• Aucun résultat trouvé

ORIGINE ET CONTINUITÉ DE LA MACÉDOINE

96

Ainsi, la communauté linguistique indo-européenne ne peut être celle d’un empire ou d’une confédération ; c’est nécessairement celle d’un peuple migrateur »182. Il faudrait noter que « toute l’histoire de la langue grecque

présente un double mouvement de dispersion et de concentration. Du grec commun sortent les dialectes grecs anciens d’où se dégage l’ionien-attique. À partir du Vème siècle, l’attique supplante les autres dialectes. Puis il se simplifie et se transforme en langue commune, la koinè, à la fin du IVème siècle av. J.-C. »183. L’espace, où ces populations de langue grecque se

sont établies, est en outre désigné de manière très familière pour un Grec, pour que l’élève à qui ce manuel est adressé puisse se référer à des régions qui appartiennent actuellement à l’État grec184. Ainsi, l’élève rencontre tout

d’abord, en Grèce du Sud, des noms très familiers comme ceux de l’île de Crète, des îles de la mer Égée185, du Péloponnèseet de la ville d’Argos186.

Plus au Nord, ensuite, l’élève rencontre le nom de « Thessalie pour atteindre, enfin, en Macédoine, ceux de Kastoria, de la région de Piérie, de Vermion, de Ptolémaïs, d’Aridaia, de Chalcidique, le fleuve Axios »187 ainsi

que des régions où on trouve de plus en plus de monuments macédoniens comme «Pella, Vergina, Dion, Sindos, Voïon, Kozani, Edessa, Kilkis, Kavala et Thessalonique»188. Cependant, bien que le contact entre les

Macédoniens et les autres Grecs de l’antiquité ait été retardé jusqu’au 8e siècle av. J.-C., c’est à partir de la colonisation de la Chalcidique par les

182Haudry Jean, Les Indo-européens, Que sais-je?, N° 1965, Presses Universitaires de France, Paris mai 1986, page 4.

183Tonnet Henri, «Rétrogradation à l’histoire de la langue grecque», La langue grecque (H |≥≥䵧≤ç z≥‡««`), Édition du Ministère de l’Éducation Nationale et des Cultes, Athènes 1995, page 36.

Voir également: Tonnet Henri, Histoire de la langue grecque, Thessalonique 1992, pages 95-98.

K«…∑ƒß` …ä˛ F≥≥䵧≤ç˛ D≥‡««`˛, F≥≥䵧≤∫, M∑z∑…|χµ§≤∫ ≤`§ K«…∑ƒ§≤∫ Aƒχ|ß∑, A¢çµ` 1999, 442 «|≥ß{|˛.

184Voir en annexes, la carte archéologique de la Macédoine et de la Thrace. 185Pages 11 et 12 du manuel de 1992.

186Page 12 du manuel de 1992. La ville d’Argos se trouve dans le Péloponnèse. Cependant, le manuel de 1992 se réfère à la ville Argos qui se trouvait au nord de Kastoria, en Macédoine.

187Page 12 du manuel de 1992. 188Page 13 du manuel de 1992.

97

habitants de Chalcis de l’île d’Eubée dans le cadre de la seconde vague de colonisation grecque (milieu du 8e siècle - fin 6e siècle av. J.-C.), que «la Macédoine est sortie de son isolement»189 pour évoluer très rapidement et

atteindre le «sommet de son développement à l’époque des rois Amyndas Ier (540-498 av.J.C)190, Philippe II (359-336 av.J.C) dont la politique

exprimait aussi bien des tendances hégémoniques envers tout le monde grec que la volonté des Grecs de s’étendre aux dépens des Perses»191 et

Alexandre le Grand (336-323 av. J.-C.)»192.

Ainsi, après avoir justifiée l’origine hellène de la Macédoine à travers son unicité et son indivisibilité linguistique et spatiale, le manuel de 1992 confronte l’élève grec avec la continuité de ces caractéristiques dans le temps.

