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Chapitre 3 : l’utilisation de la sexualité dans la publicité

2. Les variables modératrices du sexe dans la publicité

publicité

2.1. L’implication du consommateur

L’implication du consommateur dans le produit qu’il achète constitue l’une des variables modératrices les plus importantes en milieu publicitaire, car le traitement d’une

72 publicité ne suit pas le même processus chez un consommateur faiblement impliqué que chez un consommateur fortement impliqué. Des chercheurs tels que Chambon ont démontré que la réception d’une publicité impliquait deux voies de traitement : la première est connue sous le nom de traitement systématique ou central et la seconde, traitement heuristique ou périphérique. Dans le cas où le consommateur est fortement impliqué, c’est-à-dire que ce dernier est sur le point de faire l’acquisition d’un produit dont l’achat est perçu comme risqué (voire produits blancs/rouges chapitre 2), c’est-à-dire nécessitant une mûre réflexion et par conséquent des informations concrètes sur son utilisation et sa durabilité, le raisonnement du consommateur empruntera la voie centrale qui conduit à un traitement méticuleux des informations qui conditionnement sa décision d’achat. Ainsi, l’utilisation du sexe ou d’autres stratégies à but distractif peut s’avérer nuisible pour ce type de consommateurs dans la mesure où ils seront certes attirés par la mise en scène inhabituelle de la publicité, mais celui-ci aura pour conséquence de court-circuiter l’influence linéaire du sexe sur ces derniers en occultant les éléments clés du message dont ils ont besoin pour conclure leur achat. Autrement dit, même si le sexe arrive à attirer l’attention d’un consommateur fortement impliqué, son utilisation est plus ressentie comme un élément perturbateur par ce dernier. L’information sexuelle vient en quelque sorte parasiter le message de la publicité comme l’affirme Loubradou (2015) « lorsque le message contient une information sexuelle, les pensées et ressources cognitives se tournent plus vers celle-ci que vers lui-même car l’information sexuelle est plus attirante et plus motivante à traiter pour notre cerveau »94. Le risque encouru auprès de ce genre de consommateurs est donc très élevé, car leur attention est détournée, ce qui réduit l’expérience publicitaire des consommateurs fortement impliqués à un simple divertissement.

En revanche pour un consommateur faiblement impliqué, les stimuli sexuels jouent pleinement leur rôle en empêchant tout raisonnement de la part du consommateur et en se frayant un chemin par la voie périphérique. Dans le cadre de notre étude, nous avons choisi un échantillon, qui compte tenu des caractéristiques sur lesquelles nous reviendrons dans la méthodologie, serait plutôt faiblement impliqué dans le produit.

De ce fait, en plus de la culture qui guide notre travail, nous chercherons à corroborer ou pas si la faible d’implication de notre échantillon entraine systématiquement un traitement périphérique des informations contenues dans une publicité à caractère sexuel. C’est-à-dire que

94 Loubradou, E., (2015), Quand la pub enlève le bas : sexualisation de la culture et séduction publicitaire, Paris, Le Bord de l’eau, p. 181.

73 ce dernier s’intéresse davantage à la mise en scène de la publicité, plutôt qu’au contenu informatif sur les caractéristiques du produit. L’implication de notre échantillon sera utile, notamment pour la compréhension et la mémorisation. Nous partons du principe que si la stratégie sexuelle est perçue comme envahissant le message, il y a un risque non négligeable que le message soit compris autrement. De même, pour la mémorisation, seules les informations relatives à la stratégie seraient retenues au détriment de celles sur le produit.

2.2. La sensibilité individuelle du consommateur

La deuxième variable importante dans la réception d’une publicité à caractère sexuel c’est la sensibilité individuelle du consommateur. Celle-ci comprend trois composantes que sont l’attraction du modèle/personnage de la publicité, l’intensité des stimuli sexuels et le sexe du consommateur lui-même.

2.2.1. L’attractivité de la source

Dans la majorité des publicités tous secteurs confondus, les produits promus sont souvent présentés par un ou plusieurs personnages faisant figure d’expert, de témoin ou de simple présentateur. Le choix de ces personnages n’est pas anodin dans la mesure où, ces derniers vont servir de modèles d’identification aux consommateurs et leurs propos et actions seront jugés crédibles ou pas par les consommateurs. De ce fait, dans une publicité à caractère sexuel, l’apparence des personnages est deux fois plus importante. L’efficacité de ce type de publicité est ainsi subordonnée par l’attractivité de la source notamment en ce qui concerne les secteurs automobile, cosmétique et vestimentaire. L’attractivité de la source c’est la capacité de la publicité à se servir des qualités physiques, intellectuelles, mais aussi le style de vie ou la personnalité d’un personnage célèbre ou pas dans le but de créer un besoin d’identification chez le consommateur. En effet, étant donné que la mise en scène de la sexualité dans la publicité fait intervenir le corps, il est indispensable que la beauté ou le bien-être du personnage soit irréprochable, car « les modèles physiquement attractifs ont un pouvoir de persuasion élevé ce

qui facilite des évaluations positives de l’annonce et une meilleure reconnaissance de cette dernière »95. En d’autres termes, les émotions positives ou négatives suscitées par l’identification au modèle présent dans la publicité vont se répercuter sur l’attitude envers l’annonce et la marque et laisser une empreinte indélébile dans le cerveau du consommateur.

