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Étude du processus de conception et de fabrication des praticiens du Do-It-Yourself : comment tendre vers une approche de production et consommation responsables?

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Academic year: 2021

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Étude du processus de conception et de fabrication des

praticiens du Do-It-Yourself : comment tendre vers une

approche de production et consommation

responsables?

Mémoire

Laurence Carney

Maîtrise en design - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

Étude du processus de conception et de fabrication des

praticiens du Do-It-Yourself : comment tendre vers une approche

de production et consommation responsables ?

Mémoire

Laurence Carney

Sous la direction de

Claudia Déméné, directrice de recherche

Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design

Université Laval

(3)

Résumé

Le Do-It-Yourself (DIY), qui se définit par la réalisation de produits par et pour soi-même (Campbell, 2005), connaît depuis quelques années un regain d’intérêt qui concorde avec l’émergence de mouvements environnementalistes sociaux tels que la simplicité volontaire, le minimalisme et le zéro déchet. En effet, de plus en plus de consommateurs optent pour le DIY comme un mode de production et consommation responsables (PCR) permettant une utilisation efficace des ressources, de l’énergie et une réduction des déchets (PNUE, 2020a ; Salvia, 2016). Néanmoins, du fait de l’utilisation possible de matériaux neufs et de technologies énergivores, inscrire la pratique du DIY dans une approche de PCR ne fait pas consensus au sein de la communauté scientifique (Salvia et Cooper, 2016).

Pour comprendre le potentiel responsable du DIY, une recherche qualitative de type exploratoire a été menée avec comme premier objectif de documenter le processus de conception et de fabrication des praticiens du DIY. Puis, sur la base des données récoltées, le second objectif était d’identifier les opportunités d’inscrire cette pratique dans une approche de PCR. Pour y parvenir, quinze entrevues semi-dirigées ont été menées auprès de participants issus de cinq réseaux : milieux de formation, de location d’outils, Fab Labs, réseaux d’artisanat et entreprise en développement durable.

À partir des données recueillies, un premier modèle conceptuel, illustrant les neuf étapes du processus de conception et de fabrication du DIY, a été schématisé. Basées sur ce modèle conceptuel, des recommandations, telles que valider le concept du projet, préconiser des matériaux réutilisés et des outils partagés, ont été formulées afin de guider les praticiens et la communauté du DIY vers une approche de PCR. Enfin, une première définition du DIY responsable est proposée afin de mieux positionner cette pratique parmi les approches de PCR et d’éclairer la communauté scientifique sur le débat l’entourant.

Mots-clés :

Do-It-Yourself (DIY), processus de conception et de fabrication, praticiens, production et

(4)

Abstract

The Do-It-Yourself (DIY) practice, which is defined as the realization of products by the practitioner himself and for his own consumption (Campbell, 2005), is experiencing a revival of interest, these last few years, that concords with the emergence of social pro-environment movements like voluntary simplicity, minimalism and zero waste. Its grown popularity has led more consumers to opt for its practice and to increasingly consider it as a pattern of responsible production and consumption (RPC), which allows resources and energy efficiency, and waste reduction (PNUE, 2020a; Salvia, 2016). However, with the possible use of new materials and energy demanding technologies, considering the DIY practice as RPC patterns contributes to the debate among the scientific community (Salvia et Cooper, 2016).

To explore the responsible potential of the DIY practice, a qualitative research has been carried with the first objective to document the conception and fabrication process of DIY practitioners. Then, based on the collected data, the second objective was to identify the opportunities by which the DIY practice could correspond to RPC patterns. In order to meet these two objectives, fifteen semi-structured interviews were held with participants recruited in five different networks: DIY courses, tools location service, Fab Labs, crafting groups, and a sustainable enterprise.

From the gathered data, a first conceptual model was schematized to illustrate the nine identified steps of practitioners’ DIY conception and fabrication process. Based on this conceptual model, recommendations to validate the project design and to choose reused materials and shared tools were formulated to guide practitioners and the DIY community towards adopting RPC patterns in their practice. Finally, a first responsible DIY definition is proposed in order to better position the DIY practice among the RPC approach and to enlighten the current debate dividing the scientific community.

Keywords:

Do-It-Yourself (DIY), conception and fabrication processes, practitioners, responsible production and consumption (RPC), responsible DIY.

(5)

Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des figures ... vii

Liste des abréviations ... viii

Dédicace ... x

Épigraphe ... xi

Remerciements ... xii

Avant-Propos ... xiv

Introduction générale ... 1

Chapitre 1 : Contexte de recherche ... 3

Introduction ... 3

1.1 L’origine du Do-It-Yourself ... 4

1.2 Le Do-It-Yourself au 21e siècle ... 8

1.2.1 Le DIY activiste comme résistance politique et sociale ... 9

1.2.2 Le RE-DIY comme engagement environnemental ... 10

1.2.3 Le DIY dans les Fab Labs comme outil de démocratisation de la fabrication ... 12

1.2.4 D’une diversité de pratiques à une variété de termes ... 14

1.3 Les définitions du DIY ... 15

Conclusion ... 19

Chapitre 2 : Problématique et objectifs de recherche ... 21

Introduction ... 21

2.1 L’évolution des considérations environnementales ... 22

2.2 L’émergence des mouvements sociaux et leur association au DIY ... 25

2.2.1 Simplicité volontaire ... 25

2.2.2 Minimalisme ... 27

2.2.3 Zéro déchet ... 28

2.2.4 Synthèse des mouvements sociaux ... 29

2.3 Une variété de pratiques et de praticiens ... 30

2.4 Un débat qui divise les scientifiques ... 32

2.4.1 Les impacts potentiellement positifs du DIY ... 33

2.4.2 Les impacts potentiellement négatifs du DIY ... 36

2.5 Définition du DIY responsable ... 38

2.5.1 Critères responsables issus des définitions du DIY ... 39

2.5.2 Critères responsables issus du débat scientifique ... 40

2.5.3 Critères responsables issus de la consommation responsable ... 41

2.5.4 Critères responsables issus du concept de production et consommation responsables . 45

2.5.5 Définition du DIY responsable : un premier jet ... 47

2.6 Trancher le débat : certaines informations manquent encore ... 50

2.7 Question de recherche et objectifs de l’étude ... 52

Conclusion ... 54

Chapitre 3 : Méthodologie ... 56

Introduction ... 56

3.1 Approche méthodologique ... 56

3.2 Recrutement ... 58

3.3 Collecte de données ... 61

(6)

3.4 Analyse des données ... 63

3.5 Limites méthodologiques ... 65

3.5.1 Limites induites par le recrutement ... 65

3.5.2 Limites induites par la collecte de données ... 66

3.5.3 Limites induites par l’analyse des données ... 68

3.6 Considérations éthiques ... 69

Conclusion ... 71

Chapitre 4 : Exposé et interprétation des résultats ... 72

Introduction ... 72

4.1 Présentation de l’article ... 72

4.2 Article : Towards Patterns of Responsible Consumption and Production: An Exploration of Do-It-Yourself Practitioners Through Motivations, Conceptions, and Fabrication Processes ... 73

