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Partie II : Cadre de référence 65

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 Recherche dans le domaine de l’interaction humain-ordinateur 65

Dans la section précédente, nous avons fait référence à Dynabook32 et à la vision d’Alan Kay qui a révolutionné l’idée qu’on avait des ordinateurs à l’époque. L’idée de design de Dynabook est née à un moment où les ordinateurs étaient aussi grands qu’une salle, nullement personnels ou à la portée de tout le monde. Le but était d’offrir aux enfants un dispositif portable avec lequel ils auraient pu lire, écrire, stocker des images et des textes, faire de la musique et jouer. Du point de vue du design, l’idée de Dynabook était intéressante : elle était fortement liée au contexte d’usage et d’apprentissage, sans se concentrer sur la technologie (Löwgren et Stolterman, 2004). Il y avait des idées de

nouvelles interactions avec ce dispositif portable qui dépassaient les possibilités technologiques de l’époque. Ceci montre la valeur du design dans la conception d’un nouveau dispositif.

L’exemple du Dynabook est aussi intéressant pour guider des questions sur les conditions nécessaires à une équipe de projet et sur les qualités et les connaissances que doit avoir un designer pour la conception d’un dispositif interactif correspondant aux souhaits de l’utilisateur. Dans le cas particulier de Dynabook, Alan Kay, le designer, était aussi le scientifique du projet. Il était également un musicien de jazz, et pour ce projet, il était accompagné d’intervenants en architecture et en anthropologie (Löwgren et Stolterman, 2004). Ce constat amène les chercheurs à se demander si ces expertises diverses ont eu des effets sur le design et le développement de ce projet. Nous n’avons pas de réponse précise à cette question, mais comme nous allons en discuter plus loin, l’intervention et la collaboration des diverses disciplines sont cruciales en design. Le design est un domaine qui a pour objectif d’améliorer les situations et qui doit se baser sur les besoins des utilisateurs, et la technologie n’est qu’un des moyens importants pour atteindre cet objectif. Dans ces conditions, l’exemple mentionné provoque plusieurs questions, par exemple : quelle devrait être la composition de l’équipe, de quelles connaissances a-t-elle besoin, et quelle dynamique rend l’équipe efficace ? Comment le designer doit-il agir dans une telle situation de design, de quelles connaissances a-t-il besoin, quand devrait-il intervenir ?

Il est clair que les progrès réalisés dans le domaine de la technologie de l’information au cours des vingt dernières années ont mené à l’émergence de produits intelligents et complexes dans lesquels le design joue un rôle prépondérant. De plus, l’intérêt porté à la question d’utilisabilité a fait qu’aujourd’hui, nous profitons de l’expertise et des recherches des associations spécialisées en interaction humain-ordinateur et nous remarquons l’apparition des principes et des processus propres à ce domaine.

Cette introduction nous amène aux aspects qui sont au cœur de notre recherche, c’est-à-dire la réflexion sur la contribution du design et particulièrement le rôle du designer dans la conception de l’interaction humain-ordinateur : d’une part pour prendre en compte une diversité d’utilisateurs, leurs besoins réels, leurs limites et leurs désirs, d’autre part pour porter un nouveau regard sur les lacunes rencontrées et trouver de nouvelles solutions. La recherche dans le domaine de l’interaction humain-ordinateur a contribué aux nouvelles méthodes d’apprentissage, de travail, de collaboration et d’échanges sociaux. En référence à Arias et al. (2000), cette contribution se trouve à trois niveaux :

– Au niveau du développement de la technologie (par ex. des composants informatiques ou des logiciels de base) ;

– Au niveau des techniques et des principes d’interaction (par ex. des interfaces graphiques et des recherches d’utilisabilité) ;

