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Parmi les travaux recensés et présentés plus haut, certains font état de rivalités, de luttes entre différents acteurs collectifs, porteurs d'imaginaires sociaux "intermédiaires" et/ou cherchent à comprendre le changement en étudiant la dynamique conflictuelle intra-organisationnelle ou inter-organisationnelle. Migner (1975) souligne notamment les conflits entre l'élite traditionnelle et l'État et entre celle-là et les éléments les plus "progressistes" de l'UCC. Morisset (1987) indique que la deuxième période qu'il étudie est marquée par des luttes et des conflits entre les tenants d'une agriculture traditionnelle et ceux d'une agriculture marchande. La troisième période étant jalonnée par des conflits et des luttes entre, d'un côté, les défenseurs d'une agriculture diversifiée et de l'autre, par les tenants d'une agriculture spécialisée et entre les producteurs du lait de transformation et les producteurs de lait naturel (1987, p. 156). Ledoux (1971) tient à comprendre/expliquer comment et pourquoi l’UCC a réussi à obtenir auprès du parlement une loi concernant la mise en marché collective, en l'inscrivant dans des rapports de pouvoir et/ou d'influence entre l'UCC, la Coopérative Fédérée, les industriels laitiers et l'État. Finalement, Saucier (2005) qualifie l’utopie de l’UP de "contre discours" ce qui implique une opposition, une alternative à l’idéologie de l'UPA.

Nous l'avons déjà indiqué, la particularité de la quatrième période est l'entrée en scène de l'UP sur la scène agricole québécoise. Elle conteste le monopole syndical de l'UPA et de son idéologie "agriproductiviste" sur la base d'une utopie principalement "instillée" des SIS autonomie et naturalisme-écologie. Dans les paragraphes suivants nous présentons brièvement nos deux acteurs collectifs. L'Union catholique des cultivateurs (l'UCC) créée en 1924 est devenue après sa "restructuration" et sa "déconfessionnalisation" (Morisset, 1987, p. 134, note 3) en 1972 l'Union des producteurs agricoles (UPA). Dans son mémoire intitulé Projet de plan de développement durable du Québec (mars 2005, p. 4), l'UPA indique qu'elle "regroupe 16 fédérations régionales et 25 groupes spécialisés" qui représentent les

30 43 400 producteurs et productrices agricoles des 31 000 exploitations agricoles du Québec.

Mentionnons qu'"une seule association agricole peut être accréditée" au Québec selon l'article 8 de la Loi sur les producteurs agricoles44 et que l'UPA a obtenu cette accréditation en septembre 1972 (Kesteman et al., 2004, p. 329). Une seule association peut être accréditée car il est indiqué à l'article 1.b) de la loi précitée que l'association doit représenter l'ensemble des producteurs du Québec. Pour cette raison l'UPA écrit dans son mémoire Premier jalon d'un nouveau contrat social en agriculture, présenté à la Commission sur le développement durable de la production porcine au Québec le 4 avril 2003, qu'elle "présente dans ce mémoire le point de vue, les préoccupations, les réflexions et les aspirations de la profession agricole dans son ensemble, parce que son rôle est de représenter tous les producteurs et productrices du Québec" (2003, p. 8).

L'Union paysanne (UP) est née en 2001 de la rencontre entre petits agriculteurs et néo-ruraux afin de lutter contre le monopole syndical en agriculture de l'UPA, de s'attaquer aux pouvoirs et privilèges de l’UPA et des exploitants agricoles dans les campagnes québécoises (Bouchard, 2002, p. 149) et de protéger les agriculteurs, la démocratie et la nature (ibid., p. 151) contre l'UPA et son idéologie productiviste.

Soulignons que l'UP ne se considère pas un "mouvement de contestation écologiste ou politique" et "encore moins un groupe d'activistes ou un parti politique" mais "un syndicat45 constitué comme tout autre syndicat de structures de représentation démocratiques qui forment un réseau d'équipes locales, regroupées à leur tour dans des conseils régionaux avec des responsables élus par les membres de la région ; elle a un conseil national, un congrès national annuel et un conseil de coordination élu à chaque poste […]" (Bouchard, 2002, p. 156) par les membres réunis lors de ce congrès.

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Nous utilisons la version mise à jour au 1er avril 2005.

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Rappelons toutefois que si l'UP est légalement constituée en syndicat, elle n'est toujours pas accréditée en vertu de la Loi sur les producteurs agricoles car, nous l'avons dit plus haut, un seul syndicat agricole est légalement possible au Québec.

31 Si la création de l'UP au Québec est la conséquence de facteurs particuliers bien québécois (ibid., pp. 149-166), il faut toutefois reconnaître que l'utopie de UP comme "minorité active"46 s'inscrit dans une tendance mondiale. Le mouvement social international Via Campesina, créé en avril 1992 pour la défense et la promotion d'une agriculture, représente cette tendance. Via Campesina est "composé d'organisations paysannes de petits et de moyens agriculteurs, de travailleurs agricoles, de femmes ainsi que par des communautés indigènes d'Asie, d'Afrique, d'Amérique et d'Europe" (Via Campesina). Son but principal est de défendre les paysans contre les effets du néo-libéralisme. Pour y arriver, Via Campesina s'est donné les priorités suivantes : "Articuler et renforcer les organisations membres. Influencer les centres de pouvoir et de décision des gouvernements et des organisations multilatérales pour réorienter les politiques économiques et agricoles qui affectent les petits et moyens producteurs. Renforcer la participation des femmes dans les sphères sociales, économiques, politiques, culturelles. Formuler des propositions relatives aux thèmes importants tels que la réforme agraire, la souveraineté alimentaire, la production, la commercialisation, la recherche, les ressources génétiques, la biodiversité, l'environnement et le genre" (Via Campesina).

Les structures de Via Campesina sont d'abord la Conférence qui est "l'instance suprême de décision". Il y a ensuite les structures régionales, car le mouvement est organisé en sept régions47 : Europe, Asie du Nord-Est et du Sud-Est, Asie du Sud, Amérique du Nord, Caraïbes, Amérique centrale et Amérique du Sud. (idem). Ces structures régionales sont les "instances de coordination et d'articulation au sein de chacune des régions" (idem). Finalement, il y a la Commission de coordination internationale qui, comme son nom l'indique, est responsable de la coordination

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Voir aussi l'interview de Serge Moscovici intitulée "Le mouvement écologiste devrait se

considérer comme une minorité" à l’adresse suivante :

(http://ecorev.free.fr/rev01/moscovic.htm)

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Ailleurs on parle de huit régions car on distingue l'Europe de l'Est de l'Europe de l'Ouest (http://www.astm.lu/imprimer.php3?id_article=457).

32 entre ces régions. L'UP48 est l'une des 97 organisations membres de Via Campasina réparties dans 43 pays (Navarro, 2004).

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En 2002 l'UP était membre participant de Via Campasina (Bouchard, 2002, p. 163). Elle a reçu son affiliation en 2004.