En effet, dans le tableau de la page 95, dans la partie intitulée continuité nous pouvons de constater que la Macédoine est étudiée pendant six époques distinctes : l’époque grecque antique jusqu’à la conquête de la Grèce par les Romains en 146 av. J.-C., l’époque romaine, de 146 av.J.C jusqu’à la fondation de Constantinople en 300 ap. J.C., l’époque byzantine, de 300 ap.J.C. à la prise de la ville de Constantinople par les Ottomans en 1453, l’époque de l’occupation ottomane de 1453 à la fin du XIXème siècle, celle marquée par la concurrence helléno-slave de la fin du XIXème et au début du XXème siècles ainsi que celle de sa libération à l’issue des guerres balkaniques de 1912-1913. De cette manière, l’image de l’espace macédonien est conçue dans sa globalité malgré sa conquête par les Romains et les Ottomans et malgré les affrontements des XIXème et XXème siècles qui ont eu lieu dans les Balkans, mais toujours dans le même espace aux délimitations précises, qu’il s’agisse des guerres de défense ou de reconquête. L’espace macédonien grec est donc resté un et indivisible et par conséquent uni et continu dans le temps, constituant grâce à son unicité, à son unité et à sa continuité un référant identitaire fondamental. L’importance de la notion d’espace, aussi bien dans la conscience que dans

189Page 12 du manuel de 1992.

190La période historique de la Macédoine commence en 540 av.J.C. avec le règne d’Amyndas Ier. Rƒ∑x`…c≤ä˛ N. J|∑χcƒä˛, N`≤|{∑µß` : NÄz`˛ A≥Ä∂`µ{ƒ∑˛, F≥≥䵧≤ç F¢µ§≤ç Dƒ`¥¥ç, A¢çµ` 1992, page 37.

191Lƒ|¥¥ˇ{c˛ C`«ß≥ä˛, N`ƒ≤§`µ∫˛ T∑Ÿ∑≤≥ç˛, Q Aƒχ`ß∑˛ ≤∫«¥∑˛: Aµ`…∑≥§≤∑ß ≥`∑ß ≤`§ F≥≥c{` ›˛ …∑ 323 √.χ., F≤{∫«|§˛ Dµ‡«ä, Vƒß…ä Ä≤{∑«ä, A¢çµ` 1987, page 323.

98

le subconscient collectif grec, permet de mettre en valeur l’importance de la notion d’unicité dans le cadre de sa délimitation spatiale étatique et nationale et de signaler son unité et sa continuité dans le temps. Ces notions sont représentées dans le manuel publié en 1992 non seulement par le texte d’auteur, mais aussi à travers l’ensemble d’illustrations précédemment cité et reproduit ci-dessous. Bien que l’efficacité pédagogique de l’image ait été à l’origine de débats contradictoires193, sa présence essentielle dans le

manuel de 1992 ne peut pas être négligée parce que sa «lecture»194 dont

l’objectif est «le décodage de son message»195, est guidée non seulement

par le texte d’auteur mais également par l’enseignant en classe.

En effet, cet ensemble est ordonné d’un point de vue chronologique, de l’antiquité au XXème siècle. Il est constitué par vingt «photographies» suivantes. Outre celle de la couverture comportant la «tête d’Alexandre le Grand», les dix-neuf autres constituent quatre groupes distincts concernant successivement l’antiquité grecque et romaine, l’époque byzantine, l’occupation ottomane et enfin, l’époque qui a suivi l’indépendance de l’État grec en 1830 :

-Le premier groupe qui est quantitativement le plus important, comporte treize illustrations dont

1) une «Carte archéologique de la Macédoine et de la Thrace»196,

2) la «Représentation de la tête d’Héraclès (350-325 av. J.- C., Thessalonique, musée archéologique)»197,

3) une «stèle tombale de la Grande Toumba»198,

193Goldsmith E., Research into illustration. An approach and a review, Cambridge University Press, Cambridge 1984, page 25.

Kozma R., «Lerning with media», Review of Educational Research, pages 179-211. 194Dwyer F.M., Strategies for improving visual learning, Learning service, Pennsylvania 1978, page 12.