4.2.1 Résumé ... 73

4.2.2 Abstract ... 73

4.3 Conclusion de l’article ... 97

4.4 Résultats supplémentaires ... 100

4.4.1 Matériaux ... 100

4.4.2 Outils ... 101

Conclusion ... 103

Chapitre 5 : Discussion ... 105

Introduction ... 105

5.1 Implication du modèle conceptuel synthétisant le processus de conception et de fabrication du DIY ... 105

5.1.1 Retour sur la synthèse du processus de conception et de fabrication du DIY ... 106

5.1.2 Processus de conception et de fabrication : qu’est-ce que sa connaissance implique ? ... 108

5.2 Le DIY selon une approche de production et consommation responsables ... 112

5.2.1 Retour sur les opportunités d’inscrire le DIY dans une approche de PCR ... 113

5.2.2 Recommandations et conseils pour pratiquer un DIY responsable ... 115

5.2.3 Conscience et inconscience du DIY responsable ... 122

5.3 Définition du DIY responsable : une deuxième version améliorée ... 126

Conclusion ... 129

Chapitre 6 : Contributions, limites et avenues futures ... 130

Introduction ... 130

6.1 Contribution à l’avancement des connaissances ... 130

6.2 Limites de l’étude ... 136

6.2.1 Limites entourant le processus de conception et de fabrication du DIY ... 136

6.2.2 Limites entourant les recommandations ... 138

6.2.3 Limites entourant la définition du DIY responsable ... 140

6.3 Avenues de recherche futures ... 141

Conclusion ... 144

Conclusion générale ... 146

Références ... 149

ANNEXES ... 161

Annexe I : Affiche de recrutement ... 161

Annexe II : Tableau des participants – informations détaillées ... 162

Annexe III : Guide d’entretien ... 163

Annexe IV : Extrait de verbatim ... 165

(7)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Définition des formes spécifiques de DIY et de leur pratique du DIY ... 14

Tableau 2 : Valeurs promues par des mouvements sociaux pro-environnement apparentés à la

pratique du DIY ... 30

Tableau 3 : Critères sélectionnés issus des approches de consommation responsable pouvant

contribuer à la définition du DIY responsable ... 45

Tableau 4 : Synthèse des critères responsables sélectionnés pour chaque source considérée ... 48

Tableau 5 : Organisations approchées et participantes selon le type de réseaux de recrutement .. 59

Tableau 6 : Répartition des participants par groupe d'âge ... 60

Tableau 7 : Sous-thématiques discutées avec les participants pour chaque thème de l'entretien ... 62

Table A1: Repartition of participants according to their age decade ... 78

Tableau 8 : Recommandations et conseils d'application pour les opportunités issues des étapes

responsables du processus de conception et de fabrication du DIY ... 119

Tableau 9 : Analyse des aspects responsables pour chaque persona (vert = PCR, au complet ou en partie) ... 124

Tableau 10 : Synthèse des critères responsables issus des résultats empiriques pour chaque

(8)

Liste des figures

Figure 1 : Objectifs de l’étude ... 54

Figure A1: Typology of practitioners’ motivations to engage in DIY practice ... 87

Figure A2: Conceptual model of practitioners’ CFP ... 88

Figure 2 : Processus de conception et de fabrication du DIY - version en français ... 106

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Liste des abréviations

ACV Analyse de cycle de vie (ou Life cycle assessment (LCA) en anglais) CBA Center for Bits and Atoms (ou Centre pour bits et atomes en français)

CÉGEP Collège d’enseignement général et professionnel CEPS Collectif d’études sur les pratiques solidaires

CÉRUL Comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval CNC Computer numerical control (ou commande numérique par ordinateur en français)

COP21 Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques tenue à Paris en 2015 (21e Conférence des parties)

CR Consommation responsable

CRSH Conseil de recherches en sciences humaines du Canada DD Développement durable

DIY Do-It-Yourself

DIYers Do-It-Yourselfers (ou praticiens du DIY en français)

Fab Lab Fabrication laboratory (ou laboratoire de fabrication en français)

MAM Maîtrise en design avec mémoire MIT Massachusetts Institute of Technology

MMAQ Maison des métiers d’art de Québec

NPD New Product Development (ou développement de nouveau produit en français)

OCR Observatoire de la consommation responsable

PCF Processus de conception et de fabrication (ou conception and fabrication process (CFP) en anglais)

PCR Production et consommation responsables (ou responsible consumption and

production (RCP) en anglais)

PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement (ou United Nations

environment programme (UNEP) en anglais)

Pro-Ams Professional-amateurs (ou amateurs-professionnels en français)

(10)

SDGs Sustainable Development Goals (ou objectifs de développement durable en

français)

WDO World Design Organization

ZD Zéro déchet

3D Tridimensionnel ou trois dimensions

5R Refuser, réduire, réutiliser, recycler et composter (ou refuse, reduce, reuse, recycle,

(11)

Dédicace

À tous ces praticiens, qui désirent faire autrement.

(12)

Épigraphe

« The popular commonsense belief that we learn more from our mistakes than our achievements is wrong. We learn more from our successes. So recognizing people’s environment-protective

behavior will facilitate more learning and positive motivation than will criticizing people’s environment-destructive behavior » (Geller, 2002, p. 528).

(13)

Remerciements

Plusieurs personnes ont croisé mon chemin lors de ce parcours de maîtrise et ont contribué à l’accomplissement de mon projet, chacune à leur façon.

Mes premiers remerciements vont, sans équivoque, pour Claudia Déméné, ma directrice de recherche, mais également ma mentore dans ce parcours enrichissant qu’est la recherche aux cycles supérieurs. Merci pour ton encadrement et ton accompagnement tout au long de ce périple. Ta grande écoute, ta générosité sans fin et ta confiance épanouie m’ont permis de me dépasser et d’accomplir des réalisations que je n’aurais pas cru possibles en entrant à la maîtrise. Merci pour les belles opportunités d’épanouissement et pour m’avoir partagé ton amour de la recherche et de l’enseignement, avec beaucoup de douceur et de passion. Merci également pour ton engagement envers la responsabilité environnementale et sociale, qui m’a fait redécouvrir tout l’intérêt que je portais en moi pour cette cause. Pour tout cela, et pour bien plus encore, merci du plus profond de mon cœur.

Je tiens à remercier la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design pour le soutien offert aux étudiants ainsi que pour les nombreuses opportunités de développement professionnel. Également, un merci aux professeurs dévoués que j’ai côtoyés durant mon parcours académique, Éric Kavanagh, Caroline Gagnon et Fabien Durif, qui ont su m’inspirer chacun à leur façon. J’aimerais aussi remercier Maude Bouchard et Thomas Watkin, les membres du jury d’évaluation, qui ont accepté de participer à l’amélioration de ce travail de recherche.

J’aimerais prendre le temps de remercier les organisations partenaires qui ont accepté de participer à ce projet en permettant la diffusion de mes affiches de recrutement (en ordre alphabétique) : les Cercles des fermières du Québec, l’École d’ébénisterie Artebois, Équiterre, Fab Lab de Brossard, Fab Lab de l’École d’architecture de l’Université Laval, Maison des métiers d’art de Québec, La Récolte, Location d’outils Simplex – Succursale de Québec-Ville-Vanier, Rien ne se perd – Meubles revalorisés et plus. Je me permets de souligner le dévouement des employés et propriétaires de ces organisations qui ont su porter l’intérêt de mon projet de recherche comme si c’était le leur.

Merci aux participants qui ont, si généreusement, accepté de donner de leur temps pour prendre part à ce projet qui me tient à cœur. Nos rencontres sous la forme d’entrevues semi-dirigées ont permis de donner tout le sens à mon projet. Celles-ci m’ont grandement émerveillé et continuent encore aujourd’hui de m’inspirer au quotidien.

(14)

Merci à mes amis et collègues de design de la Maîtrise en Design avec Mémoire (MAM), notamment François et Claudie, avec qui j’ai partagé mes meilleurs moments de la maîtrise, autant les plus heureux que les plus éprouvants. Nos échanges auront été grandement libérateurs et divertissants, mais surtout très enrichissants.

J’aimerais dire un immense merci à ma famille. À mes parents, pour m’avoir encouragée, m’avoir guidée de vos précieux conseils et pour avoir été derrière moi, de mes premiers bricolages jusqu’à l’achèvement de cette maîtrise (enfin !). À ma sœur, Nadine, pour ta résilience face à l’adversité que j’admire profondément et pour notre complicité que je chéris malgré la distance qui nous sépare.

