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Chapitre 3 : Les stratégies de création publicitaire dans la publicité télévisée locale en France

1. Dimension informative et émotionnelle des publicités locales des marques allemandes

1.5. Aperçu général

1.5.1. Comparaison entre la dimension informative et

émotionnelle

De manière générale, nous constatons pour les publicités locales des marques allemandes en France que le style de communication du pays d’accueil a une influence sur la création publicitaire des marques allemandes. De ce fait, la publicité de ces marques est majoritairement émotionnelle (figure 44).

Figure 53 : caractère informatif et émotionnel des publicités des marques allemandes en France

LES MARQUES BMW VOLKSWAGEN

MERCEDES-BENZ Opel Publicité informative vs. Publicité émotionnelle 25/75% Emo (32%) 25/75% Emo (60%) 100% Emo (62%) 25/75% Emo (53%)

De plus, nous remarquons également que les informations transmises par les marques allemandes en France se concentrent prioritairement sur trois éléments : le prix, les

composantes et les offres spéciales. Autrement dit, la communication publicitaire des marques

allemandes s’adapte aux préoccupations de la cible française sur le prix des biens à acquérir, aux composantes qui les démarquent de la concurrence en plus du nom de marque. Par conséquent, nous pouvons affirmer que le message publicitaire des marques allemandes est centré sur les offres promotionnelles au niveau local qui partent des réductions de prix sur un modèle en passant par les remises à l’achat jusqu’à l’entretien des voitures. Ce qui explique d’ailleurs que les publicitaires exploitent « des situations quotidiennes propres à un pays,

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permet l’utilisation régulière de l’humour, le jeu sur des périodes ou dates particulières du calendrier, la présentation de nos coutumes »160.

Le caractère émotionnel des publicités automobiles se manifeste aussi à travers le nombre d’informations contenues dans ces dernières. En effet, nous remarquons que les marques allemandes privilégient pour Opel notamment, une seule information importante, tandis que BMW et Mercedes-Benz favorisent des publicités n’ayant aucune information au sens de la classification faite par Weinberger et Spotts (1998) et Volkswagen jongle entre une seule information (29%), aucune (28%) et deux (22%). Au départ de notre analyse, nous pensions que cette particularité n’était imputable qu’à une ou deux marques, mais nous avons observé au fur et à mesure de celle-ci qu’il s’agit d’une forme de généralisation au sein de la publicité automobile.

Figure 54 : Le nombre d’information dans les publicités allemandes en France

LES MARQUES BMW VOLKSWAGEN MERCEDES-BENZ OPEL Le nombre d’informations 0 informatio : 37% 1 information : 29% 0 information : 69% 1 information : 38%

En résumé sur la dimension informative et émotionnelle des publicités des marques allemandes en France, au niveau local, nos résultats s’accordent avec ceux de Toporkoff et al., (2006), Schroeder (1991) et Walliser et Moreau (2000) dans la mesure où nous constatons que les publicités des marques allemandes s’approprient le style de communication de la France. Par conséquent leurs publicités sont plus émotionnelles. Contrairement à la publicité transnationale qui opte pour une stratégie mixte, la publicité locale est contrainte de se caler à l’environnement culturel du pays dans lequel elle est diffusée. Cependant, il existe des exceptions telles que la publicité d’Opel retranscrite ci-dessous qui a été complètement faite en allemand et dans le respect du style de communication allemand comme en témoigne la description des propriétés techniques du modèle de voiture. Notons toutefois que si cette

160 Coutant, A., (2014), « Sémiotique des publicités internationales », Sémio 2004 : 8ème Congrès de l’Association internationale de sémiotique, Lyon, p. 5.

184 publicité a eu du succès en France, c’est parce que celle-ci s’est appuyée sur les stéréotypes allemands connus du public français, tels que la qualité, la fiabilité et la rigueur dans le travail. L’effet de surprise lui aussi a contribué à l’efficacité de cette publicité en ce sens qu’il a été démontré que l’utilisation d’une langue étrangère dans une publicité attire l’attention.

Ce qu’il faut retenir dans cette section c’est que la publicité locale est totalement adaptée et que la culture du pays de diffusion a plus d’impact sur la création publicitaire que le pays d’origine de la marque.