195Cƒ|……∫˛ D§cµµä˛, H F§≤∫µ` «…∑ `µ`≥ˇ…§≤∫ √ƒ∫zƒ`¥¥` ≤`§ «…∑ «χ∑≥§≤∫ |zχ|§ƒß{§∑ …ä˛ §«…∑ƒß`˛, F≤{∫«|§˛ «Art of text», J|««`≥∑µß≤ä, 1994, page 13 et pages 37-47.

Angélopoulos Constantin, Un nouveau théâtre grec : Pédagogies et mémoire dans la Grèce

contemporaine (1950-1989). Les manuels d'histoire de l'enseignement secondaire,

Université Paul Valéry, pages 119-287. 196Pages 8 et 9 du manuel de 1992. 197Page 10 du manuel de 1992. 198Page 15 du manuel de 1992.

99

4) une «Jeune fille tenant une colombe (440 av. J.-C., Thessalonique, musée archéologique)»199,

5) une «Petite statue d’un jeune cavalier macédonien (4e siècle av. J.-C., Pella, musée archéologique)»200,

6) des «Scènes sur des représentations des pièces d’Euripide, Athènes musée archéologique)»201,

7) la «Plus belle stèle tombale trouvée à la Grande Toumba»202,

8) le «Grand coffret à ossements en or découvert dans la tombe de Philippe II»203,

9) une Représentation d’Olympias, épouse de Philippe II (Thessalonique, musée archéologique)»204,

10) une «Tête de Philippe II des temps romains»205,

11) la «Stèle connue d’Azara, copie du portrait d’Alexandre le Grand (Paris, Louvre)»206,

12) un «Détail d’une représentation d’Alexandre à cheval qui vainc un guerrier Perse à pied (fin 4e siècle av. J.-C., Constantinople, musée archéologique) ainsi que

13) un groupe de trois personnes constitué par «Antigonos Gonatas, sa mère Phila et le Philosophe Ménédème (Néapolis, musée Nationale)»207.

-Le second groupe n’est constitué que par une seule illustration sur la période byzantine qui est celle de «la mise au tombeau (seconde moitié du 12 siècle ap.J.C., Saint Pantéléimonas de Nerezi)»208. 199Page 17 du manuel de 1992. 200Page 19 du manuel de 1992. 201Page 21 du manuel de 1992. 202Page 23 du manuel de 1992. 203Page 27 du manuel de 1992. 204Page 28 du manuel de 1992. 205Page 29 du manuel de 1992. 206Page 31 du manuel de 1992. 207Page 35 du manuel de 1992. 208Page 37 du manuel de 1992.

100

-Le troisième groupe qui se réfère à l’époque de l’occupation ottomane est composé de trois illustrations, une, tout d’abord, sur la «Maison du notable Athanassios Kanatsoulis à Siatista (1746)»209,

une autre, ensuite, sur la «Salle d’accueil d’une maison de notable de Kozani (Athènes musée Benaki)»210 et une dernière sur une «Fête scolaire

pendant la domination ottomane à Vogatsiko (Athènes collection privée)»211.

-Le quatrième groupe, enfin, qui concerne la période qui a suivi l’indépendance de l’État grec en 1830 et plus particulièrement les luttes contre les Bulgares de la fin du XIXème et du début du XXème siècles, comporte, enfin, deux illustrations, l’une sur le héros grec «Pavlos Mélas (Athènes musée national historique)», l’une autre sur le «Groupe de combattants de Georges Tsondou (collection de I. Mazarakis)»212.

Ainsi, étant donné la fonction du manuel scolaire qui «présente à l’élève la réalité de manière à ce que, parallèlement à son rôle en tant que moyen d’enseignement, il impose son rôle comme facteur d’objectifs et des contenus»213, c’est grâce aux illustrations et aux images

photographiques du manuel de 1992 choisies par «les rédacteurs des programmes analytiques»214 que les notions d’unité culturelle et spatiale,

projetées dans le passé et conçues dans le cadre d’une continuité temporelle, constituent une caractéristique essentielle de l’affirmation identitaire grecque, excluant toute revendication qui risque de la rompre. D’où les critiques contenues dans le manuel de 1992 qui incarnent parallèlement la position officielle de l’État grec.