– Au niveau de nos approches du design (par ex. design centré sur l’utilisateur). Nous nous concentrons sur l’approche du design et sur la dynamique d’échange entre les experts et les non-experts participant à un projet de conception33 de dispositif interactif. En intervenant sur ces deux points, nous pensons qu’il est possible d’innover dans le domaine des interactions humain-ordinateur et d’influencer la direction des études et des développements techniques vers les besoins des utilisateurs. Le processus de conception des dispositifs interactifs est considéré, dans cette réflexion, comme une activité intensive d’équipe multidisciplinaire (Dourish, 2004 ; Löwgren et Stolterman, 2004). C’est donc dans un contexte social tel qu’expliqué par B. Gauthier que nous allons étudier cette activité : Benoît Gauthier (2000) cite J. W. Lapierre dans l’ouvrage Recherche sociale : « Les éléments d’un système social sont des personnes ou des groupes et les relations

33 Il existe une variété de processus de design quand il s’agit de considérer toutes les activités qui mènent à la réalisation d’un objet. Van Aken (2005) a exploré la littérature et a distingué deux types de processus : explicite et normatif. De plus, il donne la liste de quatorze modèles de processus de design parmi lesquels on trouve le modèle de Cross en six étapes (décomposition du problème en sous problèmes : clarifier, établir les fonctions, définir un cahier des charges, générer des idées, évaluer les idées, et raffinement des détails) et le modèle de Prasad (appelé concurrent engineering où les activités de conception et de réalisation se font simultanément). Dans notre pratique, ce sont souvent ces deux modèles de processus que nous avons utilisés et les démarches de conception que nous étudions s’inscrit dans ces modèles.

sociales sont des interactions entre ces personnes ou ces groupes ». Il ajoute : « Le social traite de l’homme dans ses relations avec les autres hommes ». Notre projet de recherche tend à approfondir l’impact de ces relations, donc la collaboration, dans la conception des dispositifs interactifs. Les données de cette recherche sont recueillies à partir d’étude de cas, suivant une approche de recherche par projet (Findeli, 2004). Ces points seront discutés dans la partie III.

10.1 Les champs d’intervention sélectionnés

Comme nous l’avons brièvement expliqué au début de ce document, pour définir le cadre théorique de cette recherche, nous nous positionnons à l’intersection de trois champs : d’abord, le champ du design qui est fondé sur la conception centrée sur l’utilisateur ; ensuite, le champ de l’IHO où l’on s’appuie sur la documentation relative à l’utilisabilité des interfaces utilisateur ; et enfin celui de la théorie de projet, puisque notre compréhension est guidée par le design et que nous reconnaissons que ce type de design appartient au champ des projets complexes, mal définis et multidisciplinaires. C’est à l’intersection de ces champs que se trouvent les enjeux de notre recherche. Nous nous positionnons donc dans cette interaction pour situer, dans chacun des champs, des concepts fondamentaux pertinents aux projets d’IHO. Cette position nous permet d’avoir un regard holistique. Le schéma de la figure 6 illustre cette intersection. Nous décrirons les champs mentionnés de façon plus détaillée dans les pages suivantes.

Le design d’interface fait traditionnellement partie des activités qui relient les designers avec les spécialistes de l’IHO. Généralement le design est pris en compte plus tard dans le processus de développement d’un projet. Il est aussi à noter que les méthodes de conception peuvent être différentes selon qu’un projet est géré par les designers ou par les spécialistes de l’IHO, mais l’étude de cette différence n’entre pas dans le cadre de ce travail.

Figure 6 : Cadre de la recherche – champ de développement du modèle

Afin de décrire le processus des actions dans chacun de champs, nous utilisons les concepts de phase et d’étape. Nous soulignons que ces concepts ne sont pas transversaux parce que chaque champ a son ou ses propres processus qui sont segmentés en phases et par la suite, en étapes. Les sous-divisions d’une étape sont des activités. Cependant, nous avons aussi utilisé le terme « activité » dans son sens général qui signifie l’ensemble d’actions et des opérations d’un processus.