• Aucun résultat trouvé

3.2 La typologie des théories du changement processuel de Van de Ven et Poole (1995)

3.2.2 Les unités d’analyses du changement en contrôle de gestion

3.2.2.1. Développement d’une théorie transcendant les niveaux

hiérarchiques

Le processus de changement peut intervenir à de très nombreux niveaux organisationnels comme l’individu, un groupe d’individus, l’organisation, une population ou même une large communauté d’organisations (Van de Ven et Poole, 1995). Le modèles et théories du changement sont donc souvent ancrés dans ce système de niveaux hiérarchiques. L’une des forces de l’approche de Van de Ven et Poole est qu’elle permet de passer outre ces barrières hiérarchiques. En effet, leur cadre d’analyse du changement peut s’appliquer à n’importe quelle unité d’analyse. Pour les auteurs, l’élément décisif n’est pas le niveau hiérarchique de l’unité d’analyse mais plutôt le nombre d’entités impliquées dans le phénomène de transformation :

« Cette classification met en évidence deux angles différents pour étudier le changement à n’importe quel niveau organisationnel : (a) le développement interne d'une seule entité organisationnelle en examinant ses processus historiques de changement, d'adaptation et de réplication, et (b) les relations entre de nombreuses entités pour comprendre les processus écologiques de concurrence, de coopération,

de conflit et d'autres formes d'interaction. »50 (Van de Ven et Poole,

1995, p. 521)

Aussi, en fonction des moteurs de changement présents dans le processus, le nombre d’entités impliquées sera différent. Les théories dialectiques et évolutionnistes impliquent la présence de plusieurs entités. En effet, « les forces évolutionnistes sont définies en fonction de l’impact

qu’elles ont sur une population et n’ont pas de sens au niveau d’une seule entité » (Van de Ven

et Poole, 1995, p. 521). Le moteur dialectique, quant à lui, nécessite a minima deux entités défendant respectivement une thèse et son antithèse. A l’inverse, les théories « cycle de vie » et téléologique agissent sur une seule entité. En effet, un processus « cycle de vie » est guidé par un programme immanent qui fixe les étapes à franchir ; l’influence que pourrait avoir l’environnement ou une autre entité sur le changement reste largement marginale. Pour le moteur téléologique, l’analyse porte sur la manière dont une finalité définie guide l’action d’une entité. Ainsi, dans l’approche de Van de Ven et Poole (1995), l’important n’est plus le niveau hiérarchique de l’entité mais bien le nombre d’entités impliquées dans le changement. En cela, elle peut être appliquée à n’importe quelle unité d’analyse.

En contrôle de gestion, le changement peut également être étudié au travers des très nombreuses unités d’analyses incluant une ou plusieurs pratiques de contrôle, un outil de contrôle, un ensemble de dispositifs voire même tous les dispositifs de l’organisation. Les contributions mobilisant des approches néo-institutionnelles ou contingentes expliquent, par exemple, le changement à l’échelle d’une population. Certaines études étudient un petit groupe d’organisations (Teissier et Otley, 2012). D’autres approches se concentrent davantage sur l’étude des transformations des dispositifs à l’intérieur d’une organisation (comme par exemple Burns et Scapens (2000), Kasurinen (2000) ou encore Munir et al. (2013)). De même, les analyses peuvent porter sur les transformations d’un seul élément de contrôle de l’organisation (Scapens et Roberts, 1993 ; Soin et al., 2002 ; Contrafatto et Burns, 2013) ou bien sur plusieurs voire l’ensemble des éléments de contrôle organisationnels (Evans et Tucker, 2015).

50 Traduit de l’anglais : “This classification highlights two different angles for studying change at any given organizational level : (a) the internal development of a single organizational entity by examining its historical processes of change, adaptation, and replication, and (b) the relationships between numerous entities to understand ecological processes of competition, cooperation, conflict, and other forms of interaction.” (Van de

3.2.2.2. La package de contrôle comme unité d’analyse du changement Dans leur article, Teissier et Otley (2012) mobilisent l’approche théorique de Van de Ven et Poole (1995). Ils choisissent de se centrer sur le changement d’un élément de contrôle précis de l’organisation en choisissant comme unité d’analyse les « contrôles techniques ». Leur étude montre l’intérêt de ce cadre d’analyse pour faire émerger une nouvelle compréhension des dynamiques d’évolution des éléments de contrôle. Cependant, de nombreux auteurs appellent à développer des analyses plus holistiques en contrôle de gestion (Chenhall, 2003, Malmi et Brown, 2008 ; Otley, 2016). Ce même appel est formulé dans le domaine plus spécifique du changement en contrôle. En effet, plusieurs auteurs estiment qu’il est nécessaire d’étudier les transformations des éléments de contrôle dans une perspective globale afin d’intégrer dans l’analyse les interactions entre les différents éléments de contrôle de l’organisation mais également le contexte organisationnel (interne et externe) dans lequel ces transformations interviennent (Evans et Tucker, 2015 ; Kasurinen, 2002). Ainsi, plusieurs auteurs ont mobilisé le concept de package de contrôle pour étudier l’évolution du contrôle organisationnel (Evans et Tucker, 2015 ; Järvenpää et Länsiluoto, 2011 ; Sandelin, 2008 ; Abernethy et Chua, 1996). Ces contributions mettent en lumière l’intérêt d’étudier les dynamiques d’évolution des dispositifs de contrôle selon une perspective globale intégrant l’ensemble des contrôles organisationnels (formels et informels) dans l’analyse. Pourtant, le concept de package de contrôle reste assez peu mobilisé dans les analyses portant sur le changement :

« Néanmoins, malgré l'affirmation selon laquelle le contrôle est conçu pour garantir que les organisations s'adaptent aux changements de leur environnement (Lowe, 1971), le package des SCG formel et informel, et son influence sur le changement organisationnel a rarement été étudiée ouvertement au sein de la même étude. »51 (Evans et Tucker, 2015).

Notre étude entend adopter une telle approche en intégrant dans l’analyse du changement l’ensemble des éléments de contrôle organisationnels. La plasticité du cadre d’analyse de Van

51 Traduit de l’anglais : “Nevertheless, despite the contention that control is designed to ensure that organisations adapt to changes in their environment (Lowe, 1971), rarely has the “package” of both formal MCS and informal control, and its influence on organizational change been overtly investigated within the same study.” (Evans et Tucker, 2015).

de Ven et Poole (1995) nous permet de choisir le package de contrôle comme unité d’analyse. Dès lors, les différentes configurations du package de contrôle de l’organisation au cours du temps constituent les évènements et/ou séquences du processus. Ainsi, une fois le processus de transformation du package reconstitué, son étude doit permettre d’identifier les moteurs qui le sous-tendent.