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CRITIQUES D’UNE MACÉDOINE FABRIQUÉE

Ainsi, son rôle grandissant dans le cadre de la désignation des Ministres chargés des affaires étrangères de la Fédération a eu comme conséquence l’influence de la politique fédérale à leur profit»219. En fait, à

la veille de la seconde guerre mondiale le cas de la Grèce représentée par deux220 régimes constitutionnels simultanés formés pendant l’occupation, le

218 Hobsbawm Eric, Nations et nationalisme depuis 1780 : Programme, mythe, réalité, op. cit., page 204.

219Page 36 du Manuel de 1992.

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premier par le roi Georges II à Londres, le second, par les résistants communistes établis dans les montagnes, n’a pas été unique. De manière quasiment parallèle, à la fin de la guerre, il y a eu en Yougoslavie, trois ensembles politiques puissants qui incarnaient l’avenir de l’État: le gouvernement de Londres nommé par le roi Pierre II, celui, dans le pays, dominé par le maréchal Tito et les résistants serbes représentés par le général Mihaïlovic221. Le 29 octobre, l’assemblée «récemment élue a

proclamé la République et a porté le Croate avec ascendance slovène Tito a sa tête»222. Dès lors, les sentiments fédéraux placés au-dessus des nations

l’ont emporté sur le serbisme de Mihaïlovic, malgré les «massacres et les haines accumulés» pendant la guerre et par conséquent, la difficulté «d’amener Serbes et Croates à faire à nouveau, État commun»223.

Cependant, outre la rivalité entre Serbes et Croates, le nouvel État yougoslave était marqué par une mosaïque d’identités provenant la présence de «nations, de nationalités et de minorités nationales»224 qui, dans le

manuel de 1992, sont des termes résumés par un mot précédemment cité : les ethnies225. Cette présentation peut être nuancée par d’autres qui dans le nouvel ordre politique grec après la libération.

221«Au début de 1945, il était encore retranché dans les montagnes avec 50.000 maquisards serbes» : Feron Bernard, Yougoslavie : origines d’un conflit, op. cit., page 35. Voir également, Georges Castellan, Histoire des Balkans, XIVème-XXème siècles, op. cit., page 453.

222Feron Bernard, op. cit., page 35.

223Feron Bernard, Yougoslavie : origines d’un conflit, op. cit., page 44.

224Feron Bernard, Yougoslavie : origines d’un conflit, op. cit., page 44 : «Les premières disposeraient de leur République fédérée. Les secondes bénéficieraient d’une certaine autonomie à l’intérieur d’une République. Quant aux troisièmes, elles figureraient sur les statistiques établies notamment lors des recensements».

De même, «en Yougoslavie, malgré le passage à l’État multinational (entre 1945 et 1991), on conserva la hiérarchie entre nation (narod) et minorité (manjina). Le premier terme désignait les six nations sud-slaves, le second les autres peuples non sud-slaves : Albanais, Hongrois, Tsiganes, Turcs… En 1963, le terme de «minorité» senti comme péjoratif, fut remplacé par «nationalité» (narodnost), mais la hiérarchie fut maintenue. Le discours officiel s’adressait aux nations et nationalités, mais la langue officielle n’inventa jamais un terme qui subsume ces deux entités. La logique de l’État multinational ne fut pas appliquée jusqu’au bout : certains peuples restèrent plus égaux que d’autres». Garde Paul, «Ex- Yougoslavie : Le piège», La condition minoritaire, Le Courrier de l’UNESCO, France, juin 1993, page 40.

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conçoivent les minorités et les nationalités de la Yougoslavie comme constituant un seul ensemble : «la complexité des problèmes ethniques dans l’espace yougoslave est complétée par l’image des minorités nationales, ethniques ou linguistiques qui se donnent le nom des nationalités. Cette expression est entrée en usage du fait des détenteurs du pouvoir politique désireux de mettre en évidence un statut non discriminatoire des minorités ethniques par l’introduction de nouvelles appellations et surtout par la négation du concept de minorité»226.

