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La mobilisation de pratiques de contrôle non financières dans les démarches austéritaires

austéritaire en matière de contrôle

3.1 Le management de l’austérité et l’évolution du contrôle de gestion

3.2.3 La mobilisation de pratiques de contrôle non financières dans les démarches austéritaires

Nous avons constaté que des contributions traitaient de l’évolution du design et de l’utilisation des systèmes de management financiers des organisations publiques pour faire face à l’austérité. Cependant, malgré le besoin d’explorer davantage ce champ de recherche, peu de contributions ont étudié ce phénomène dans une perspective plus globale, en intégrant des pratiques et des systèmes de contrôle autres que financiers (Hopwood, 2009).

Mersereau (2000) a étudié les mécanismes de contrôle au sens large (en ne se limitant pas aux outils comptables et financiers) utilisés pour réduire les coûts dans les organisations privées. Ses résultats lui permettent d’identifier deux grandes approches mobilisant des mécanismes de contrôle distincts. Le premier modèle dit « traditionnel » repose quasi exclusivement sur des mécanismes cybernétiques. Les pratiques de contrôle mobilisées ici sont les mesures financières et le budget dont le contrôle et le pilotage sont renforcés. En cela, cette première approche de la réduction des coûts, basée sur des éléments de contrôle financiers, est similaire à celles présentées précédemment. Ce faisant, l’auteur identifie un deuxième modèle dit « avancé » du contrôle de la réduction des coûts. Cette approche se base sur l’emploi de mécanismes « homéostatiques » à savoir : « le recours à des équipes interdisciplinaires pour

traiter les problèmes de gestion des coûts ; l‘implication de tous les niveaux de personnel dans ces équipes; la préparation de données et d'informations spécifiques pour les échelons opérationnels; la création de nouvelles structures et de nouveaux postes ; la préférence donnée à la communication avant l'action ; des investissements formation ; l'introduction d'un nouveau vocabulaire et de nouveaux concepts ; une approche qualitative de la réduction des coûts ; une implication des contrôleurs de gestion en qualité tant de formateurs que de membres des groupes de travail mis en place » (Mersereau, 2000, p. 29). Ce modèle mobilise donc

massivement des pratiques et systèmes de contrôle culturels (communication, implication, échange). De plus, les pratiques et systèmes de contrôle cybernétiques employés ici sont différents puisqu’ils se basent davantage sur des mesures non financières (Malmi et Brown, 2008). Ici, les systèmes de contrôle financiers ne servent pas de base au pilotage de la réduction des coûts.

Dans leur étude du pilotage des démarches austéritaires menée auprès de quatre organisations publiques, Van der Kolk et al. (2015) constatent l’utilisation de deux grandes catégories de pratiques de contrôle : (a) les pratiques de contrôle contraignantes et (b) les pratiques de contrôle facilitantes. Les premières ont comme objectif de contraindre les intérêts individuels des agents en se basant sur de la surveillance des comportements ou de l’incitation à agir dans l’intérêt de l’organisation (Van der Kolk et al., 2015, p. 938). L’audit, le contrôle cybernétique, les inspections ou encore l’évaluation en sont quelques exemples. Au sens de Malmi et Brown (2008), ce type de pratiques renvoie à l’idée d’un usage contraignant des systèmes de contrôle cybernétiques (mesures financières, contrôle budgétaire plus strict) et administratifs (renforcement des procédures et de la hiérarchie). La seconde catégorie de pratiques repose sur la confiance et l’autonomisation (Van der Kolk et al., 2015). Elles visent à

donner les moyens aux acteurs (empowering) d’agir dans l’intérêt de l’organisation. En cela elle “facilite” l’action plutôt que de la “contraindre”. Des exemples de telles pratiques pourraient être l’emploi de budgets participatifs, de formation ou le développement d’une culture commune. Aussi, au sens de Malmi et Brown (2008), ce type de pratiques renvoie à des systèmes de contrôle culturels (formation, culture commune, symboles et valeurs partagés). Les résultats de la recherche menée par Van der Kolk et al. (2015) montrent qu’en période d’austérité, les organisations publiques ont toutes tendance à intensifier leur recours à des pratiques de contrôle contraignantes (renforcement du contrôle des outputs [cybernétique81], renforcement de la chaîne hiérarchique [administratif82]). Cependant, certaines développent

en parallèle des pratiques de contrôle facilitantes (coaching et formations, autonomisation

[culturel83]) qui permettent de contrer les effets négatifs de l’augmentation des premières.

Nous avons constaté qu’Hopwood (2009), dans son commentaire de l’étude non publiée d’Olofsson et Savander (1975), notait que des entreprises répondaient naturellement à la crise par un renforcement des systèmes de pilotage financiers (voir ci avant). Cependant, il met également en avant que les organisations répondent aux difficultés économiques par une vision de la stratégie à plus long terme. Cela rejoint en partie les conclusions de contributions ayant étudié les organisations publiques dans un contexte austéritaire. Il a été démontré que les difficultés financières poussaient la budgétisation à intégrer une réflexion stratégique intégrant une vision à plus long terme (Behn, 1985 ; Barbera et al., 2016). Du point de vue des pratiques et systèmes de contrôle, cela se traduirait par un renforcement des pratiques/systèmes de contrôle par la planification, et notamment la planification de long-terme (Malmi et Brown, 2008).

Nous avons étudié un certain nombre de contributions traitant des réponses organisationnelles à la crise économique et financière. Celles-ci nous amènent à réfléchir sur deux points. Premièrement, au-delà de la nature des pratiques mobilisées (cybernétiques, culturelles, administratives…), une attention particulière doit être portée à l’usage qui est fait de ces pratiques. En effet, la contribution de Van der Kolk et al. (2015) démontre que des

81 Ce type de pratique renvoie à des pratiques/systèmes de contrôle cybernétiques au sens de Malmi et Brown (2008)

82 Ce type de pratique renvoie à des pratiques/systèmes de contrôle administratifs au sens de Malmi et Brown (2008)

pratiques de même nature peuvent, selon leur utilisation par les acteurs organisationnels, avoir une portée contraignante ou facilitante. Par exemple, le système de contrôle budgétaire pourra être considéré comme une pratique non contraignante (si le processus budgétaire est fait de manière participative) ; ou bien comme une pratique contraignante (si le processus budgétaire est centralisé autour du top-management).

D’autre part, ces différentes contributions nous permettent de constater que les pratiques de contrôle mobilisées par les organisations publiques en temps de crise sont de natures très diverses. Bon nombre d’études ont montré que la réponse la plus immédiate en matière de contrôle de gestion austéritaire reposait sur le recours massif aux pratiques/systèmes de contrôle cybernétiques ; et tout particulièrement financiers (budget ; mesures financières) (Behn, 1985 ; Johansson et Siverbo, 2014 ; Ahrens et al., 2015 ; Bracci et al., 2015 ; Cohen et al., 2015 ; Barbera et al., 2016). Cependant, il apparaît que le pilotage des plans d’austérité peut reposer sur des pratiques de contrôle autres tels que des mesures non financières ou des pratiques et systèmes de contrôle culturels (Hopwood, 2009 ; Pessereau , Van der Kolk et al, 2015).

Section 2 : Approche par les packages dans le