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Chapitre 4 : La culture au croisement des stratégies publicitaires par la standardisation et

1. La marginalisation de la culture par la standardisation

standardisation

Le débat sur le choix d’une stratégie publicitaire internationale dure depuis des décennies et opposent d’une part les défenseurs de la standardisation et d’autre part les partisans de l’adaptation. La mise en œuvre d’une stratégie de standardisation repose sur trois principaux arguments. L’un des tous premiers arguments et sans nul doute le plus célèbre préconisant la standardisation au détriment des facteurs culturels, a été énoncé aux Etats-Unis par l’américain David. L. Brown. Dans l’un de ses ouvrages paru en 1923 aux Etats-Unis, ce dernier affirme que « les gens sont partout les mêmes dans les tous les pays civilisés. Ils parlent, ils lisent des

journaux et des magasins, ils ont les yeux pour regarder les affiches, ils ont besoin de toute sorte de produits et ils répondent aux mêmes sollicitations, par exemple, pourquoi ils doivent acheter ce produit et pas un autre »100. (Brown, 1923). Brown part donc du postulat selon lequel la faisabilité d’une stratégie publicitaire standardisée reposerait sur la conception d’un « consommateur-monde ». Autrement dit, il existerait une certaine uniformisation des goûts des consommateurs. Brown préconisait qu’une annonce publicitaire internationale devrait s’appuyer sur les similitudes et non pas sur les différences entre les consommateurs d’un pays

100 De Iulo, S., (2008), « La publicité transnationale entre universalisme marchand et ancrage territorial », Les

83 à l’autre. Cette assertion soutient l’idée d’un monde homogène, en pleine reconfiguration dont les barrières se sont effondrées du fait des échanges de biens, de la circulation des personnes et la démocratisation des moyens de communication. L’intelligence de la standardisation réside donc dans sa capacité à se servir des similitudes entre nations civilisées pour asseoir le discours publicitaire d’une marque à l’international. Bien que Brown soit favorable à une stratégie par la standardisation pour une campagne publicitaire internationale, ce dernier recommande tout de même certains ajustements de la publicité dans le pays d’accueil, notamment la modification du texte. Etant donné que les langues ne sont pas les mêmes d’un pays à un autre et que la compréhension du message publicitaire est tributaire de la langue. Il estime donc que la langue du texte devrait être adaptée à celle du pays d’accueil de la publicité. En revanche, il n’en est aucunement pour les images que Brown considère universellement compréhensibles par tous. Le publicitaire suédois Erik Elinder, dont la thèse converge avec celle de Brown préconisait cependant une standardisation complète des annonces publicitaires. Thèse qui a d’ailleurs été très controversée, car elle réfute l’impact de la culture sur le traitement des messages publicitaires et réduit l’individu à un simple consommateur dénué de tout bagage culturel qui pourrait altérer sa compréhension et perception des choses. D’après celui-ci, les annonceurs devraient prendre comme atout l’implantation des mêmes entreprises à travers le monde pour mener une action publicitaire identique dans tous les pays. Comme les deux précédents auteurs, Fatt lui aussi s’inscrit dans une logique de standardisation. Selon ce dernier, le mot d’ordre est « universel », car la seule façon de dépasser les différences socioculturelles c’est de proposer des campagnes publicitaires dont les messages s’articulent autour d’arguments mettant en évidence les besoins et désirs « primaires » communs à toute l’humanité. Il entend par arguments universels « une vie meilleure pour chaque individu et sa famille », être beau », « les

liens affectifs entre la mère et l’enfant »101. Selon lui, ce type d’arguments dépasserait les frontières et rendrait toute campagne publicitaire efficace dans n’importe quel marché.

Ce premier argument en faveur de la standardisation stipule que les hommes partout dans le monde, du moins dans les pays civilisés ont les mêmes goûts, les mêmes aspirations et mêmes désirs. Par conséquent, si ce sont les mêmes produits qui sont désirés et utilisés par les consommateurs de ces pays, il va de soi selon Brown, Elinder et Fatt que les campagnes publicitaires elles aussi soient identiques. Virgil Reed quant à lui affirme « [qu’] il est vrai que

tout le monde est motivé par les mêmes instincts, par les mêmes sensations, par les mêmes

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passions et les mêmes aspirations, mais les différentes façons d’exprimer ces motivations et ces aspirations peuvent faire échouer les plans marketing et les campagnes publicitaires »

102(Reed, 1967, p. 587). Autrement dit, le message publicitaire à diffuser dans le pays d’accueil de la marque se doit de fournir des arguments n’ont pas uniquement en rapport avec le produit, mais aussi et surtout en rapport avec la façon dont les consommateurs des pays concernés expriment leurs désirs, sachant que celle-ci est fortement corrélée par l’environnement socioculturel des consommateurs.

Le second argument plaidant en faveur de la standardisation concerne les économies d’échelle. En effet, le recours à la standardisation permet une réduction des coûts de production, notamment pour la publicité télévisée, dont le budget contraint les annonceurs à ne modifier que la langue dans certains cas.

Le dernier argument quant à lui fait référence à l’image de la marque. La standardisation représente ainsi un réel avantage en termes d’image pour la marque dans le pays d’accueil, en ce sens qu’elle garantit une image cohérente, homogène et efficace de la marque qui fait la publicité à travers le monde. L’uniformisation de l’image de la marque permet aussi, si l’on suit la logique des défenseurs de la standardisation, au consommateur de retrouver plus facilement un produit ou un service avec lequel il s’est familiarisé dans son propre pays lors de ses déplacements à l’étranger. Comme le montre partiellement le tableau ci-dessous, la mise en œuvre d’une stratégie de standardisation est soumise à plusieurs autres facteurs (organisationnels) sur lesquels nous reviendrons dans la partie sur les facteurs d’influence.

Figure 7 : avantages et inconvénients des trois approches du marketing international à la communication

critères de

différenciation Adaptation Publicité à positionnement standardisé

Standardisation

Economies d’échelle Aucune Faible Excellente

Souplesse

d’exécution Excellente Bonne Aucune

Rapidité d’exécution Bonne Aucune Bonne

85

Contrôle de la

communication Difficile Facile Très facile

Motivation des

équipes locales Excellente Bonne Aucune

Image mondiale

uniforme Non Oui Oui

Synergie entre

marchés Aucune Bonne Excellente

Force de l’image

locale Excellente Excellente Acceptable

Adaptation au

marché local Excellente Excellente Acceptable Exploitation des

médias et supports Excellente Excellente Acceptable

Source : Décaudin (1991, p. 84)

Nous verrons dans la partie qui suit que la mise en œuvre de la standardisation comporte de nombreuses limitations qui peuvent se résumer en un seul mot : « la culture, [car celle-ci] et

les valeurs locales constituent l’obstacle le plus sévère à la standardisation »103.