95 Loubradou, E., (2015), Quand la pub enlève le bas : sexualisation de la culture et séduction publicitaire, Paris, Le Bord de l’eau, p. 190.

74 Dans le secteur automobile, nous rechercherons donc à savoir comment l’attractivité de la source est mise en valeur. Pour y parvenir, les stéréotypes de genre utilisés dans la publicité et les types d’exécution créative tels que l’association-transfert, le style de vie, sur lesquels nous reviendrons plus en détail dans la méthodologie, vont nous servir à éclairer dans quelles conditions cette attractivité de la source est valorisée et comment notre échantillon la perçoit. Par ailleurs, l’attractivité de la source constitue aussi une caractéristique du traitement périphérique de la publicité par un échantillon faiblement impliqué.

2.2.2. Le degré de sexualité

La troisième variable testée par Loubradou (2015) révèle que mêmes les publicités à caractère sexuel attirent aussi bien l’attention des hommes que celle des femmes. Cependant, ces deux composantes du genre témoignent plus d’intérêt aux publicités sexuelles mettant en scène un personnage du sexe opposé. Par ailleurs, les hommes et les femmes n’apprécient pas les mêmes mises en scène sexuelles et plus précisément le même degré de sexualité. En effet, il semblerait que les hommes apprécient davantage les publicités à faible degré d’érotisme, tandis que les femmes retiennent plutôt des publicités à fort degré de sexualité. Autrement dit la différence de réception et d’appréciation se fait au niveau du degré de sexualité perçu par les consommateurs. Dans le cadre de la présente étude, le degré de sexualité des publicités à caractère sexuel faisant partie de notre corpus n’a pas été mesuré, il a plutôt été demandé aux participants eux-mêmes, en fonction de leur ressenti, de déterminer laquelle des deux publicités à caractère sexuel de notre corpus en réception est implicitement ou explicitement sexuelle. En effet, l’approche sexuelle utilisée dans nos publicités a été jugée indirecte en références aux définitions de Reichert, mais n’a pas fait l’objet d’un pré-test afin de faire ressortir des interprétations différentes de la part des participants. Par conséquent, nous avons introduit une question dans notre questionnaire permettant de « mesurer » le degré de sexualité perçu par notre échantillon.

La particularité de notre étude réside dans le fait que celle-ci met en parallèle la perception des publicités à caractère sexuel dans un contexte interculturel. En effet, les résultats des études présentées ont été obtenus à partir d’un échantillon de consommateurs issus d’une même société. La nôtre en revanche envisage de mettre en exergue des convergences et divergences de réception des publicités à caractère sexuel en fonction de la culture allemande ou française du participant. De plus, peu importe la stratégie pour laquelle les publicitaires ont optée pour la conception de leur publicité, plusieurs chercheurs défendent l’idée que la publicité

75 est le miroir de la société et le témoin d’une certaine évolution des mentalités et attitudes à l’égard de la sexualité (Manceau et Tissier-Desbordes, 1999), il serait donc intéressant de constater ces évolutions du point de vue de la réception et de corroborer ou pas l’idée d’homogénéisation et d’acculturation réciproques des consommateurs des sociétés allemande et française. En outre, Manceau et Tissier-Desbordes (1999) affirment que les jeunes seraient moins hostiles à la publicité sexuelle, car ils subiraient une exposition régulière à ce type de contenu dans les séries et films qu’ils regardent. Etant donné que notre échantillon est en majorité constitué d’étudiants, nous nous donnons également pour objectif d’étayer ou de rejeter de telles affirmations.

