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Une naissance étatique controversée

1992-1995 UN DISCOURS SCOLAIRE NOUVEAU : IDENTITÉ NATIONALE ET GESTION DU DANGER

A) Une naissance étatique controversée

Le danger n’est pas récent, mais très peu nombreux sont ceux qui le considèrent comme omniprésent, particulièrement après l’effondrement de l’ex-deuxième-Yougoslavie. De l’indépendance de l’ex- République de Macédoine, au milieu des années 40, a résulté la réapparition du combat pour le partage de la Macédoine conçue d’un point de vue étatique et national. Dans cette perspective, le problème a donc dépassé le cadre de la reconnaissance du nouvel État et a atteint, à travers l’élaboration de l’identité nationale de l’ex-République yougoslave de Macédoine, la sécurité étatico-nationale de la Grèce.

Déjà en 1982, lors du huitième congrès de l’Union Communiste Macédonienne de mai, le président Tsemersky a mis l’accent sur «la reconnaissance et la sauvegarde des droits nationaux de la minorité

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macédonienne en Grèce» tout en soulignant qu’ils allaient «lutter pour leurs droits». Un mois plus tard, en juin 1982, lors du congrès de l’Union des Communistes Yougoslaves, on déclarait que «les Macédoniens étaient opprimés», alors que dans le «Communiste»150 du 11 décembre 1982, on

apprenait que la «langue et l’ethnie macédoniennes» existaient non seulement sur l’espace macédonien, mais également en Grèce et en Bulgarie. Quelques mois plus tard, ces idées ont été condensées dans un prospectus révolutionnaire que nous avons trouvé dans nos boîtes aux lettres à l’Université Paul Valéry et qui témoignait non seulement de la volonté de lutte pour l’indépendance de la Macédoine, mais qui présentaient aussi le problème que ces prétentions signifiaient pour la Grèce151 et l’Europe

organisées autour des notions de Nation et d’État.

-La notion de Nation en Grèce est objective et subjective à la fois152 car la communauté nationale établie sur le même territoire est déterminée par des éléments de fait comme les caractéristiques linguistiques153, religieuses154, d’éducation commune, mais également

volontaristes «en voyant dans la communauté nationale comme lien essentiel le désir de la vie commune»155. C’est à cette notion que se référait

l’Italien Mancini en 1851 en définissant la nation comme une société naturelle d’hommes que l’unité de territoire, d’origine, de mœurs et de langage mène à la communauté de vie et de conscience sociales. Ces

150Organe de presse de l'Union des Communistes Yougoslaves.

151Ce substantif se réfère aussi bien à l'État qu'à la Nation et à la Patrie grecs.

152Ces deux notions sont souvent opposées mais nous pensons que le sentiment national n'est pas fondé sur des arguments relatifs aux sciences exactes mais sur des impressions très complexes regroupant des caractéristiques aussi bien objectives que subjectives.

153Aucune personne censée ne mettrait en doute que la langue des Grecs d'aujourd'hui est l'évolution de celle des Grecs de l'Antiquité. Cette communauté de langue (V∑ π¥∫z≥›««∑µ) est un trait essentiel de la Nation. En même temps, en acceptant le substantif

évolution nous admettons évidemment l'importance de la notion de continuité.

154Dans le passé grec, de l'Antiquité à nos jours, la croyance religieuse a constitué un élément fondamental d'appartenance au même groupe d'hommes (V∑ π¥∫¢ƒä«≤∑µ).

155Claude-Albert Colliard, Institutions des Relations Internationales, op. cit., page 84. Ernest Renan, dans sa célèbre conférence Qu'est-ce qu'une nation ? en 1882 parlait de «vouloir vivre collectif» : «Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait des grandes choses ensemble, vouloir en faire encore… » (Philippe Forest, Qu'est-ce qu'une nation ? , Littérature vivante, Pierre Bordas et fils, Paris 1991, page 41).

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caractéristiques aussi bien objectives et subjectives sont associées à une notion fondamentale de continuité qui implique l’absence de ruptures. La Macédoine antique est ainsi considérée par les Grecs comme faisant partie du patrimoine hellène, particulièrement grâce à son «origine grecque, à l’absence de rupture culturelle ou linguistique, à l’union entre Macédoniens et autres Grecs », ainsi que grâce à la « diffusion de la langue et de la civilisation grecques par les Macédoniens d’Alexandre le Grand dans tout le monde»156.

