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Chapitre V. Rapport à l'autre

5.1. Le modèle agricole productiviste et l'inégalité des chances

5.1.3. Inégalité des chances entre les praticiens d'une

L'objectif de cette section est de montrer que pour l'UP, le modèle d'agriculture privilégié par l'UPA se traduit par des mesures et des programmes d'aides privilégiant l'"agriculture intensive à haute productivité" au détriment d'une agriculture biologique paysanne (à distinguer de l'agriculture-élevage biologique industrielle).

Qu'en est-il de l'agriculture biologique258 dans l'imaginaire social de l'agriculture de l'UP? Dans les "Orientations pour l'interprétation de la déclaration de principe", l'UP écrit : "La production biologique constitue la référence pour une production respectueuse des processus naturels mais le modèle de production paysanne englobe toute production qui s'inscrit, de façon dynamique et durable, dans les caractéristiques énumérées au point 2". Il est formulé au point deux, entre autres,

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Ailleurs, l'UP parle d'une norme autour de 30 hectares (2004, (6). p. 8)

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L'UP distingue l'agriculture biologique de l'agriculture biologique industrielle. Voir page …. Dans un article intitulé "Le bio à l'heure des choix …", Benoît Girouard, président de l'Union biologique paysanne présente clairement ce qui est entendu par agriculture biologique industrielle. "Ce n'est pas vrai qu'une ferme spécialisée dans la production d'un ou deux légumes sur de grandes superficies respecte les notions de diversité et d'écosystème avancées par le bio, et pas davantage la notion de multifonctionnalité de l'agriculture qui se réfère à ses fonctions environnementales et socio-territoriales" (UP, 2004, (5), p. 8).

134 que l'approche biologique est "privilégiée" afin d'obtenir une "production, transformation, distribution diversifiées, de qualité, respectueuse de la nature et de la santé". Ailleurs l'UP ajoute aux fonctions de santé alimentaire et agro- environnementale (protection de l'environnement bio-physique) de l'agriculture, la fonction socio-territoriale (2004, (5), p. 8).

À propos de la position sur l’agriculture biologique de l'UPA et de la Fédération d'agriculture biologique du Québec (FABQ), "affiliée à l'UPA", Benoît Girouard, président de l'union biologique paysanne écrit : "Aucun des systèmes de quota de l'UPA ne fait de place particulière à l'agriculture biologique et à la mise en marché locale. Au contraire, on souhaite qu'elles s'adaptent à la démesure industrielle" (2004, (5), p. 8). L'UP est donc concernée par l'avenir de l'agriculture biologique non industrielle. Elle souligne le phénomène d'intégration observé dans le secteur agricole biologique aux États-Unis (2004, (5), p. 9)259. "Le danger qui nous guette, écrit Benoît Girouard, est celui de simplement adapter le biologique pour qu'il réponde à la demande industrielle […]" (ibid., p. 8). Outre l'idée de plans conjoints de mise en marché adaptés au biologique et pour le biologique, l'UP recommande la certification par ferme et non pas par produit260 pour éviter que l'agriculture biologique industrielle se substitue à l'agriculture biologique écologique (idem). Avec la certification par ferme au lieu de par produit, on évite de tomber dans le piège de la monoculture qui n'a rien à voir avec une agriculture biologique écologique.

Bouchard (2002, p. 150), membre fondateur et ex-président de l'UP et également fondateur du syndicat bio affilié à l'UPA écrit que "le bio a été emprisonné dans la marginalité et n'a jamais gagné un centimètre, ni à l'UPA, ni au gouvernement, sauf occasionnellement, pour la forme. Le bio s'est résigné à fonctionner en vase clos, pauvrement, comme une secte, pendant que les milliards pleuvaient sur la «vraie» agriculture, l'agriculture moderne" (idem). De son côté, Benoît Girouard déplore que le plan stratégique d'intervention de la "Table filière biologique", Table créée en 1994

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Voir l'encadré intitulé : "Les nouveaux maître du bio".

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"Ce n'est pas vrai qu'une ferme spécialisée dans la production d'un ou deux légumes sur de grandes superficies respecte les notions de diversité et d'écosystème avancées par le bio, et pas davantage la notion de multifonctionnalité de l'agriculture qui se réfère à ses fonctions environnementales et socio-territoriales" (UP, 2004, (5), p. 8).

135 par le gouvernement provincial pour le secteur biologique, ne prévoit pas "des programmes d'aide directe aux producteurs et à la conversion261 […]" (UP, 2004, (5), p. 10). La raison, dit-il, est "sans doute parce que les montants262 alloués [à l'agriculture biologique) présentement par le gouvernement ne le permettent pas" (idem). En outre, il ajoute "que le concept d'agriculture biologique […] n'apparaît pas"263 dans le Plan stratégique264 2005-2008 du MAPAQ.