1.6. Le degré d’individualisme et de collectivisme

En ce qui concerne le degré de collectivisme et d’individualisme dont nous nous sommes servis du nombre de personnages pour le mesurer, nous constatons que le contexte culturel de la France classée dans les pays ayant un fort degré de collectivisme a également influencé les marques allemandes dans le choix du nombre de personnages. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, ces publicités comportent majoritairement trois personnages et plus. Figure 55 : comparaison du nombre de personnages dans les publicités des marques allemandes

Le nombre de personnages 1 2 3 Aucun BMW 9% 38% 48% 5% Volkswagen 6% 22% 65% 7% Mercedes-Benz 8% 15% 62% 15% Opel 19% 15% 59% 7%

Cependant, le nombre de personnages est aussi influencé par d’autres paramètres tels que le modèle de voiture, le positionnement de la marque et le message à transmettre. En effet, on compte beaucoup plus de personnages dans les publicités pour des modèles familiaux dans la mesure où il s’agit très souvent d’une famille classique composée d’un couple et de ses enfants ou alors d’un parent avec ses enfants.

Puis, le positionnement de la marque lui aussi joue un rôle important dans le nombre de personnages. Pour une marque comme Mercedes-Benz par exemple qui se veut élitiste, les publicités contenant aucun personnage (15%) ou un seul personnage (8%) permettent de mettre

185 en avant l’image de marque. Celles contenant deux ou trois personnages en revanche ont pour but de présenter les différents packagings d’un même ou divers modèles aux consommateurs. En effet dans le type d’informations délivrées par la marque, le packaging occupe la troisième place après le prix et les composantes. Les différents personnages servent donc à valoriser chacun des packagings de la marque. Ainsi dans sa publicité intitulée « investigation », la marque démontre à travers la mise en scène d’une enquête policière les éléments qui diffèrent d’un modèle à l’autre dans une seule publicité.

Compter le nombre de personnages dans chaque publicité visionnée, nous a conduit à nous questionner sur l’utilisation des stéréotypes et la représentation du genre à laquelle on ne peut malheureusement pas échapper dans la publicité, tous les secteurs confondus et plus particulièrement dans le secteur automobile

1.7. Stéréotypes et représentation du genre

L’analyse de notre corpus publicitaire nous a permis de mettre en exergue trois types de stéréotypes auxquels les marques automobiles allemandes ont recours : d’abord les stéréotypes de genre, les hétéro-stéréotypes et enfin les auto-stéréotypes. Nous avons classé les deux derniers dans la catégorie des stéréotypes culturels. Cette section sera donc divisée en deux parties dont la première s’occupera des stéréotypes de genre et la seconde des stéréotypes culturels.

1.7.1. Les stéréotypes de genre

De manière générale, les hommes sont surreprésentés dans la publicité automobile, ce qui en soi ne constitue pas une découverte étant donné que c’est un secteur reconnu pour sa masculinité aussi bien dans la dimension fonctionnelle et symbolique dont se compose l’objet qu’est la voiture. La mécanique, l’aventure, le plaisir, le pouvoir et la réussite sociale sont les maitres mots de la publicité automobile et balisent ce secteur comme étant purement et strictement masculin. De ce fait, les personnages masculins sont représentés accomplissant des exploits au volant de leurs voitures, se démarquant de la multitude ou courtisant les femmes.

Les femmes en revanche sont très souvent du côté passager ou simplement admiratrices des aptitudes des hommes au volant. Les femmes tiennent le volant lorsqu’il s’agit soit de publicités pour des voitures familiales ; dans ce cas elles restent cantonnées dans leurs rôles de

186 mères avec les enfants à l’arrière de la voiture, soit lorsque les voitures au volant desquelles elles apparaissent leur sont destinées. Ainsi, si durant l’âge d’or de la publicité télévisée des années 70 les femmes prennent déjà le volant des voitures, leur usage est totalement restreint à des besoins domestiques d’une part et d’autre part au modèle de voiture. C’est-à-dire que les femmes utilisaient principalement leur voiture pour aller faire leurs courses et avoir l’illusion de liberté dans des petites voitures, facilement maniables et spécialement conçues pour elles.

