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UNITÉ, CONTINUITÉ ET PUISSANCE DE L’HELLÉNISME

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Le titre que nous avons adopté témoigne de l’importance que nous accordons à l’analyse thématique globale des manuels scolaires grecs d’histoire. Mais, bien qu’elle permette d’avoir une idée très précise de la place des notions d’espace et de population dans les manuels scolaires, elle empêche le lecteur de suivre leur évolution chronologique. Pour compenser ce manque, en annexes, se trouvent situées toutes les études, statistiques et sémantiques, regroupées par manuel scolaire selon leur date d’édition, de 1950 à 1994.

Dans les quelques pages qui suivent, notre attention est, cette fois-ci, portée sur un essai de clarification de la place qualitative, occupée par l’étude de la Macédoine dans les manuels grecs d’histoire ancienne et contemporaine, pour démontrer l’importance que les program- mateurs ont accordé à l’appartenance de la Macédoine à la nation hellène, à travers ces deux caractéristiques essentielles de l’identité grecque dont l’importance est puisée dans leur continuité des temps les plus anciens jusqu’à nos jours, suivant une marche linéaire, non interrompue et donc inchangée.

A) L’espace récupéré

Sur une carte actuelle du monde, l’espace grec, défini par des frontières terrestres et maritimes, ce qui implique une fixation au sol, comporte une évidente stabilité : frontières terrestres avec l’ex-république yougoslave de Macédoine et la Bulgarie au nord, avec l’Albanie au nord- ouest, avec la Turquie au nord-est ; maritimes, la frontière étant une partie de la Méditerranée avec la Turquie à l’est (mer Égée), avec le continent africain au sud (mer Lybique) et avec l’Italie à l’ouest (mer Adriatique). Cependant, bien que cette image cartographique paraisse stable, l’étendue

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de l’espace grec a dépendu de contingences historiques qui, avant de lui conférer sa stabilité actuelle, lui ont imposé jusqu’à la fin des années 1940 une certaine plasticité. L’histoire de l’unité grecque montre la volonté sans faille des politiciens grecs d’agrandir l’espace de l’État depuis 1830. Le territoire du royaume, depuis le début du XIXème siècle, n’a pas cessé de s’étendre, modifiant continuellement ses frontières. En fait59, autour du

noyau central de 1830, l’État grec s’est agrandi des Îles Ioniennes en 1864, du district d’Arta et de Thessalie en 1881, de l’Epire, de la Macédoine, des îles de la mer Égée et de la Crète en 1913, de la Thrace occidentale en 1919, de la Thrace orientale et la région de Smyrne en Asie Mineure de 1920 à 1923 puis du Dodécanèse en 1948, à une époque très récente. En conséquence, la fixation au sol n’est pas définitive pour les Grecs, ce qui donne toute son ampleur au problème de l’espace macédonien au sens étatique du terme, tel qu’il est conçu à travers une triple problématique par les programmateurs de l’éducation grecque; il s’agit d’un espace présenté, revendiqué ou libéré. On peut déjà remarquer que l’espace est simplement présenté dans les manuels grecs d’histoire ancienne, alors qu’il est revendiqué et libéré dans ceux d’histoire contemporaine.

1) L’espace présenté

À l’heure où les Balkans sont marqués, depuis les années quatre-vingts, par un regain de nationalisme, non seulement dans les ex- républiques yougoslaves à la suite de l’effondrement de la deuxième Yougoslavie et très récemment de la troisième, mais aussi en Roumanie où, par exemple, la minorité magyare est "condamnée à l’assimilation par la roumanisation et la dispersion géographique»60, en Bulgarie où la

population d’origine turque est «sur la sellette»61, en Grèce où la minorité

musulmane62 de Thrace se trouve en contradiction avec la «renaissance de

59Voir, en annexes, la carte sur l’Agrandissement du territoire étatique grec depuis 1830. 60Rosière Stéphane, «Les minorités magyares d’Europe centrale, L’Europe médiane ?»,

Hérodote, Revue de géographie et de géopolitique, N° 48, Éditions La Découverte, Paris,

1er trimestre 1988, page 100.

