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La population perdue et retrouvée

L’ESPACE LIBÉRÉ

B) La population perdue et retrouvée

Dans le cadre général du territoire étatique se trouve établie la collectivité humaine soumise régie d’un point de vue effectif, par le pouvoir politique. Par ailleurs, l’affirmation de la réalité de l’État sur la scène internationale suppose le contrôle effectif du pouvoir politique sur le territoire et la population. Cela signifie qu’il existe deux sortes de populations, l’une étatique, établie sur l’espace d’un État qui est délimité par des frontières, l’autre nationale mais qui ne se trouve pas nécessairement sur le territoire étatique tout en ayant la même identité que celle de la communauté étatique. De ce point de vue, deux observations essentielles s’imposent. La première concerne la population qui «installée sur le territoire de l’État, apparaît de toute manière comme un ensemble d’êtres humains habitant le territoire. C’est la notion démographique qui s’exprime numériquement dans les annuaires statistiques118». La deuxième est

afférente aux minorités nationales qui ne s’identifient pas à la nation elle- même et constituent un sous-ensemble d’individus établis sur le même territoire que la communauté nationale mais qui ne sont pas unis par les mêmes liens objectifs et/ou subjectifs. Entre les deux communautés, il y a des relations dynamiques car les minorités revendiquent au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, soit leur différence pour former un

118Colliard Claude-Albert, Institutions des relations internationales, Dalloz, Précis Dalloz, septième édition, Paris 1978, page 88.

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autre État-nation ou pour s’agréger à un autre ensemble étatico-national, soit leur ressemblance, réclamant ainsi, la reconnaissance de leur citoyenneté.

En ce qui concerne la population macédonienne, jusqu’en 1913 elle faisait partie de la communauté nationale grecque mais elle se trouvait en dehors du territoire étatique grec. En ces termes, l’objectif essentiel de la politique de la Grande Idée, était, conformément au Principe des nationalités119, le rattachement du territoire macédonien à l’État grec

pour «soumettre» la population d’origine grecque qui y était établie, au pouvoir politique grec. La réalisation de cet objectif imposait, alors, la valorisation de deux idées fondamentales, celle de l’origine de cette population ainsi que celle de son appartenance au monde grec antique et celle de son contact avec les autres populations grecques de l’antiquité. Cela qui signifie que cette population macédonienne, selon le principe des nationalités d’origine grecque, ne pouvait donc pas rompre120 avec le passé

dont elle était le produit et d’où elle puisait ses ressources ethniques et culturelles.

1) L’origine

La notion d’origine impose deux idées fondamentales : celle de continuité et celle d’absence de ruptures et de coupures qui constituent des éléments fondamentaux de l’identité nationale grecque.

119Pour replacer la politique de la «Grande Idée» dans le contexte qui a été dominé tout le long du XIXème siècle par le Principe des nationalités, il faudrait l’opposer au Droit des

peuples à disposer d’eux-mêmes. La population macédonienne d’origine grecque

constituait jusqu’en 1913, «un fait réel, une donnée première antérieure à toute déclaration de volonté, et c’est ce fait réel qui légitime sa volonté. Ce qui signifie que, selon le principe des nationalités, un peuple est d’abord un ensemble ethnique, linguistique, culturel et spirituel qui peut légitimement, à partir de ces traits propres, récuser la domination politique qu’il subit et les formes institutionnelles de cette domination. Il s’ensuit que l’exaltation de cet ensemble national conduit à privilégier la lutte contre la domination extérieure, étrangère, mettant au second plan ou même écartant totalement la lutte contre la domination intérieure». (Guiomar Jean-Yves, La Nation entre l’histoire et la raison, La Découverte, Armillaire, Saint-Amand (Cher) janvier 1990, page 120.) Cette domination politique fut ottomane jusqu’à la signature du traité de Londres en mai 1913 et pouvait devenir bulgare jusqu’à la signature du traité de Bucarest d’août 1913.

120Le peuple du Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est le produit d’une rupture radicale avec le passé. (Guiomar Jean-Yves, La Nation entre l’histoire et la raison, La Découverte, Armillaire, Saint-Amand (Cher) janvier 1990, page 120).

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Affirmer l’origine grecque de la population macédonienne signifie donc, au nom du principe des nationalités, la possibilité légitime dans le cadre du droit international, de l’unir avec celle de l’État indépendant. La description de cette population, telle qu’elle est contenue dans les manuels scolaires d’histoire ancienne et contemporaine, devait donc replacer l’élève grec dans une longue continuité d’un point de vue culturel et spatial. Pour bénéficier d’un point de vue global, nous avons, méthodologiquement, analysé cette description dans des phrases du texte d’auteur et nous les avons placées, ensuite, dans les deux tableaux situés dans les deux pages suivantes.

L’étude de ces tableaux permet de remarquer l’importance de deux centres d’intérêt distincts, l’un relatif à l’origine commune, l’autre concernant ses caractéristiques culturelles grecques. Cela prouve que les programmateurs de l’éducation nationale grecque ont été tous, sans aucune exception, très sensibles au contenu du principe des nationalités, car en mettant en exergue l’origine de cette population ainsi que les éléments identitaires qui constituaient des liens étroits, ils l’ont présentée comme un ensemble de faits historiques qui justifiait les soulèvements dont l’objectif était l’union avec la Mère Patrie.

-En ce qui concerne la présentation de l’origine commune, dans les manuels d’histoire ancienne, on constate que la Macédoine était la cité-état grecque la plus septentrional et que les Macédoniens étaient des Grecs d’origine dorienne (ou parents des Doriens), descendants d’Héraclès121 et de Zeus, qui, ainsi, pouvaient participer aux Jeux

Olympiques.

En fait, les informations sur les anciens Macédoniens sont insuffisantes pour en juger. Cependant, nous pouvons affirmer avec quelque certitude qu’après la descente des Doriens vers le sud, à la fin de la période mycénienne, beaucoup d’entre eux sont restés dans la région du Pinde. Ce sont eux dont parle Hérodote en tant que nation dorienne et macédonienne. Ils se sont ensuite déplacés vers le nord-est et se sont installés en Macé- doine du sud-ouest…»122. Cependant, bien que l’origine grecque ne soit

pas mise en doute, dans le manuel de Malliaros (1953/54-1965/66) ainsi que

121«Les Doriens étaient considérés comme les fils d’Héraclès» : Lazarou-Chatzis (1950/51-1964/65), page 47.

122Lƒ|¥¥ˇ{c˛ C`«ß≥ä˛, N`ƒ≤§`µ∫˛ T∑Ÿ∑≤≥ç˛, Q ıAƒχ`ß∑˛ ≤∫«¥∑˛. ıAµ`…∑≥§≤∑ß ≥`∑ß ≤`§ ˆF≥≥c{` ›˛ …∑ 323 √.χ., Vƒß…ä Ç≤{∑«ä, Dµ‡«ä, ıA¢çµ` 1987, page 324.

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L’ORIGINE

Dans les manuels d’histoire ancienne

L A Z A R O U - C H A T Z I S ( 1 9 5 0 / 5 1 - 1 9 6 4 / 6 5 ) : -Les États de la Grèce (p. 102-115); (L’État grec de) Macédoine (p. 115).

MALLIAROS (1953/54-1965/66):

-Ses habitants étaient Grecs (p. 208)…parents des Doriens; -Leurs rois se croyaient descendants d’Her- cule (p. 209); -À la demande d’Alexandre Ier (498- 454 av.J.C.), ils ont participé aux jeux olympiques (p. 209).

CALOGEROPOULOU 1965/66-1966/67):