Finalement, ces remerciements ne seraient pas complets sans un merci bien spécial à Jean-Michel. Pour ton écoute, ton habileté à m’ouvrir les yeux sur le monde et pour le fait de partager ma vie, tout simplement.

(15)

Avant-Propos

Ce mémoire prend la forme d’un mémoire avec insertion d’article. L’article, qui est présenté au chapitre 4, est présentement en correction pour publication. Sa référence temporaire est la suivante :

Carney, L. et Déméné, C. (2020). Towards Patterns of Responsible Consumption and Production: An Exploration of Do-It-Yourself Practitioners Through Motivations, Conceptions, and Fabrication Processes. Journal of Design Research (Accepté pour publication avec modifications).

(16)

Introduction générale

Le Do-It-Yourself (DIY) a longtemps été associé à une pratique de nécessité économique en permettant aux individus praticiens d’obtenir des biens et services à moindre coût (Gelber, 2000 ; Santos et al., 2012 ; Wolf et al., 2015). Vers la fin des Première et Deuxième Guerres mondiales, cette pratique fit une apparition plus prononcée avec l’abondance de maisons à réparer et la main-d’œuvre décimée (Atkinson, 2006). Puis, au tournant des années 1950, le DIY prit un virage et fut associé davantage à une pratique axée sur les loisirs (Jeacle, 2017). La poterie, le tissage et même la broderie sont des exemples de passe-temps créatifs permettant l’expression artistique des femmes de cette époque (Campbell, 2005 ; Edwards, 2006), alors que la réparation et la transformation d’objets du domicile occupent plutôt les passe-temps des hommes. Malgré la dichotomie des genres qui finit par s’estomper au fil des générations, c’est cette impression du DIY associé à une pratique de loisirs et de plaisir qui persiste, même encore aujourd’hui. Se définissant dorénavant comme une activité permettant la conception et la fabrication de produits par et pour soi-même (Campbell, 2005), le DIY a su évoluer au courant des dernières années en passant du tricot, à la réalisation d’un potager ou même à l’impression d’objets par le biais des outils numériques (Collier et Wayment, 2018 ; Kohtala et Hyysalo, 2015). Sa pratique inclut maintenant plusieurs spécificités qui permettent aux nombreux praticiens de s’épanouir grâce au DIY tout en répondant à leurs attentes et aspirations les plus diverses.

De nos jours, l’engouement pour les préoccupations environnementales des citoyens a fait émerger de nombreux mouvements sociaux, dont la simplicité volontaire, le minimalisme et le zéro déchet. Valorisant chacun à leur façon la préservation de l’environnement et une consommation réduite et améliorée, ces trois mouvements ont en commun qu’ils présentent le DIY comme un moyen permettant à leurs adeptes de répondre à leurs besoins sans mettre de côté les valeurs préconisées (Marchand et al., 2010 ; Mourad et al., 2019 ; Toussaint, 2019). L’association du DIY avec les mouvements de simplicité volontaire, du minimalisme et du zéro déchet a mené à considérer le DIY dans une approche de production et consommation responsables (PCR). En représentant une façon de localiser la production et la consommation de biens, de réduire l’utilisation des ressources et de l’énergie et de diminuer la quantité de déchets, le DIY semble tendre vers une approche de PCR aux yeux de ses praticiens responsables (PNUE, 2020a ; Salvia, 2016). Toutefois, qu’en est-il réellement ? En écho à cette question, un débat demeure présent dans la littérature concernant l’impact environnemental, social et éthique de la pratique du DIY (Barros et Zwolinski, 2016 ; Déméné, 2016 ; Salvia et Cooper, 2016). Ce débat mène à poser la question de recherche suivante : en quoi la pratique du DIY pourrait-elle s’inscrire dans une approche de PCR ?

(17)

Pour apporter des éléments de réponses à la question de recherche, il s’avère primordial d’étudier le processus de conception et de fabrication des praticiens du DIY, un sujet qui n’a jusqu’alors pas été abordé dans la littérature scientifique et qui permettrait de comprendre le potentiel responsable du DIY. Dans cette optique, le premier objectif de l’étude vise à documenter les étapes du processus de conception et de fabrication des praticiens en vue de comprendre le cheminement par lequel ils passent pour réaliser des projets. À partir des données recueillies avec ce premier objectif, le deuxième objectif vise à identifier les opportunités issues du processus qui permettraient d’inscrire la pratique du DIY dans une approche de PCR. Afin de contribuer au débat scientifique concernant les enjeux environnementaux, sociaux et éthiques de la pratique du DIY, les opportunités identifiées ont permis la formulation de recommandations à destination des praticiens du DIY. Dans le même ordre d’idées, une définition d’un DIY responsable est proposée afin de guider la communauté du DIY vers la minimisation des impacts environnementaux, sociaux et éthiques de cette pratique.

Cette étude prend la forme d’un mémoire avec insertion d’un article. Présenté au chapitre 4, l’article permet d’exposer les résultats de la présente étude sur le processus de conception et de fabrication du DIY. Ceux-ci sont combinés aux résultats d’un projet de recherche connexe, intitulé Exploration du « fait maison » auprès des consommateurs responsables en vue d’identifier des leviers favorisant la mise en œuvre de relations usagers-objets plus durables. Ce projet a reçu un financement institutionnel du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) et porte sur les motivations des consommateurs responsables praticiens du DIY. Comme l’ensemble du terrain de recherche de ces deux projets (certificat éthique, collecte et analyse des données) a été mené par l’auteure de ce mémoire, la combinaison des résultats des deux études a permis de tirer des conclusions intéressantes quant au portrait des praticiens d’aujourd’hui et à la portée de cette pratique selon une approche de PCR. Ainsi, le présent mémoire se divise selon une structure par chapitre. Le chapitre 1 présente le sujet du DIY en brossant un portrait de l’évolution de ce mouvement, de son origine jusqu’à ses spécificités et définitions actuelles. Le chapitre 2 aborde la problématique du processus de conception et de fabrication du DIY et des enjeux environnementaux, sociaux et éthiques qui polémiquent cette pratique. Le chapitre 3 expose la méthodologie qui a été utilisée afin de répondre aux objectifs de l’étude. Le chapitre 4 relève les résultats saillants de l’étude, notamment en ce qui a trait à la schématisation du processus de conception et de fabrication du DIY ainsi qu’aux opportunités responsables qui y sont issues et qui peuvent être posées par les praticiens. Le chapitre 5 présente la discussion qui fait état de l’implication des résultats et, finalement, le chapitre 6 détaille les contributions à l’avancement des connaissances, les limites de l’étude ainsi que les avenues de recherche futures.

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Chapitre 1 : Contexte de recherche

Introduction

Le Do-It-Yourself (DIY) est un sujet d’étude qui connaît une forte croissance depuis les dernières décennies (Collier et Wayment, 2018). Malgré sa popularité grandissante, il s’avère tout de même essentiel de dresser le portrait du DIY pour ceux qui ne lui sont pas familiers. Ce portrait commence tout d’abord par présenter l’expression utilisée pour décrire et étudier sa pratique. L’utilisation de l’expression anglaise Do-It-Yourself peut être contestée, notamment dans le cadre d’un mémoire de recherche rédigé en français. En effet, différentes expressions francophones (fait-maison, fait-main) ont fait leur apparition dans la littérature.

