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TSACTSIRAS-TIVERIOS 1983/84-1994/

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On met explicitement ou implicitement l’accent sur son appartenance au monde grec66 pour appuyer son uniformité et sa continuité dans le temps. Ainsi, la plupart des auteurs se réfèrent de manière explicite à son caractère grec comme Maliaros (1953/54-1965/66), qui la présente comme un «espace grec qui s’étend…», Tsactsiras-Tivérios (1983/84- 1993/94) qui la considère comme un «État grec», ce qui a une signification particulière, car dans le chapitre intitulé Liens panhelléniques67, il donne

des éclaircissements sur le nom Grec68 ; De même, pour Athéna

Calogéropoulou (1965/66-1966/67, 1975/76 et 1976/77-1982/83) la Macédoine était une «cité grecque très puissante». Par contre, trois rédacteurs présentent la Macédoine comme grecque implicitement comme Lazarou-Chatzis (1950/51-1964/65) qui l’introduit dans la carte du chapitre sur les «États de la Grèce»69, Malliaros (1967/68) et Malliaros-Lazarou-

Chatzis (1968/69-1974/75) qui l’étudient dans le chapitre intitulé la Grèce métropolitaine70 et Vranopoulos (1979/80-1983/84) qui la replace dans le

cadre des «conflits civils grecs»71. On découvre ainsi un récit équivalent à

celui de Constantin Paparrigopoulos où les hommes établis sur cet espace étaient «des Grecs»72.

66 L’étude de la Macédoine fait partie du chapitre sur la Grèce métropolitaine. 67 Page 41.

68 «… Avant, les Grecs avaient plusieurs noms. Chez Homère, ils sont appelés Achéens, Danaens et Argiens. C'est pendant la période archaïque (entre 1015 et 480 avant notre ère) que domine le nom Grec pour distinguer ceux qui appartenaient à la Nation grecque. C'est ainsi que, malgré les différents noms des citoyens des cités-États, Athéniens, Spartiates, ..., fut adopté le nom «Grec» commun à tous les hommes de la Nation grecque». Pour d’autres rédacteurs, c’étaient plutôt des « immigrants qui venaient du nord et qui portaient ce nom» (Vranopoulos (1979/80-1983/84), p. 40 de l'édition de 1982.). A. Calogéropoulou (1965/67, 1975/76, 1976/7-1982/83), soutient que «ceux qui y habitaient avant s'appelaient Pré- Hellènes» (p. 85 de l'édition de 1982); alors que d’après Markianos, Orfanoudacis et Varmazis (1985/86-1988/89), «le contact a permis aux Grecs de prendre conscience, non seulement de leurs différences par rapport aux autres peuples, mais également de leurs ressemblances ; et les mots Grec et Grèce ont été utilisés de manière plus large, pour souligner leur appartenance nationale» (Histoire Thématique, 1987, p. 45, dans le chapitre intitulé, Unité du monde grec).

69 Pages 103-115. 70 Pages 78-87 71 Page 177.

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-Deuxièmement, la présentation de la situation géographique de la Macédoine peut être globale, si cette région est située par rapport à la Grèce tout entière au nord, ou relative si elle est située par rapport à d’autres parties de la Grèce comme la Thessalie, l’Olympe, le fleuve Strymon, le mont Skardos ou les villes grecques du centre et du sud. Cependant, il ne faut pas oublier que ce récit contenu dans les manuels scolaires s’adresse à des élèves qui avaient, ou qui ont de nos jours, treize ans (élèves de première année du second degré grec) ou seize ans (élèves de quatrième année de second degré grec); et que, de cette manière globale ou relative, l’évaluation du «Nous» était et est obtenue à travers celle de l’Autre d’un point de vue strictement spatial parce qu’ «on ne peut pas ne pas situer l’autre par rapport à soi»73. La Macédoine constitue ainsi une limite

fondamentale formant une frontière dynamique qui a assuré la défense de la nation.