Finalement, pour l'UP, les programmes de soutien aux agriculteurs ne favorisent pas l'agriculture biologique et nous ajoutons encore moins l'agriculture biologique paysanne ou écologique (c'est-à-dire une certification par ferme et non pas par produit) (UP, 2004, (5). p. 10). Ces propos vont dans le sens des conclusions de Boutin (2004, p. 19), à l’effet que "les programmes d'assurance-stabilisation du revenu agricole (ASRA) […] entraînent des effets jugés dommageables pour l'environnement, notamment parce qu'ils encouragent la surproduction puisque les aides versées sont fonctions des niveaux de production et parce qu'ils comportent des effets de verrouillage favorisant la spécialisation et/ou des assolements inadéquats. Quant aux programmes d'assurance-récolte […] ils peuvent, dans quelque cas, engendrer également un effet de verrouillage quant à l'usage d'intrants particuliers ou encore être inadaptés pour certains modes de production plus bénéfiques pour l'environnement (ex. : agriculture biologique)".

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L'UP écrivait ailleurs que les producteurs biologiques d'ici contrairement à ceux des États- Unis, de la Communauté européenne et d'ailleurs ne reçoivent pas de subventions pour la production et la transition biologique. Par ailleurs, on déplore qu’au Québec, contrairement à 15 états américains et à la communauté européenne, on ne défraie pas en partie ou en totalité les frais de certification biologique (2004, (4), p. 3 ; 2004, (5), p. 10).

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L'UP souligne qu'il y avait seulement un million de dollars d'alloué au secteur biologique en février 2004.

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Citation de Girourad tirée de l'article de Fabien Deglise, "Le MAPAQ rend public son plan triennal stratégique", Le Devoir, 14 et 15 mai 2005, p. A-7.

264 N

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5.1.4. Résumé

La concentration des fermes et les permis de production comme mécanisme de contingentement de l'offre sont deux facteurs contribuant à l'inégalité des chances entre les producteurs déjà en place et la relève. Nous avons vu que l'UP privilégie la ferme paysanne comme étant le principal moyen de freiner la concentration des fermes et conséquemment l'augmentation du prix des fermes. Par ailleurs, si elle n'est pas contre la gestion de l'offre, elle s'objecte à ce qui se fait actuellement et demande des changements en profondeur. Sans l'abolition des quotas monnayables, par exemple, la relève est exclue. L'UPA reconnaît également qu'il y a inégalité des chances entre les agriculteur-éleveurs et la relève (en place ou potentielle); la conséquence étant qu'il y a de moins en moins de jeunes qui peuvent devenir agriculteur-éleveurs, plus particulièrement dans les productions contingentées avec permis de production monnayable. Par rapport aux changements proposés par l'UP, ceux de l'UPA demeurent néanmoins timides.

Nous avons également compris que tant l’UP que l’UPA considèrent que les programmes d’aides à l’agriculture favorisent les gros exploitants agricoles. L'UP tout comme l'UPA ne souhaitent surtout pas l'abolition du financement de l'agriculture mais, à la différence de l’UPA, l’UP propose que les conditions de financement puissent favoriser les "petites" fermes avec des pratiques agricoles concordant avec le principe de la multifonctionnalité de l'agriculture. L'UPA ne semble pas partager cette position. À aucun endroit, nous n'avons lu dans les documents consultés, que l'UPA souhaiterait voir des modifications visant à favoriser les petites fermes. Qui plus est, nous avons vu dans les thèmes discutés, qu'il y a de bonnes raisons de croire que l'UPA ne souhaite pas une réduction de la taille des fermes. D’un autre côté, comme l'indique Kesteman et al. (2004, p. 19), dès sa fondation en 1924, "les caractéristiques socioéconomiques des agriculteurs dirigeants de l'UCC [Union des cultivateurs catholiques] de cette époque révèlent plutôt l'existence d'un groupe d'élite qui a résolument maintenu son engagement dans le processus d'adaptation au marché". Pour demeurer cohérent on ne peut pas à la fois s'engager "dans le processus d'adaptation au marché" (c’est-à-dire plus exactement le capitalisme privé) et être contre l'augmentation de la taille des fermes

137 et contre un mode d'aide à l'agriculture qui favorise les grosses exploitations agricoles.

Dans la dernière sous-section, nous avons pris connaissance du fait que l'UP favorise le développement de l'agriculture-élevage biologique paysanne; soulignant toutefois que malheureusement les programmes d'aide à l'agriculture défavorisent ceux et celles qui pratiquent ce genre d'agriculture-élevage. Pour l'UP, des changements significatifs aux conditions des programmes d'aide à l'agriculture sont nécessaires pour que l'on puisse corriger l'inégalité des chances entre les agriculteurs-éleveurs pratiquant ou voulant pratiquer une véritable agriculture biologique, et les exploitants agricoles, ceux dont les pratiques sont conformes à une agriculture intensive à haute productivité.

Enfin, l'UP considère qu’un autre moyen de favoriser l'égalité des chances et de démocratiser l'agriculture est d'apporter des modifications à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA) afin de favoriser l'implantation de petites fermes et même de fermes exploitées à temps partiel.

5.2. La démocratie dans les municipalités rurales agricoles