209Page 41 du manuel de 1992. 210Page 43 du manuel de 1992. 211Page 53 du manuel de 1992. 212Page 54 du manuel de 1992.

213L`‹c≥ä˛ Aχ§≥≥Ä`˛, Y`ƒ`≥c¥√∑ˇ˛ Eä¥ç…ƒä˛, Tχ∑≥§≤c |zχ|§ƒß{§`. J|«¥§≤ç |∂Ä≥§∂ä ≤`§ «Õzχƒ∑µä √ƒ∑x≥ä¥`…§≤ç, F≤{∫«|§˛ ˝F≤Ÿƒ`«ä, F≤√`§{|ˇ…§≤ç C§x≥§∑¢ç≤ä, A¢çµ` 1995, «|≥ß- {` 127.

214Cƒ|……∫˛ D§cµµä˛, H F§≤∫µ` «…∑ `µ`≥ˇ…§≤∫ √ƒ∫zƒ`¥¥` ≤`§ «…∑ «χ∑≥§≤∫ |zχ|§ƒß{§∑ …ä˛ §«…∑ƒß`˛, op. cit., page 21.

101 2) Critiques

Cette étude sera menée à travers le tableau de la page suivante qui porte le titre, La Macédoine dans le manuel publié en 1992 intitulé Macédoine : critiques d’une Macédoine fabriquée. En effet, l’étude de ce tableau permet de dégager deux sortes de critiques, l’une sur la fabrication étatique, l’autre sur la fabrication identitaire de l’État de l’ex- République yougoslave de Macédoine. Skopje ou République de Skopje est une appellation utilisée en Grèce pour désigner la République Fédérale Yougoslave de Macédoine(capitale Skopje) de façon à réserver le terme de Macédoine pour royaume macédonien antique»215.

En effet, si un État est constitué par un espace (ou territoire) sur lequel s’est établi un groupe d’êtres humains soumis effectivement à un pouvoir politique, les critiques contre la fabrication étatique comportent deux centres d’intérêt. Premièrement, la création d’un pouvoir politique à travers «celle d’un gouvernement, même local, dirigé par un Premier Ministre et un Conseil des Ministres dont certains membres supérieurs faisaient partie des organes fédéraux à Belgrade»216.

Deuxièmement, l’augmentation progressive de l’importance de ce pouvoir politique macédonien qui, malgré la prise des décisions à Belgrade et surtout grâce au conflit des ethnies, prenait de plus en plus d’initiatives. Par ethnie, nous entendons «une communauté d’hommes et de femmes établie sur un territoire donné et unis par des liens objectifs et/ou subjectifs. En fait, Le Trésor de la langue française (volume VIII, Paris 1980), tout en datant le mot ethnie de 1896, montre aussi qu’il n’est guère utilisé avant 1956. Anthony D. Smith, The Ethnic Origins of Nations, Oxford 1986, utilise largement ce terme, mais il est clair qu’il le considère comme un néologisme français pas encore complètement anglici- sé»217. En outre, «l’extension du nationalisme au-delà de sa région d’origine

l’emporte lui-même au-delà des limites du phénomène analysé à l’origine, ainsi que le prouve l’apparition des nouveaux termes pour en rendre compte, comme le mot ethnie, pour groupe ethnique ou ce qu’on aurait appelé une

215Tachydromos, «Europes, du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est, Le renouveau du vieux continent», Paris, Jeudi 5 mars 1992, page 8.

216Page 36 du Manuel de 1992.

217Hobsbawm Eric, Nations et nationalisme depuis 1780 : Programme, mythe, réalité, Bibliothèque des Histoires, Éditions Gallimard, Paris 1992, page 204.

102 nationalité, qui semblent être très récents»218.

-C ontre la création d’un g o u v e r -

nement local dirigé par un Premier M i n i s t r e et par un Conseil des Ministres (…) qui prenait de plus en

plus de l’importance, surtout grâce au conflit des ethnies.