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Chapitre 2 : La recension des écrits

2. Les besoins des personnes âgées recevant des soins palliatifs

Comme il a été présenté précédemment, les besoins spécifiques des personnes âgées demeurant à leur domicile ont été bien documentés. Attardons-nous maintenant à décrire les besoins plus spécifiques des aînés recevant des soins palliatifs. Des recherches sur le sujet démontrent que les personnes recevant des soins palliatifs présentent une gamme de besoins qui couvrent les domaines médicaux; psychosociaux; spirituels; pratiques; et informationnels (Boberg et al., 2003; Richardson, Medina, Brown & Sitzia, 2007; Sanson-Ficher et al., 2000). Chacun de ses besoins est détaillé dans les paragraphes qui suivent.

2.1. Besoins médicaux.

En premier lieu, les besoins d’ordre médical liés aux soins palliatifs tiennent compte du confort physique, de l’absence de symptômes rattachée à la maladie et les séquelles des traitements (Howell et al., 2009). Dans le but de bien connaître les besoins et la réalité des personnes mourantes, une étude de Nguyen, Franck-Soltysiak et Bisson (2001) met en lumière différents aspects propres aux besoins médicaux des personnes recevant des soins palliatifs. Pour ce qui est des symptômes physiques, 81 % des personnes hospitalisées en

21 soins palliatifs se voyaient inconfortables principalement en raison de troubles digestifs (64 %), cognitifs (56 %), respiratoires (56 %), de la douleur (55 %), des problèmes cutanés (41 %), des troubles du sommeil (31 %) et d’autres types d’inconforts comme la sueur ou l’incontinence (63 %) (Nguyen et al., 2001). La majorité des malades ressentaient de l’inconfort causé par plusieurs symptômes à la fois. D’autres auteurs ajoutent à la liste des symptômes terminaux les troubles de la communication, la constipation (Michel & Michel, 2002) ainsi que la dyspnée et la fatigue extrême (Ducloux et al., 2004). Cependant, les symptômes peuvent être différents en fonction du type de maladie ainsi que de son stade d’avancement (Solano, Gomes & Higginson, 2006) et la douleur semble augmenter considérablement avec l’âge en raison de multiples problèmes de santé connus chez les aînés (American Geriatrics Society [AGS] Panel on Persistent Pain in Older Persons, 2002). Or, la souffrance menace l’intégrité de la personne et ses échanges avec autrui (Vinant, 2006) en plus de rendre difficile la projection d’une rémission (Le Corre, 2004). Dans la majorité des cas, les différents symptômes énumérés sont palliés par l’administration de médicaments de même que par des soins préventifs comme les massages ou les exercices, les soins de bouche et la prévention des escarres par les repositionnements dans le fauteuil ou le lit (OMS, 2004). La prise de certains médicaments tels que les opioïdes ou dérivés de la morphine peuvent causer certains effets secondaires5 invalidant les capacités fonctionnelles de la personne en plus d’ajouter d’autres médicaments afin de contrer les effets (OMS, 2004). Par contre, l’expertise professionnelle en soins palliatifs à domicile dont nécessitent les aînés malades afin de calmer leur douleur n’arrive que tardivement dans l’offre de soins ou ceux-ci reçoivent un traitement inadéquat pour soulager leur douleur (Daher, 2013; Daneault, 2007; Ferrell, 2005).

Dans le même ordre d’idée, les traitements de chimiothérapies et de radiothérapies à visées palliatives causent eux aussi des problèmes physiques et psychologiques importants, les plus connus étant la perte de cheveux, la fatigue, les troubles alimentaires et les nausées (Société canadienne du cancer, 2014), auxquels acquiesce la majorité des personnes malades dans un espoir de guérison (Doyle, Crump, Pintilie & Oza, 2001; The, Hak, Koeter & Wal, 2000). En revanche, les soins palliatifs ne sont garant de guérison ni de réadaptation (Fisher, Ross &

5 Les effets secondaires de la prise de morphine ou d’autres opioïdes sont : la constipation, les nausées ou vomissements, dépression

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MacLean, 2000), plutôt, ils tentent d’améliorer la qualité de vie (Beck, 2004; Feuz, 2012; MSSS, 2004; Trudel, Leduc & Dumont, 2012), soulagent la douleur et la souffrance tout en apportant un appui à la personne et ses proches (Godefroy, 2010). D’ailleurs, plusieurs médicaments prescrits dans le but de répondre aux besoins médicaux des personnes malades peuvent être interrompus puisqu’ils n’ont aucun effet sur la mortalité ou la qualité de vie (Garfinkel, Zur-Gil & Ben-Israel, 2007).