Dans la langue française, le terme fait-maison est une des variantes qu’il est possible de retrouver pour le DIY. Utilisée fréquemment par le marketing pour vanter les produits s’apparentant à des plats cuisinés à la maison (Béja, 2016 ; De Saint-Quentin et Lemercier, 2019), l’appellation

fait-maison est souvent associée à la fabrication de produits alimentaires et sous-entend une

production réalisée à la maison. En effet, le terme renvoie à l’idée de domestiquer la création (Bachand, 2011). Représentant aujourd’hui bien plus qu’une fabrication à domicile, le DIY est également réalisé dans des ateliers collaboratifs, des Fab Labs (voir section 1.2.3 pour plus de détails) ainsi que dans des cours offerts au grand public. Cette appellation ne permet donc pas d’illustrer les différentes façons de pratiquer le DIY. De plus, sa traduction en anglais se rapproche davantage de l’expression homemade que de celle du DIY. Dans la même optique, l’expression

fait-main a également fait son apparition dans la littérature, notamment en étant associée à la

pratique de l’artisanat et des métiers d’art (Jourdain, 2018, 2019). Toutefois, en s’attardant aux mots de l’expression, cette dernière sous-entend une fabrication qui est faite de façon manuelle, ou actionnée par le praticien, et n’est donc pas à l’image des pratiques modernes actuelles qui ont parfois recours à l’utilisation d’outils non contrôlés par le praticien (Campbell, 2005). C’est notamment le cas dans les Fab Labs avec les outils numériques. Puisque la pratique actuelle englobe une fabrication faisant appel à plusieurs moyens, autant manuels que machinés, il est important que le terme employé permette d’en rende justice. Par ailleurs, une autre expression française qu’il est possible de retrouver est celle du faire soi-même ou du fais-le toi-même, traductions directes et presque mot à mot de l’expression Do-It-Yourself. Étant davantage employées dans les ouvrages provenant de la France (Le Roulley et Raboud, 2017), ces expressions sont peu utilisées dans la littérature scientifique de façon indépendante. Il arrive que ces variantes françaises soient présentes dans les écrits, mais rares sont les cas où le texte ne mentionne pas au préalable l’expression Do-It-Yourself ou son acronyme DIY afin d’expliquer l’emploi de ces expressions françaises. En effet, la littérature scientifique qui s’intéresse à ce sujet

(19)

est plus fréquemment écrite en anglais et il est donc plus courant de retrouver l’expression

Do-It-Yourself. Ainsi, malgré les nombreux essais visant à traduire cette pratique en langue française,

l’expression anglaise Do-It-Yourself, ou son acronyme DIY, reste plus représentative de la pratique actuelle. Son caractère englobant et son association à diverses pratiques variées, comme l’ébénisterie, l’électronique, le tricot, le dessin et la cuisine par exemple (Collier et Wayment, 2018), font qu’il n’existe, à ce jour, aucune appellation francophone qui arrive à transmettre avec justesse l’essence même de cette pratique. Pour toutes ces raisons, le terme Do-It-Yourself (DIY) sera utilisé dans le cadre du présent projet de recherche.

Ayant fait son apparition en Angleterre (Atkinson, 2006), le terme anglais Do-It-Yourself est ce qui représente, encore aujourd’hui, le mieux cette pratique. Pour en comprendre les rouages et aider à dresser le portrait de sa pratique, l’évolution du DIY est présentée dans ce premier chapitre. Celle-ci est relatée à travers l’histoire de l’Angleterre, prinCelle-cipalement, mais également à travers sa popularisation qui conquit les États-Unis. Les fondements de son origine jusqu’aux particularités de certaines de ses formes plus spécifiques actuelles y sont alors décrits. À partir du portrait historique offert, les définitions qui représentent les caractéristiques les plus importantes de la pratique du DIY sont présentées. Ces caractéristiques essentielles sont énumérées afin de mieux cerner la pratique du DIY d’aujourd’hui.

1.1 L’origine du Do-It-Yourself

Pratiqué depuis longtemps, le Do-It-Yourself (DIY) tire son origine des premiers balbutiements de la fabrication d’objets. Même si son expression est davantage associée à une apparition au courant du 20e siècle (Gelber, 2000), sa pratique remonte bien au-delà, rendant difficile de dater précisément l’origine du DIY. Autrefois, il représentait le seul moyen pour les individus de se procurer les biens désirés (Santos et al., 2012). Bien souvent, le DIY était utilisé dans une optique de nécessité par les populations à faible revenu afin de répondre à certains de leurs besoins à partir des ressources disponibles dans leur environnement immédiat (Edwards, 2006 ; Majumdar et al., 2019 ; Santos et al., 2012). Par exemple, très peu de ménages à faible revenu étaient en mesure de payer des professionnels afin d’apporter des modifications à leur maison, obligeant donc les occupants à réaliser les travaux par eux-mêmes avec ce qu’ils avaient sous la main (Santos et al., 2012). Contraints par un manque de moyens financiers, ces individus étaient amenés à maîtriser les connaissances nécessaires pour produire leurs propres objets par eux-mêmes (Edwards, 2006). Le DIY représentait un moyen pour ces praticiens de contribuer à l’amélioration de leur qualité de vie.

Vue sous cet angle, cette forme du DIY est encore celle qui est pratiquée dans plusieurs des pays en voie de développement. Par exemple, la pratique du DIY est très fréquente auprès des

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populations rurales, notamment au Brésil (Santos et al., 2012), en Hongrie (Khademi-Vidra et Bujdosó, 2020) ainsi qu’en Inde (Majumdar et al., 2019). Elle est également pratiquée de façon non exclusive en Chine, en Russie, au Vietnam ainsi qu’en Afrique du Sud et porte un nom propre à la langue de chacun de ces pays (Majumdar et al., 2019), signe que cette pratique est culturellement établie depuis plusieurs générations. Bien que la pratique du DIY soit solidement ancrée dans les mœurs et coutumes des populations de ces pays en voie de développement (Santos et al., 2012), la réalité vécue par ces praticiens peut quelque peu différer de celle des praticiens de l’Amérique du Nord, et plus particulièrement de ceux du Québec. Dans cette optique, il sera plutôt question d’aborder l’évolution de la pratique du DIY dans les pays occidentaux, en retraçant son apparition en Angleterre ainsi que sa propagation jusqu’aux États-Unis et plus largement à l’Amérique du Nord. Toutefois, même dans ces pays développés, il est important de noter que les premières formes du DIY relevaient d’une nécessité financière et s’approchaient d’un travail manuel. En effet, dès son apparition, la fabrication d’objets par soi-même s’apparentait au travail de l’artisan, dénommé handicraft, ou plus communément connu sous le nom raccourci de craft (Jeacle, 2017). La limite entre les mouvements de craft et de DIY était alors difficilement distinguable, compliquant d’autant plus l’identification de l’époque où le DIY prit véritablement racine (Atkinson, 2006).

Bien qu’il puisse être difficile de dire quand débuta réellement la pratique du DIY, les premières formes de celle-ci remontent à son évolution à travers les décennies. Au fil des années, la pratique du craft se transforma pour englober ce qui est dorénavant connu sous le nom d’arts and crafts. Pratiqué par les femmes d’Angleterre aux 18e et 19e siècles, ce mouvement peut être considéré comme le précurseur de la pratique du DIY d’aujourd’hui (Edwards, 2006). L’artisanat produit et consommé par les femmes d’Angleterre de cette époque prenait forme principalement à l’intérieur de la maison (Edwards, 2006). Autrefois appelé craft domestique, cette pratique était associée à l’image idéalisée de la femme au foyer qui, grâce à sa touche féminine, c’est-à-dire sa créativité et ses habiletés en couture, en broderie et en cuisine, arrivait à transformer la maison en un confortable chez-soi (Hackney, 2013). Par ailleurs, ces activités permettaient aux femmes de développer plusieurs des vertus associées au travail de minutie, telles que la diligence, la patience ainsi que la persévérance (Edwards, 2006). Tout en répondant aux besoins essentiels de la maison, la pratique du DIY représentait un moyen d’expression artistique ainsi qu’un passe-temps permettant à plusieurs de ces femmes au foyer de se divertir (Edwards, 2006). Pour certaines d’entre elles, cette pratique était également une façon de rehausser le statut social du ménage (Edwards, 2006). Alors que les femmes de la classe ouvrière voyaient le DIY comme un loisir ou un travail de maison convivial, celles de la classe moyenne y voyaient un moyen d’améliorer leur statut en tant qu’expertes qualifiées (Hackney, 2013). Cette pratique, qui était associée à la création d’objets décoratifs grâce aux travaux manuels de couture et de broderie, était référencée sous le terme de soft DIY (Edwards, 2006).