Cependant, il existe une classification qui permet de distinguer d’une part, les minorités (communautés) nationales, ethniques et linguistiques autochtones et d’autre part, les minorités (communautés) ethniques récentes. En fait, «dans la catégorie des minorités nationales, ethniques et linguistiques autochtones, l’auteur range les populations qui, après que la plus grande partie de leurs peuples a formé leur propre État, subsistent sur le territoire des autres États et qui se différencient des peuples majoritaires par la langue, la mémoire historique, le caractère national et la culture, aspirant en outre à la conservation de ces particularités nationales. On ajoute dans cette catégorie la majeure partie des minorités nationales de la Yougoslavie : Italiens, Hongrois, Albanais, Roumains, Bulgares, Turcs… La communauté ethnique des Roms est classée également parmi les minorités autochtones. Dans la catégorie des minorités ethniques récentes, on peut ranger les autres populations d’ethnies différentes qui se sont formées à la suite de différents types de migrations (…) économiques et politiques des ressortissants des minorités, des membres des peuples venant des Républiques moins développées vers les Républiques plus développées (Serbes, Musulmans, Macédoniens émigrant en Slovénie et en Croatie). Il s’agit, en premier lieu, des Albanais du Kossovo et de Macédoine émigrant en Slovénie et en Croatie»227.

La deuxième Yougoslavie, comprenait tout d’abord, six nations ou Républiques, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, la République de Serbie - c’est, il est vrai, un record - 26 nations, nationalités et minorités étaient présentées» (Recensement de 1981).

226Komac Miran, «Nationalités et minorités en Yougoslavie», Minorités. Quelles chances

pour l’Europe?, L’Événement Européen : Initiatives et débat, Édition française Seuil, N°

16, Paris , octobre 1991, pages 165-167.

227Komac Miran, «Nationalités et minorités en Yougoslavie», Minorités. Quelles chances

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Serbie, le Monténégro et la Macédoine. Ensuite, deux nationalités, l’une albanaise et l’autre hongroise s’ajoutaient, qui devaient avoir leur province autonome dans la République serbe. Il s’agit, enfin, de compter douze minorités ethniques dont les plus importantes d’un point de vue quantitatif étaient celles des Tsiganes, des Turcs, des Slovaques, des Roumains, des Bulgares, des Valaques, des Tchèques, des Italiens et des Ukrainiens228.

Entre ces ensembles nationaux, nationalitaires ou minoritaires, il existaient des différences objectives identitaires fondamentales telles que l’origine, la langue ou la religion, sans que cela signifie que leur unité étatique était impossible dans la mesure où «aucune nation (c’est-à-dire aucun État national) ne possède en fait une base ethnique»229. Ainsi, si ces nations

étaient Slaves, héritières des États Slaves230 qui limitaient depuis la fin du

VIIe siècle «le domaine byzantin»231, les minorités ne l’étaient pas.

Cependant, bien que la coexistence de ces ensembles ne fût pas évidente pour des raisons non seulement identitaires mais également démographiques et économiques232, les efforts d’unification fondée sur des institutions, n’ont

pas manqué, passant successivement de l’adoption de la première loi fondamentale de 1946 à celle de 1963, à la révision de la Constitution de 1971 et à la rédaction d’un nouveau texte en 1974. Ce dernier a non seulement fixé la répartition des pouvoirs «entre fédérations et Républiques fédérées, puis entre Républiques fédérées et provinces autonomes»233, mais

228Informations recueillies dans le livre de Feron Bernard, Yougoslavie : origines d’un

conflit, op. cit., page 44-45.

Voir également : Caratini Roger, La force des faibles, Encyclopédie mondiale des minorités, Larousse, Paris, septembre 1986, page 279-283. Dans cet ouvrage, les minorités sont classées selon leur nombre dans chacune des six Républiques yougoslaves ainsi que dans les deux provinces autonomes de Kossovo et de Vojvodine.

229Balibar Etienne, Wallerstein Immanuel, Race, Nation, Classe : Les identités ambiguës, La Découverte, Paris 1988, page 70.

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230 Georges Castellan, Histoire des Balkans, XIVème-XXème siècles, op. cit., page 37. 231Georges Castellan, Histoire des Balkans, XIVème-XXème siècles, op. cit., page 37. Voir également: Ancel Jacques, Peuples et nations des Balkans, op. cit., page 95-97. 232Feron Bernard, Yougoslavie : origines d’un conflit, op. cit., page 57-70.

Pour les différences religieuses, voir : Feron Bernard, Yougoslavie : origines d’un conflit, op. cit., page 75-81.