2.2. Besoins psychosociaux.

En second lieu, les besoins psychosociaux sont également un thème récurrent dans les écrits portant sur les soins palliatifs. La souffrance psychologique est effectivement plus difficile à soulager que la souffrance physique selon les médecins (Daneault, Lussier, Mongeau, Hudon, Paillé, Dion et al., 2006). Les besoins psychosociaux concernent la capacité d’adaptation, la qualité de vie, l’estime de soi ainsi que l’importance accordée aux relations familiales et sociales (Howell et al., 2009; National Comprehensive Cancer Network [NCCN], 2003). Or, de nombreux facteurs tels que le type de maladie, l’âge, les conditions de vie ainsi que du milieu, l’histoire personnelle et la situation sociodémographique peuvent influencer les capacités d’adaptation devant la maladie et ils prédisposent à augmenter les besoins psychosociaux de la personne malade (Veach, Nicholas & Barton, 2002). Souvent, la détresse se présente comme un bouleversement identitaire (Rodin & Zimmermann, 2008). Dans d’autres cas, il s’agit de symptômes courants comme les troubles de l’humeur, les troubles de l’adaptation, la dépression et les troubles anxieux (Dauchy & Chauffour-Ader, 2002; Herbaut, Reich, Horner-Vallet, 2003; MSSS, 2011; Philippin, 2009). Une étude de Van Lander et ses collègues (2011) démontre que la demande d’aide arrive souvent très tardivement dans l’évolution de la maladie et que les entretiens psychologiques sont écourtés et réalisés peu de temps avant le décès de ces personnes (Van Lander et al., 2011).

Les personnes en fin de vie étant constamment confrontées à la mort, à leur corps mutilé, à leurs pertes d’autonomie ou de forces vitales de même qu’aux douleurs causées par la maladie (Raoul & Rougeron, 2007; Clément-Hryniewicz, 2012), sont confrontés à une crise identitaire et un bouleversement de l’estime de soi. Cependant, dans une étude de Raoul et Rougeron (2007) les participants ont noté que cet aspect les amenait à se réconcilier avec

23 eux-mêmes, avec leur histoire ou avec leurs réseaux afin de porter un regard paisible sur leur vie, avant de la terminer. La maladie et la mort, étant un sujet tabou pour plusieurs n’ayant jamais vécu cette réalité ou l’ayant vécue négativement, deviennent la cause d’une forme de rejet social perçu par les malades et leurs proches (Gaitzsch & Zulian, 2013; Hanus, 2004). Devant la maladie, ils forment une cellule familiale unie qui vient répondre à un besoin de tendresse, de présence sécuritaire, de réconfort chez le malade et devient la façon de mettre en veille les sentiments négatifs ainsi que l’imminence de cette mort (Clément-Hryniewicz, 2009). Dans le même ordre d’idée, l’aspect relationnel est aussi nommé comme un besoin dans les écrits. Pour plusieurs, la maladie devient l’occasion de resserrer un réseau d’humanité autour de soi, de renforcer ses relations et favoriser la communication (Raoul & Rougeron, 2007); pour d’autres, la souffrance physique et psychologique portée quotidiennement altère la communication avec l’entourage (Le Corre, 2004; Vinant, 2006) et peut être la cause d’une demande d’aide médicale à mourir ou d’euthanasie (Desmedt, 2002; Horn, 2010).

2.3. Besoins spirituels.

En troisième lieu, les besoins spirituels sont récurrents dans les écrits portant sur les besoins perçus par les bénéficiaires de soins palliatifs. Les besoins spirituels sont reconnus comme étant universels, distincts des besoins religieux, bien qu’ils en font partie, et représentent les questionnements existentiels, la quête de sens sur la vie et la mort (Howel et al., 2009; Juguet, 2010; NCCN, 2010). Parfois, les études portant sur les besoins des personnes recevant des soins palliatifs accordent peu ou pas d’importance à ce besoin puisqu’une seule personne de l’échantillon a mentionné ce besoin (Wijk & Grimby, 2008). Il s’agit d’un besoin intrinsèque, propre à chacun, initié par son expérience personnelle et ses croyances (Heelas & Woodhead, 2005). Cependant, d’autres études ou ouvrages portent sur le sujet comme étant une spécificité entourant la période palliative (Bredle, Salsman, Debb, Arnold & Cella, 2011; Echar, 2006). Devant le portrait des autres besoins physiques et psychosociaux vu précédemment, il devient évident que les personnes en fin de vie vivent une « souffrance existentielle » (Roquebert, 2009). Étant confrontée à cette mort inévitable, la personne doit apprendre à l’accepter, tout en ressentant un besoin d’être reconnue, écoutée, pardonnée et espérant que l’on croit en ses forces intérieures (Raoul & Rougeron, 2000). L’espoir est aussi