Même si du point de vue spatial, la Macédoine n’a pas été immédiatement rattachée au territoire étatique en 1830, les luttes des ancêtres protecteurs de la Nation, ont contribué à partir de 1913, à son union avec la mère patrie. Ainsi, les guerres balkaniques ont permis de réglementer la concurrence helléno-bulgare en Macédoine et les échanges des populations ont eu comme conséquence le renforcement «du caractère national grec»157. Il faudrait noter que ces échanges des populations se

référent non seulement aux départs spontanés qui ont eu lieu après la révolution des Jeunes Turcs en 1908, mais aussi aux échanges réglementés imposés par le traité gréco-bulgare d’immigration mutuelle de 1919 et par le traité de Lausanne de 1923. Selon les sources officielles grecques qui reposent sur une estimation faite en 1926 par la S.D.N. sur l’évolution démographique en Macédoine, la population grecque est ainsi passée de 37,84% avant les guerres balkaniques, vers 1890, à 88,8% (1.341.176 habitants), contre 5,1% de Bulgares (77.061 habitants), 0,13% de Musulmans (2.000 habitants) et 5,97% d’autres origine, mais en majeure partie de juifs (90.206 habitants)158. Cette union de caractère territorial et

étatique, est renforcée par la permanence des traits essentiels de l’identité nationale hellène qui sont donc conçus comme inchangées à travers les

156Manuel de 1992, page 13. Une traduction a aussi été faite par le Centre des Macédoniens de la Diaspora et la Société des Études Macédoniennes, Macédoine. Histoire

et politique, Ekdotiki Athinon S.A., Athènes 1991, page 9.

157L∫µ…ä˛ C`«ß≥|§∑˛, L|µ…ƒ›…ç˛ Lˇƒ§c≤∑˛, TŸÄ…`˛ T√ˇƒß{›µ, T…|Ÿ`µß{ä˛ E. D§cµµä˛,

H |√|≤…`…§≤ç √∑≥§…§≤ç …›µ T≤∑√ß›µ, op. cit., page 12.

N`ˇƒ∑z§‡ƒz∑˛ D§‡ƒz∑˛, F≤√`§{|ˇ…§≤∑ß ≤`§ {§{`«≤`≥ß` : D§` ¥§` `µ…ß(√`≥ä) √ƒ∫…`«ä, TÕzχƒ∑µä F≤√`ß{|ˇ«ä, A¢çµ` 1992, page 180.

158Panzac Daniel, «La population de la Macédoine au XIXème siècle (1820-1912)», Les

Balkans à l’époque ottomane, op. cit., page 122.

Des passages du manuel scolaire édité en 1992 qui se référent à la continuité de l’Hellénisme, sont placés en annexes.

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siècles. «Il s’agit d’une nation complètement homogène bénéficiant d’une cohérence absolue. Elle n’a jamais reçu d’influence extérieure et elle a, au contraire, influencé d’autres civilisations et peuples»159. Cela signifie que

l’identification nationale grecque repose sur l’aspect continu des éléments aussi bien objectifs comme la langue, la religion et la même origine, que subjectifs tel le désir de vivre en commun. Or, les «prétentions160» de l’ex-

République yougoslave que les Grecs nomment République de Skopjie sont fondées sur l’inexistence de continuité. Ainsi, les Macédoniens ne seraient pas des Grecs mais ils constitueraient une ethnie à part ; leur langue ne serait pas le grec mais l’idiome linguistique parlé dans la région de Skopjie, c’est-à-dire un mélange de mots bulgares, turcs, grecs, albanais et slaves ; les Macédoniens anciens ne seraient pas des Grecs mais des descendants des Thraces et des Illyriens; lors de l’arrivée des Slaves au sixième siècle, ceux- ci se seraient unis avec les anciens Macédoniens qui n’étaient pas Grecs pour constituer un nouveau peuple de Macédoniens slaves et cela malgré la présence tardive des Slaves, dans les Balkans au sixième siècle ap.J.C. ; le terme macédonien ne définirait donc pas des mœurs, une histoire, des monuments, une civilisation grecs mais des héritages de la région de Skopjie. Nous pourrions citer des sources qui prouvent le contraire car ces prétentions semblent ignorer de nombreux témoignages historiques.

