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Partie I : Dispositif interactif et utilisateur 9

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 Utilisabilité et conception des dispositifs interactifs 45

7.1 
 Utilisabilité 46

L’apparition du terme « utilisabilité » est relativement récente et il est particulièrement lié aux technologies de l’information. L’utilisabilité correspond à la « capacité d’un système à permettre à ses utilisateurs de faire efficacement ce pourquoi ils l’utilisent. Afin que le travail soit fait, le système utilisable doit non seulement être facile à utiliser, mais aussi fiable et efficace.27 » Dans la pratique le concept d’utilisabilité (usability) est couramment utilisé en génie informatique et en design. En génie informatique, ce mot est utilisé pour la vérification des systèmes ; on parle donc de « usability testing », mais en design, l’utilisabilité indique la qualité de la conception. Autrement dit, elle met en évidence la possibilité d’utiliser efficacement l’objet principalement par son interface. Cette notion est donc une dimension importante dans la conception et dans l’évaluation d’une interface. C’est cette dernière acception du mot que nous allons approfondir.

Norman explore la question de l’utilisabilité dans le contexte du design des outils. Dans son ouvrage The Design of Everyday Things (édition 2002), il parle des interfaces des outils divers qui nous entourent et définit ainsi les quatre critères d’une bonne interface :

– Chaque commande doit être visible ; autrement dit, l’utilisateur doit pouvoir voir dans quel état se trouve la commande ;

– Il doit être facile pour l’utilisateur de se faire un modèle conceptuel du fonctionnement de l’objet ;

26 Texte figurant sur le dos de la page couverture du livre Where the Action Is : The Foundations of

Embodied Interaction, Paul Dourish, 2004.

– Il faut une bonne correspondance (mapping) entre l’interface et le fonctionnement de l’objet ;

– Il faut que l’utilisateur reçoive une rétroaction des actions qu’il déclenche. Nous adoptons cette définition comme référence clé et universelle. Cependant comme dans le contexte plus précis des dispositifs interactifs il y a plusieurs visions liées à ce concept, nous allons explorer les définitions offertes par d’autres auteurs pour compléter les critères essentiels qui serviront pour notre étude.

La question d’utilisabilité est discutée largement par plusieurs d’autres auteurs entre autres, J. Nielsen (1994, 2000), J. Preece et al. (2000), Rosson et Carroll (2001), J. M. Carroll (2000b), T. Brinck et al. (2002).

Rosson et Carroll (2001, p. 33) expliquent « Usability emerged as an issue when the population of end users and the situations in which computing was used expanded from specialty to general-purpose use. » Dans les années 1980, apprendre rapidement et apprendre par soi-même sont devenus critiques pour les utilisateurs des systèmes. Il est devenu nécessaire de trouver des méthodes pour améliorer l’utilisabilité des produits. Aussi des chercheurs en psychologie, anthropologie et sociologie se sont-ils intéressés à l’interaction des gens avec les ordinateurs pour comprendre le processus de résolution des problèmes et la façon dont les gens apprennent de nouvelles choses (Rosson et Carroll, 2001).

Pour Carroll (1997), l’émergence du concept « usability » en interaction humain- ordinateur est liée à l’attitude et au comportement des gens qui n’ont pas d’expertise particulière relative aux ordinateurs et à la technologie de l’information. Aussi, l’impact de l’ordinateur dans la vie de ces utilisateurs donne une importance accrue au critère d’utilisabilité.

Selon Jordan (1996, p. 189), « Usability is not a quality that exists in any real or absolute sense. Perhaps it can be best summed up as being a general quality of the appropriateness to a purpose of any particular artifact. » Il ajoute que cette qualité d’un

outil ou d’un système doit être vue dans le contexte où il est utilisé et qu’il doit être approprié par rapport à ce contexte. Cependant, comme le contexte varie d’une situation d’usage à l’autre, la comparaison de mesure d’utilisabilité d’un système à un autre est très difficile.

