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Chapitre 2 : résultats de l’analyse de la production

1. Publicités transnationales

1.1. Universalisme du discours publicitaire transnational

transnational

Sur les 46 publicités transnationales de notre corpus, 24 sont identiques. Autrement dit, une bonne partie de la communication publicitaire des marques automobiles allemandes et

130 françaises est basée sur une stratégie de standardisation. La standardisation d’un produit tel que la voiture n’a pas toujours fait l’unanimité auprès des chercheurs et des professionnels. Selon Miracle (1968) repris par Kirpilani et al., (1992), « les produits qui ont des points de vente

partout dans le monde sont avant tout vendus sur une base objective (c’est-à-dire sur les caractéristiques physiques) ; pour ces produits, une publicité standardisée peut être efficace »131. En d’autres termes le fait que les mêmes produits soient vendus à travers le globe met en relief une certaine homogénéité des consommateurs de ces produits. Ainsi, on suppose que les consommateurs de ces produits se sont habitués au mode de communication de la marque. Ryans 1969) et Watson Dunn (1964) sont plus précis sur la nature des produits dont la publicité peut être standardisée. De manière générale, ces auteurs recommandent la standardisation pour des « produits non durables, peu chers, avec une faible connotation

nationale, visant à satisfaire des besoins élémentaires, distribués et positionnés de la même façon dans plusieurs pays, vendus avec le même emballage et sous le même nom »132. De même pour Usunier dont la thèse converge dans le même sens « la nature du produit a aussi une

influence sur le degré d’universalité des besoins. Les produits non durables font plus appel aux gouts, aux habitudes et aux coutumes nationales dans leur variété, et de ce fait sont plus dépendantes de la culture »133. Usunier (1992, 166). Wind et Susan Douglas quant à eux estiment qu’il y a des secteurs d’activité tels que l’automobile, la technologie, l’agricole pour lesquels la standardisation est la stratégie adéquate et naturelle. Cependant, l’automobile constitue un secteur d’activité culturellement impliquant, c’est-à-dire avec une forte connotation nationale pour la France et l’Allemagne. L’automobile n’a pas la même histoire, portée culturelle en Allemagne et en France. Pourtant, les marques allemandes et françaises ont opté pour la standardisation comme première stratégie publicitaire pour leurs publicités trans- ou internationales sachant que contrairement à ce que pense Miracle (1968), la voiture n’est pas uniquement vendue sur ses seules caractéristiques intrinsèques, mais aussi extrinsèques. Ce choix recèle deux informations importantes. La première témoigne de la capacité du siège social à contrôler sa communication publicitaire à l’international en imposant une seule stratégie, en l’occurrence la standardisation. Selon de Iulio (2002), « l'organisation des activités de

production et de distribution des entreprises multinationales semblait à juste titre influencer

131 De Iulio, S., (2002), « La publicité transnationale entre universalisme marchand et ancrage territorial », Les

Enjeux de l’information et de la communication, p. 7. Ibid.

132 Ibid.

131

sensiblement les stratégies de communication publicitaire »134. Autrement dit, le degré de contrôle de la publicité internationale dépend de l'organisation de la maison mère. Selon les résultats d'une étude menée par Kirpilani et al., (1992), environ 24% des firmes confient la partie production de leur publicité à des agences de publicité multinationales, 25% produisent au siège social, 15% partagent la production de la publicité entre siège social et une agence multinationale, et 35% utilisent une agence locale. Ces résultats comparés par pays révèlent que les entreprises américaines utilisent les agences multinationales ; les allemandes la combinaison siège social et agences multinationales, les françaises et canadiennes produisent au siège social, tandis que les japonaises et britanniques utilisent des agences locales. Par ailleurs ; Kirpilani et al., (1992) ont mis en évidence deux facteurs sur les quatre connus, qui attribuent la gestion d’une stratégie publicitaire par la standardisation au siège social de la marque :

- Plus les situations concurrentielles dans le pays d’origine et le pays d’exportation sont comparables, plus le degré de contrôle sur la publicité est grand.

- Plus l’entreprise s’implique dans les marchés internationaux, plus son contrôle sur la publicité augmente.

Etant donné que les marques des publicités analysées sont mondialement connues et que certaines des publicités n’étaient pas uniquement destinées à la France et à l’Allemagne. Autrement dit, pour des besoins de cohérence de son image dans les pays où elles sont implantées et bien entendu où le recours à la standardisation est possible, les marques automobiles allemandes et françaises choisissent cette stratégie.