Cependant, les prétentions des responsables politiques de l’ex-République yougoslave de Macédoine ne concernent pas uniquement la notion de Nation mais également celle d’État, au nom du Principe des Nationalités qui donne le droit à toute nation de se constituer en État indépendant en y regroupant les populations identifiées de manière objective et/ou subjective par des caractéristiques communes161. La

collectivité étatique pourrait être définie comme «l’établissement et la vie sur un territoire déterminé d’un groupe d’êtres humains soumis à un pouvoir

159Xƒ`z≤∑ˇ{c≤ä ˝Aµµ`, L∑§µ›µ§∑≥∑zß` …ä˛ |≤√`ß{|ˇ«ä˛. J|›ƒß|˛ z§` …äµ ≤∑§µ›µ§≤ç `µ§«∫…ä…` «…∑ «χ∑≥|ß∑,op. cit., page 23.

N`ˇƒ∑z§‡ƒz∑˛ D§‡ƒz∑˛, F≤√`§{|ˇ…§≤∑ß ≤`§ {§{`«≤`≥ß` : D§` ¥§` `µ…ß(√`≥ä) √ƒ∫…`«ä, TÕzχƒ∑µä F≤√`ß{|ˇ«ä, A¢çµ` 1992, page 180.

160Nicolas Martis, La falsification de l'histoire de Macédoine, Athènes 1983, page 3. 161Des deux parties de cette définition c'est généralement la première que nous entendons, celle qui a été invoquée au lendemain de la Première Guerre mondiale par les puissances victorieuses ainsi que par le Président des États-Unis d'Amérique Wilson en quatorze points (droit des peuples à disposer d’eux-mêmes).

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politique»162 de manière effective. Cette définition permet de dégager les

trois éléments constitutifs de l’État: le territoire, la population et le pouvoir politique. Cela signifie que, dans le cadre de la «fabrication» des nouveaux Macédoniens, citoyens du nouvel État dont nous avons eu, en France, un aperçu163, les notions de territoire interrompu et de peuple divisé

risqueraient de prendre une importance identificatrice fondamentale. Dans ce cas, étant donné que l’État est souverain sur son territoire dont l’intégrité est garantie par les Nations Unies, les régions macédoniennes grecque et bulgare seraient considérées comme absentes du nouvel État-nation car il est une sorte de «réalité qui amalgame diverses substances en rotation pour ainsi dire. Par exemple, l’idée de nation plonge ses racines dans la matérialité de la terre, dans le turf ; or c’est là justement que gît le turf mythologique de la terre-mère, de la mère-patrie. Le mythe, l’idéologie ne se surajoutent pas comme superstructures, contrairement à ce qu’affirment toutes les théories simplistes ; ils font partie intégrante de la structure que j’appelle rotative de l’État-Nation»164. A défaut, les populations soumises à

un pouvoir politique autre que celui de la nouvelle République ex- yougoslave et établies sur un espace distinct de celui de l’État pourraient être considérées comme constitutives d’une minorité ethnique qui, grâce ou à cause du mythe de la Nation, peuvent être transformées en nations. En effet, le contenu de certains manuels de ce nouvel État des Balkans étudié

162Claude-Albert Colliard, Institutions des Relations Internationales, Dalloz (septième édition), Paris 1978, page 81.

163Le 13 février 1993, de 13h30 à 14h15, Antenne 2 a diffusé dans le cadre de l’émission

Géopolis, un documentaire sur l’ex-République yougoslave qui permettait à l’observateur

averti de constater l’importance que prenaient les notions d’espace et de peuple qui étaient organisées autour de la notion d’interruption.

La même année, l’Académie des Sciences et des Arts de Skopje (MANU) a publié en langue anglaise un livre (Macedonia and its relation with Greece, Skopje 1993) dont l’objectif était de démontrer l’existence de la Macédoine comme une entité et unité

historique ainsi que la continuité historique du peuple macédonien. Ces thèses ont été

analysées et critiquées par deux chercheurs du Centre d’Études de la Péninsule d’Aimos de Thessalonique dans un livre publié en 1994 (TŸÄ…`˛ T√ˇƒß{›µ, L|µ…ƒ›…ç˛ Lˇƒ§c≤∑˛,

T≤∫√§` «| `µ`âç…ä«ä …`ˇ…∫…ä…`˛ ≤`§ {§|¢µ∑Õ˛ `µ`zµ‡ƒ§«ä˛. Lƒ§…§≤ç √ƒ∑«Äzz§«ä …ä˛ Ä≤{∑«ä˛ …ä˛ MANU «Macedonia and its relations with Greece », Skopje 1993, 68 pages).

