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Ven en contrôle de gestion

2 Pour une relecture théorique du changement en contrôle de gestion

2.2 La théorie téléologique

2.2.1

Le changement guidé par une finalité

Une autre école de pensée définie par Van de Ven et Poole (1995) est la théorie téléologique. Ici, la source du mouvement est un but final qu’une entité veut atteindre. Ce moteur repose sur « le postulat que l’entité en développement est déterminée et adaptative. Elle

construit socialement un état final envisagé et sélectionne, parmi des alternatives, un plan d’action pour l’atteindre » (Van de Ven, 1992, p. 178). Ici, « c’est l’existence d’un objectif commun et la tentative d’atteindre cet objectif qui sont le principe génératif du mouvement »

(Mendez et al, 2010, p. 134). Ainsi, il existe deux conditions pour pouvoir considérer qu’un moteur est de type téléologique : premièrement, l’existence de finalités et ; deuxièmement, le fait que ces finalités influencent le processus (Mendez et al, 2010 ; Van de Ven et Poole, 1995).

27 Traduit de l’anglais : “However, this approach is often criticized, because of its reliance on an organic metaphor (Demers, 2007). The main problem is the predetermined nature of development which assumes that organisations grow and evolve organically (Haire, 1959). However, technical controls are inert objects that will not grow on their own. Hence, the life-cycle approach by itself cannot explain how change occurs. At best it will describe the

On retrouve les racines de cette théorie dans de nombreuses théories du changement organisationnel telles que la théorie fonctionnaliste, l’épigenèse, la théorie de la prise de décision ou encore le volontarisme. La théorie téléologique suppose qu’un individu (ou un groupe d’individus) qui bénéficie d’une liberté suffisante formule un but, un état final désiré qu’il va instituer dans son organisation. Le développement de l’entité peut alors être considéré comme une « séquence répétitive de formulation de but, de leur mise en œuvre, de leur

évaluation et de la modification de ces buts en fonction de ce qui a été appris ou attendu par l’organisation » (Van de Ven et Poole, 1995, p. 516).

Dès lors, il sera impossible d’anticiper la trajectoire que le processus de changement suivra. Il n’y a pas de règle prédéfinie, de direction logique ou des étapes précises à respecter, différentes voies peuvent être empruntées tant qu’elles approchent l’organisation de l’atteinte de son état final. Dès lors, dans l’étude de la trajectoire précise du changement téléologique, le chercheur pourra au mieux identifier plusieurs chemins possibles. Van de Ven et Poole (1995) précisent que l’atteinte du but ne marque pas forcément l’arrêt définitif du mouvement. En effet, les buts sont perpétuellement reconstruits socialement et institués dans l’organisation. Là encore, si l’influence de l’environnement n’est pas niée, elle reste grandement secondaire. La recherche d’un état final désiré est le moteur du changement et l’environnement et les ressources qui s’y trouvent (ou ne s’y trouvent pas) vont contraindre la façon dont les acteurs atteignent leur but. Ces contraintes peuvent également émaner d’institutions qui prescrivent légalement un certain changement.

2.2.2

Le leadership et le sense-making comme moteur du

changement en contrôle de gestion

Dans la littérature en contrôle de gestion, plusieurs contributions mettent en lumière l’importance du moteur téléologique dans les dynamiques de transformation des dispositifs de contrôle. Les travaux de Kasurinen (2002) ou de Munir et al. (2013) insistent sur l’importance des leaders dans l’évolution du contrôle de gestion au sein d’une organisation. Dans leur étude des transformations des SCG d’une banque, Cobb et al. (1995) mettent également en lumière l’importance des leaders dans le changement. Pour eux, le rôle de certains acteurs est fondamental en cela qu’ils constituent des catalyseurs du changement, ils permettent de créer un « potentiel de changement ». Ils permettent de réaliser la transformation en passant au-delà des barrières au changement. Cela passe notamment par un engagement personnel d’individus

“puissants” capables de donner une direction, de fixer un cap qui entraînera l’ensemble des acteurs dans le mouvement. Cela reste vrai même lorsque de puissantes inerties s’opposent au changement :

« Même dans des situations hautement institutionnalisées, ce qui est le cas de nombreuses organisations, le changement peut toujours se produire, et c'est souvent grâce à l'initiation et à la motivation d'individus puissants que nous assistons à un tel changement »28

(Contrafatto et Burns, 2013, p. 361)

Mais au-delà de la question des leaders et leur capacité à communiquer une vision mobilisatrice pour le changement, le moteur téléologique peut s’exprimer sous d’autres formes en contrôle de gestion. Les travaux de Chenhall et Euske (2007) mettent notamment en avant la question de la création de sens (sense-making). Les auteurs démontrent l’importance de travailler sur l’engagement de l’ensemble des acteurs dans le changement ; nécessitant la mobilisation de modes de changement tels que la formation ou la socialisation :

Les deux cas démontrent l'importance centrale de la socialisation dans lequel l'accent est mis sur la qualité des relations sociales entre les membres de l'organisation et implique des questions d'émotions individuelles, de pouvoir et de politique. Les agents de changement guident le processus de changement dans un mode coopératif, les individus prenant le temps d'accepter la pertinence du changement proposé pour l'organisation et pour eux-mêmes »29 (Chenhall et Euske, 2007, p. 634)

Dans leur étude, Teissier et Otley (2012) montrent également que le changement des éléments de contrôle peut être expliqué par un moteur téléologique – et plus particulièrement lorsque le changement en question concerne leur amélioration (p. 792). Pour les auteurs, cela se traduit

28 Traduit de l’anglais : “Even in highly instutionalised situations, which many organisations are, change can still occur, and it is frequently through the initiation and drive of powerful individuals that we witness such change” (Contrafatto et Burns, 2013, p. 361)

29 Traduit de l’anglais : “Both cases demonstrate the central importance of the socializing mode wherein the focus is on the quality of social relationships among organizational members and involves issues of individual emotions, power and politics. Change agents guide the change process in a cooperative mode with individuals taking time to accept the relevance of the proposed change to the organization and themselves.” (Chenhall et Euske, 2007, p.

par « une communication bidirectionnelle entre les concepteurs et les utilisateurs » des dispositifs de contrôle (Teissier et Otley, 2012, p. 792). Cela implique également des processus de « création de sens (comprendre comment améliorer les contrôles) et de prise de décision

(décider d’améliorer les contrôles) » (p. 792).

Ainsi, plusieurs travaux démontrent que la théorie téléologique peut être mobilisée pour comprendre (au moins en partie) des dynamiques de changement en contrôle de gestion. Elle peut prendre la forme de l’engagement personnel de leaders qui fixent un cap et mobilisent les membres de l’organisation vers l’atteinte de ce but. Elle peut également prendre la forme de processus de construction collective de sens et/ou de transmission de sens lors des transformations du contrôle de gestion au sein d’une organisation.