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a eu pour effet l’accroissement des prérogatives des Républiques et pro- vinces qui, s’appuyant parallèlement sur leur différentiation historique et culturelle, disposaient même d’un droit de veto sur les décisions fédérales contraires à leurs intérêts. Cependant, nous devons constater que cette décentralisation et autonomie conférées aux différentes Républiques et provinces de la deuxième Yougoslavie ne dépendant pas de la réalité marquée par leurs différences historiques et culturelles mais, plutôt de cette conception «plus hardie que celle qui prédominait dans les pays de l’ex- Komintern, sur l’affaiblissement de l’État central à partir du moment où le modèle socialiste de l’individu et de son rapport à la production est constitué de façon transcendantale. Dans ce cas, la fonctionnalisation du système social étant supposée achevée ou en bonne voie, on peut introduire une fonction de plus, la gestion déconcentrée, mais les objectifs d’ensemble, les grands arbitrages et, garant suprême, le Parti, métaphore absolue de la socialité, restent centralisés : on pourrait même ajouter que, dans ce cadre, la culture est une fonction que le système intègre: culture archaïque et locale tant qu’elle ne s’est pas spontanément résorbée, culture nouvelle, créée ex nihilo comme une superstructure selon la terminologie correspondante, par la suite»234. Le pouvoir réel est progressivement passé de la fédération aux

Républiques et par conséquent, à celle de Macédoine qui est sortie de l’Empire ottoman après les guerres balkaniques et la signature des deux traités qui y ont mis fin, ceux de Londres de mai 1913 et de Bucarest d’août 1913 et après avoir été «créée par Tito le 2 août 1944 sous le nom de «République Socialiste de Macédoine»235. Cette nouvelle République avait

234Poche Bernard, «Fondements sociologiques de l’auto-défense. Quelques exemples euro-péens», Espaces et sociétés. Identités, espaces et frontières, L’Harmattan, N° 70-71, Paris 3-4/1992, page 48.

235Rauffer Xavier, Haut François, Le chaos balkanique, op. cit., page 139.

Il serait intéressant de noter qu’immédiatement après la fin de la Première guerre mondiale, les affaires balkaniques ont été influencées et davantage compliquées par le rôle joué par l’internationale communiste, ou Komintern. Ainsi, «en janvier 1920, le congrès des communistes de la région créa une Fédération communiste des Balkans, au sein de laquelle le PC bulgare proposa «l’autonomie» pour les Macédoines de Vardar, de Pirin et de l’Égée, réunifiées. En 1924, la VIème conférence de la Fédération communiste des Balkans se prononça pour «une Macédoine unitaire et indépendante», mesure ratifiée la même année par le Vème congrès du Komintern, puis par le IIIème congrès du PC grec. La ligne favorable à une Macédoine indépendante resta celle des communistes jusqu’en 1935. Cette année-là, la montée des fascismes, la nécessité de mener une politique des «fronts

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2,3 millions d’habitants, une superficie de 25.720 Km2236 et était entourée

de la Grèce, de l’Albanie, de la Serbie et de la Bulgarie. Les Macédoniens d’origine slave, constituent 65% de la population237, ils sont de confession

chrétienne-orthodoxe et parlent pour la plupart le dialecte de la région de Bitola-Veles, proche de la langue bulgare, le seul qu’on enseigne désormais238. En fait, cette autonomie politique qui conférait à l’ex-

République de Macédoine une certaine puissance, doit son origine «non seulement à la politique préconisée par Tito, mais également à l’apparition des premières discordes entre Staline et Tito pendant la seconde guerre mondiale»239 et qui ont atteint leur point culminant en 1948.

populaires» avec les autres forces de gauche imposa au Komintern- devenu un simple instrument de la politique extérieure stalinienne- un virage à 90°. Finie la «Macédoine indépendante et socialiste» : l’Internationale communiste respecta désormais les frontières existantes et prôna le «respect de toutes les minorités». En avril 1936, le PC grec, toujours docile, ratifia la nouvelle ligne. En décembre 1943, nouveau virage: le Vème congrès des Partisans yougoslaves approuva la création d’un État fédéré de Macédoine dans la future yougoslavie communiste. (Rauffer Xavier, Haut François, Le chaos balkanique, op. cit., page 138-139).