On peut tout de même dire qu’il y a une certaine évolution de la représentation de la femme dans la publicité automobile due à l’émancipation de cette dernière et à la place qu’elle occupe désormais dans la société, mais l’automobile reste un secteur assez conservateur.

D’autant plus que comme le souligne Perret (2003), « La prédominance statistique des

rôles de genre traditionnels traduit la prégnance de rôles sociaux de genre qui sont encore relativement différenciés dans certains domaines de la réalité sociale. Elle exprime aussi la logique de communication de la plupart des annonceurs qui, souhaitant une réception favorable de leurs messages de la part de la plus large audience possible, sont naturellement portés à privilégier les messages présentant une image lisse et conventionnelle des rapports sociaux »161.

Par conséquent, lorsque les marques essayent de valoriser des femmes d’une quelconque manière ou à travers leur réussite professionnelle par exemple, cela se fait soit par un effet de cristallisation et de défigement des stéréotypes, soit au détriment des hommes, qui se voient alors ridiculiser. Selon Perret (2003), compte tenu des débats dans la société française sur la question de l’égalité entre hommes et femmes « il est beaucoup moins coûteux de moquer

l’homme, personnage qui passe facilement pour neutre, que la femme, qui quant à elle est perçue comme “ femme“ avant de l’être comme “ personnage“. Si bien que tout ce qui peut ressembler à un manque de respect vis-à-vis de celle-ci risque d’être interprété comme trace de sexisme, et violence à l’égard de la catégorie “femme“ en général »162.

De plus, la différence de représentation des hommes et des femmes dans la publicité automobile n’est pas uniquement perceptible au niveau des personnages, du message et du design et modèle de voiture, mais aussi à travers les lieux d’actions des personnages masculins et féminins. Nous observons que les femmes conduisent généralement en ville tandis que les

161Perret, J.-B., (2003), « L’approche française du genre en publicité », Réseaux, n° 120, p. 164.

187 hommes conduisent à la fois en ville (agglomération) et dans la nature (hors agglomération et nature). En somme, les stéréotypes de genre meublent et meubleront toujours la publicité automobile pour des raisons liées soit à la segmentation du marché, aux objets sexués que sont les voitures, soit pour attirer l’attention et favoriser la compréhension des messages publicitaires par les consommateurs à l’aide de stéréotypes.

1.7.2. Stéréotypes culturels

Comme nous l’avons dit plus haut, les stéréotypes culturels se déclinent en hétéro-stéréotypes et auto-hétéro-stéréotypes. En ce qui concerne la première catégorie, nous constatons que les marques automobiles allemandes ne se contentent pas uniquement d’adapter leurs messages publicitaires à la langue et à la culture du pays dans lequel la publicité est diffusée. Elles y intègrent aussi une grande partie de leur culture, leur mode de penser, leur façon de travailler, leur maîtrise de l’ingénierie automobile et surtout leur passion pour la voiture. Dans la conscience collective française, les marques allemandes sont habituellement et continuellement associées à l’idée du luxe, du haut de gamme, du prestige et de la cherté. Ceci est en partie dû aux arguments de vente des Allemands. Ils ont réussi à imposer leur marque de fabrique, à marquer les esprits des consommateurs en y injectant leurs valeurs. Les marques allemandes laissent des empreintes indélébiles dans les esprits des consommateurs. D’après Sicard (2001) « Ces empreintes ne sont pas dues à l’image de la marque, ou à son territoire, ou à son

positionnement, mais à quelque chose de plus global et de plus profond : son identité »163. Les marques allemandes ont acquis une telle notoriété et une telle maîtrise sans précédent dans leur domaine qu’il serait quasiment un crime de ne pas connaître l’une d’entre elles, de ne pas avoir envie d’en posséder une et vivre par la même occasion la passion pour l’automobile que véhiculent ces marques.

De plus, les marques allemandes valorisent à la fois la dimension fonctionnelle et symbolique de leurs voitures à travers leurs stéréotypes, étant donné que leurs voitures sont déjà des gages de qualité et traduisent le matérialisme lié à la réussite sociale, tandis que les auto-stéréotypes français surfent davantage sur la dimension symbolique de leurs modèles de voitures et une connaissance générale de la culture française qui est extérieur au milieu automobile telle que Paris et ses monuments, la gastronomie française.

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