Le choix de la standardisation indique aussi que les marques françaises et allemandes estiment que les besoins de leurs consommateurs se sont homogénéisés ou alors ces dernières se sont appuyées sur des besoins et ou désirs universels des consommateurs français et allemands. Nous constatons donc que pour bâtir cette image cohérente et homogène d’elles, les publicités des marques automobiles allemandes et françaises sont standardisées lorsqu’il s’agit de grande campagne sur la nouveauté d’un modèle de voiture, des équipements à la pointe de la technologie. Les marques se servent ainsi de points communs entre les consommateurs et potentiels acheteurs de voitures tels que le plaisir de conduire, la réussite sociale à laquelle les marques allemandes par exemple renvoient automatiquement. Parmi les publicités

132 transnationales complètement standardisées on compte celles des marques Opel avec ses modèles Corsa, Insignia et Astra ; Volkswagen et son modèle Tiguan, Mercedes-Benz et son modèle Classe C et enfin Citroën et ses modèles C4 et C3.

L’articulation des messages publicitaires sur deux des quatre valorisations du carré sémiotique de Floch (1990) constitue l’un des éléments communs à ces publicités. En effet, d’après ce dernier, chaque produit peut avoir une valorisation utopique, pratique, ludique et/ou critique. Dans le cadre de la présente étude, nous retrouvons essentiellement les valorisations utopique et/ou ludique et pratique. On englobe dans la valorisation utopique, les messages publicitaires mettant en évidence des valeurs symboliques telles que l’ascension sociale, la richesse à travers l’objet qu’est la voiture.

D’après Esquenazi, « la globalisation des campagnes ne peut évidemment s’envisager

qu’avec la globalisation des entreprises, qui ont par ailleurs abandonné la communication produit pour se lancer dans une stratégie de communication marque et dont la pérennité relative ou les circonstances heureuses leur ont conféré un rôle symbolique significatif »135.

Autrement dit, dans une perspective d’internationalisation de la publicité, les marques privilégient une communication axée sur les valeurs symboliques et extrinsèques des produits, donnant ainsi l’impression aux consommateurs que les produits ou services proposés sont fait à l’image de leur personnalité, désirs et attentes. Ces publicités s’articulent donc autour du champ lexico-visuel de la richesse en ce sens que le texte et les mises en scène donnent à voir la voiture comme un objet qui permet d’accéder ou qui témoigne de la réussite sociale de l’individu qui la possède. Ainsi, on retrouve des personnages qui renvoient à une certaine élite de par leur style vestimentaire, leurs lieux de résidence, de vacances et leur voiture. C’est d’ailleurs ce qu’illustrent les différents carrés sémiotiques de quelques-unes de ces publicités.

133

On peut donc en conclure qu’il existe au sein des sociétés allemande et française une sorte « d’universalisation » des besoins et des attentes des consommateurs en matière d’automobile. Autrement dit, ce secteur a su injecter et imposer des valeurs dans son produit qui transcendent chaque consommateur dans son individualité indépendamment de sa culture. De ce fait, « les professionnels qui ont pris le parti pour l’approche de la

standardisation ont donc fondé leurs hypothèses sur les avantages économiques et organisationnels que la démarche uniforme impliquait, sur une surestimation du pouvoir d’homogénéisation des forces économiques et sur une sous-estimation des facteurs de diversité. Mais ils ont aussi appuyé leurs opinions sur une représentation simplifiée des motivations des consommateurs ainsi que sur une vision déterministe du phénomène du rapprochement culture, considéré comme une conséquence nécessaire du développement technologique et de l’universalité marchande »136.

En d’autres termes la standardisation traduit une marginalisation de la culture dans la mesure où les marques ne tiennent pas compte de la composition du « marché global » en plusieurs nations ayant chacune ses us et coutumes, son économie et ses habitudes de consommation. Cette stratégie est basée sur une simplification du consommateur et une méconnaissance des marchés internationaux. Le consommateur est traité comme une simple cible marchande, un atome libre ne dépendant d’aucune culture. La société des individus a

136 De Iulio, S., (2002), « La publicité transnationale entre universalisme marchand et ancrage territorial », Les

Enjeux de l’information et de la communication, p. 4.

Valorisation pratique - Caméra de recul Valorisation utopique - Luxe Valorisation critique - X Valorisation ludique - X Valorisation pratique - Onstar/Wifi Valorisation utopique - Luxe Valorisation critique - X Valorisation ludique - X

Figure 21 : Publicité Volkswagen Tiguan Figure 20 : Publicité Opel Onstar

134 disparu au détriment d’une société de consommation pure dans laquelle les hommes sont régis par leurs besoins.

En optant pour la standardisation, les marques automobiles françaises et allemandes adhèrent aux arguments étayés par les défenseurs de cette stratégie et donc à l’effondrement de la barrière culturelle entre leurs deux pays étant donné la proximité géographique de ces derniers et des nombreux accords d’échanges de biens et de personnes qui les lient.

Les défenseurs de la standardisation ont donc minimisé le poids des facteurs culturels mis en évidence par les études culturelles développées par Hofstede et Edward T. Hall.