Sur la responsabilité du PC grec, voir LÕƒ≤∑˛ M|›µß{`˛, V∑ `{§Ä∂∑{∑ xç¥` …∑ˇ |¢µ§≤§«¥∑Õ : ä `≥ç¢|§` z§` …∑ N`≤|{∑µ§≤∫, J|¥Ä≥§∑, A¢çµ` 1994, x˝Ä≤{∑«ä, 123 pages, et plus particulièrement les pages 25-28. En outre, le rôle joué par les autres partis grecs est contenu aux pages 28 et 29 du même livre.

236Source : Rauffer Xavier, Haut François, Le chaos balkanique, op. cit., page 72.

237La minorité albanaise compte, selon Skopje, 400.000 personnes et selon Tirana, plus de 650.000. On y trouve encore 60.000 Gitans, 80.000 à 100.000 «Musulmans», 45.000 Serbes et quelques milliers de Valaques, roumanophones et orthodoxes. (Source : Rauffer Xavier, Haut François, Le chaos balkanique, op. cit., page 72.).

238Rauffer Xavier, Haut François, Le chaos balkanique, op. cit., page 72.

239En fait, «il faut distinguer les objectifs politiques réels de la décision de Tito et leur couverture idéologique. Les objectifs politiques pour l’auteur de cet article étaient au nombre de trois : 1) contrecarrer la propagande bulgare, qui, depuis déjà fort longtemps et avec des succès non négligeables, paraît-il, affirmait que les Slaves de la région de Skopje n’étaient, en fait qu’une branche de la nation bulgare; 2) affaiblir la Serbie en détachant d’elle la région de Skopje, afin d’assurer ainsi un meilleur équilibre interéthnique au sein de la future Fédération Yougoslave ; 3) poser les jalons pour les revendications yougoslaves sur les territoires de la Macédoine grecque.

La couverture idéologique, au contraire, fut différente. Elle prit en effet la forme d’une réinterprétation originale, c’est le moins que l’on puisse dire, de l'histoire des peuples de la région, qui, dans ses grandes lignes au moins, pourrait se résumer comme suit : les anciens Macédoniens, affirma-t-on, y compris les plus illustres d'entre eux, Philippe et Alexandre le

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Tout d’abord, Tito ne se contente pas de disputer Trieste à l’Italie, le sud de la Carinthie à l’Autriche et «fait naître la République de Macédoine avec l’arrière pensée de limiter au Sud de la Yougoslavie la puissance serbe»240 et revendiquer «un morceau de la Macédoine à la

Grèce»241. Pour Staline, ensuite, la Yougoslavie constituait «une des pièces

du jeu d’échecs sur lequel il manœuvrait face aux occidentaux»242

ambitionnant de la transformer «au moins provisoirement en une terre de Grand, Aristote et Ptolémée, n'étaient pas des Grecs. Ils étaient tout simplement les ancêtres directs des Slaves qui vivent aujourd'hui dans la région de Skopje. Leur pays, donc la Macédoine grecque, avec toutes ses villes, Pella et Vergina, Edessa et Thessalonique, appartient à ces derniers et attend d'être libéré par leurs armées ou, à défaut, par celle de leur maréchal-protecteur. Bien sûr, pour celui qui n'ignore pas que les Slaves, selon tous les témoignages historiques dont on dispose, n'ont commencé à descendre dans les Balkans qu'à partir du VI siècle après Jésus-Christ, toute cette histoire apparaît comme un conte pour enfants. Mais les «idéologies officielles» de ce temps n'oublions pas que c'était l'époque de Lyssenko et de Jdanov se souciaient fort peu de leur éventuelle conformité avec les faits et les exigences élémentaires de l'analyse scientifique. Leur valeur, aux yeux de ceux qui les commandaient, dans les deux sens du terme d'ailleurs, dépendait essentiellement de leur capacité de promouvoir des objectifs politiques déterminés. Et, de ce point de vue, le délire généalogique que nous venons d'esquisser était tout à fait opérationnel. Car il permettait à la fois de distinguer les Slaves de Skopje des Serbes et des Bulgares et de donner un semblant de légitimité aux visées du nouveau maître de la Yougoslavie sur la Macédoine grecque. Et ici d'ailleurs, il faudrait signaler que, au cours des premières années de l'après-guerre au moins, le maréchal Tito avait beaucoup de raisons pour penser que ce troisième objectif qu'il visait en prenant la décision de transformer la région de Skopje en République socialiste de la Macédoine, à savoir l'annexion de la Macédoine à la Fédération Yougoslave, était à la portée de sa main. Son armée, en effet, était alors la plus puissante des Balkans et une des plus puissantes du monde. Et lui-même, jouissant encore de la pleine confiance de Staline, exerçait une influence prépondérante dans tout le bloc communiste. Alors que les Grecs se trouvaient engagés, à l'époque, dans une guerre civile sanglante, dont l'issue dépendait beaucoup de l'aide yougoslave aux insurgés communistes» (Nikos Dimadis, «La question macédonienne : Établir des rapports de bon voisinage» L’Espace Européen, 19 mai 1992, page 8.).

