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Chapitre 2 : Problématique et objectifs de recherche

3.5 Limites méthodologiques

La réalisation d’un projet de recherche induit inévitablement des biais tout au long de son processus. En effet, les prédispositions méthodologiques dépendent notamment de l’expérience du chercheur à effectuer une collecte et une analyse de données (Creswell, 2013). La prise en compte de ces biais consiste en la première étape afin de limiter leur impact sur l’étude. Cette prise en considération, par le bien de la réflexivité, permet au chercheur de faire une introspection critique quant aux méthodes utilisées (Fortin et Gagnon, 2016). Cette présente section a pour objectif de présenter les limites méthodologiques de cette étude ainsi que les moyens employés pour en minimiser les effets. Ces limites sont regroupées selon trois catégories, soit les limites induites par le recrutement, par la collecte ainsi que par l’analyse des données.

3.5.1 Limites induites par le recrutement

Lors du recrutement de participants, la sélection d’un échantillon par cas multiples en recherche qualitative, soit l’équivalent d’un échantillon non probabiliste en recherche quantitative (Pires, 1997), peut sembler apporter des limitations quant à la représentativité des données collectées. En effet, constituer l’échantillon à partir de caractéristiques choisies (non probabiliste) plutôt que de façon aléatoire (probabiliste) peut générer des résultats qui différeraient de ce que la population cible aurait donnée et donc de la représentativité de l’échantillon (Fortin et Gagnon, 2016). Toutefois, dans un échantillon par cas multiples, comme c’est le cas pour cette étude, c’est la diversification et non pas la représentativité statistique qui est recherchée comme critère de sélection des participants (Glaser et Strauss, 1967, cité dans Pires, 1997). Il est donc question de « diversifier les cas de manière à inclure la plus grande variété possible, indépendamment de leur fréquence statistique » (Pires, 1997, p. 64). Même si ce choix peut laisser sous-entendre une limitation de la validité externe, qui cherche à généraliser les résultats au-delà de l’étude (Fortin et Gagnon, 2016), cette pratique est courante en recherche qualitative. Selon Pires (1997), la constitution d’un corpus empirique de façon non probabiliste pour une recherche qualitative représente une des principales caractéristiques de ce type de recherche. D’après cet auteur, il serait trompeur de croire que la probabilité statistique, qui prévaut en recherche quantitative, devrait

être de même pour la recherche qualitative. Au contraire, en recherche qualitative, il est davantage important de choisir un échantillon qui représente bien le phénomène étudié et qui permettra de répondre à la question de recherche (Fortin et Gagnon, 2016).

Dans ce cas, la limitation en ce qui concerne le recrutement pour cette étude se situe davantage dans la diversification de son échantillon par cas multiples (Savoie-Zajc, 2007). Il existe plusieurs types de praticiens du DIY qui peuvent fréquenter ou non des milieux associés à la pratique du DIY. Toutefois, afin d’arriver à entrer en contact avec ces praticiens, cinq types de milieux ont été sélectionnés pour y faire le recrutement de participants. Les praticiens qui ne fréquentent pas de milieux associés à la pratique du DIY n’ont donc pas pu être pris en compte dans cette étude. Cette sélection, qui a été faite dans l’optique de faciliter le recrutement de participants, pourrait permettre de contester la diversification interne du groupe des praticiens du DIY qui a été étudié (Pires, 1997). Pour limiter les effets de ce choix, un minimum de deux participants par type de milieu de recrutement a été établi. Cette approche a permis d’éviter d’avoir une majorité de participants provenant d’un même milieu de recrutement, et par le fait même, d’un même milieu de DIY.

Les moyens mis en place afin d’assurer une diversification interne de l’échantillon ont nécessité d’avoir recours au recrutement de deux participants par le réseau de la chercheure et de celui de participants. Cette approche qui se veut très efficace est surtout utile lorsque l’accès aux données est difficile (Fortin et Gagnon, 2016 ; Pires, 1997). Bien qu’elle puisse entraîner le fait que les participants appartiennent au même réseau, le nombre réduit de participants recrutés par cette approche a permis d’en limiter les impacts. Par ailleurs, cette étude qualitative visait avant tout à apporter une compréhension approfondie de la problématique (Fortin et Gagnon, 2016). Il s’agissait d’ouvrir la porte à la réalisation de futures études qualitatives, cherchant à développer davantage certains aspects des résultats, ou même d’études quantitatives, qui pourraient avoir recours à un échantillon probabiliste afin d’assurer une meilleure généralisation des résultats obtenus.