164Edgar Morin, «L’État-Nation (Actes du colloque de Die, 20-22 septembre 1991 : Nationalités et nationalismes dans la nouvelle Europe)», La nouvelle Alternative (revue

pour les droits et les libertés démocratiques en Europe de l’Est), n° 24, décembre 1991,

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par des chercheurs grecs165 va dans ce sens. À titre d’exemple, le

rattachement de la Macédoine de Pirin à la Bulgarie est présenté comme «une occupation bulgare»166 dans le manuel d’histoire adressé aux élèves

de la Seconde année d’études professionnelle167: «Les occupants bulgares

se sont livrés à des poursuites terribles contre les Macédoniens considérés comme serbophiles ou hellénophiles, tandis que leur comportement envers la population totale a été celui d’un conquérant». De même, dans ce manuel à la page 105, la libération de la Macédoine par l’armée grecque a été, elle aussi, appelée «occupation grecque»168. La Macédoine, enfin, est désignée

comme «un pays habité par des Macédoniens et non pas, bien entendu, comme une région selon un sens géographique»169.

Cependant, les Macédoniens établis sur l’espace étatique grec sont, avant tout, des Grecs, aussi bien du point de vue étatique (citoyens grecs) que national (membres de la communauté hellène), parce qu’ils ont la citoyenneté grecque et parce qu’ils parlent la langue grecque, que ce sont des chrétiens orthodoxes, qu’ils sont éduqués de la même façon et qu’ils habitent sur la même terre-mère que leurs ancêtres…170.

165L`…«∑ˇ≥c≤∑˛ J|∫{›ƒ∑˛, V«`µ…ß{ä˛ L‡«…`˛, Rƒ∑x≥ç¥`…` §«…∑ƒ§∑zƒ`Ÿß`˛. F√`µc«…`«ä …∑ˇ 21, Q§ x`≥≤`µ§≤∑ß √∫≥|¥∑§ «…` «χ∑≥§≤c |zχ|§ƒß{§` …›µ C`≥≤`µ§≤‡µ ≤ƒ`…‡µ, F≤≤ƒ|¥Ä˛, A˝ F≤{∑«ä, Ncƒ…§∑˛ 1994, 142 pages.

La politique nationale et internationale de l’ex-république yougoslave de Macédoine est également analysée et critiquée par des chercheurs du Centre d’Études de la Péninsule d’Aimos de Thessalonique à travers une étude des documents à caractère politique (L∫µ…ä˛ C`«ß≥|§∑˛, L|µ…ƒ›…ç˛ Lˇƒ§c≤∑˛, TŸÄ…`˛ T√ˇƒß{›µ, T…|Ÿ`µß{ä˛ E. D§cµµä˛, H |√|≤…`…§≤ç √∑≥§…§≤ç …›µ T≤∑√ß›µ, ˝K{ƒˇ¥` N|≥|…‡µ Y|ƒ«∑µç«∑ˇ …∑ˇ Aߥ∑ˇ, O° 254, J|««`≥∑µß≤ä 1993, 72 pages).

166L`…«∑ˇ≥c≤∑˛ J|∫{›ƒ∑˛, V«`µ…ß{ä˛ L‡«…`˛, Rƒ∑x≥ç¥`…` §«…∑ƒ§∑zƒ`Ÿß`˛. F√`µc«…`«ä …∑ˇ 21, Q§ x`≥≤`µ§≤∑ß √∫≥|¥∑§ «…` «χ∑≥§≤c |zχ|§ƒß{§` …›µ C`≥≤`µ§≤‡µ ≤ƒ`…‡µ, op. cit., page 103.

167Skopje 1978, 5ème édition, pages 105-109.

168L`…«∑ˇ≥c≤∑˛ J|∫{›ƒ∑˛, V«`µ…ß{ä˛ L‡«…`˛, Rƒ∑x≥ç¥`…` §«…∑ƒ§∑zƒ`Ÿß`˛. F√`µc«…`«ä …∑ˇ 21, Q§ x`≥≤`µ§≤∑ß √∫≥|¥∑§ «…` «χ∑≥§≤c |zχ|§ƒß{§` …›µ C`≥≤`µ§≤‡µ ≤ƒ`…‡µ, op. cit., page 103.