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une dimension rattachée au besoin spirituel au même titre que la reconnaissance des capacités de la personne. En ce sens, la satisfaction des besoins spirituels augmente la perception de qualité de vie chez les personnes en fin de vie; l’un des buts poursuivis par les soins palliatifs (Beck, 2004; Feuz, 2012; MSSS, 2004; Trudel et al., 2012). Cependant, le personnel soignant dit ne pas intervenir systématiquement sur les besoins spirituels quoiqu’ils reconnaissent leurs existences et l’importance de s’y attarder. Ils décrivent plutôt leur approche en termes d’accompagnement ou d’écoute sans pour autant aider la personne malade à résoudre ses interrogations profondes (Déglise, 2007). Dans la majorité des milieux de soins palliatifs ainsi qu’à domicile, la visite d’un « agent spirituel » fait partie de l’offre de services à la demande du malade ou de sa famille (MSSS, 2004).

2.4. Besoins pratiques et informationnels.

Les besoins pratiques et informationnels se référant à l’assistance directe pour accomplir des tâches ou des activités de même que pour éclairer les décisions (i.e. décision quant aux choix de traitement, de milieu de fin de vie, les soins offerts à domicile, etc.) prennent tout leur sens dans un contexte de soins de fin de vie (Howell et al., 2009). Dans un premier temps, la maladie terminale au grand âge amène une grande perte d’autonomie qui se traduit par une importante dépendance qui dans près de 75 % des cas est comblée par les proches (Guérin, 2013; Lamontagne & Beaulieu, 2006). Cependant, ce besoin d’aide pratique peut aussi être pallié par une alliance avec le milieu communautaire, par l’offre de services des EES ou des organismes bénévoles (Hébert et al., 2010). Dans un deuxième temps, l’information divulguée aux personnes sur leur état de santé ainsi que sur les services disponibles est une composante favorisant un soutien de qualité. Les personnes malades veulent contrôler les soins auxquels elles ont droit et souhaitent que leur désir de fin de vie soit respecté, alors que peu d’entre elles envisagent d’en parler ou d’écrire leurs dernières volontés. Ce qui laisse à leur proche la responsabilité de décider pour eux lorsqu’ils ne sont plus dans un état leur permettant de le faire (Daneault, 2007). Inversement, le personnel médical omet parfois d’informer le malade sur le pronostic mortel ou sur l’avancement de sa maladie (Reich, Deschamps, Ulaszewski & Horner-Vallet, 2001). Dès lors, l’aîné ne peut bien anticiper le temps qu’il lui reste, faute d’information. La personne malade a également besoin de recevoir de l’information concernant les mandats en cas d’inaptitude afin de rédiger ses désirs de fin

25 de vie et ses préférences de soins pour alléger ses inquiétudes et celles de ses proches (Wenger & Rosenfeld, 2001).

En somme, les différents besoins des personnes âgées en soins palliatifs recensés dans les écrits coïncidents avec le concept de total pain (douleur globale) élaboré par Cicely Saunders (1978), qui prend en considération la douleur physique, mais aussi les souffrances psychologiques, sociales et spirituelles des malades en fin de vie (Saunders, 1978). La souffrance physique qui fait référence à la douleur corporelle et aux traitements malins des soins palliatifs rejoint les besoins médicaux élaborés auparavant. Les souffrances psychologiques en lien avec le vécu des atteintes corporelles, la dégradation du corps, la fatigue et les pertes progressives émanant des incapacités de plus en plus lourdes sont quant à elles, en lien avec les besoins psychosociaux et émotionnels précédemment énumérés. La souffrance spirituelle, d’où découlent les besoins spirituels, donne plutôt son sens à l’angoisse et la peur de la mort amenant des questionnements existentiels sur le sens de la vie. Finalement, les souffrances sociales référant aux besoins psychosociaux se traduisent par la perte de repères quotidiens, la perte de l’identité sociale et les changements contraints de milieu de vie (Saunders, 1978). En ce sens, la prochaine section décrit la trajectoire de la maladie et les différents milieux de soins palliatifs.

3. L’offre de services de soins palliatifs en milieux institutionnels, privés et