3.5.2 Limites induites par la collecte de données

Lors de la collecte de données, certaines limites ont pu être induites, notamment en fonction de l’outil privilégié pour cette étape. L’entretien semi-dirigé offre aux chercheurs la possibilité d’étudier une problématique sans engendrer d’énormes coûts financiers, puisque cet outil repose essentiellement sur la rencontre du chercheur avec les participants. Toutefois, la réalisation d’entrevues semi-dirigées est une pratique qui demande beaucoup de temps au chercheur, notamment en termes de préparation, de réalisation et d’analyse (Fortin et Gagnon, 2016). Il est estimé qu’une heure d’entrevue nécessite de quatre à six heures de transcription en verbatim (Holloway et Wheeler, 2010, cité dans Fortin et Gagnon, 2016). Cet investissement important pour le chercheur a dû être pris en considération dans l’échéancier de recherche. Autrement, le peu de

ressources logistiques nécessaires pour réaliser des entrevues a grandement facilité sa mise en application. Les informations utiles quant à l’objet d’étude pouvaient donc être plus aisément recueillies. En effet, lorsque le recrutement est accessible, cet outil permet de collecter des données très riches, puisqu’il permet de traiter le sujet en profondeur avec un nombre restreint d’individus (Fortin et Gagnon, 2016 ; Savoie-Zajc, 2016). Aussi, l’entrevue offre une fidélité des résultats comme il est possible d’étudier le même sujet d’une fois à l’autre. Ce critère, qui cherche à valider la constance des résultats, assure la crédibilité des données recueillies lorsqu’il est atteint (Fortin et Gagnon, 2016).

Malgré ses aspects positifs, l’entrevue semi-dirigée peut induire des biais quant aux données collectées. En effet, l’entrevue est un outil réactif, ce qui signifie qu’il est sensible en fonction du moment et du lieu de sa réalisation (Savoie-Zajc, 2016). Il importe donc au chercheur de considérer l’expérience vécue par le participant comme étant non limitée aux propos décrits par ce dernier. De par sa nature ponctuelle, la qualité de l’entrevue dépend du degré d’introspection que les participants ont face à leur expérience du phénomène étudié. La chercheure devait donc tenir compte des possibles blocages de communication qui pouvaient empêcher les participants de s’exprimer sur certains sujets (Savoie-Zajc, 2016). Ces aspects peuvent influencer la qualité des informations recueillies et la quantité de détails que les participants sont prêts à partager. De plus, le désir de plaire ou de rendre service de la part des participants est un autre des éléments pouvant apporter des limites à l’étude. Il a été documenté qu’en situation d’entrevue, les interviewés vont chercher à répondre en fonction de ce qui pourrait plaire à l’intervieweur (Fortin et Gagnon, 2016; Savoie-Zajc, 2016). Cette approche, désignée comme l’effet Hawthorne (Fortin et Gagnon, 2016), pouvait donc induire un biais quant aux informations recueillies, venant discréditer la véracité des propos tenus par les participants lors des entrevues. Comme Savoie-Zajc (2016) l’explique, cette limite peut porter atteinte à la crédibilité des participants. Aussi, il est important de tenir compte du biais que les attentes de la chercheure pouvaient apporter lorsque cette dernière posait les questions aux participants ou relançait la discussion (Fortin et Gagnon, 2016). Bien que la chercheure soit amenée à faire preuve de vigilance à ce niveau, en prenant conscience notamment de ce biais potentiel, il est possible que cette dernière ait fait inconsciemment preuve de subjectivité.

Pour arriver à limiter les effets de ce choix d’outil de collecte sur la validité de l’étude, la chercheure a mis en place des moyens permettant la création d’un climat de confiance avec les participants. Ces derniers consistaient à laisser le choix du lieu et du moment de l’entrevue à la convenance des participants ainsi qu’à leur envoyer le guide d’entretien à l’avance pour qu’ils puissent mieux s’y préparer. Ces moyens permettaient aux participants de se retrouver dans une zone de confort, facilitant ainsi le partage d’expériences avec la chercheure (Savoie-Zajc, 2016). Toujours en tentant d’établir un climat propice à l’échange, et tel que recommandé par Savoie-Zajc (2016) ainsi que

Fortin et Gagnon (2016), la chercheure tentait d’adopter une position d’écoute active et de compréhension empathique pour stimuler la description de l’expérience des participants.