169L`…«∑ˇ≥c≤∑˛ J|∫{›ƒ∑˛, V«`µ…ß{ä˛ L‡«…`˛, Rƒ∑x≥ç¥`…` §«…∑ƒ§∑zƒ`Ÿß`˛. F√`µc«…`«ä …∑ˇ 21, Q§ x`≥≤`µ§≤∑ß √∫≥|¥∑§ «…` «χ∑≥§≤c |zχ|§ƒß{§` …›µ C`≥≤`µ§≤‡µ ≤ƒ`…‡µ, op. cit., page 104.

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À l’heure où le problème macédonien, qui oppose l’État grec à celui dit de Skopje, atteint, au moins d’un point de vue international, son point culminant, plaçant les Grecs dans une position fragile envers leurs alliés américains et européens dont la presse leur a été souvent très hostile, la Grèce, d’un point de vue interne, essaie de remédier à cet état de fait en présentant avec une apparence d’objectivité ce problème aux élèves grecs.

B) Un nouveau discours scolaire171

Ce manuel scolaire-outil pédagogique, comme tout autre, constitue un intermédiaire entre l’élève grec et les connaissances présentées, dont l’efficacité dans le processus d’apprentissage de l’élève dépend de son organisation pédagogique et didactique. Cela signifie que, parallèlement à l’analyse du contenu, dont l’objectif est l’étude du problème actuel entre l’État grec et l’ex-République yougoslave de Macédoine, nous nous interrogerons sur la présence et non pas sur l’efficacité, ce qui imposerait que nous étudions sur place les moyens fournis à l’élève pour qu’il accède à un niveau de compréhension effectif. En second lieu, nous tenterons de mettre en rapport cette offensive éducative grecque avec l’opinion politique ou journalistique qui a dominé les relations de la Grèce avec ses voisins, et surtout avec ses partenaires européens, pour démontrer sa raison d’être ou, au contraire, soutenir la nécessité de la faire disparaître.

En fait, ce manuel publié en 1992 contient des connaissances organisées à travers une mise en page quasiment linéaire comportant un texte de base interrompu par des illustrations en couleur, excepté pour les deux dernières pages 53 et 54. En effet, pour 48 pages effectives, il contient une carte archéologique de la Macédoine et de la Thrace qui occupe deux pages ainsi que dix-huit images photographiques ! Cependant, la part quantitativement importante des illustrations constitue une tendance fréquente dans les manuels scolaires d’histoire depuis le milieu des années 1970. En effet, à partir de 1975, le nombre d’éléments divers constitutifs des pages des manuels se sont nettement multipliés.

171Ministère de l’Éducation Nationale et des Cultes, Macédoine : Histoire et Politique, Athènes 1992-1994.

W√∑ˇƒz|ß∑ F¢µ§≤ç˛ R`§{|ß`˛ ≤`§ Jƒä«≤|ˇ¥c…›µ, N`≤|{∑µß`, K«…∑ƒß` ≤`§ R∑≥§…§≤ç, Q.F.E.C., A¢çµ` 1992-1994.

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D’une manière quasi-générale, plus nous remontons dans le temps, plus les unités constitutives d’une page se multiplient devenant multidimensionnelle, dans la mesure où nous lisons de haut en bas et de gauche à droite. La mise en page est ainsi plus fragmentée dans les manuels publiés après 1983 que dans ceux publiés avant 1983, et surtout avant 1975. Cela signifie que bien que dans le manuel de 1992 sur la Macédoine, la mise en page linéaire correspond davantage à celle des manuels scolaires publiés avant 1975, la part quantitative des illustrations est très importante172. Effectivement, si la

hauteur d’une page est de 242 mm, et si nous prenons en compte toute la surface visuelle occupée par les illustrations173, elles représentent

environ174, en ajoutant celle de trois légendes situées à la page qui précède

une illustration qui couvre une page entière175, 14,1859 pages sur 48, c’est- à-dire, 29,5539 %. Cela signifie que les illustrations, cartes ou reproductions photographiques, constituent un moyen pédagogique et didactique considérable que nous devons prendre en compte dans le cadre de l’étude sur le Problème actuel à travers le manuel de 1992 intitulé Macédoine, Histoire et Politique176. Cette étude portera sur trois ensembles thématiques

distincts, premièrement, l’origine grecque et la continuité dans le temps des traits principaux de l’identité grecque de la Macédoine : deuxièmement, les critiques faites par les Grecs sur la conception étatique et nationale de l’ex- République yougoslave de Macédoine et troisièmement, sur les propositions grecques dont l’objectif était le règlement de la crise.

172Angélopoulos Constantin, op. cit., pages 70-97.