240Feron Bernard, Yougoslavie : origines d’un conflit, op. cit., page 54.

241Fontaine André, Histoire de la guerre froide : de la Révolution d’Octobre à la guerre

de Corée (1917-1950), Tome 1er, Fayard, Paris 1965, page 405.

242Fontaine André, Histoire de la guerre froide : de la Révolution d’Octobre à la guerre

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coexistence, comme la Tchécoslovaquie et la Hongrie»243, alors que pour

Tito, la restauration rapide du communisme le poussait à adopter «une attitude extrêmement dure vis-à-vis des Occidentaux, auxquels l’ancien régime avait concédé une partie importante des richesses naturelles du pays»244. Il faut rappeler, aussi, la tendance des Russes à considérer la

Yougoslavie comme un pays conquis,» embauchant des ressortissants de Belgrade, sans l’en avertir, dans leurs services de renseignements, et cherchant à instituer des sociétés dont l’étiquette mixte dissimulait mal qu’elles auraient servi exclusivement l’intérêt soviétique»245. Il y avait,

enfin, et surtout, la forte personnalité et la popularité de Tito attestée par l’accueil triomphal qui lui avait été réservé au cours des visites officielles à Sofia, à Varsovie, à Bucarest, à Budapest et qui «portait ombrage à Staline, qui ne tolérait, autour de lui, que des comparses»246.

En fait, c’est dans cette ambiance que le 2 août 1944, a été créée247 au monastère de Prohor Pcinjski, la République Socialiste de

243Fontaine André, Histoire de la guerre froide : de la Révolution d’Octobre à la guerre

de Corée (1917-1950), op. cit., page 404.

244Fontaine André, Histoire de la guerre froide : de la Révolution d’Octobre à la guerre

de Corée (1917-1950), op. cit., page 404.

245Fontaine André, Histoire de la guerre froide : de la Révolution d’Octobre à la guerre

de Corée (1917-1950), op. cit., page 404-405.

246Fontaine André, Histoire de la guerre froide : de la Révolution d’Octobre à la guerre

de Corée (1917-1950), op. cit., page 405.

«L'Albanie, où les partisans yougoslaves avaient organisé le mouvement de résistance, était à peu près complètement sous son influence. Et il (Tito) faisait campagne pour une fédération balkanique réunissant pour commencer la Yougoslavie et la Bulgarie. Si ce plan réussissait, si d'autres pays venaient se joindre à ce regroupement, il y avait toutes chances qu'il en fût le leader incontesté, ce qui l'aurait mis sur un pied de quasi-égalité avec le généralissime du Kremlin».

247En fait, après la seconde guerre mondiale, la Yougoslavie de Tito «renonça à la fiction de la «nation yougoslave» (à laquelle les horreurs de la guerre avait apporté un démenti sanglant) et devint officiellement un État multinational, reconnaissant aux six peuples sud- slaves comme des nations distinctes: Serbes, Croates, Slovènes, Macédoniens, Monténégrins, et, un peu plus tard, «Musulmans» (bosniaques). Le royaume unitaire devint une République fédérale. Les communistes yougoslaves suivirent ainsi l’exemple donné un quart de siècle plus tôt par les Soviétiques, qui avaient transformé l’Empire russe, dominé par une seule nation, en une fédération multinationale: l’URSS. (…) Garde Paul, «Ex- Yougoslavie: Le piège», La condition minoritaire, Le Courrier de l’UNESCO, France, juin 1993, page 40.

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Macédoine, capitale Skopje, qui est devenue un État fédéré yougoslave, le 30 avril 1945248. Nous pensons que le problème actuel réside dans la

création de cet État non pas pour des raisons étatiques constitutives mais plutôt à cause de sa volonté, qui est celle de tout nouvel État, de se pencher vers le passé pour chercher des éléments essentiels, fondamentaux, nécessaires à la construction de l’idée nationale macédonienne qui «fut