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Puis, l’avènement de la Première Guerre mondiale apporta son regain d’engouement pour la pratique du DIY. La période de l’entre-guerre permit au DIY de prendre de l’ampleur, notamment chez les hommes, en forgeant leur identité domestique (Gelber, 2000). Cette pratique masculine du DIY, qui concernait surtout les projets structurels comme les réparations et améliorations du domicile, était généralement référencée sous le nom de hard DIY (Edwards, 2006). Ces activités d’entretien et de réparation des maisons étaient considérées comme un loisir sérieux (serious

leisure), permettant à la fois de distancer cette pratique de celle de arts and crafts des femmes et

de lui insuffler une forme de prestance (Gelber, 2000).

De leur autre côté, les femmes étaient amenées à consulter plusieurs magazines de décoration d’intérieur et de travaux de la maison qui leur étaient destinés et qui firent leur apparition dans les années 1920 et 1930 (Hackney, 2006). Ils représentaient un moyen pour ces femmes de s’informer sur les dernières tendances et leur permettaient de rêver à une maison qui répond à leurs désirs. Sentant l’autodétermination de leurs lectrices, ces magazines les considéraient comme principale partie prenante des décisions de la maison et leur proposaient des projets plus impliquant et demandant (Hackney, 2006). S’ensuivit alors une autonomisation des femmes par le DIY. Dès le milieu des années 1930, les femmes sont de plus en plus incluses à la pratique du hard DIY. Elles apprennent à ne plus uniquement dépendre des hommes et à utiliser des outils comme le marteau (Gelber, 2000). Leur implication dans les projets liés au domicile prend de l’ampleur. Toutefois, leur pratique reste encore généralement associée à l’embellissement de la maison, avec la pose de papier peint, la coloration des planchers et la modernisation de meubles par exemple (Hackney, 2006), plutôt qu’à sa structure comme telle. Malgré l’implication de plus en plus proéminente des femmes dans les travaux de la maison, l’homme est encore considéré comme le principal bricoleur (handyman), alors que la femme occupe la place de l’assistante-bricoleur (Gelber, 2000).

Dès la fin des années 1930, la Deuxième Guerre mondiale raviva encore une fois la pratique du DIY auprès de la population. Alors que les temps étaient durs, le Gouvernement de l’Angleterre encouragea ses citoyens à recycler et réparer leurs produits pour participer à l’effort de guerre en minimisant le gaspillage de matériel et préservant les ressources (Atkinson, 2006). Dans cet élan du British self-help movement, les citoyens britanniques étaient alors encouragés à devenir autosuffisants, notamment par le DIY, une pratique grandement valorisée du point de vue social en cette période qui suivait la crise économique (Atkinson, 2006). Vers la fin de 1941, alors que les États-Unis prennent officiellement part à la Deuxième Guerre mondiale, les femmes sont amenées à prendre la place des hommes, autant dans les usines qu’au foyer, enlevant alors tout doute sur l’importance de leur implication (Gelber, 2000).

Puis, conséquemment aux Première et Deuxième Guerres mondiales, plusieurs maisons furent détruites, ce qui entraîna une forte demande de réparation des logements. Comme plusieurs

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réparateurs avaient été décimés pendant la guerre, les citoyens n’avaient d’autres moyens que de retrousser leur manche pour rebâtir leur logis (Atkinson, 2006). Le DIY représentait alors une des solutions aux problèmes de crise du logement, de pénurie de meubles et du manque de réparateurs qui survint à la fin de la Deuxième Guerre mondiale (Jeacle, 2017). Les citoyens étaient alors amenés à ne dépendre que de leurs habiletés plutôt que de celles des professionnels afin de rebâtir leur chez-soi. En effet, le DIY représentait encore une fois la solution parfaite pour les propriétaires de maisons qui faisaient face au problème du coût élevé de la main-d’œuvre. Cette pratique leur fournissait les connaissances nécessaires pour faire les travaux eux-mêmes tout en leur permettant d’économiser (Jeacle, 2017). À cet effet, l’arrivée de la télévision dans les foyers, autour des années 1950, aida grandement à promouvoir le DIY dans l’Angleterre tout entière. Propulsé par les médias, le gouvernement d’Angleterre misa sur le fait de redorer l’image du DIY en cette période d’après-guerre. Désirant briser le stigma du DIY comme un moyen pour les gens à faible revenu de se procurer biens et services, cette pratique était alors promue comme une façon de faire sa part en tant que citoyen (Atkinson, 2006).

Malgré l’engouement créé pour le DIY dès 1945, il a fallu attendre jusqu’au tournant des années 1950 pour que le terme du Do-It-Yourself se popularise enfin en Angleterre ainsi qu’ailleurs dans le monde (Jeacle, 2017 ; Watson et Shove, 2006). Même si l’apparition de l’expression remontait jusqu’à 1912, ce n’est que durant les années 1950 que le Do-It-Yourself fut abondamment utilisé, qualifiant cette période de l’ère du Do-It-Yourself par les médias (Gelber, 2000). C’est d’ailleurs aux alentours de cette époque que l’acronyme « DIY » fit son apparition en Angleterre (Watson et Shove, 2006). Un schéma similaire se produit en Amérique du Nord, plus particulièrement aux États-Unis. En effet, même si l’expression Do-It-Yourself est apparue au début du 20e siècle dans les publicités américaines, c’est seulement à partir des années 1950 que ce terme se popularisa aux États-Unis (Watson et Shove, 2006). En 1954, le DIY faisait déjà la une du journal Time

Magazine (Fox, 2013). Peu de temps après, la pratique du DIY s’est étendue à plusieurs pays à

travers le monde (Fox, 2013).

C’est également à cette époque que la pratique du DIY évolua en passant de la nécessité financière à un passe-temps populaire (Jeacle, 2017). Les gens ne faisaient plus du DIY par obligation, mais bien par choix. Atkinson (2006) explique que cette transformation prit notamment naissance avec la génération des baby boomers, qui n’avaient pas les habiletés manuelles de leurs parents, ainsi que la production mondiale de biens de consommation à des prix dérisoires. Par exemple, il devenait moins cher d’acheter un nouveau vêtement à la mode plutôt que d’essayer de réparer par soi-même celui brisé. Ainsi, au fil des décennies, l’engouement pour cette pratique évolua jusqu’à devenir un loisir pratiqué par des individus appartenant à toutes les classes sociales. Les praticiens, qui continuaient à faire de la poterie ou à tisser, par exemples, étaient alors amenés à pratiquer le DIY comme une activité créative permettant l’expression de soi (Campbell, 2005).

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Ces derniers y découvrent une façon d’améliorer leurs conditions de vie tout en établissant un statut et une identité à travers cette pratique devenue récréative :

In summary, while the preconditions for Britain’s contemporary obsession with DIY were formed from numerous historical strands from the 19th century Arts and Crafts movement to the self sufficient mentality of the Second World War years, the 1950s marks the era in which the activity of DIY became a more permanent feature of the nation’s passtime pursuits and cultural psyche (Jeacle, 2017, p. 107).

Le tournant des années 1950 représente un point culminant dans l’histoire du DIY, autant en Angleterre qu’aux États-Unis. Suite à la Deuxième Guerre mondiale, les individus désiraient bâtir un monde meilleur et le DIY leur ouvrait des portes. Les praticiens du DIY y trouvaient une forme de plaisir et d’expression artistique (Campbell, 2005). Après la motivation économique, qui remontait à l’époque de la nécessité financière, ces deux motivations furent parmi les premières à être documentées dans la littérature. Elles ont formé la base de plusieurs des écrits à ce sujet (Williams, 2004, 2008 ; Williams et al., 2012 ; Wolf and McQuitty, 2011). De plus, même si le DIY est une pratique plutôt solitaire, l’apparition de regroupements de femmes pratiquant ces activités a permis de donner la place à une nouvelle forme de socialisation (Edwards, 2006). La pratique du DIY est aussi associée à tout ce qui est en lien avec la réparation d’objets, la remise à neuf ou la transformation d’objets de la maison. Ces activités représentent encore aujourd’hui la base même du mouvement du Do-It-Yourself.