2.2.3. La congruence avec le produit

La congruence avec le produit constitue l’avant-dernière variable expliquant la diversité des résultats concernant l’impact de la publicité sexuelle sur les consommateurs. La congruence avec le produit est très souvent employée dans le milieu publicitaire pour déterminer la légitimité d’une marque à promouvoir un produit en se servant d’un sujet qui a priori n’aurait aucun lien avec ce dernier (ex : la sexualité), ou d’un personnage (personnage célèbre). Elle permet donc de vérifier s’il y a une connexion entre le produit promu et les valeurs véhiculées par la marque. Dans le cadre de la sexualité qui constitue encore un sujet tabou dans bien de sociétés, la congruence entre le sexe et le produit va fortement influencée l’évaluation de la publicité. Pour qu’une publicité à caractère sexuel soit efficace, de l’intérêt qu’elle suscite jusqu’à la transformation des attitudes en comportement d’achat, il faudrait que l’utilisation du sexe soit en adéquation avec le produit vendu (Loubradou, 2015). D’ailleurs comme le montre le tableau ci-dessous, Loubradou a dressé une liste de produits dont la promotion par l’intermédiaire de la sexualité serait légitime ou pas.

Figure 6 : le sexe justifié ou injustifié selon le type de produit/service promu Produits légitimes Produits limites Produits illégitimes Médecine

Cancer du sein, SIDA, préservatifs, maladies sexuellement transmissibles, problèmes d’érection

Toilette/beauté

Cela passe principalement par la nudité des corps qui évoque la bonne santé, et la beauté. L’utilisation du sexe est moins acceptée lorsque l’acte sexuel est évoqué et le plus souvent toléré

Electroménager

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Source : Loubradou, (2015), p.134

En se reportant au tableau ci-dessus, on constate que l’auteur classe dans le premier groupe, les produits à caractère curatif, pornographique ou encore nécessaires au maintien d’une bonne hygiène intime, pour lesquels le recours à la sexualité comme stratégie publicitaire

lorsque seule la séduction est abordée

Hygiène intime

Règles, protège-slips, fuites urinaires, savon intime

Lingerie

Il est logique que le modèle soit dénudé et ne porte que la lingerie. Cependant, les slogans sont parfois discutables (ex : avec moi pas d’abstention », etc.)

Produits d’entretien

Lessive, éponge, gants pour faire la vaisselle

Produits/services sexuels DVD de films pornographiques, messageries roses, sex toys, sites internet à caractère

pornographique, sites de rencontres

Vêtements

Le jeu habillé/déshabillé est en général bien accepté contrairement aux évocations sexuelles trop poussées.

Banques

Parfums

Tout dépend comment est utilisée la sexualité : cela reste rattaché au sujet si l’on montre le côté

aphrodisiaque du parfum. L’odorat éveille les sens…

Sites internet et accès internet Hors produits sexuels ou en lien avec la sexualité

Cinéma Alimentation

Ces publicités sont nombreuses. (cela parait normal

proportionnellement, puisque l’alimentation est le produit le plus présent, tous supports confondus) café, glaces, yaourts, %, fromage, gâteaux, soda, thé…

Automobile : Voitures, accessoires Divers

77 apparait légitime dans la mesure où il est impossible de dissocier l’usage de ces produits de leur champ d’application qui est le corps. En ce qui concerne le second groupe (toilette, vêtements, parfums, lingerie etc.), l’utilisation du sexe est tolérée lorsque certaines conditions sont réunies telles que la congruence entre le produit, le sujet et la mise en scène de la sexualité de manière indirecte avec des informations plutôt sensuelles que sexuelles. Enfin l’automobile, l’alimentation et les produits d’entretien etc. sont classés dans le groupe de produits pour lesquels l’utilisation du sexe est jugée illégitime. L’idée défendue par Loubradou (2015) et Manceau et Tissier-Desbordes (1999), c’est que l’attitude envers une publicité à caractère sexuel diffère également selon que les consommateurs trouvent une certaine cohérence ou pas entre le produit et le sujet qui sert d’emballage. Ainsi selon Manceau et Tissier-Desbordes (1999) « l’irritation des consommateurs face à la publicité s’avère davantage liée à la catégorie de produits concernée et à l’exécution qu’au thème mis en scène »96. Etant donné que l’usage de la sexualité dans le secteur automobile est jugé illégitime, nous nous posons la question suivante :

Question 9: le degré de sexualité et la congruence du produit avec la stratégie sexuelle ont-ils un impact sur l’attitude envers l’annonce et la marque ?

Le contexte social dans lequel l’individu évolue et sa sensibilité personnelle, ne font qu’accentuer et servir de modèle interprétatif, les opinions sous-jacentes au recours de la sexualité dans la publicité automobile.

Comme le précise Loubradou dans son tableau, l’alimentation, bien que n’étant pas une catégorie de produits éligibles à l’usage de la sexualité dans la publicité, constitue le secteur ayant le plus recours à la sexualité et dont les consommateurs se sont plus ou moins accommodés, tandis que pour l’automobile, les considérations et mentalités semblent stagner et se cristalliser sur la notion de sexisme.