pour la personne malade et ses proches (i.e. accompagnement constant de leurs besoins globaux, accompagnement et développement de liens significatifs entre les acteurs, etc.) de même que le contrôle des coûts du réseau de la santé et des services sociaux (Shang & Jancarick, 2013). Or, différents ministères, commissions, associations et organisations (Assemblée nationale du Québec, 2012; ACSP, 2013; Eyer et al., 2010; Lavoie, 2012; MSSS, 2004; WHO, 2011) déplorent et contestent le fait que la prestation des soins palliatifs arrive tardivement dans la trajectoire de la maladie et est déterminée en fonction d’un pronostic de vie limité plutôt qu’en fonction de leurs conditions médicales ou besoins réels. L’annonce d’un tel diagnostic bouleverse la vie de la personne malade, incluant celle de ses proches, et signe le début d’une relation de soin qui s’intensifie graduellement avec le médecin traitant (Bréchot, 2007). Pour ces raisons, l’ASSSCN a déposé, en 2012, un document relatif à une meilleure gestion quant aux modalités d’accès aux soins palliatifs à domicile en se basant sur l’évaluation professionnelle des besoins de la personne malade et de ses proches et non simplement sur le pronostic vital. Le document propose quatre critères afin de cibler efficacement les personnes ayant des besoins de soins palliatifs; a) l’intuition du professionnel quant à l’avancement de la maladie en fonction des facteurs de comorbidité et autres facteurs sociaux tels que la présence des proches, pour ne nommer que celui-ci; b) le choix de la personne malade à mettre fin aux traitements curatifs; c) la présence de besoins physiques, sociaux, psychologiques et spirituels; d) les indicateurs cliniques donc les types pathologies et leur stade d’avancement (e.g. les patients atteints de cancers, d’insuffisances organiques, d’affections neurologiques (e.g. les maladies motoneurones [SLA], maladie de Parkinson, sclérose en plaques, démence, accident vasculaire cérébral) et les patients à santé fragile (e.g. présence de plusieurs maladies concomitantes et la détérioration rapide des capacités fonctionnelles) (Lavoie, 2012).

Néanmoins, cette nouvelle façon d’introduire la personne malade dans l’offre de services de soins palliatifs par l’établissement de critères (Lavoie, 2012) semble une manière déguisée de revenir aux enjeux exposés plus tôt. Bien que l’on n’emploie plus le terme pronostic vital,

91 le premier critère portant sur l’intuition quant à l’avancement de la maladie et le dernier traitant des indicateurs cliniques en fonction du stade d’avancement de la maladie (i.e. stade 4 ou 5) et l’impossibilité de poursuivre les traitements à visée curative renvoient tout de même à cette entrée tardive en soins palliatifs en fonction de l’irréversibilité de la maladie. Quoi qu’il en soit, il demeure que les soins palliatifs sont traités comme des soins de fin de vie alors que ce concept n’est pas clairement défini (Hui et al., 2014) et qu’aucun critère objectif ne peut avancer avec certitude le moment où la fin de vie débute.

De la même manière, le deuxième et troisième critère qui renvoient au choix de la personne malade de mettre fin aux traitements curatifs de même que la présence de différents besoins sont d’autres lacunes exposées par les participants de cette recherche, qui feront partie des sections suivantes.

1.1. De l’arrêt des traitements curatifs à la prestation des soins palliatifs à domicile : un choix éclairé ou une réalité imposée?

Comme il a été exposé précédemment, l’ASSSCN (2012) a travaillé à développer un nouveau moyen d’accès aux soins palliatifs, sous la forme de critères, afin que les personnes malades puissent bénéficier de ces services non seulement en fonction d’un pronostic vital précis (Lavoie, 2012). Or, le deuxième critère expose le choix de la personne malade de mettre fin aux traitements curatifs. Cependant, il est encore difficile d’appliquer la théorie à la pratique en raison du manque d’informations offertes aux aînés malades et leurs familles, empêchant ainsi le choix libre et éclairé.