1.2 Le Do-It-Yourself au 21

e

siècle

Il existe bel et bien une forme de continuité entre les activités de arts and crafts réalisées par les femmes des 18e et 19e siècles, les travaux de réparation de domicile faits par les hommes durant la période d’après-guerre et la pratique du DIY actuelle. Certaines des caractéristiques du DIY, comme l’ingéniosité, l’autosuffisance et le fait d’entreprendre des projets, sont des caractéristiques originaires du savoir-faire des femmes et des hommes de l’époque (Edwards, 2006) et qui sont encore présentes dans la pratique d’aujourd’hui. Après tout, la pratique du DIY n’a jamais arrêté et ne disparaîtra jamais (Garber, 2013 ; Solomon, 2013). Tel que présenté dans la précédente section, celle-ci ne fait qu’évoluer en fonction des périodes qui ont marqué son histoire.

Le mouvement du DIY change en fonction des aspirations de ses praticiens. Pour certains d’entre eux, le DIY signifie bien plus qu’un simple loisir créatif. Que ce soit du point de vue des activistes (Garber, 2013 ; Solomon, 2013), des consommateurs responsables (Observatoire de la consommation responsable [OCR], 2015 ; Salvia, 2016) ou des Makers (Dougherty, 2012), le DIY peut représenter un moyen de se détacher du modèle capitaliste de consommation afin de se tourner vers une fabrication personnelle ayant le potentiel de s’inscrire dans une approche de

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production et consommation qui se veut différente et contrôlée. Parmi les différentes formes spécifiques du DIY, il est possible de retrouver le DIY activiste, le RE-DIY et les Fab Labs. Ces trois exemples montrent comment la pratique du DIY a évolué pour mieux représenter les considérations de ses praticiens d’aujourd’hui.

1.2.1 Le DIY activiste comme résistance politique et sociale

Il existe une forme d’activisme présente au sein du mouvement du Do-It-Yourself et qui est appelée

craft activism, ou de sa version écourtée issue de la contraction des deux termes, craftivism

(Solomon, 2013). Ce mouvement émergea au début du 20e siècle avec l’apparition du concept de professionnels et, par le fait même, de son concept antinomique d’amateur (Solomon, 2013). Dans cette tentative de hiérarchisation du marché, les amateurs commencèrent à associer la fabrication des objets qu’ils faisaient par eux-mêmes à une forme de résistance face aux professionnels les opposant. En effet, le mouvement du craftivism rassemble les principes d’une production personnelle et d’un détournement du marché traditionnel en envisageant le DIY comme un moyen de se procurer des biens autrement que par un acte d’achat et de dépendance aux professionnels. En optant pour le craftivism, ses praticiens choisissent de volontairement tourner le dos aux entreprises en fabriquant eux-mêmes les produits de leur consommation (Garber, 2013). En effet, la consommation de produits faits main est souvent associée à un choix éduqué et faisant preuve de discernement alors que la consommation de produits fabriqués en série souligne et contribue à un état d’aliénation généralisé (Campbell, 2005). Le DIY représente alors une forme de résistance face aux effets d’aliénation promus par la société contemporaine (Watson et Shove, 2006) et permet de résister au consumérisme, à la société d’hyperconsommation et de commercialisation des produits (Garber, 2013). La définition suivante permet d’expliquer l’ancrage de ce mouvement :

Craft activism is a species of do-it-yourself (DIY) culture that is tied to using available resources to create something to share with others. The roots of DIY are in using lo-fi, available resources, and in people crossing the boundary between consumption and creation to exchange ideas, information, images, music, or goods (Garber, 2013, p. 55).

Le craftivism, ou ce que Kohtala (2017) appelle critical making, représente alors une forme de résistance politique et sociale face à la consommation de masse, au capitalisme et à l’homogénéisation de la culture que promeuvent les entreprises (Solomon, 2013). Cette forme spécifique du DIY s’oppose à ce que la société moderne promeut : « Alors que le capitalisme, avec sa quête incessante de profits, est devenu le principal modèle économique, la culture du consumérisme s’est avérée nécessaire pour le soutenir » (Leonard, 2010, p. 225). Ainsi, tout comme les économies de partage et d’échange, le DIY activiste s’inscrivant dans le mouvement du

craftivism est un moyen que ses praticiens utilisent pour se détourner du consumérisme dominant

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représente une contestation du matériel et de l’idéologie des piliers du capitalisme en recommandant un retour à une économie avant le capitalisme (Dujarier, 2015).

Comme visée plus large, ce modèle de consommation alternatif cherche également à renforcer l’esprit de communauté. En plus des retombées matérielles que le craftivism apporte grâce à la fabrication par soi-même, cette pratique permet de développer des habiletés de mentorat, de construire une communauté et de contribuer à l’autonomie personnelle des individus impliqués (Garber, 2013). Tentant de créer un changement au sein de la société, ce mouvement positionne ses individus comme des citoyens réfléchis dans une démocratie participative en misant sur l’échange de connaissances et d’informations (Garber, 2013). Le craftivism est donc un moteur de changement social. Cette forme du DIY permet aux praticiens adhérant à sa communauté de mettre en application des exemples concrets de changement (Hackney, 2013). Par exemple, Hackney (2013) explique toutes les significations que le tricot peut représenter, notamment pour les praticiens du DIY activiste : « Knitting, for instance, has become a valid and effective means to critique capitalism, protest against war, peak oil, and exploitative labor practices, and forge alternative identities, communities, and ways of living » (p. 170). Ainsi, en utilisant des connaissances de DIY comme le tricot, les praticiens qui adhèrent au craftivism sont en mesure de dénoncer les pratiques sociales, comme la guerre ou l’exploitation par le travail, qui vont à l’encontre de leurs aspirations.

Pour parvenir à mettre en application les principes du craftivism, les praticiens vont souvent être amenés à recycler et réutiliser afin de créer sans consommer (Garber, 2013). Cette forme remonte au fait que les femmes d’autrefois avaient l’habileté de réutiliser des objets, de créer des choses à partir de rien et même de tirer le meilleur des ressources qui leur étaient disponibles (Hackney, 2013). Par exemple, les femmes pouvaient être amenées à réparer les vêtements de leur famille, plutôt que d’en acheter des nouveaux, ainsi qu’à recycler et adapter les morceaux déjà en leur possession (Hackney, 2013). Ces principes de recyclage, de récupération et de réparation s’apparentent à une autre forme de DIY qui s’est distinguée. Cette fois-ci, au lieu d’utiliser le DIY comme action politique, la pratique s’est adaptée afin d’inclure les considérations environnementales, sociales et éthiques de ses praticiens.