Également, les ressources en temps que demande la collecte de données avec des entrevues sont non négligeables dans le cadre d’un projet de maîtrise. La collecte des données de cette étude de type exploratoire induit forcément une forme de limitation avec le nombre restreint de participants qui ont été interviewés. Comme l’échantillon s’est limité à quinze participants, il est possible de contester la transférabilité des résultats obtenus, c’est-à-dire de questionner si les résultats peuvent être généralisés à d’autres contextes d’étude (Fortin et Gagnon, 2016). En effet, en recherche qualitative, il est valorisé d’atteindre une saturation théorique des données. Cette saturation théorique est atteinte lorsque l’ajout de données n’apporte plus aucune information nouvelle quant aux concepts issus du terrain, déterminant du même coup la taille de l’échantillon nécessaire (Glaser et Strauss, 1967). Lorsque la collecte a recours à l’utilisation d’entrevues, cette forme de saturation est généralement obtenue avec la réalisation de vingt à trente entretiens (Marshall et al., 2013). Bien qu’il soit impossible de prétendre avoir atteint une telle saturation dans le cadre de cette étude, notamment à cause du petit échantillon, il a été question d’atteindre une saturation empirique des données. Cette saturation empirique permet de garantir une certaine généralisation des données, surtout lorsque l’échantillon est diversifié (Pires, 1997).

3.5.3 Limites induites par l’analyse des données

Les limites méthodologiques induites par l’analyse des données concernent notamment la subjectivité du chercheur dans son interprétation des données. En fonction de l’engagement du chercheur face au sujet de recherche, il est possible de contester la confirmabilité des résultats obtenus, c’est-à-dire de questionner si « les résultats reflètent bien les données et non le point de vue du chercheur » (Fortin et Gagnon, 2016, p. 378). Afin de réduire l’effet de cette limite, il est possible d’avoir recours à la triangulation des données qui consiste à comparer les informations obtenues de différentes sources afin d’en augmenter la crédibilité (Creswell, 2013; Fortin et Gagnon, 2016). Toutefois, comme cette étude s’inscrivait dans un cadre exploratoire et avait des ressources financières et logistiques limitées, une telle approche s’avérait trop exigeante. La chercheure veilla plutôt à ce que ses interprétations demeurent neutres en se référant, au besoin, à l’avis de personnes externes afin de juger de leur qualité (Fortin et Gagnon, 2016).

Aussi, pour limiter les impacts pouvant découler de l’interprétation du chercheur, il est recommandé d’analyser le discours de chaque participant dans son ensemble avant de commencer à le décortiquer en codes et en catégories. Cette étape est décrite par Fortin et Gagnon (2016) comme celle de la révision des données afin d’assurer l’immersion du chercheur et sa familiarisation du contenu étudié. Pour y parvenir, la tenue d’un journal de bord permet au chercheur d’y inscrire ses

premières impressions et réflexions lors de ses interactions avec le terrain de recherche (Savoie- Zajc, 1996). Grâce aux notes de terrain et aux impressions personnelles, le journal de bord permet également au chercheur de tenir compte du contexte qui entoure la collecte de données (Savoie- Zajc, 1996). Ainsi, en utilisant cette approche, la chercheure a pu veiller à bien comprendre le contexte de chaque entrevue avant d’en analyser les moindres détails.

De plus, il a été possible pour la chercheure de corréler les données recueillies dans ce projet d’étude avec ceux d’un autre projet qui portait sur l’étude des motivations des consommateurs responsables ayant recours au DIY. Tel que mentionné lors de l’introduction générale, et comme il sera question au prochain chapitre, les résultats de cette étude ont été combinés à ceux d’un projet de recherche subventionné par le Fonds général de recherche du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) à laquelle la chercheure de la présente étude a pris part, notamment à travers la collecte et l’analyse des données. Il fut ainsi possible de confirmer certains des résultats obtenus dans la présente étude avec ceux recueillis dans le cadre de la recherche financée par le CRSH. Même si cette approche ne constitue pas une triangulation des données à proprement parler, puisqu’il s’agit de deux études distinctes, elle constitue malgré tout une confrontation des résultats obtenus et permet d’établir une forme de crédibilité du savoir dégagé (Savoie-Zajc, 2016).

La mise en place des différentes mesures énoncées dans cette section a permis de réduire l’impact des limites méthodologiques que peuvent induire le recrutement, la collecte et l’analyse des données. À cela s’ajoutaient les mesures éthiques devant être mises en place dans toute recherche menée auprès d’êtres humains et qui sont présentées à la section 3.6 suivante.