D’abord, le choix de la personne de refuser ou de mettre fin à ses traitements curatifs s’est concrétisé à la suite d’une discussion avec le médecin traitant l’ayant préalablement informé de ses droits à l’information en matière de diagnostic, pronostic et nature des traitements (e. i. but, procédure, avantages/risques et effets des traitements) comme il est souhaité d’un point de vue législatif (Barreau du Québec, 2010; MSSS, 2004; Santé Canada, 2000). Cependant, certains médecins n’abordent pas toujours tous les aspects entourant les traitements et la mort à venir en se plaçant dans un conflit éthique afin de préserver le malade (Reich et al., 2001). D’ailleurs, dans la littérature scientifique portant sur les conflits en fin de vie dans un contexte de soins palliatifs, le conflit éthique entre le médecin et le malade, quant à la transmission de

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l’information, demeure le sujet le plus abordé (Kabengele-Mpinga, Chastonay & Rapin, 2006). De ce fait, les médecins évoquent le principe d’autonomie du malade (i.e. capacité et volonté de recevoir l’information) au détriment du principe de vérité entourant les informations sur son état de santé et les possibilités de rémission (Masse-Navette, Basset, Hohn & Franco, 2002). Pour Wenrich, Curtis, Shannon, Carline, Ambrozy et Ramsey (2001), il est primordial d’établir un dialogue franc entre le médecin et le malade afin que ce dernier soit à l’aise de parler de la mort, de questionner et dialoguer sur son angoisse, au moment opportun.

Parallèlement, le choix de la personne malade à mettre fin à ses traitements demeure une décision difficile à prendre puisque le malade âgé balance souvent entre la qualité (confort) et le prolongement de la vie; raison principale l’amenant à accepter les traitements curatifs invasifs (Koedoot, de Haan, Stiggelbout, Stalmeier, de Graaff, Bakker et al., 2003). De plus, certains rapports ministériels mentionnent que les personnes âgées malades ont de la difficulté à faire respecter leur choix de refus ou d’interruption de traitement (Shang & Jancarick, 2013) puisqu’elles craignent souvent l’abandon de leur médecin, le cas échéant, ce qui indéniablement relance le débat sur l’acharnement thérapeutique (Morel et al., 2014; Sachet, 2004).

Les participants de la présente recherche n’ont pas impliqué systématiquement leurs proches dans cette décision d’arrêt de traitements alors que les écrits démontrent leurs intérêts d’y être impliqués (Caron et al., 2005). Les proches considèrent recevoir peu informations sur la santé globale, les options de traitement et la progression de la maladie (Caron et al., 2005) alors qu’ils expriment leur besoin de comprendre la maladie, les conséquences et les perspectives thérapeutiques dans le but de diminuer l’anxiété liée à cette incertitude projetée (Picard, Dumont, Gagnon & Lessard, 2006).

Parallèlement, la prestation de service de soins palliatifs survient, comme le mentionnent les participants de la présente étude, comme étant une étape logique à la suite de l’arrêt de traitements curatifs et la prise de conscience de l’aggravation de la maladie. Mais tel est le cas pour l’arrêt de traitement, le cadre d’un suivi en soins palliatifs réitère la question du droit à l’information (Dimond, 2004). Or, lors de l’entrée en service de soins palliatifs à domicile,

93 les participants ont soulevé que leur connaissance du service se limitait à une brève prise d’information auprès de leur médecin ou de leur réseau social et que les procédures administratives entourant la demande de service demeuraient nébuleuses. De plus, bien qu’ils soient bénéficiaires du service, certains ne connaissaient pas la définition du terme soins palliatifs ni la définition des soins spécifiques rattachés à un niveau de soin de maladie avancée. Or, il est possible que cette méconnaissance du service et du terme soins palliatifs explicitement exposé par les participants provienne d’une dénégation ou d’un déni, qui sous- tend un moyen de défense de la personne malade confronté à la mort, à son deuil, comme le démontre l’ouvrage de Kubler-Ross (1993). Le déni et le manque d’information quant à l’état de santé du malade de même que sur les services disponibles en réponse aux besoins ne sont pas sans incidence sur la prise en charge des familles quant aux soins à domicile (Woods, Beaver & Luker, 2000).

En résumé, une approche centrée sur la personne malade, considérant ses choix personnels en matière de soins et traitements, demeure la base de tous les services délivrés dans un contexte de soins palliatifs (Fisher et al., 2000). La participation du malade aux décisions qui le concernent est un élément déterminant qui influence grandement son bien-être (Observatoire national de la fin de vie, 2013) alors que trop souvent ses choix ne sont pas considérés (Calanzani, Higginson & Gomes, 2013) ou que l’information concernant son état de santé est dissimulée par les acteurs de soins dans le but de les préserver. Dans le cadre de la présente étude, le besoin d’information demeurait quant aux services offerts (CSSS) afin de répondre à leur besoin; au rôle des intervenants; et aux précisions quant à la définition des services de soins palliatifs. Dans ce contexte, il est peu possible de parler d’un choix réfléchi en matière d’arrêt de traitement et d’entrée en service, mais d’une réalité imposée par l’aggravation de la maladie et la logique systématique du système de soin.

2. La description des besoins des aînés atteints d’une maladie incurable et l’aide