-En ce qui concerne, troisièmement, la richesse de l’espace, elle est mise en valeur, dans quasiment tous les manuels scolaires d’histoire ancienne, à travers ses montagnes, ses forêts denses et la fertilité de ses immenses et larges plaines baignées par des fleuves qui ont favorisé l’agriculture et l’élevage. Cependant, c’est cette richesse qui a provoqué les convoitises des voisins moins développés qui la guettaient. La Macédoine est devenue ainsi, grâce à ses montagnes, une barrière sur laquelle se sont brisées les incursions barbares qui venaient du nord et menaçaient la Grèce tout entière, avant de céder jusqu’au début du XXème siècle aux Romains et aux Ottomans.

Dans la mémoire collective grecque, le renforcement de la vision territoriale pendant la période allant de 1950 à nos jours, a été inévitable. Cette période a été en effet marquée par la création le 2 août 1944 par Tito de la République Socialiste de Macédoine, par la présence américaine à travers la doctrine Truman, le plan Marshal et l’OTAN ainsi que par la réponse de l’Europe occidentale visant au dépassement du cadre étatique par l’intégration européenne. La Grèce, elle aussi, devait devenir une nation à frontières historiques et territoriales précises.

Ce livre a été réédité en 1970 avec une introduction de Constantin Dimaras (L›µ«…`µ…±µ∑˛ R`√`ƒƒäz∫√∑ˇ≥∑˛, ˆK«…∑ƒß` …∑◊ ˆF≥≥䵧≤∑◊ ˜F¢µ∑ˇ˛. ˆH √ƒ‡…ä ¥∑ƒŸç : 1853, ıA¢çµ` 1970.).

47 2) L’espace disputé

A la fin du XIXème siècle, ce n’était pas la richesse économique de la Macédoine qui attirait les convoitises, car il s’agissait plutôt «d’une région pauvre, formée de montagnes d’accès difficile et de bassins fermés le long des fleuves ou autour des lacs d’Ohrid, de Prespa, de Castoria, Végoritis, à quoi s’ajoutaient les plaines côtières de Thessalonique, Kavala, Xanthi»74. La revendication de la Macédoine était

plutôt inscrite dans une conjoncture balkanique marquée par la question d’Orient qui, vers la fin du XIXème siècle, avait, comme nous l’avons vu, atteint son paroxysme du fait des ambitions économiques des grandes puissances et des tentatives nationales ou nationalistes des États nouveaux des Balkans.

Fidèles à la méthode sémantique utilisée, nous avons tenté d’étudier la place que la revendication de l’espace macédonien revêt dans les livres scolaires-sources, à travers les deux tableaux situés aux pages 49 et 50 qui regroupent dans un rectangle spécifique à chaque manuel d’histoire contemporaine, des phrases différentes contenues dans le texte d’auteur.

En effet, l’étude de ce tableau nous permet de dégager deux thèmes distincts se référant, le premier, à l’ambiance internationale qui régnait dans les Balkans à la fin du XIXème et au début du XXème siècle et le second, aux fondements des revendications organisées par les États. -En ce qui concerne l’ambiance internationale premièrement, dans les Balkans, l’accent est mis sur la concurrence entre les États et la formation des alliances. En fait, l’étude du tableau de la page 48 et 49 nous permet de constater que les programmateurs de l’éducation nationale grecque étaient, de 1950 à nos jours, sans interruption, très sensibles à la légitimité de la politique de la Grande Idée à côté du «Grand projet»75 serbe de 1844,

ce qui légitimait la continuité de l’hellénisme à travers le temps. Toutefois, il faut sans cesse se rappeler que l’étude de la Macédoine hellène dans les manuels scolaires pendant la période choisie comme repère chronologique s’adressait aux élèves à partir de 1950 c’est-à-dire six ans après la création

74Castellan Georges, Histoire des Balkans, XIVème - XXème siècles, op. cit., page 350. 75Nacertanje de nacrt = projet (projet d’unifier les Serbes avec ceux établis au Monténégro, en Bosnie et en Herzégovine).

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MATARASSIS-PAPASSTAMATIOU