173On compte aussi bien la surface occupée par l’illustration et par sa légende que les parties «blanches» qu’elles imposent. En fait, il y en a deux : la partie entre l’illustration et sa légende ainsi que celle qui se trouve entre l’illustration et le haut de page, la marge gauche ou celle de droite. Cela signifie qu’aucune illustration n’est exclusivement située dans la partie basse de la page.

174 -La carte archéologique de la Macédoine et de la Thrace occupe deux pages.

-Les illustrations qui occupent une page entière sont celles des pages 11 (sans la légende), 17 (sans la légende), 31 (sans la légende), 43 et 47.

-Les autres occupent des surfaces différentes selon leur hauteur : 161 mm celle de la page 15, 145 mm celle de la page 19, 107 mm celle de la page 21, 155 mm celle de la page 22, 130 mm celle de la page 27, 130 mm celle de la page 28, 106 mm celle de la page 29, 135 mm celle de la page 33, 120 mm celle de la page 35, 135 mm celle de la page 37, 142 mm celle de la page 41, 116 mm celle de la page 53 et 115 mm celle de la page 54. 175C’est le cas de celles des pages 11 (10 mm), 16 (11 mm) et 30 (21 mm).

94 1) Origine et continuité

Cette étude est menée à travers le tableau de la page suivante qui porte le titre, La Macédoine dans le manuel publié en 1992 intitulé Macédoine : origine et continuité de la Macédoine. L’étude de ce tableau permet de constater que le premier thème est organisé autour de deux notions essentielles de l’idée nationale conçue à travers des caractéristiques de nature objective : l’origine linguistique et spatiale et sa continuité dans le temps. Cela permet de valoriser la notion d’unité et de continuité très souvent traitée en parent pauvre, bien que son sens soit fondamental parce qu’il exclut les ruptures et/ou les coupures.

En effet, un regard rapide dans le rectangle177 sur

l’origine, suffit pour dégager l’importance des deux éléments essentiels de l’identité nationale grecque : l’espace et la langue qui, étant communs à la population étatique et nationale hellène, constituent un lien essentiel. Il s’agit donc de présenter la population macédonienne comme hellène à travers la langue parlée et l’espace où elle s’est établie. Or, aussi bien la langue que l’espace sont conçus dans le cadre d’une évidente homogénéité. La langue, malgré les différents dialectes qui provenaient de la même famille «ethno-linguistique»178 « des langues indo-européennes »179, était

parlée par les «premières tribus de langue grecque180 qui se sont détachées

du corps principal des peuples indo-européens »181. Par peuples indo-

européens, nous entendons l’existence d’une communauté linguistique qui communique à travers une langue. Cependant, « communauté linguistique n’implique pas nécessairement peuple (population étatique) ou nation. (…)

177Son contenu se trouve aux pages 11 et 12 du manuel de 1992. 178Page 11 du manuel de 1992.

179Mackridge Peter, «L’évolution de la langue grecque», La langue grecque (H |≥≥䵧≤ç z≥‡««`), Édition du Ministère de l’Éducation Nationale et des Cultes, Athènes 1995, page 50.

180Tonnet Henri, «Rétrogradation à l’histoire de la langue grecque», La langue grecque (H |≥≥䵧≤ç z≥‡««`), op. cit., page 36.

Voir également: Tonnet Henri, Histoire de la langue grecque, Thessalonique 1992, pages 95-98.

K«…∑ƒß` …ä˛ F≥≥䵧≤ç˛ D≥‡««`˛, F≥≥䵧≤∫, M∑z∑…|χµ§≤∫ ≤`§ K«…∑ƒ§≤∫ Aƒχ|ß∑, A¢çµ` 1999, 442 «|≥ß{|˛.

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-Les premières populations de langue grecque ont été établies à la région du Pinde du Nord vers 2200-

2100 av.J.C.

-Au IIème millénaire, il y a eu trois groupes hellénophones (…), celui du Sud-Est, celui de l’Est ainsi que celui de l’Ouest.

-Le groupe du Sud-Est (Iones), s’est déplacé vers le Sud où il a rencontré des populations pro-helléniques de la Crète et des îles de culture supérieure.

-Le groupe de l’Est, qui parlait le dialecte éolien, a suivi la même destination et a été à l’origine du développement de la civilisation Mycénienne.

-Les groupes de l’Ouest (…) ont été dissout en quatre sous-groupes qui se sont installés, le premier à la Grèce continentale et au Peloponnèse, le second à la région de Doride et a pris le nom des Doriens, le