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Chapitre 2 : Problématique et objectifs de recherche

2.3 Une variété de pratiques et de praticiens

Pour plusieurs adeptes des mouvements de la simplicité volontaire, du minimalisme et du zéro déchet, la consommation de produits se fait en fonction de leurs aspirations environnementales, sociales et éthiques. Ces mouvements prônent une réduction des produits de consommation et des déchets engendrés. Selon ces consommateurs, la réalisation d’actions orientées vers la préservation de l’environnement fait maintenant partie de leur quotidien (McDonagh et al., 2012). Toutefois, dans cet élan écologique, il s’avère important de nuancer l’impact réel que peuvent engendrer ces mouvements. Pour certains, ces mouvements de consommation alternatifs ne représentent qu’une autre façon pour les adeptes de continuer à consommer davantage, sans qu’ils en aient forcément conscience (Toussaint, 2019). Selon Toussaint (2019), les consommateurs qui ont recours à ce genre de pratiques cherchent à consommer mieux, mais cela n’équivaut pas toujours à consommer moins.

Néanmoins, plusieurs adeptes voient dans le Do-It-Yourself une alternative aux offres traditionnelles consuméristes (Garber, 2013). En effet, pour certains, « la mode du "do it yourself", à la fois écologique et économique, est une alternative à la société d’ultra-consommation » (Laville, 2014, p. 166). Cette pratique fait même partie des formes de consommations émergentes (Toussaint, 2019). Dans cette optique, la pratique du DIY est régulièrement associée à certains des mouvements environnementalistes devenus populaires au courant des deux dernières décennies, comme ceux présentés à la section précédente (2.2.1 à 2.2.3). En étant peut-être même une des causes de l’engouement grandissant pour le DIY, cette association laisse sous-entendre que le DIY est une pratique qui préconise des habitudes de production et de consommation à caractère environnemental, social et éthique. En étant associé aux mouvements qui dénoncent la façon capitaliste de consommer, le DIY devient plus qu’une alternative, mais bien une nouvelle mode.

La popularité du DIY en fait une pratique devenue tendance. En effet, de plus en plus de gens s’identifient comme praticiens du DIY (Collier et Wayment, 2018). Les sites Internet, blogues et entreprises abondent en ce qui a trait à la fabrication de produits par soi-même. Parmi les exemples de produits les plus populaires issus du DIY, il est entre autres possible de dénombrer les produits alimentaires, ménagers et cosmétiques. Au Québec, comme ailleurs, des entreprises ont bâti leur modèle d’affaires sur le DIY en rendant accessible la fabrication des produits destinés pour la consommation personnelle des consommateurs. Ils offrent des cours et ateliers pour montrer aux intéressés comment reprendre le contrôle sur ce qu’ils consomment en le faisant eux- mêmes. D’autres s’orientent à offrir les ingrédients de base pour faire ces produits. À ces entreprises s’ajoutent les nombreux sites Internet, blogues et tutoriels qui expliquent en détail la réalisation de divers projets grâce au DIY. Ces plateformes ont toutes un objectif commun : outiller les consommateurs afin que ces derniers puissent devenir des praticiens du DIY plus conscientisés sur ce qu’ils consomment. Celles-ci promeuvent le DIY comme un moyen d’encourager des entreprises locales, éthiques et qui valorisent le respect des employés et des ressources.

Avec la montée en popularité des mouvements prônant des valeurs de consommation durable, et par le fait même de la pratique du DIY qui leur est associée (de façon erronée ou pas), il existe aujourd’hui une multitude d’individus qui correspondent au profil de praticiens du DIY. En effet, que ces praticiens s’identifient volontairement au mouvement grandissant du DIY ou non, ils viennent à le mettre en pratique lorsqu’ils optent pour le fait de faire certains produits par eux-mêmes. Alors que le DIY devient une pratique populaire dans la société, il est possible de contester son lien avec la consommation responsable. Comme Kohtala et Hyysalo (2015) le mentionnent, il devient intéressant d’explorer comment les praticiens de DIY voient l’impact environnemental de leur pratique : « This raises the question of maker practitioners’ knowledge : how wide and deep is their own awareness of the environmental implications of making, and do they operationalise it in their current practices as well as planning for futures activities ? » (Kohtala et Hyysalo, 2015, p. 333). En

d’autres mots, est-ce que tous ces praticiens sont des consommateurs responsables qui vont opter pour la pratique du DIY afin de subvenir à leurs besoins matériels tout en répondant à leurs préoccupations environnementales, sociales et éthiques ?

Le nombre grandissant de praticiens et leur diversité amènent à considérer une étendue de pratiques du DIY, toutes plus variées les unes que les autres. Il devient alors possible de questionner si le DIY, dans sa forme inclusive, peut réellement s’inscrire dans une approche de production et consommation responsable (PCR), tel que soutenu par les mouvements sociaux étudiés à la section 2.2 précédente. S’inspirant des considérations de développement durable, l’approche de PCR se définit par l’amélioration de la qualité de vie des individus en répondant à leurs besoins essentiels ainsi qu’en minimisant l’utilisation des ressources naturelles, la génération des déchets et des matières toxiques afin de ne pas compromettre les générations futures (McDonagh et al., 2012). Identifiée comme un des dix-sept objectifs de développement durable par le Programme des Nations Unies pour l’environnement ([PNUE], 2020b), la production et consommation responsables visent à promouvoir le fait de faire plus et mieux avec moins (Nations Unies, 2020), tel que le préconise la notion de suffisance (Cooper, 2005). Plus particulièrement, la PCR vise à minimiser la dégradation de l’environnement, à augmenter l’efficience des ressources consommées et à promouvoir des modes de vie durables (Nations Unies, 2020). Dans cette perspective englobante, même si les recommandations de la PCR s’adressent avant tout aux entreprises et aux instances gouvernementales, elle demeure une approche inspirante pour les modes de production et consommation individuels. Toutefois, les scientifiques sont divisés quant à son application pour la pratique du DIY. En effet, un débat existe à savoir si la pratique du DIY peut être considérée dans une approche de PCR (Déméné, 2016). Ces discussions alimentent le débat scientifique qui entoure l’impact environnemental, social et éthique de la pratique du DIY.