Nielsen (1994) propose les cinq critères d’utilisabilité qui suivent :

– Efficience : facilité à réaliser une tâche donnée (on peut la mesurer notamment grâce au temps d'exécution) ;

– Learnability : concerne la facilité (ou la rapidité) avec laquelle l’utilisateur apprend à utiliser le système ;

– Mémorisation : capacité à reprendre en main rapidement le système lors d’utilisations espacées ;

– Fiabilité : prévention ou gestion des erreurs par le système ; – Satisfaction de l’utilisateur, qui est subjective.

Enfin, la norme ISO 9241-11 (1998) définit l’utilisabilité comme « la mesure dans laquelle un produit peut être utilisé par des utilisateurs particuliers pour réaliser un objectif défini avec efficacité, efficience, et satisfaction dans un contexte précis d'utilisation »28. Aussi bien dans la définition de la norme ISO que dans la définition de Nielsen, on voit apparaître des indications relatives aux critères d’évaluation des produits interactifs.

Le terme « guidage », utilisé par Bastien et Scarpin (1993, p. 45) est également important à comprendre. Il le définissent comme suit : « Le guidage est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour conseiller, orienter, informer, et conduire l’utilisateur lors de ses interactions avec l’ordinateur (messages, alarmes, labels, etc.), y compris dans ses aspects lexicaux. » Pour ces auteurs, un bon guidage facilite l’apprentissage et l’utilisation du système informatique. Il permet à l’utilisateur « de savoir, à tout moment, où il se trouve dans une séquence d’interactions, ou dans l’accomplissement d’une tâche ; de connaître les

28 La version anglaise du texte concernant cette norme est la suivante (1994) : « ISO9241-11 suggests that

measures of usability should cover a- effectiveness (the ability of users to complete tasks using the system, and the quality of the output of those tasks), b- efficiency (the level of resource consumed in performing tasks), and c- satisfaction (users’ subjective reactions to using the system). » (P. Jordan 1996, p.190)

Une autre norme d’utilisabilité est la norme internationale ISO 13407 qui est focalisée sur le processus de conception et offre un modèle de conception. Nous expliquerons ce modèle dans la partie IV.

actions permises ainsi que leurs conséquences ; et d’obtenir de l’information supplémentaire. » Les quatre sous-critères du guidage sont : l’incitation, le groupement/distinction entre items, la rétroaction immédiat et la lisibilité. La facilité d’apprentissage et d’utilisation ainsi obtenue conduit l’utilisateur à de meilleures performances. Même si nous trouvons des critères semblables, « guidage » ne remplace pas « utilisabilité ». Dans ce document, nous allons donc continuer à utiliser le terme « utilisabilité ».

L’utilisabilité, un principe lié à la conception

L’utilisabilité est un principe de conception et d’évaluation globale de la qualité d’un système informatique. Nous avons vu qu’elle est liée à l’utilité du système et à la facilité d’utilisation de son interface. Nous la considérons comme une constituante de la conception qui peut être développée à l’aide des scénarios d’usage. L’utilisation des scénarios pour déterminer les spécifications d’utilisabilité d’un système et évaluer son interface est largement discutée par des auteurs dans le domaine (Nielsen, 1994 ; Rosson et Carroll, 2001 ; Carroll, 2003). Quand les scénarios deviennent plus raffinés et concrets, les critères d’utilisabilité deviennent aussi plus précis.

Enfin, nous percevons l’utilisabilité comme la convergence de trois points de vue : l’ergonomie et la performance, l’interaction cognitive d’humain à ordinateur dans le sens de l’apprentissage et de l’attrait du système, et la collaboration de ceux qui déterminent les contextes et les moyens d’interaction. Ainsi, avec une population de plus en plus variée d’utilisateurs moins formés technologiquement et la complexité croissante des interfaces, la qualité d’un système est mesurée par la facilité de son usage et de son d’apprentissage, et la satisfaction de ses utilisateurs (Rosson et Carroll, 2001 ; T. Brinck et al., 2002).

Un tableau présenté en Annexe 2 illustre l’émergence du concept d’utilisabilité.