1.2.2 Le RE-DIY comme engagement environnemental

Avec un engouement croissant des citoyens pour la préservation de l’environnement et la réduction des déchets, la pratique du DIY s’est adaptée en fonction des préoccupations de ses praticiens. C’est notamment le cas du RE-DIY, une branche spécifique du DIY qui se définit par la réutilisation, la récupération, le recyclage ainsi que la réparation de produits existants afin d’en prolonger leur durée de vie (Salvia, 2015, 2016 ; Salvia et Cooper, 2016). Son apparition concorde avec la fin des

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années 2000 où un intérêt renouvelé envers le DIY marqua l’émergence d’une nouvelle ère pour cette pratique (Salvia, 2015). N’étant plus uniquement limité à la création d’objets matériels et à la rénovation du domicile, ce changement de paradigme vit naître les premières formes du RE-DIY (Fox, 2013 ; Savia, 2015). En s’élargissant à la création, transformation et réparation d’objets existants, le RE-DIY permet de faire coïncider la montée en popularité du DIY avec les objectifs de développement durable qui se sont imposés dans les sociétés en permettant le développement personnel des praticiens, l’autonomisation des communautés et la réduction des déchets (Salvia, 2015). En effet, le RE-DIY évite la fabrication de produits à partir de matériaux neufs (Salvia, 2016). Grâce au recyclage, il devient intéressant d’envisager la consommation non pas comme un processus linéaire, mais bien comme la circulation de produits d’une personne à une autre, permettant ainsi de prolonger le cycle habituel de production-consommation des objets (Guillard et Roux, 2014). Ainsi, le RE-DIY qui permet de sauver des objets en fin de vie et de générer un impact économique et social potentiellement positif se définit comme suit :

[T]his contemporary self-production phenomena as a "window of opportunity" to foster positive environmental and social impact, through activities intended to prolong product lifetimes, e.g. re-using, re-pairing, re-purposing and re-appropriating – collectively named RE-DIY (Salvia et Cooper, 2016, p. 15).

Les praticiens du RE-DIY sont amenés à utiliser des objets qui arrivent en fin de vie, c’est-à-dire qui ne sont pas utilisés ou qui sont simplement mis de côté (Salvia, 2015). À cet effet, les objets utilisés pour le RE-DIY sont souvent récupérés de bacs, donnés par des gens de l’entourage, trouvés dans des ventes d’objets seconde-main ou même réutilisés à la maison (Salvia, 2016). Cette pratique demande donc peu de nouvelles ressources et permet d’augmenter la personnalisation des produits créés (Salvia, 2016). Le RE-DIY s’inscrit dans une optique de prolonger la durée de vie des produits utilisés, mais également de renforcer la relation consommateur-produit (Salvia et Cooper, 2016). En effet, en fabriquant des objets par soi-même, le praticien est amené à développer une meilleure compréhension de l’objet et à vouloir davantage l’entretenir sur le long terme (Salvia et Cooper, 2016 ; Marchand et Walker, 2008).

Les nombreux sites Internet, tutoriels et plateformes d’échange d’idées et d’instructions dédiés à donner les moyens aux praticiens qui désirent réparer leurs produits défectueux contribuent à rendre accessible la pratique du RE-DIY (Fox, 2013 ; Salvia et Cooper, 2016). C’est également le cas des cafés-réparations (Repair Cafés), des lieux d’entraide et de partage où les praticiens sont amenés à apporter des objets qu’ils souhaitent réparer (Dagenais, 2016). Avec la vision que le RE-DIY promeut, cette forme de RE-DIY peut s’inscrire comme un style de vie ou comme une façon de remettre en question les habitudes de consommation de ses praticiens (Salvia, 2016). La popularité grandissante de ce mouvement, autant sur le plan social que scientifique, souligne le besoin d’étudier davantage l’impact environnemental du DIY à travers les technologies, les matériaux ainsi

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que la pratique des praticiens (Kohtala et Hyysalo, 2015). Bien que le RE-DIY puisse se pratiquer sans l’utilisation de technologies avancées, certains praticiens choisissent plutôt d’orienter leur pratique du DIY en fonction des outils de prototypage rapide qui sont de plus en plus disponibles et accessibles sur le marché.

1.2.3 Le DIY dans les Fab Labs comme outil de démocratisation de la fabrication

Bien que le DIY repose à l’origine sur la fabrication manuelle que sous-entend l’expression

handicraft (Jeacle, 2017), la fabrication personnelle d’aujourd’hui implique bien souvent l’utilisation

d’outils informatisés (Kohtala et Hyysalo, 2015). Avec le développement des nouvelles technologies, le DIY a su se tailler une place dans ce créneau en pleine émergence. Prenant sa place au sein des Fab Labs, ces laboratoires dédiés à la fabrication de produits grâce aux outils de prototypage rapide, le DIY rejoint une communauté de praticiens orientée vers l’utilisation de technologies. Depuis leur émergence en 2002, les Fab Labs font partie d’un réseau international affilié au Center for Bits and Atoms (CBA) du Massachusetts Institute of Technology (MIT), l’endroit où est née l’idée d’offrir aux praticiens un espace pour créer (Kohtala, 2016). Ils sont également associés au Maker Movement, un mouvement qui est apparu en 2005 avec la publication du magazine Make par Dougherty (2012). Ayant une vision similaire à celle des Fab Labs, ce mouvement permet de rassembler, sous une même plateforme collaborative de création et de résolution de problèmes, tous les gens qui conçoivent et fabriquent des produits (Dougherty, 2013). En réponse à l’engouement pour la revue, un premier Maker Faire est apparu un an plus tard en ayant comme objectif de permettre à ces praticiens, aussi connus sous le nom de Makers, de se rencontrer et d’échanger lors d’un évènement (Dougherty, 2012). Cette idée s’est rapidement propagée en mini-maker faires dans différentes villes de l’Amérique du Nord ainsi qu’en espaces de travail dédiés (maskerspaces) dans les communautés, les entreprises et les écoles (Dougherty, 2012 ; Peppler et Bender, 2013).

Cet intérêt dans la fabrication de choses par soi-même correspondait avec l’émergence et l’accessibilité grandissante à des outils de fabrication numérique, des logiciels de modélisation et de bibliothèques de modèles 3D (Kohtala et Hyysalo, 2015 ; Mota, 2011). Barros et Zwolinski (2016) vont même définir ce type de fabrication personnelle comme étant la fabrication d’un produit grâce à l’utilisation d’un ordinateur, de données numériques et d’une imprimante 3D permettant la réalisation d’un objet solide. Les Fab Labs sont munis d’outils de prototypage rapide comme des imprimantes 3D, des découpeuses laser et des machines-outils à commande numérique (computer-numeric controlled (CNC) mills) (Mota, 2011). Ces technologies permettent de déplacer les frontières entre les compétences des utilisateurs et ce que peuvent fournir les outils. En effet, l’utilisation de ces outils permet de rendre possible la réalisation de projets qui auraient autrement été inconcevables pour les praticiens (Salvia, 2015).

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Bien que les espaces de travail Fab Labs ou makerspaces aient une orientation hautement technologique, il n’est pas rare de voir des praticiens sans bagage technique les fréquenter (Camburn et al., 2015). Ces espaces de travail, qui visent à fournir les installations nécessaires à la fabrication d’objets par soi-même, permettent à leurs utilisateurs de partager habiletés, connaissances et idées de projets avec d’autres praticiens passionnés du DIY (Salvia et Cooper, 2016). Cette tendance a mené à de nombreuses initiatives et à l’émergence de réseaux favorisant l’échange d’informations et le partage de connaissances afin de contribuer à une société davantage axée sur l’esprit de communauté (Salvia et Cooper, 2016). En effet, le développement de communautés axées sur l’entraide et le partage d’idées de projets, de designs et de tutoriels a contribué à l’émergence de nombreux Fab Labs et à la popularisation du mouvement des Makers (Camburn et al., 2015). Avec l’accès à des outils de fabrication numérique de plus en plus facilité, la fabrication personnelle pourrait bien devenir une alternative à la consommation de masse pour de nombreux citoyens et non plus uniquement pour les praticiens du DIY novateurs ayant déjà recours à ces espaces de travail (Kohtala, 2017).