61 Rosière Stéphane, «Les minorités magyares d’Europe centrale, L’Europe médiane ?», op. cit. page 105.

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la religiosité orthodoxe»63 «où se réfugient ceux qui exercent le pouvoir politique lorsque (réellement ou non) la Nation est en danger»64, la notion

d’espace a une importance essentielle. En effet, lorsqu’on étudie la part d’espace macédonien qui appartient au territoire étatique grec, nous sommes confrontés à un problème évident dû à la coexistence d’une conception géographique alors partielle et de la notion nationale hellène qui impose l’idée de continuité. En conséquence, la notion d’espace macédonien ne peut, pour les Grecs, que correspondre à une notion simplement géographique. L’analyse de la présentation de l’espace macédonien dans les manuels scolaires-sources peut donc conduire à l’étude de son importance, à travers le tableau de la page suivante qui regroupe les mots ou les phrases les plus significatives qui le qualifient. Ces dernières sont regroupées dans des rectangles spécifiques à chaque manuel scolaire d’histoire ancienne.

D’après le contenu de chaque rectangle, nous constatons que la conception de l’espace n’a pas changé tout au long de la période étudiée, de 1950 en 1995. En fait, sa présentation peut être classée en trois centres d’intérêt distincts : le premier regroupe des indications afférentes à son nom ; le deuxième, à sa situation géographique et le troisième à sa richesse.

-En ce qui concerne le nom, une seule dénomination est employée par les auteurs des manuels d’histoire ancienne65 : Macédoine.

l’Autre : C∑Õ≥z`ƒä˛ D., E‡{∑˛ E., L`Ÿ|…âç˛ R., Mˇƒ§µ…âç˛ Y., N§χ`≥∫√∑ˇ≥∑˛ L.,

L§≤∑≥`≤∫√∑ˇ≥∑˛ H., T√∑ˇƒ{`≥c≤ä˛ N., V«∑ˇ≤`≥c˛ L., «H √ƒ∫«≥ä‹ä ≤`§ ä `µ…§¥|…‡√§«ä …∑ˇ ˝A≥≥∑ˇ «…ä «ä¥|ƒ§µç F≥≥c{`. R∑ƒß«¥`…` |¥√|§ƒ§≤ç˛ Äƒ|ˇµ`˛», F≥≥䵧≤ç F√§¢|‡ƒä«ä R∑≥§…§≤ç˛ F√§«…ç¥ä˛, J|¥Ä≥§∑, A¢çµ`, A√ƒß≥§∑˛ 1995, O°5, pages 84 et 91.

63Mß√∑x`…˛ Jcµ∑˛, «Qƒ¢∫{∑∂∑˛ χƒ§«…§`µ§«¥∫˛ ≤`§ |¢µ§≤§«¥∫˛ : {Õ∑ √…ˇχIJ …ä˛ «Õzχƒ∑- µä˛ |≥≥䵧≤ç˛ √∑≥§…§≤ç˛ ≤∑ˇ≥…∑Õƒ`˛», F≥≥䵧≤ç F√§¢|‡ƒä«ä R∑≥§…§≤ç˛ F√§«…ç¥ä˛, J|- ¥Ä≥§∑, A¢çµ`, Q≤…‡xƒ§∑˛ 1993, O°2, page 32.

L’étude de cet article impose celle de l’article de Rƒ∑{ƒ∫¥∑ˇ F≥§«cx|… qui est très critique et constitue un point de vue complémentaire sur la triple thématique Orthodoxie- nationalisme-culture politique: Rƒ∑{ƒ∫¥∑ˇ F≥§«cx|…, «Qƒ¢∑{∑∂ß`, F¢µ§≤§«¥∫˛ ≤`§ √∑≥§- …§≤ç ≤∑ˇ≥…∑Õƒ`», F≥≥䵧≤ç F√§¢|‡ƒä«ä R∑≥§…§≤ç˛ F√§«…ç¥ä˛, op. cit. , pages 101-132. 64Rƒ∑{ƒ∫¥∑ˇ F≥§«cx|…, «Qƒ¢∑{∑∂ß`, F¢µ§≤§«¥∫˛ ≤`§ √∑≥§…§≤ç ≤∑ˇ≥…∑Õƒ`», op.cit., p. 128. 65La matière enseignée en histoire est repartie en trois périodes distinctes, antique, byzantine et contemporaine. Le plus souvent, l’histoire antique était enseignée en première et en quatrième années du second degré, l’histoire byzantine en deuxième et en cinquième années du second degré et l’histoire contemporaine en troisième et en sixième années du second degré (voir en annexes le tableau sur la correspondance de niveau entre

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