Selon Kohtala (2017), la fabrication personnelle en Fab Labs n’est pas une forme d’artisanat ni une forme de fabrication industrialisée, c’est une relation qui se crée entre le design numérique et la réalisation matérielle. Selon Ritzer (2014), les consommateurs sont impliqués dans la production matérielle de ce qu’ils consomment et cette approche va bien au-delà des délibérations sur le produit fini. En effet, la fabrication représente pour le praticien une multitude d’interactions avec des technologies nouvelles, des matériaux, des objets, d’autres praticiens et même avec soi-même lors du processus d’apprentissage (Kohtala, 2017). Ce processus de fabrication nécessite l’apprentissage de connaissances et d’habiletés afin de décider quoi faire, comment le faire et pourquoi le faire (Kohtala, 2017). La pratique du DIY dans les Fab Labs peut faire partie d’une révolution industrielle qui remet en question les réseaux de distribution conventionnels et libère le plein potentiel de ses praticiens (Kohtala, 2015, 2017). Grâce à l’accessibilité de la fabrication avec les Fab Labs, les praticiens sont libres de fabriquer tous les objets qu’ils souhaitent.

Dans ce contexte d’exploration des nouvelles technologies, l’impact environnemental des projets réalisés demeure toutefois questionnable (Kohtala et Hyysalo, 2015). Contrairement aux mouvements du DIY activiste et du RE-DIY qui préconisent la réutilisation et le recyclage, la pratique du DIY en Fab Labs est quelque peu différente. Ces machines de prototypage rapide nécessitent des entrants, comme de l’énergie et des matériaux souvent neufs, et génèrent des extrants, comme des produits finis et des déchets (sous-produits) de fabrication (Barros et Zwolinski, 2016 ; Faludi et al., 2015). En comparaison avec un processus de fabrication industriel où les entrants sont généralement optimisés et les extrants sont minimisés, il serait pertinent de réaliser une analyse de cycle de vie (ACV) afin d’apporter un éclairage sur l’impact environnemental occasionné par ces deux processus (Faludi et al., 2015). Ce questionnement

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soulève l’intérêt de chercheurs qui tentent de comprendre comment ces enjeux environnementaux sont considérés dans la pratique du DIY en Fab Labs (Barros et Zwolinski, 2016 ; Kohtala, 2013, 2015, 2017 ; Kohtala et Hyysalo, 2015). Toutefois, les quelques études qui se sont intéressées à ces enjeux parviennent à des résultats contradictoires (Barros et Zwolinski, 2016 ; Faludi et al., 2015). En effet, certaines études concluent que la fabrication personnelle à l’aide d’outils numériques occasionne moins d’impacts environnementaux en comparaison avec la fabrication industrielle (Agustí-Juan et Habert, 2017 ; Kreiger et Pearce, 2013) alors que d’autres obtiennent des résultats opposés ou plus nuancés (Agrawal et Vinodh, 2019 ; Faludi et al., 2015). Étant un sujet encore débattu à l’heure actuelle, le DIY dans les Fab Labs ne peut être considéré que comme un autre des moyens employés par les praticiens pour exercer leur pratique et mettre de l’avant l’utilisation des nouvelles technologies.

1.2.4 D’une diversité de pratiques à une variété de termes

Afin de mieux comprendre les formes spécifiques de DIY que sont le craftivism, le RE-DIY et le DIY dans les Fab Labs, le tableau 1 ci-dessous résume ce qui les définit respectivement en offrant une courte définition et une description du type de pratiques s’y rattachant.

Tableau 1 : Définition des formes spécifiques de DIY et de leur pratique du DIY

Formes de DIY Définition Pratique du DIY

Craftivism Dénoncer des pratiques politiques et sociales en évitant l’économie capitaliste et en contribuant au renforcement de la communauté.

Créer sans consommer : • Réutiliser

• Réparer • Réapproprier RE-DIY Générer un impact environnemental et

social positif en augmentant la durée de vie des produits et en renforçant la relation usager-objet . Activités de RE- : • Réutiliser • Réparer • Revaloriser • Réapproprier DIY dans les

Fab Labs

Démocratiser la réalisation de produits en facilitant l’accès à des outils de fabrication numérique et au partage de connaissances.

Fabriquer en fonction des outils : • Imprimante 3D

• Découpeuse laser

• Machine-outil à commande numérique (CNC)

Les trois formes de DIY précédemment présentées, à savoir le craftivism, le RE-DIY et le DIY dans les Fab Labs, illustrent comment la pratique du DIY s’adapte aux considérations de ses praticiens et au contexte social dans lequel ils évoluent. Les différentes façons possibles de s’approprier le DIY montrent qu’il existe une panoplie de variantes à cette pratique. Cette variété des pratiques se

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reflète également dans la diversité des termes qui existent pour nommer et décrire cette pratique, montrant par le fait même les différentes nuances de cette dernière.

Tel qu’abordé lors des sections précédentes, la pratique du DIY peut prendre plusieurs appellations comme Making (Dougherty, 2012), distributed production (Kohtala, 2015) et personal fabrication (Barros et Zwolinski, 2016). Ces appellations sous-entendent toutefois une approche liée à l’utilisation de technologies et d’outils de prototypage rapide. Il est également fréquent de voir la pratique du DIY associée à celle du craft, comme c’est le cas pour le craftivism (Garber, 2013 ; Solomon, 2013), ou plus largement à celle du arts and crafts, comme l’a montré le portrait historique (Edwards, 2006). Cependant, il a été montré que ce dernier mouvement se distinguait bien de ce que la pratique du DIY représente, encore plus dans une perspective actuelle. Ainsi, tout comme il est difficile de traduire l’expression du DIY en français (voir section 1.1), les autres termes spécifiques qui sont apparus ne permettent pas de transmettre aussi justement tout ce que la pratique du Do-It-Yourself englobe aujourd’hui.

Par ailleurs, la variété des termes et des pratiques du DIY fait en sorte qu’il existe une multitude de définitions qui tentent de définir cette pratique. Malgré les nuances de chaque expression, tous ces termes ont en commun le fait qu’ils décrivent une pratique qui représente une forme de production et de consommation par et pour le praticien.

1.3 Les définitions du DIY

La multiplication des termes pour caractériser la pratique du DIY s’explique par la diversité des pratiques qui existent et qui sont le fruit de son évolution historique et sociale. S’inscrivant dans la perspective disciplinaire du design de produits, la présente recherche s’est également ouverte à d’autres disciplines d’étude pour obtenir un portrait plus juste et plus complet du DIY. En effet, comme le design s’avère être un domaine de recherche relativement jeune et en pleine croissance (Cross, 2007), les recherches abordant le DIY y sont très limitées. Par ailleurs, toutes disciplines confondues, le sujet du DIY reste encore peu étudié dans la littérature scientifique (Atkinson, 2006 ; Collier et al., 2020). Toutefois, en élargissant les horizons disciplinaires de cette pratique, il est possible d’obtenir un portrait riche et global, car comme la recension des écrits présentée plus haut a pu le démontrer, la pratique du DIY ne se limite pas à une seule discipline. Appartenant à différents horizons disciplinaires, certains chercheurs se sont intéressés au DIY, notamment en s’attardant à définir ce que cette pratique signifie selon leur domaine d’étude respectif (Campbell, 2005 ; Collier et Wayment, 2018 ; Kohtala, 2015 ; Watson et Shove, 2005, 2008 ; Wolf et al., 2015 ; Wolf et McQuitty, 2011). Leurs approches distinctives, s’inscrivant principalement dans les disciplines du design, mais également dans celles de la consommation, du marketing et de la psychologie, sont présentées ci-dessous. Celles-ci mettent en lumière les définitions ayant été

Figure

Tableau 1 : Définition des formes spécifiques de DIY et de leur pratique du DIY
Tableau 2 : Valeurs promues par des mouvements sociaux pro-environnement apparentés à la  pratique du DIY
Tableau 3 : Critères sélectionnés issus des approches de consommation responsable pouvant  contribuer à la définition du DIY responsable
tableau  4  ci-dessous  permet  de  faire  la  synthèse  des  aspects  pouvant  être  associés  au  DIY  responsable pour chacune des sources considérées dans les sections précédentes
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